Les Derniers Gardiens - I La...

By LeaaaMgt

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Élya vit recluse avec sa petite sœur à Novendill, une presqu'île reliée au Royaume d'Aphebis sous l'autorité... More

♦️ Coming soon... ♦️
♦ Prologue
2 ♦ Fini la luxure
3 ♦ Préparatifs
4 ♦ Guide
5 ♦ Le Bal
6 ♦ Nocturne
7 ♦ Virus
8 ♦ Détestablement attirant
9 ♦ Au revoir
10 ♦ Le début d'un long périple
11 ♦ Le chant mortuaire
12 ♦ La fièvre
13 ♦ Vision
14 ♦ Adélaïde
15 ♦ La fuite
16 ♦ Le Marionnettiste
17 ♦ Un jour meilleur
18 ♦ Le Duo
19 ♦ Le repère
20 ♦ La Première Etape
21 ♦ Deuxième Étape
22 ♦ Avis partagé
23 ♦ Troisième et Dernière Étape
24 ♦ À l'Aube du Chaos
25 ♦ Rouge écarlate
26 ♦ Le pouvoir du Rubis
27 ♦ Adramor
28 ♦️ Sentiments
29 ♦️ L'Ordre des Gardiens

1 ♦ Douce est la brise

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By LeaaaMgt

" Douce est la brise, chatouillant sa chevelure,
Douce est l'aurore, effleurant son fin visage,

Brutale est la chute, engendrant de rudes blessures,
Brutale est la nuit, révélant l'obscur mirage,

Douce est la brise, effaçant les remords,
Brutale est la nuit, réveillant un à un, les morts."





— Où que vous vous cachiez, vile guerrière, je vous trouverai et vous attraperai !

   Je criai ces quelques mots au bord de la rivière qui ruisselait à mes pieds puis repris ma course, le sourire aux lèvres. Je sautai d'une roche à une autre pour traverser le cour d'eau et atteindre l'autre rive. Enfin, plus je courais dans le champ voisin, mes cheveux bruns mêlés à quelques mèches blanches au vent, plus de fines gouttes de sueur prenaient place sur mon front, sous le soleil orangé de cette fin de journée d'été. Je slalomai entre les jonquilles et les marguerites, bondis au dessus d'un rondin de bois puis ouvris le petit portillon donnant sur une bâtisse abandonnée, partiellement en ruines.

— Montrez-vous ! Osez m'affronter, moi, la sorcière du marais !

   Un court silence plana avant qu'un petit cri fluet ne retentisse dans mon dos. Je fis mine de me retourner, surprise tandis que la petite fille face à moi brandissait un long bâton biscornu.

— Goûtez donc à la foi de mon épée, sorcière ! gronda la petite fille.

   Je fis semblant d'être terrassée par ses pouvoirs, je me couchai par terre, suppliai qu'on m'épargne puis mimai la mort, la langue pendante, les yeux fermés. La petite fille s'approcha doucement, elle appuya le bout de son bâton contre mon ventre avant que je ne rouvre les yeux, n'attrape ses bras et ne la tire avec moi sur le sol couvert de vieille paille séchée. Je la chatouillai, laissant ses éclats de rire résonner dans la bâtisse fantôme. Ravivant les souvenirs jadis joyeux qui faisaient vivre la demeure.

— Arrêtes ! Arrêtes Élya ! C'est pas juste ! Aaaah !

— La sorcière a gagné, la guerrière a été foudroyée par ses sombres pouvoirs !

— Mais non, c'est pas juste !

   Ma sœur parvint à se défaire de mon étreinte, se releva puis croisa les bras, l'air boudeuse. Je me relevai, tout en passant des mèches de cheveux derrière mes oreilles.

— Agnès, arrêtes de faire cette tête, ce n'est qu'un jeu !

— Mais c'est toujours toi qui gagne !

— Il faut revoir votre stratégie, jeune guerrière.

   Agnès esquissa un sourire qui disparut bien vite lorsqu'un bruit sourd retentit depuis les sous-sols.

— Qu'est-ce que c'était ? demanda-t-elle de sa voix fluette.

   Je lui saisis la main, mon sourire disparu, mon sérieux retrouvé. J'étais la tutrice d'Agnès, sa seule protectrice et ce bruit inquiétant n'augurait rien de bon. Mieux valait déguerpir, et vite. Nous aimions jouer les grandes aventurières, mais n'en restaient pas moins deux jeunes demoiselles, faiblement constituées, les dangers ici étaient nombreux et mieux valait les éviter.

