Ne convient pas aux âmes sensibles,
préférentiellement aux adultes.
. . . . .
L'affrontement avec des membres de l'Akatsuki qui n'avait en rien été prévue retarda l'arrivée à Konoha de l'équipe 7, dont un membre manquait toujours, et les avait épuisés.
Itachi n'avait pas trouvé judicieux de les combattre, tandis que Kisame s'amusait à récolter un peu de chakra pour son sabre à peau de requin.
Ce fut après un repli que Kakashi entraînait ses élèves le plus loin possible de leurs ennemis.
"– Pourquoi on les combat pas ?! s'indignait Naruto. Ils étaient juste en face de nous, et nous, on fuit !!!
– Tu es bête ou quoi ? répliqua Sakura. Nous avons déjà utilisé une bonne partie de nos réserves de chakra durant cette mission d'une semaine. On aurait pas pu gagner !
– Mais Itachi nous laissait champ libre !!!
– Naruto, garde ton sang-froid... intervint l'aîné. Tu auras beau tergiverser, il sera hors de question d'y retourner en l'état."
Loin d'être convaincu, l'énergique adolescent se préparait à se plaindre quand Ino apparut face à l'équipe, le visage pâle de peur.
"– C'est terrible !!! On s'est fait attaqué par le ninja déserteur d'un petit village, et depuis, Shikamaru et Chōji ne se réveillent plus !
– Comment va leur état? demanda calmement mais prestement la médecin la plus expérimentée.
– Je les ai stabilisé, mais aucune amélioration... Et Asuma-sensei n'était pas avec nous... Je n'ai rien pu faire...
– Où il est ce fumier ?! ragea l'Uzumaki, plus énervé qu'inquiet pour ses amis.
– Ça va faire trente minutes qu'il est parti... par là."
À peine eut-elle le temps de pointer son doigt vers l'ouest que le blondinet entamait une course effrénée.
D'un bref regard entendu avec son élève, le Ninja copieur partit à la poursuite du jeune homme.
Le manteau du Démon renard apparaissait déjà.
En un rien de temps, Naruto rattrapa le renégat et l'affrontait avec acharnement.
Aucun signe de fatigue n'était visible sur son visage, seulement de la haine.
Haine qui s'emplifia en écoutant les paroles de son adversaire, celui-ci proférant des louanges envers lui-même pour avoir mis des ninjas de Konoha à un état proche de la mort.
À ces mots, la peau de Naruto se pella, mettant sa chair à vif.
Du sang perlait par-ci par-là, symbole de la douleur que ressentait Naruto, telle à une multitude de fines aiguilles placées aux endroits les plus douloureux.
Un rugissement retentit dans toute la forêt. Celui d'un animal. Celui d'une bête féroce, dénué de raison.
Cette fois, le combat ne dura pas.
Quelques secondes avait suffit à l'hôte pour terrasser le ninja rebelle.
Mais il en voulait plus.
Plus de violence.
Plus de d'os brisés.
Quelque chose qui étancherait sa soif de sang.
Quelque chose ou quelqu'un.
Kakashi était passé dans son champ de vision à ce moment-là.
Il devait subir sa rage.
L'argenté essayait de le raisonner par la voix pendant tout en esquivant les attaques de Naruto, sans succès.
Le Ninja aux mille techniques se résolut à s'engager dans un combat perdu d'avance.
Le grand Jiraya avait eu du mal à l'affronter quand Kyūbi ne laissait apparaître que son manteau, alors comment un homme comme lui pourrait gagner sachant qu'il n'avait aucun moyen de sceller ce surplus de pouvoir et qu'il n'était pas au meilleur de sa forme ?
Pour éviter de brûler tout son chakra, Kakashi n'employait pas le Sharingan. Il se contentait d'emprisonner la bête avec son Dōton, ce qui n'était visiblement pas efficace.
Le combat n'était qu'à sens unique.
Le ninja aux cheveux d'argent n'arrivait qu'à éviter les coups de queues et de griffes de Naruto.
Au bout d'un moment, Kyūbi agrippa les chevilles de Kakashi tout en se préparant à lui lancer un Orbe du démon.
