Un monde de blanc

By BrindIf

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Après la destruction du mur Maria, le gouvernement décide de procéder à une reconquête du territoire. En plei... More

Chapitre 2. Au clair de la lune
3. Quelque part au milieu de rien
Chapitre 4. Sans un regard
Chapitre 5. L'enfer ensemble
Chapitre 6. Les revenants

1. Départ et tempête

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By BrindIf

Nous étions douze. Seuls trois d'entre nous rentrèrent.

Là où il n'y a rien. Là où le ciel pour seul horizon et le blanc à l'infini se confondent. Nos souffles quelque part, et le murmure des nuages.

Le froid.

Un froid intense, et qui épuise, peu à peu, toute chaleur, toute vie, tout élan. Puis plus rien.

Cette expédition fut loin d'être la pire, mais ce fut peut-être la seule ou pour la première fois, je sentis la mort rôder sous ma peau. Quelque chose d'impalpable et pourtant rêche, qui use et qui dit « je viens te chercher. »

Quoi qu'il arrive et quoi qu'il advienne de nous, ce monde a imprégné mes os et chaque fibre de mes muscles pour se graver dans ma tête avec la force d'une promesse. Celle de la beauté et du néant.

Un monde de blanc.

***

« Petra. »

– Oui Caporal ?

– Vérifie le matériel, et tâche de bien graisser les équipements. À la moindre casse ce sera pour notre pomme.

– Oui Caporal !

Elle était docile, solide et pourtant douce. Un petit soldat obéissant et sévère, plus envers elle-même qu'envers les autres. Sous son joli minois, Petra Rall était pourtant une vraie boule de nerfs. Un peu comme lui. Intelligente, perspicace, énergique au point de ne plus savoir quoi faire de sa force, elle avait la tête droite et l'œil brillant, avec dans les traits ce petit quelque chose qui frôlait l'obstination. Lorsqu'il arrivait que leur sang danse autour d'elle, elle souriait. Elle n'avait pas peur.

– Caporal chef !

– Quoi encore ?...

– Les chevaux sont sellés et les provisions sécurisées. Mais les... civils sont toujours réticents à partir.

Et il y avait de quoi.

– Je vais en toucher deux mots à Erwin.

– Et moi qu'est-ce que je dois faire ?

– Va aider Petra et vérifie que tout soit en ordre. Dans une heure, motivation ou pas, on est parti.

– Bien Caporal !

Ce grand dadet avec un air dramatique, c'était Auro. Une tête de con, plutôt prétentieux et souvent à côté de la plaque, mais franchement pas mauvais, et au moins aussi tenace que dix bons soldats. Il n'avait ni la niaque, ni la finesse d'esprit de Petra, mais il canalisait une force tranquille on ne peut plus efficace, et s'il s'était pissé dessus la première fois, désormais, lui aussi il souriait face à eux.

Ses premiers hommes. Ses premiers soldats sous ses ordres. Une charge plus qu'autre chose, une fierté aussi.

***

Après l'apparition du titan colossal et la destruction du mur Sina, le territoire des hommes diminua d'un tiers pour une densité de population qui doubla presque. À l'approche de l'hiver, nos ressources n'étaient plus suffisantes, les épidémies menaçaient, et les conditions sanitaires diminuaient de jour en jour. Nombreux étaient ceux qui avaient survécu. Trop nombreux même. Entre le mur Maria et le mur Rose, il n'y avait pas de place pour eux.

Je voyais leurs yeux, leurs regards creux, fatigués, résignés pour certains. La colère, la peur surtout qui imprégnait leurs traits, leurs membres trop maigres et leurs joues creuses. On les logeait comme on pouvait, on les nourrissait à peine, on les faisait travailler comme des bêtes pour défricher les terres non cultivées. Ils avaient froid, ils avaient faim, alors il fallait faire quelque chose.

J'ignore qui avait pris cette décision – ou je ne m'en souviens plus peut-être. Reconquérir le territoire perdu. Franchir la barrière qui nous séparait des titans pour récupérer les terres qu'ils nous avaient prises. C'était absurde. Le projet fut accepté. Officiellement pour la gloire de l'humanité, officieusement pour réduire le surplus de population. C'était cruel, presque inhumain, terriblement nécessaire aussi, et c'est sans doute à cause de cela que les bataillons d'exploration décidèrent à l'unanimité de superviser une partie de l'opération. Parce qu'aller droit au suicide, ça au moins, nous en avions l'habitude.