— Viens, on s'en va.

   Lorsque nous passâmes les portes donnant sur le jardin extérieur, un long râle d'agonie fit trembler les murs de ce qui était un château jadis. Je jetai un coup d'œil par dessus mon épaule, les sourcils froncés mais poursuivis mon chemin jusqu'au village. Nous adorions passer par les chemins creusés dans la brousse sur les falaises avec le temps. Ici, le vent était plus fort mais l'air marin, le chant des vagues s'échouant sur la roche... tout était reposant et familier. Avec cette chaleur étouffante, le vent de la marée était fort appréciable. Agnès lâcha ma main puis courut devant moi, derrière un papillon aux ailes multicolores.

— Agnès, fais attention ! Ne va pas glisser ! m'inquiétai-je.

— Oui, oui !

— Oh mais que vois-je ? Deux gentes dames se baladant seules sur les falaises ?

   Je tournai la tête vers le jeune homme qui avait prononcé ces mots de sa voix mélodieuse. C'était Samwel, mon meilleur ami. Je souris légèrement puis reposai mes yeux sur ma sœur, un peu plus haut sur la falaise. De là où j'étais, si elle glissait, jamais je n'aurais le temps de la rattraper mais je m'efforçais de chasser toutes ces pensées obsessionnelles. La mort me terrifiait, surtout celle d'un être cher.

— Tu nous a suivi, Sam ? interrogeai-je.

— Hm... à vrai dire, oui et non. J'étais parti chercher quelques fruits dans les bois puis j'ai entendu le cri strident de ta sœur.

— On jouait toutes les deux.

— C'est encore de ton âge, ça ?

   Je lui donnai un coup de coude, ce qui fit rire mon ami qui me tendit des baies.

— Tu en veux ?

— Merci.

   J'en pris trois que je dégustai avec plaisir.

— Tu as l'air tourmentée, constata Samwel.

— On jouait de l'autre côté de la rive, dans le château abandonné et soudain, il y a eu un drôle de bruit... ça semblait venir de sous terre, probablement des galeries qui passent sous l'île... Mais... ça donnait froid dans le dos.

— Ah oui ? Quel genre de bruit ?

— Une sorte de cri qui semblait provenir d'outre tombe...

— Un genre de... aaaouuuhh... ?

   Je secouai la tête sans pouvoir m'empêcher de rire.

— Là, on aurait dit une jument sur le point de mettre bas.

   Nous rigolâmes, le son de nos voix résonnait sur les falaises et ce, jusqu'à ce que nous regagnions le village. Là, une fête se préparait : le solstice d'été. J'adorais les fêtes, pour l'ambiance, les feux de joie, la nourriture, la boisson, l'atmosphère convivial et la possibilité d'échanger avec tout le monde. J'aimais faire de nouvelles rencontres et profiter pleinement de la vie.

   Ici, à Novendill, tout semblait hors du temps. Le roi avait le pouvoir sur ces Terres mais ne venait que très rarement. La criminalité était quasi nulle, les villageois se connaissaient presque tous et la bienveillance était dans les mœurs.

— Allez, viens Agnès, allons nous préparer pour la fête de ce soir.

— Je veux mettre la plus belle robe qu'on a !

— On va essayer ça.

   Je me tournai vers Samwel.

— Merci pour les baies Sam.

— Avec plaisir. Au fait, El, hm... l'autre soir, je t'ai vu avec un homme, vous...

— Tu m'espionnes ? m'étonnai-je. 

— Bien-sûr que non mais tu es mon amie et, je me disais que peut-être, tu devrais faire attention aux hommes que tu fréquentes.

   Je haussai les sourcils.

— Je suis adulte et responsable, je fréquente qui je veux.

— Il a sûrement dix ans de plus que toi si ce n'est plus !

— Et alors ?

— Il avait des cheveux blancs !

— Quand tu me fais ce numéro Sam, tu me tapes sur les nerfs. On se voit ce soir.

Je rejoignis ma sœur en ignorant la remarque de mon ami : 

— Je dis seulement ça pour te protéger !