Le jōnin faillit se le recevoir de plein fouet. Il ne put cependant pas éviter les autres queues qui lui donnèrent un grand coup au visage pour l'une, envoyant son bandeau frontal dans les air, tandis que l'autre lui enserrait le crâne tout en recouvrant ses paupières.
Cette enveloppe brûlait la chair de Kakashi.
Il essayait par tous les moyens de se libérer de cette emprise. Peut-être que son Éclair pourfendeur aurait pu trancher cette excroissance, mais faute de chakra, il ne put tester cela.
La dernière chose qui lui vint à l'esprit avant de perdre connaissance fut d'absorber un peu du chakra du Démon.
"– Comment oses-tu me voler de MON chakra ?!
– Je suis dans l'inconscient de Naruto ? Hn ?! Kyūbi ! Relâche ton emprise sur Naruto !
– Tu devrais plutôt t'inquiéter pour toi au lieu de t'occuper du petit. Ce n'est pas lui qui est sur le point de se faire broyer la tête.
– Arg... ! même ici je peux sentir la douleur... Peu importe ! Naruto ne devrait pas avoir à subir tes crises de colère !
– C'est pourtant lui qui réclame ma puissance. Il ne fait qu'en payer le prix.
– ... Alors... Laisse-moi en payer le prix pour cette fois."
Lancé par le renard, le corps du professeur heurta violemment plusieurs troncs d'arbres avant de s'immobiliser, inerte.
Naruto, quant à lui, retrouvait progressivement son apparence normale, s'effondrant sur le sol.
Son réveil fut assez rapide.
Le silence régnait.
Au bout de la clairière, il pouvait apercevoir Sakura, Ino, Shikamaru et Chōji venir à lui.
Il fut, dans un premier temps, soulagé et heureux de voir que tout le monde allait bien. Puis, ils se rendit compte qu'il ne se souvenait plus des événements qui avaient suivi sa traque.
"– Les gars... Vous savez ce qui s'est passé ?
– On ne sait pas trop... On a entendu un grognement et des combats pendant un bon moment, et quand on est arrivé, c'était le silence... fit Sakura. D'ailleurs, où est Kakashi-sensei ? Il te suivait..."
Shikamaru tapota sur l'épaule de la kunoichi aux cheveux rose pour lui indiquer la présence de l'homme qu'elle recherchait.
Celui-ci était toujours face contre terre, du sang dégoulinant dans une forme proche à celle d'un disque.
En se positionnant à son niveau et en le retournant, Sakura put se rendre compte que la peau au niveau de ses yeux était arraché assez profondément pour laisser des séquelles, mais pas suffisamment pour le priver de paupières.
Pendant que la médecin commençait les premiers soins avec l'assistance d'Ino, Naruto entendit une voix au fond de son être.
"C'est par ta faute qu'il est dans cet état. C'est toi qui a voulu lui faire du mal.
Je suis fier de toi...
Bientôt, ta haine te poussera à me libérer pour de bon."
. . . . .
Une semaine plus tard, Kakashi se réveilla dans une chambre d'hôpital.
Sa tête lui faisait encore très mal, en particulier ses yeux. Ceux-ci étaient d'ailleurs recouverts d'une couche de bandage.
Il était donc aveugle...
Un parfum floral léger entra dans la pièce en même temps que la porte s'ouvrit.
"– C'est toi, Sakura ?
– Sensei, vous vous êtes réveillé !
– J'ai dormi pendant combien de temps ?
– Une semaine. Je vais aller prévenir maître Tsunade."
Quelques minutes s'écoulèrent, puis la porte apporta un parfum plus puissant, ainsi qu'une certaine tension dans l'air.
"– Kakashi ! Comment te sens-tu ?
– Relativement bien, maître Tsunade. J'ai encore un peu mal aux yeux mais ça va.
– ... Tu sais... tu... Tu ne recouvreras sans doute jamais la vue...
– ... Je m'y attendais un peu... Enfin, je me préparais à cette éventualité. On ne se fait pas brûler par Kyūbi tous les jours !"
En ajoutant cette pointe d'humour dans ses dires, Kakashi ne put ressentir la tension ambiante que se renforcer.
Tous avaient conscience que cet handicap compromettait son avenir de shinobi.
L'heure était-il venu pour lui de commencer une vie de civil ordinaire ?