***

– Tu fais un discours.

Ce n'était pas une question, et le petit homme à ses côtés leva vers lui un regard agacé, légèrement hostile. Ce genre de regard qui dit : « fais ton boulot. »

– Toi ils t'écouteront » ajouta Livaï en s'éloignant. « Et arrange-toi pour qu'ils bougent leurs fesses. »

Ils étaient plusieurs centaines, des hommes surtout, plus vieux que jeunes, répartis sur plusieurs garnisons qu'on préparait depuis plusieurs semaines déjà. Vivres, soins, ravitaillement. Il faudrait en rapatrier là-bas un maximum, les répartir dans les villages les plus proches, sécuriser les alentours et faire en sorte qu'ils s'installent dans le laps de temps le plus bref. Et ainsi de suite, étape par étape. Leur rôle à eux : éliminer tout ce qui se présenterait. Des centaines de titans rôdaient là-bas, il faudrait qu'ils les abattent les uns après les autres tout en protégeant les civils. Absurde.

Reconquérir le territoire était une nécessité, mais il aurait fallut le faire à petites doses, par expéditions régulières et successives, professionnelles surtout. Résorber la brèche d'abord, pour empêcher les titans d'entrer davantage, éliminer ceux qui se retrouvaient alors piégés – ce qui prendrait des semaines et des dizaines de vie – et permettre ensuite aux populations de se réinstaller. Mais c'était trop long, et d'ici là, l'humanité aurait le temps de mourir de faim. En somme, ils mèneraient à la mort tout ce que le monde des hommes comptait de trop, en risquant leur propre vie pour oublier de quoi ils étaient en réalité responsables.

Comment motiver les troupes en sachant tout cela ?

***

On m'avait dit que le camp militaire n'était pas fait pour les femmes. Que j'aurais les moyens de vivre autrement, qu'une vie de famille me suffirait. J'avais simplement besoin de liberté.

Lorsque le vent soufflait des odeurs de sel et d'écorce dans les rues terreuses, lorsqu'il y avait dans le ciel cette profondeur insoupçonnée qui appelle le regard et nous murmure des rêves d'ailleurs, je me prenais à imaginer le monde extérieur. Son immensité. La liberté.

Intégrer les brigades d'exploration devint pour moi une évidence, et je sentais que mon destin se jouerait dans ce LÀ-BAS où j'avais logé mes espoirs les plus fous. Alors, lorsque je vis pour la première fois le monde se déployer sous mes yeux, du haut des murs, j'eus l'impression que j'avais toujours vécu pour cet instant, que quoi qu'il arrive, je ne regretterais rien.

Je venais à peine d'avoir seize ans, première de ma promotion, fière jusqu'au bout des ongles et prête à en découdre avec n'importe quoi. J'avais la possibilité de choisir le confort et le prestige des brigades spéciales, de combler ma famille et même de retrouver la possibilité de me marier, je choisis les bataillons d'exploration. Jamais le vent ne m'avait appelée si fort. Et ce fut sans doute pour ça qu'il me choisit.

J'avais entendu dire qu'il n'avait rejoint les bataillons qu'un peu plus d'un an auparavant, sans être passé par l'école militaire. Pourtant, il possédait une renommée hors du commun. Sa réputation ainsi que les rumeurs qui circulaient sur lui en amenaient déjà certains à le considérer comme le « soldat le plus fort de l'humanité ». Mais le fait est que trop peu d'entre nous l'avaient vu pour le confirmer, et je commençais bientôt à croire que l'existence de ce prodige n'était qu'une légende colportée par les bataillons d'exploration pour garnir leurs rangs.