   Sam était comme mon frère, je l'aimais beaucoup mais j'aimais aussi la compagnie des hommes. J'étais libre, sans ambition de me marier, sans obligation non plus. Les hommes appréciaient les femmes libres et ici, sur cette île, personne ne jugeait le comportement des uns et des autres. Il faisait bon vivre, et pour moi, en profiter était ma devise.

   Je préparai un bain pour ma sœur dans la petite baignoire en bois que j'avais confectionné de mes mains. Pendant qu'Agnès jouait dans l'eau, je brossai mes cheveux devant le miroir de la coiffeuse. J'avais cette particularité rare d'avoir les cheveux bruns et seulement deux mèches encadrant son visage, décolorées, totalement blanches comme la neige. J'aimais cette particularité qui attirait souvent les regards. J'aimais plaire et complimenter en retour mes interlocuteurs. 

  J'enfilai une robe blanche, fluide, légèrement satinée et laissai mes cheveux lâches et ondulés. J'habillai Agnès d'une robe verte claire et attachai ses cheveux bruns dans un chignon structuré.

— Nous voilà fins prêtes, petite princesse ! m'enthousiasmai-je.

— Oui ! Est-ce que je pourrai jouer un petit peu avec mes amis ?

— Oui mais tu sais comment ça se passe à chaque solstice, il est hors de question que je te cherche pendant des heures. Alors tu restes près du feu de joie et tu ne t'éloignes pas du centre du village. C'est bien compris ?

— Oui !

— Attention, ne me déçois pas, sinon je bouderai ensuite.

— Oui promis ! Allez, vite ! On y va !

  Je la suivis en rigolant, avant de quitter notre petite maisonnette, j'éteignis les bougies d'un souffle juste après avoir jeté un regard admirateur sur le portrait peint de ma défunte mère. Enfin, nous rejoignîmes tous les autres au centre du village là où la musique était déjà forte et où la plupart des gens dansaient autour du grand feu de joie. Certains s'alcoolisait, une buvette avait été placée non loin de là avec de l'eau potable à volonté et de l'eau de vie pour les plus téméraires.

  Agnès n'attendit pas longtemps avant de rejoindre ses amis et je me fis servir un godet d'eau de vie que je dégustai lentement tout en me balançant au rythme de la musique celtique qu'un groupe de musiciens jouaient près du feu. Je balayai la place du regard et mes yeux se posèrent sur un homme d'une quarantaine d'années, adossé au mur de pierres d'une chaumière, à l'orée d'une ruelle. Je souris légèrement lorsque je le vis disparaître dans la pénombre et m'y aventurai sans une once d'hésitation.

  J'avançai doucement dans l'ombre de la ruelle, là où la musique semblait moins forte. Lorsque je sentis des mains saisir ma taille, je poussai un faible cri de surprise avant que mon amant ne me plaque contre le mur, et ne me couvre de baisers. Il m'embrassa langoureusement, mordilla mon cou puis m'embrassa de nouveau. Il laissa glisser sa main le long de ma robe, la releva légèrement pour caresser l'intérieur de ma cuisse. J'entrouvris la bouche avant de gentiment le repousser.

— Doucement, murmurai-je émoustillée, n'as-tu aucune crainte que ta femme ne te voit ?

— Elle est avec les enfants et des amis, aucun risque.

  Il déposa de nouveau baisers dans mon cou, il m'était difficile de lui résister, je me mordillai les lèvres, les poils hérissés.

— Tu n'as pas envie de moi ? grogna-t-il dans un souffle.

— Bien-sûr que si mais... ici ?

  Il se redressa pour me regarder et posa ses mains rugueuses sur mon visage. Il arborait des cheveux grisonnants, une barbe de quelques jours et une peau bronzée. Il travaillait dans les champs, savait aussi être doux avec moi. Cependant, ma réticence était sa femme. Je me mettais à sa place, sans pouvoir m'empêcher de songer à la douleur que cela lui procurerait de connaître cette trahison.

— Ne joue pas les prudes avec moi, je sais que tu adores ça, n'importe où, n'importe quand.

— Pas quand ta femme est dans les parages.

— C'était le moment, c'est le solstice, c'est la fête... pourquoi tu ne veux pas t'amuser un petit peu ? Tu es jeune, tu es frivoles, tu...

— Oui et j'ai aussi une part de conscience que tu ne sembles pas avoir. Je t'apprécie Gaël, mais je refuse que tu rejettes la faute sur moi. Si tu es incapable d'affronter ta femme et la réalité de ton mariage raté, ce n'est pas mon problème. Tu n'auras qu'à te faire du bien toi-même ! Ou trouves-toi une autre femme "jeune et frivole" !