"– Naruto s'en veut énormément pour... ça... continua Tsunade. Il ne cesse de répéter que c'est lui qui a voulu te faire du mal, qu'il voulait te faire souffrir...
– ... Ça doit être Kyūbi... J'ai pu parler un peu avec lui et il m'avait dit des idioties similaires. Où est Naruto ? J'aimerais mettre les choses au clair avec lui.
– Il est parti il y a peu. Il devrait revenir demain.
– Et attendre qu'il gâche une nuit de plus à se morfondre ? S'il ne vient pas à moi, j'irais le chercher moi-même.
– Reste ici ! Tu viens à peine de reprendre connaissance ! Je vais l'appeler et il viendra, ça te va ?
– ... D'accord."
Plus Kakashi discutait avec son supérieur, plus une sensation de malaise grandissait en lui, comme si elle n'était pas sincère avec lui.
Il fallait aussi ajouter à cela qu'il se sentait inutile à présent.
Il gardait pourtant ce sentiment pour lui, cela n'était que le premier jour, cela leur passera avec le temps... n'est-il pas ?
Des bruits de pas précipités se rapprochèrent. À cette cadence, cela ne pouvait être que Naruto.
"– Sensei !!! Vous- ! Je- ! ... Je suis tellement désolé !!!
– Allons, allons, sèche-moi tes larmes. J'ai entendu dire que tu te rejetais la faute pour ce qui m'est arrivé... Sache que ce n'est en rien ta faute. C'est Kyūbi qui a voulu ça, pas toi, Naruto.
– Mais ! Mais si je n'avais pas perdu le contrôle... !
– On a pas toujours le contrôle sur ce que l'on veut... Parfois, cela peut conduire à des accidents, à des tragédies... Mais ce n'est pas parce qu'on avait pas le contrôle à ce moment que ce qui suit est forcément de ta faute. C'est seulement une chose qui devait arriver, c'est tout...
– Mais... Vous ne pourrez plus être ninja à cause de ça... !
– Qui a dit que je renonçais à être ninja ? Il me reste encore des choses à t'apprendre avant de te laisser devenir Hokage !
– Ha ? ... Haha... Oui, c'est vrai..."
Sa voix tremblait encore, mais l'émotion qui traversait le blondinet était cette fois du soulagement.
Son sensei ne le reniait pas et l'acceptait encore en temps qu'élève.
Les dernières larmes stoppaient leur course sous le menton rose, surmonté d'un sourire éclatant.
Même sans le voir, Kakashi pouvait visualiser ces dents blanches grâce à ses souvenirs et à ce faible ricanement qu'il produisait à chaque fois qu'il montrait sa dentition.
La fin de la journée fut indiquée par la sortie de Naruto, les visites n'étant plus autorisé jusqu'au lendemain matin.
La nuit fut relativement longue pour le Ninja au Sharingan. Il ne trouvait le sommeil et n'avait de cesse de ressasser son passé.
Il avait à présent les yeux fermés à jamais.
Il ne pourrait se sortir d'un mauvais rêve avec la vue de la réalité.
Kakashi redoutait que ce moment n'arrivait.
Heureusement, il put s'endormir au bout d'un certain temps, jusqu'à ce que le Soleil soit venu réchauffer sa chambre.
Naruto revint dès l'aube pour apporter un peu de compagnie à l'alité.
Ce geste fut bien accueilli par celui-ci puisqu'il apprit son obligation de rester dans sa chambre "en observation" d'après Tsunade.
Cependant, la voix que la dirigeante avait employé semblait cacher autre chose.
Les secondes s'écoulaient.
Les minutes passaient.
Les heures défilaient.
Les jours se finissaient toujours sur une interdiction de quitter l'hôpital.
Le mois se fanait dans le bâtiment blanc.
"– Dites, maître Tsunade... Jusqu'à quand comptez-vous me garder ici ?
– Cela dépend des résultats de tes tests.
– Aucune amélioration n'a été noté à propos de ma vue ! Il serait peut-être temps de me laisser m'adapter à cet handicap plutôt que je me garder prisonnier ici, non ?!
– Kakashi, je vais perdre patience ! Si je te dis de rester ici, tu restes ici !