Cette légende, je la vis pour la première fois le soir-même de mon admission. Sur une centaine de candidats, nous n'étions que six à les avoir rejoint. Le major Erwin ne semblait pourtant pas déçu, encore moins surpris. Il salua notre courage, dit que nous étions de véritables et valeureux soldats en plaçant son poing sur son cœur, tandis que deux de ses acolytes faisaient de même. Il y avait à sa gauche une femme, grande, avec des lunettes et des cheveux bruns. Elle semblait enthousiaste, beaucoup plus détendue que l'image que je m'étais faite des membres du bataillon, et avait l'œil pétillant. À la droite du major, enfin, se tenait un petit homme, un adolescent plutôt, à l'air peu commode. Il avait des cheveux très noirs, et une peau très pâle qui n'accentuait que trop bien les grandes cernes qui s'étaient creusées sous ses yeux. Et des yeux... perçants comme ceux d'un aigle, d'un gris acéré, clair, presque glacé. Il semblait aussi lugubre que la femme était joyeuse, et je déglutis en croisant son regard pour la première fois. C'était lui. La légende vivante dont on nous avait tant parlé. Il était plus petit que je l'avais imaginé, moins impressionnant, plus fin aussi, et pourtant, face à ses pupilles qui semblaient tout voir, je sentis mes jambes chanceler. Auro s'était mis à claquer des dents. Nous ne faisions plus les fiers.

Ce regard marqua ma première rencontre avec le caporal chef Livaï. Celui qui deviendrait aussi mon supérieur, et mon héros. Le seul que j'imaginais les vaincre une bonne fois pour toutes, puisqu'il était bel et bien le soldat le plus fort de l'humanité.

***

Le discours avait bien fonctionné, et encore une fois, les brillants talents d'orateur d'Erwin avaient su faire mouche là où la motivation faisait défaut. C'était bien.

Honnêtement, cette expédition était sans doute la plus absurde qu'il n'ait jamais menée, et rien qu'à l'idée de mener à leur mort des centaines de civiles qui n'avaient rien demandé à personne, Livaï eut la nausée.

À une dizaine de mètres, un vieil homme un peu courbé mit un vieux chapeau sur la caboche d'un garçonnet tout blond. Son petit fils peut-être. L'enfant ne disait rien, les yeux baissés et les lèvres closes. Il avait sans doute compris qu'il le verrait pour la dernière fois, et Livaï en eut la gorge serrée.

Parcourant la foule des yeux, qu'il constata qu'Erwin était déjà à cheval, accompagné d'Hanji et de Mike. Petra et Auro le rejoignirent, prêts à partir eux aussi : il ne manquait plus que lui pour compléter le cortège. En poussant un long soupir, Livaï réajusta sa cape – il faisait un froid de canard – et se frictionna les mains avant de se mettre en selle à son tour.

Le ciel était gris. D'un gris maussade et lourd qui donne envie de rester chez soi, balayant la terre d'un vent glacial qui pénétrait jusqu'aux os. Les heures à suivre s'annonçaient pénibles.

Est-ce qu'on survivra cette fois ? Lui avait demandé Petra avec une petite lueur d'inquiétude dans le regard.

« Je ne sais pas », avait-il simplement répondu.

« Mais je vous laisserai pas y passer. »

***

Malgré nos résultats brillants, Auro et moi ne faisions pas les fiers lors de notre première expédition.

Nous nous connaissions depuis suffisamment longtemps pour savoir que nous pouvions compter l'un sur l'autre, et c'est sans doute cette confiance qui nous sauva tous les deux. Je me souviens encore du visage baigné de larmes d'Auro qui geignait en marmonnant qu'il s'était pissé dessus. Moi aussi, mais je n'osai pas l'avouer...

Puis les expéditions s'enchaînèrent, beaucoup de soldats autour de nous y passèrent, mais nous, nous étions toujours là, et notre confiance augmenta avec l'expérience.

La fille aux lunettes vint nous trouver un jour avec le petit nerveux et le major Erwin. Tous les trois – ou plutôt deux d'entre eux et le troisième un peu en retrait – nous félicitèrent pour nos résultats et notre courage. Nous étions alors aux bataillons depuis un an. L'adolescent, ou plutôt l'homme aux cheveux noirs, s'approcha alors, et nous adressa pour la première fois la parole. Il venait de monter en grade, et désormais apte à posséder sa propre escouade, cherchait de bonnes, très bonnes recrues, pour former avec lui une équipe de soldats d'élite. Je crus qu'Auro allait tourner de l'œil. Pour ma part, et étrangement, je sus me contrôler, sans doute parce que je voyais dans ses yeux quelque chose de beaucoup plus humain que la première fois. Le doute, l'hésitation, mais aussi et surtout, une volonté inébranlable, une force qui me donnait des ailes, et qui me fit comprendre que s'il y avait un être, un seul, pour qui je pourrais consacrer mon existence, c'était bien lui.