  Je le repoussai brusquement puis quittai la ruelle, sans me retourner, sans l'écouter parler. Je terminai mon eau de vie, posai mon godet puis commençai à danser avec les villageois et quelques amis. Samwel m'avait rejointe et tous les deux, nous passâmes une bonne partie de la soirée à s'amuser, à danser, à rire et à boire.

  Enfin, à moitié ivres, nous nous allongeâmes dans l'herbe d'un jardin, non loin de la place et observâmes les étoiles, les zygomatiques douloureux, à force d'avoir rigolé de tout et de rien. Peu à peu, nous retrouvâmes notre calme, l'euphorie toujours aussi présente. Alors que Sam fixait le ciel, rêveur, je tournai la tête vers lui, les mains sur mon ventre.

— Je suis désolée pour ce que je t'ai dit tout à l'heure, Sam.

— C'est déjà oublié.

— Les hommes sont stupides, renchéris-je en reportant mon attention sur le ciel.

— Ého, j'en suis un ! Tu blesses mon égo.

— Sauf toi, évidemment !

  Les trompettes sonnèrent l'alerte de l'arrivée des messagers du roi. Sam et moi nous redressâmes en même temps. Nous regagnâmes la place, longeâmes alors la rue en côte menant jusqu'au grand pont reliant l'île au reste du Royaume. Nous nous faufilâmes parmi la foule, perchée sur la pointe des pieds, j'essayais de voir ce qu'il se passait.

  Un homme avec un casque et un panache s'avança vers la foule, une missive dans les mains, tandis que derrière lui se trouvait une dizaine de soldats à cheval, tous coiffés d'un panache blanc.

— Braves gens, veuillez nous excuser d'importuner votre solstice d'été. Le roi Ygor nous envoie pour porter un message à votre village et à tous les autres villages de notre bien aimé Royaume. Je vous lis la missive : Braves gens, citoyens, citoyennes, j'envoie mon messager vous quémander l'aide dont a besoin notre Royaume. Nous recherchons une femme aux cheveux de jais, aux mèches blanchâtres et aux aptitudes multiples. Si une femme de cette constitution habite votre village, il convient de nous l'envoyer le plus tôt possible. En gage de mes remerciements, vous sera livré pain et or.

  Je fronçai les sourcils puis jetai un regard à Samwel qui affichait la même expression. Je ne pouvais que me demander ce que j'avais fait, ce que j'avais dit. Pourquoi le roi envoyait des hommes rechercher une femme dont la description concordait parfaitement avec moi ?

  Certains regards se braquèrent sur moi, mon cœur commença à battre la chamade, d'autant plus lorsque la foule s'écarta lentement, me laissant à la vue des hommes du roi, ébranlés par leur voyage depuis des semaines déjà. Je restai immobile, sans savoir quoi dire, ou quoi faire.

— Demoiselle, approchez-vous, je vous prie, demanda le messager.

  Le silence était brutal, imperturbable et les regards, curieux, jugeant et certains même jaloux. Je fis quelques pas en avant, mes mains croisées devant mon bassin, ma chevelure reposant sur mon épaule droite. Je baissai la tête en gage de politesse puis relevai mes yeux vers le messager qui m'observait de longues secondes sans un mot.

— Demoiselle, vous rassemblez plusieurs des critères exigés par le roi. En conséquences, nous vous demanderons de faire vos valises et de bien vouloir nous suivre jusqu'à la Capitale.

— J'ai une petite sœur, je ne peux pas la laisser seule ici, je...

— La famille est conviée.

  J'entrouvris la bouche, sans savoir quoi dire. Mon cœur frappait ma poitrine, l'angoisse m'envahissait. Ma petite vie, construite, stable et apaisante semblait soudainement prendre une tournure inquiétante.

  Je restai digne néanmoins, même lorsque je dus de nouveau traverser la foule, sous leur regard indiscrets, accompagnés de celui de Gaël, qui restait auprès de sa femme. Je ne détournai pas le mien de ma trajectoire, le cœur lourd, des questions plein la tête.

  Peut-être ne serait-ce qu'un bref voyage, qui me permettrait à moi et ma sœur, de découvrir de nouveaux paysages.

  Ou peut-être serait-ce bien pire. 

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