– Perdre patience ?! On voit que ce n'est pas vous qui restez planté sur un lit, surveillé par au moins quatre ninjas !"
Le ton montait rapidement, jusqu'à ce que Gai fit son entrée fracassante dans la chambre.
"– Kakashi !!! Mon rival !!! Dès que j'ai appris que tu étais à l'hôpital, j'ai accouru à toi !!! Que t'est-il arrivé ???
– ... Maître Tsunade, je veux parler en privé avec lui.
– ... Comme tu voudras..."
En s'éloignant de son patient, la Princesse limace ferma la porte tout en dissimulant son ordre de bien écouter la conversation à ses hommes, cachés aux quatre coins de la chambre.
"– Une mission a mal tourné et je me suis retrouvé aveugle.
– Quoi?! Qui t'as fait ça ?! Je vais le massac-
– Ne lui en veux pas... Il n'avait pas tous ses esprits...
– Tu veux dire que... c'est Naruto, le coupable... ?
– C'est plus Kyūbi... S'il te plaît, ne vas pas remuer le couteau dans la plaie de Naruto.
– Nan, bien sûr que non... Ça fait combien de temps que t'es là ?
– Un mois... Et je n'ai même pas le droit de me dégourdir les pattes... Tu veux bien... Accepter un défi ? ... Un combat à mains nues ?"
La Panthère de jade de Konoha était figée sur place.
Dans un premier temps, son rival crut que cela venait du fait que, malgré sa cécité, il tentait d'engager un combat avec lui.
Ce n'était qu'après coup, sentant le corps de Gai trembler d'excitation, que l'ancien Anbu comprit que cela faisait un long moment qu'il n'avait pas défié Gai de son propre chef.
Les ninjas qui surveillaient les lieux firent irruption dans la salle, bien décidés à ne pas permettre au convalescent de quitter son matelas.
"– Pourquoi la Hokage vous a-t-elle ordonné de faire ça ? interrogea Kakashi d'une voix sombre.
– Désolé, sempai... Mais c'est pour votre sécurité.
– Tenzō ? C'est toi et ton groupe qui étaient là depuis le début ?
– F-Flatté que vous m'ayez reconnu au son de ma voix, mais je ne peux pas désobéir.
– Tu trouves ça normal que je passe de ninja supérieur à quelqu'un à surveiller ?!
– Peu importe ce que j'en pense, c'est ma mission et je me dois de l'accomplir... et c'est pour votre bien...
– ... Gai, tu me couvres et on se rejoint où tu sais !"
Kakashi bondit de son lit et s'échappa par le fenêtre, Gai retenant les membres des forces spéciales derrière lui.
L'argenté, sous l'apparence d'un autre homme, arpentait les rues animées du village, entrant en collision avec un bon nombre de personne dans sa course malgré ses efforts pour slalomer entre eux.
L'itinéraire qu'il avait choisi était des plus simples: descendre l'artère principale jusqu'à la porte sur laquelle celle-ci se jetait. Il irait ensuite dans les montagnes où il avait l'habitude d'escalader, point de rendez-vous qu'il avait fixé à son plus grand ami.
Durant son trajet, il pouvait entendre le vent siffler dans ses oreilles, le feuillage résister aux bourrasques dans une symphonie naturelle. Les oiseaux venaient ajouter quelques accords mélodieux quand ses bruits de pas battaient la mesure.
L'air portant les douces senteurs de la forêt avoisinante emplissait les narines du ninja, un peu trop habitué à la javel de ses murs blancs.
Il s'étonnait à apprécier cette odeur boisée alors qu'il n'y avait jamais prêté attention, outre les instants où il maudissait ce parfum de masquer les faibles odeurs ennemies.
Guidé par sa mémoire, Kakashi arriva sans grande difficulté à "sa" montagne, la plus haute des environs.
Il entreprit de la grimper à la force des bras et des jambes, ce qui lui parut bien plus difficile que prévu.
En effet, ses muscles étaient endoloris par cette inactivité d'un mois et il devait prendre garde à trouver une prise solide à tâtons.
Il mit le double de son temps habituel pour atteindre le sommet.
Gai l'y attendait sagement.
Il n'avait pas réussi à se défaire de ses poursuivants, mais ceux-ci se faisaient discrets, dissimulés derrière un grand rocher.