Le caporal chef Livaï n'était pas bavard. Constamment sur la défensive, nerveux et agressif, il avait un langage direct et vulgaire qui creusait un étrange fossé avec le prestige de sa fonction, tout en le rendant plus accessible. Malgré le quotidien et les entraînements que nous partagions, nous ne savions presque rien de lui. Le peu que je connaissais, c'est Hanji qui me le souffla. J'appris ainsi que le caporal chef était de modestes origines, qu'il n'avait même pas de nom de famille, et avait été un brigand assez réputé au sein de la cité souterraine avant de rejoindre les bataillons d'exploration. Comment il avait vécu jusqu'alors, comment un voyou avait pu devenir le soldat d'élite qu'il était devenu, je l'ignorais.

Malgré son autorité, il n'était réellement exigeant que sur un point : la propreté. La moindre tâche, la moindre poussière laissée trainer nous valait les pires menaces et là, toutes les insultes y passaient. En dehors de cela, il nous laissait plus ou moins vivre nos vies pour ne superviser que les entraînements de groupe et la préparation de nos futures expéditions. Sa vie à lui n'avait quant à elle rien de palpitant. En dehors du thé noir et des chiffons qui lui servaient à faire le ménage, il n'aimait pas grand-chose, et je me demandais parfois s'il éprouvait réellement des sentiments. Il ne tombait jamais malade, ne montrait jamais de faiblesse, mais je savais qu'il faisait parfois des cauchemars. Il dormait rarement pendant les expéditions, guère plus de deux heures par nuit, et parfois, lorsque nous rentrions, il me semblait l'entendre hurler dans le noir. C'était là l'une des rares choses qui me le faisait voir comme un être humain.

***

L'énergie de la chevauchée et le vent dans ses cheveux lui firent du bien, et l'empêchèrent un peu de trop penser. S'il s'était désormais habitué au pincement au cœur et aux légères nausées qui précédaient chaque expédition, il devait pourtant cette fois affronter quelque chose de nouveau. L'amertume.

La plupart d'entre eux n'en reviendrait pas, c'était évident, et la sensation de les mener à la mort le taraudait.

C'était la garnison qui menait les civils et leur indiquait les manœuvres à suivre. Le bataillon n'avait quant à lui qu'un rôle d'éclaireur et de bouclier contre les titans. La pire des fonctions en somme.

Petra, Auro, Mike, Nanaba et lui étaient en première ligne. Les meilleurs au casse-gueule, mais ils avaient l'habitude. Aussi le premier titan ne tarda pas à se présenter. C'est Mike qui s'en chargea après avoir indiqué sa position. On évita le second, et comme le troisième était un déviant, Petra et Auro s'en chargèrent. La routine en sommes, mais avec des centaines d'âmes inexpérimentées sur le dos. C'était chiant.

***

C'était la première fois, depuis l'apparition du Titan colossal, que je revoyais les terres situées entre le mur Maria et le mur Rose. Quelques souvenirs revinrent, et les larmes me montèrent aux yeux en évaluant ce que nous avions perdu.

Bien sûr qu'il fallait les reprendre, bien sûr qu'il fallait avancer, nous arracher de nos conditions d'animaux en cage. Bien sûr. Mais à quel prix ?

Auro semblait content, nous avions bien fait notre travail, mais le Caporal semblait plus préoccupé que d'habitude. Inutile de se demander pourquoi. Des fumeroles noires montèrent soudain du front Est et nos mines s'assombrirent. Ça commençait déjà. Combien y étaient passés, nous l'ignorions, mais le signal vert d'Erwin nous indiqua la direction à prendre. Comme d'habitude, nous baissâmes la tête et continuâmes sans nous poser de question. Le reste reviendrait à la garnison.

***

Il s'était douté que les choses tourneraient forcément mal à un moment ou à un autre, mais pas à ce point, et surtout pas de cette manière.

Après cinq heures de chevauchée plutôt paisible, et tandis que la nuit commençait doucement à tomber, tout s'était assombri en un clin d'œil. Le ciel, la lumière, même l'air semblaient hurler, et avant qu'ils ne puissent comprendre ce qui leur tombait dessus, une déferlante sans pareille se déchaîna sur les terres à l'abandon. Impossible de repérer les signalements, tout comme les éventuels titans qui pouvaient alors les prendre par surprise. Une pluie verglaçante rendait le sol dangereux, et bientôt, la neige se mit à tomber à gros flocons, tandis que de violentes bourrasques agitaient leurs capes et leurs cheveux. C'était un cauchemar.