"– Tu en as mis du temps, mon cher rival ! plaisanta l'Ombrageuse Panthère de jade.
– Je sais, c'est assez compliqué de se déplacer à l'aveuglette quand on a pas de repère... souffla Kakashi avec contentement.
– En tout cas, ils sont coriaces tes anciens coéquipiers ! J'ai pas pu les semer ! Hahaha !
– Ils avaient intérêt à pas te lâcher ! Sinon, ça signifierait qu'ils se sont rouillés depuis mon départ, et ça aurait été mauvais pour eux."
Le groupe concerné remarquèrent de la malice dans la voix de leur précédent chef d'escouade. Celui-ci était de meilleure humeur.
"– Alors ? On le fait ce combat à mains nues ?! s'enthousiasmait Gai
– Oui.
– Montre-moi la FOUGUE DE TA JEUNESSE !!!
– ... Ne compte pas sur moi pour crier... Ça..."
Le fou rire de l'homme aux gros sourcils passé, les deux rivaux purent s'affronter avec acharnement.
Certes, l'Ombrageuse Panthère de Jade n'était pas à cent pour cent, mais la lutte impressionnait les Anbu car leur ancien commandant arrivait à parer et esquiver les vifs assauts qui le visaient tout en minimisant le nombre de coups dans le vide quand l'homme au Sharingan contre-attaquait.
Sans surprise, le défi fut remporté par Gai. Kakashi était à bout de souffle, étalé au sol d'avoir à se concentrer aussi intensément.
Parce qu'il connaissait Gai et ses gestuelles par cœur, l'argenté avait pu estimer sa propre position, adapter sa posture, faire comme s'il pouvait voir.
Il espérait avoir convaincu ses anciens camarades de le permettre de sortir de sa prison blanche.
À son plus grand désespoir, Tenzō eut à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'une certaine femme blonde atterrit avec fracas à deux centimètres du convalescent.
"– Je vois que les Anbu ne sont plus ce qu'ils étaient ! s'emportait Tsunade. Et toi, Kakashi, j'espère que tu t'es bien amusé ?!
– Hein? Tsunade, vous ne pouvez pas me garder comme ça !
– Maître Hokage ! intervint Tenzō. Il a les capacités pour se défendre."
À cette remarque neutre mais ferme, la Hokage se tut, prise dans une réflexion bien étrange.
"– Maître Tsunade... ? Que suis-je à vos yeux ? Je suppose que si le fait que je sache encore me défendre est un argument suffisant pour vous calmer, c'est que vous me voyez vraiment vulnérable...
– ... Je m'inquiète pour toi.
– Encore cette tonalité qui sonne fausse... Vous n'êtes pas totalement sincère... C'est donc... Est-ce parce que je suis devenue une source d'informations plus facile à capturer ?
– ...
– ... j'ai vu juste...
– Ce sont les anciens qui m'ont fait part de ce risque. Ta position en temps qu'ancien chef des Forces Spéciales et ninja haut classé parmi les jōnins du village fait de toi un homme avec de nombreuses informations sur Konoha, mais pas seulement. Si tout le monde apprend que tu ne peux plus te servir de la vue, tu ne penses pas que l'on te ciblerait ?
– Si c'est ça qui vous préoccupe le plus, vous n'avez qu'à m'éliminer sur le champ. Je ne vous en voudrais pas. Je préfère ça plutôt que d'être un fardeau pour tout le monde."
Kakashi fit un petit rire amer à la fin de sa phrase. Personne n'osait bouger face à ces mots.
Tsunade, prise de court, mit du temps avant de le traiter de fou, que jamais elle ordonnerait de le tuer ou de le faire elle-même.
Lentement, Kakashi retirait les bandages qui lui recouvraient ses paupières à l'aspect horizontalement rayé, pour révéler ses pupilles décolorées.
Aucun changement n'avait été perçu par les yeux de l'albinos.
Il sentait juste le vent lui titiller la cornée, ce qui l'irrita un peu, encore sensible au vu de la couleur rouge que l'on pouvait observer...
Son sourire fade ancré sur ses lèvres, Kakashi descendit la montagne, souhaitant échapper à cette atmosphère pesante.
Il se rendit dans son appartement avec difficulté, se maudissant de rater la première marche, de ne trouver ce fichu trou de serrure, de ne pas tenir la bonne clé entre ses mains.
On s'inquiète pour moi parce que je sais des choses, pas pour ce que je suis.
La porte s'ouvrit enfin et se referma aussitôt, enfermant son propriétaire dans son domaine.
J'ai remarqué que quand je souris, les gens s'inquiétaient moins pour moi.
Ses lèvres se déformaient.
Comme à l'époque... Je me sens... comme le néant...
Le dos contre la porte, il glissait vers le bas.
À quoi je sers ???
Des larmes tombaient abondamment, brûlant tout ce qu'elles touchaient sur leur passage.
Le lendemain, Kakashi était redevenu l'homme intérieurement fort.
Il tenta de se rendre chez Naruto, mais ne connaissant le chemin sans passer par les toits, il finit par se perdre dans une ruelle qu'il n'arrivait à reconnaître.
Heureusement, il croisa quelqu'un qui avait la même destination que lui.
"– Je peux vous aider, Kakashi-sensei ?
– Ah ! Shikamaru ! Tu veux bien me conduire jusqu'à Naruto s'il te plaît ? J'avoue que je suis un peu perdu avec toute cette agitation... Héhé...
– Justement, j'allais le réveiller.
– Il est si tôt que ça ?
– Neuf heures, mais vous le connaissez..."
Face à l'entrée, Naruto sauta sur Shikamaru.
"– SHIKAMARU !!! KAKASHI-SENSEI A DISPARU!!!
– Euh... Je suis là... Haha...
– AHHH !!! SENSEI ! J'ai eu tellement peur quand ils m'ont dit que vous n'étiez pas rentré depuis hier !
– J'en avais marre de l'hôpital. Je n'ai pas pensé que tu allais paniquer pour ça.
– Je vous comprends pour l'hôpital ! Et j'ai pas paniqué ! Je... Je...
– C'est mignon de t'entendre paniquer. Hnhnhn !
– M-Mignon ?! ... AHHH !!! VOUS APPROCHEZ PAS DE MOI !!!
– Euh, je suis encore là, vous savez ? fit le Nara sans grande conviction. Au fait, y'a Sakura qui attend au parc à onze heures. Ne sois pas en retard, soupirait-il à l'attention de Naruto tout en s'éclipsant.
– Bon... Bah... Si vous me cherchez, je serais au terrain d'entraînement numéro trois."
Kakashi partit à son tour. Du moins, il alla jusqu'à la rue la plus grande qu'il croisa.
Dans quelle direction se trouvait le terrain ? Il ne s'en souvenait plus, pas à partir de l'appartement de son élève.
Pesant le pour et le contre de l'utilisation de Pakkun pour lui servir de guide, il remarqua à peine Iruka le héler.
"– Kakashi-sensei ! Ça faisait un moment que l'on se s'est pas croisé !
– Iruka-sensei ! C'est vrai, j'ai eu quelque... problème... Hahaha...
– Hum ? Quel genre, si c'est pas indiscret?
– Ça ne se voit pas ? Regarde mes yeux.
– Oh ! Désolé ! C'est que vous agissez si naturellement que je n'ai même pas remarqué !
– Je vais pas non plus le crier sur tout les toits... Mais vu que tu es là, tu veux bien me dire dans quelle direction est le terrain d'entraînement numéro trois ?
– Je peux même vous y amener ! Ce n'est pas comme si j'étais pressé !"
Ils s'y rendirent donc à deux, dans un silence assez gênant sans être pesant. Iruka ne savait pas comment engager la conversation tandis que Kakashi profitait de ses autres sens pour enregistrer tous les bruits environnants, les senteurs des magasins, les voix des marchands.
Une fois à la plaine, le Ninja Copieur s'adressa à son cadet.
"– C'était plutôt agréable, comme promenade. Ça devait faire une éternité que je n'avais pas pris le temps de faire attention aux petits détails "insignifiants" du village !
– Ah oui ? Tant mieux si ça vous a plu.
– Désolé que ce ne soit pas aussi plaisant pour toi... Haha...