– Il faut se replier ! » hurla Livaï à Petra et Auro qui jetaient des regards terrifiés autour d'eux, tout en essayant de calmer leurs montures. « À ce stade c'est du suicide ! »

Sans leur laisser le temps de se décider, il saisit la bride de leurs chevaux et les entraîna vers le reste des troupes. Mike et Nanaba s'étaient perdus dans l'agitation, tant pis, mais lui savait trop bien ce à quoi ce genre de situation pouvait mener. Il serra les dents.

– Caporal chef ! Attention !

C'était un titan de cinq mètres. La voix d'Auro le sortit juste à temps de ses pensées, et Livaï mit en action son équipement pour exécuter sans ménagement la créature. Heureusement pour eux, la nuit n'était pas loin, et ils n'auraient plus à s'en soucier pendant plusieurs heures.

– On continue ! » cria-t-il.

***

Les toiles des chariots battaient dans la tempête comme des tambours. Quelques cadavres étaient étendus sur le sol dans des marres de sang, mais sinon, il n'y avait personne.

Bordel ils sont où ? » Maugréa Auro.

Ils ont dû partir se réfugier quelque part. Selon les cartes étudiées par Erwin il y a un village pas loin, à l'ouest.

On y va » exhorta le caporal.

La chevauchée dans le froid et le noir fut exténuante. En tentant de consulter sa boussole, Auro fut surpris par une bourrasque et la perdit. Nous étions sans lumière, presque sans vivres, et désormais sans direction.

« C'est un cauchemar... » entendis-je murmurer le caporal.

Trois heures s'étaient écoulées depuis la tombée de la nuit et nous n'avions plus croisé aucun titan, mais la neige commençait à s'amonceler autour des sabots de nos montures, et le froid nous rendait de plus en plus fébriles.

Là-bas ! » m'écriai-je soudain en apercevant un baraquement, au bord d'un lac circulaire et figé par la glace.

Sauvés... » renifla Auro.

Neuf civiles y avaient déjà trouvé refuge, frigorifiés et terrifiés. Trois d'entre eux éclatèrent en sanglots en nous voyant débarquer. Une partie de leur escouade s'était faite massacrée par un déviant, et ils avaient perdu le reste de leurs compagnons, ainsi que les soldats censés les protéger dans la tempête. Il grelottaient encore de froid et de peur.

***

– Donnez-leur de quoi manger et se réchauffer » ordonna-t-il avant de sortir de nouveau.

Les environs étaient relativement bien dégagés, et la tempête s'était calmée pour laisser place à la lumière presque agressive de la pleine lune.

– C'est pas croyable...

Même la nature se foutait d'eux.

En à peine quelques heures, le paysage s'était entièrement couvert de blanc, et sous la clarté des étoiles, même l'ombre semblait briller. Il frissonna un peu, et jeta un œil à la masse sombre qui s'étendait sur sa gauche. Une forêt de pins.

– Tout va bien Caporal chef ? » murmura Petra en fermant doucement la porte derrière elle.

– Rien à signaler pour l'instant. Mais je m'inquiète pour les autres.

– Nous tenterons de les retrouver demain.

Étrangement, elle ne semblait pas inquiète, et en suivant son regard, Livaï comprit qu'elle était captivée par la blancheur du lac et de ses bordures gelées. Ce fut alors comme si son champ de vision s'était agrandi, et son cœur battit plus fort quand il le réalisa. C'était beau.

***

Le scintillement cristallin, l'étincellement adamantin règnent partout.

Très blanches et noires, les forêts immobiles avec leurs arbres cadavériques, et leurs branches crochetées que nul n'osent approcher. Et les ombres aigües qui semblent plus distinctes que les objets eux-mêmes.

Le monde semblait voué à une pureté glacée, sa malpropreté naturelle, cachée et fichée dans le rêve d'une fantastique magie macabre.

Sous la profondeur du ciel et dans l'air pailleté de givre, le monde semblait de nouveau respirer. D'une vie privée de nous-même et de substance, mais que quelque chose comme un regard pouvait saisir.

Ce genre de moment où le temps se fige, et où l'on se sent vivre. Intensément.

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