– Oh, mais j'ai bien aimé aussi ! En fait, vous comptez faire quoi, ici ?
– M'entraîner, pourquoi ? C'est quand même la fonction de ce lieu.
– Euh... Je sais pas. D'habitude vous y allez avec Naruto et Sakura, non ?
– Ils devaient se parler, alors j'ai décidé de venir ici. Et puis, je suis pas toujours collé à mes élèves... Ça fait même un moment que l'on n'est pas venu ici tous les trois... à part pour le deuxième test des clochettes.
– Vous voulez que je sois votre partenaire pour aujourd'hui ?
– Hum ? Je veux bien ! Mais ne me sous-estime pas, je ne compte pas me retenir."
Les deux ninjas se préparèrent à un corps à corps.
Kakashi ne connaissant pas la manière de se battre de son adversaire, il eut du mal à prendre l'avantage.
Il se prenait plus de coups que contre Gai, mais atteignait Iruka plus souvent.
À midi, Kakashi invita son adversaire chez Ichiraku. Il était rare de le voir si généreux, Iruka en profita donc, comme pour se réconforter d'avoir perdu. Ils furent rejoints par Sakura et Naruto. Le repas fut très animé et, pour une fois, Kakashi prit le temps de déguster son bol, à apprécier les saveurs de chaque ingrédient, se remémorer les bons souvenirs qui avaient eu lieu dans ce restaurant.
Les deux élèves ne purent évidemment pas apercevoir le visage de leur maître, trop occupés à raconter de drôles d'anecdotes au professeur de l'académie.
Une nouvelle routine s'installait pour l'aveugle.
Tôt le matin, il se rendait au cimetière, puis, il allait au terrain d'entraînement et améliorait ses sens pour détecter les ninjas, les animaux, les objets.
Il avait aussi développé un champ électrique à la manière des anguilles qu'il arrivait à étendre jusqu'à un rayon de cinq mètres qui avait le désavantage de rendre le périmètre assez désagréables pour les personnes qui s'y trouvaient.
En fin de journée, le jōnin écoutait les aventures du jour de ses petits protégés lorsqu'ils étaient au village, lui transférant leur joie, mais aussi leur déception du fait qu'il ne puisse les accompagner.
Chaque semaine, un rituel s'imposait.
Chaque jour, il gardait le sourire, tantôt sincère, tantôt forcé.
Ne plus avoir de mission blessait son égo. Comme à l'hôpital, il se sentait inutile. Alors, une fois dans la semaine, meurtri par cette perte de confiance, du Hokage comme de soi, il pleurait silencieusement sur son lit, recroquevillé sur lui-même, attendant que ses progrès en autonomie soit suffisant aux yeux des dirigeants de Konoha.
Les gens qui l'entouraient n'étaient pas dupes. Ils savaient que Kakashi masquait tant bien que mal ses maux intérieurs.
Naruto s'en voulait de nouveau, d'avoir mis un être cher dans cette situation.
À son tour, Kakashi regrettait que son élève se sente coupable. Il dissimulait donc mieux ses tourments, assurant aux autres qu'il se faisait à l'idée de n'être qu'un simple civil à présent.
En fait, l'argenté pouvait aller voir Tsunade pour changer tout ça, pour se réconcilier avec elle.
Elle n'avait aucune raison de venir à lui, elle. La Princesse limace devait sûrement l'attendre, pour qu'il lui réclame plus de considération.
Pourtant, il ne voulait pas.
C'était la seule fierté qui lui restait.
Comment pourrait-il revenir sur ses pas pour quémander de la pitié?
Il ne fit donc rien.
Ce n'est qu'un jour où Naruto s'excerçait pour une nouvelle technique, combinant le Rasengan au changement de nature de chakra Futon, que le Ninja aux mille techniques ne put s'empêcher de lui réclamer des explications.
On venait de lui annoncer le décès d'Asuma. Celui-ci avait eu pour mission de retrouver deux membres de l'Akatsuki qui rôdaient dans le coin, suite à l'appel des moines du Temple du Feu.
Mais Kakashi n'était pas au courant de tout cela.
Pour dire vrai, il n'était plus au courant de rien dans le monde ninja.
Il y avait notamment le sauvetage du Kazekage qu'il n'avait appris l'existence que par un client d'un kiosque qui lisait son journal à haute voix.
Kakashi en avait déduit que les sauveurs devait être Naruto, Sakura, Tenzō, ainsi que l'équipe de Gai, et pourtant, aucun d'eux ne lui en avait fait part.
Sans parler de la mission de récupération de Sasuke. Il ne l'aurait jamais su s'il n'avait pas souligné le fait que Naruto semblait se morfondre encore plus, concernant Kyūbi...
À quoi avaient servi ses efforts pour combler ses lacunes si ses amis mouraient sans qu'il ne soit mis au courant?
Parce que cette nouvelle information ne lui était pas destinée, seul Tenzō devait l'apprendre pour le moment, au vue des messes basses qu'il avait décodées.
Sans que personne ne le remarque, l'ancien Anbu disparut pour entendre sa supérieure.
Sans indiquer sa présence, il entra dans le bureau.
Elle ne fut pas surprise de cette visite, bien au contraire.
"– Pourquoi ai-je été tenu dans l'ignorance ?! On ne me dit même pas en face qu'un de mes amis est mort au combat !
– Pour Asuma, c'est simplement pour que tu ne te mettes pas en tête d'aller le venger. Tu sais que Sakura me parle de toi presque à chaque fois que je la vois...
– Je suis pas assez irréfléchi pour foncer tête baissée sur l'Akatsuki ! Je ne sais même pas qui ils sont, ni où ils se trouvent !!!
– Encore heureux ! Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais rendu ma pensée officielle ! Je ne te considère que comme un civil de Konoha. Tu n'as pas besoin de te tenir informer de ce qui ce passe au delà de nos murs."
Tandis qu'il en restait sans voix, Kakashi sentit une désagréable impression. Une qu'il avait déjà ressenti quand il était petit, à l'enterrement de son père. Le sentiment que le sort qui lui était réservé était juste la simple conséquence de ses actes.
"On ne l'a pas poussé au suicide. Il n'avait qu'à continuer la mission."
Les paroles des "camarades" de Sakumo, celles qui avaient été prononcées en face de l'enfant, résonnaient dans tout son être, comme en écho à l'attitude de l'Hokage.
Il manquait d'air.
Tsunade daigna enfin lever les yeux de sa feuille, intriguée par la respiration bruyante de l'homme en face d'elle.
Lui ne s'attardait pas sur ce détail. Il était comme dans un espace vide, noir, froid...
Il voulait en sortir, sortir avant d'imploser.
Il courait.
Fonçait dans tous les obstacles humains qui se dressaient sur son chemin. Du pauvre petit vieux qui se baladait aux gardes des portes du village, tous tombaient à son passage.
Ce ne fut qu'en dehors de Konoha qu'il ralentit sa cadence.
Une douce sensation prenait part de son corps, de son esprit. Une rancune tenace, qui l'avait longtemps pris pour cible, qui lui sussurait de se liguer contre les Hokages.
Danzō avait raison, à propos du Troisième du Nom, il était la source de ses souffrances. Tsunade n'était pas mieux qu'Hiruzen. Il fallait changer cela.
À quoi bon s'en prendre aux villageois ? Pauvre bétail.
À quoi bon en vouloir aux ninjas portant l'insigne ? Simples suiveurs conditionner à obéir à leur guide. Leur guide plein de promesses de bonheur qui les emmenaient en enfer...
Tsunade baisserait-elle sa garde s'il s'approchait d'elle ?
Aurait-il assez de force pour écrire la fin de son histoire ?
Ou devait-il attendre ? S'allier à de puissants criminels pour redorer son blason, entaché par ces ombres du feu ?
Comme un signe, son bandeau se défit, la face métallique contre le sol.
Le ramassant machinalement, de la main gauche, il utilisait son autre main pour retracer l'emblème de son village, gravé si profondément sur cet objet.
Aucune émotion ne lui vint.
Seul un kunai se plaça dans sa main, barrant cette feuille qu'il avait servi depuis son enfance que l'on ne pouvait qualifier de tendre.
Il grava aussi un trait vertical sur le symbole des Anbus de son bras gauche, reniant complètement ses liens avec ce village du Pays du Feu, laissant son bandeau dernière lui en signe avertissement.