.Rapprochement à pas feutrés.
La cloche sonna la fin des cours de cette deuxième journée depuis la rentrée. Jimin se devait de parler à Yoongi, même si son coeur se serrait déjà à cette pensée. Il attendit tranquillement que Yoongi ramasse ses affaires et ce fut seulement lorsqu'il entendit la fermeture éclair de son sac se refermer, qu'il se décida à se lever. Il ne prit pas le chemin de la sortie exprès pour que Yoongi essaye de le suivre, intrigué par son comportement. Enfin, c'était ce qu'il espérait...
L'aveugle déambula alors dans les couloirs de ce lycée trop grand pour lui. Son pied tapa contre la porte qui menait à la cour ; il la poussa de toutes ses forces et sortit. Il la retint un peu plus longtemps, comme s'il attendait que quelqu'un passe, et la relâcha lorsqu'il sentit une odeur de cigarette passer furtivement à sa gauche. Jimin essaya de cacher le petit sourire victorieux qui naissait sur ses lèvres.
Jimin continua de marcher, cette fois beaucoup plus doucement. Il n'était jamais sorti seul du bâtiment, alors c'était tout nouveau pour lui. Et complètement terrifiant de ne pas avoir de repères pour se déplacer. Chacun de ses pas se faisaient hésitant et il avait placé sa main légèrement devant lui pour ne pas se prendre un arbre ou un poteau. Il buta deux fois contre une marche posée en plein milieu du stade, du moins c'est ce qu'il pensait. Les deux fois, il avait entendu un bruit derrière lui, comme un raclement de chaussures, et la deuxième fois, il crut même qu'on lui avait effleuré la taille pour l'empêcher de tomber. Il se força à ne pas réagir et poursuivit son errance à l'aveuglette. Les pas derrière lui semblaient plus lourds, las, fatigués.
Jimin s'arrêta, prit une grande inspiration et se retourna. Le vent balayait ses cheveux, faisant claquer son pull et s'envoler son courage. Il essaya de s'imaginer Yoongi devant lui, même si il n'arrivait pas à s'en faire une image claire et précise. Il savait qu'il avait les cheveux noirs ayant tendance à boucler lorsqu'ils étaient humides, un corps et des poignets fins, un style plutôt simple avec des vêtements beaucoup trop grands pour lui qui appartenait à son père défunt. Enfin, ce n'était pas son père, il l'avait compris, mais c'était bien lui et Jin qui l'avaient élevé et recueilli. Alors, même si il ne savait pas si le garçon était pile en face de lui, il releva doucement la tête en espérant planter ses yeux morts dans les siens. Un raclement de chaussures et il comprit que Yoongi venait de se mettre devant lui exprès. Jimin sourit malgré lui, cette misérable intention le touchait.
-Tu me suis, dit-il, de nouveau sérieux.
-Oui.
-Pourquoi ?
-Pour que personne ne te fasses du mal, avait répondu Yoongi, la voix grave éraillée par la consommation de cigarettes.
Jimin ouvrit la bouche avant de la refermer. C'était le moment pour lui de s'excuser ; pourtant, il n'y arrivait pas, ces simples mot restaient bloqués dans sa gorge. Au fond de lui, il avait peur. Yoongi n'était pas un garçon normal, il était même clairement louche. Après tout, il avait quand même tué des personnes qu'il le veuille ou non. Cependant, Jimin ne pouvait s'empêcher de le désirer, malgré tout ce qu'il avait pu faire, il voulait encore croire en la bonté qu'il avait senti dans son coeur.
-Est-ce que je te dérange ? Veux-tu que j'arrête ? Demanda simplement le maudit, ne laissant aucune émotion transparaitre dans sa voix.
Ce ton plat frappa Jimin en plein coeur. Jamais il ne l'avait entendu parler de la sorte, c'était tout nouveau pour lui et cela créait un sentiment de malaise, le prenant au ventre et à la gorge. Il réfléchit sérieusement à ces questions en fronçant les sourcils. Il n'était plus temps de se montrer spontané. Le jeune homme secoua finalement la tête, jouant avec ses mains derrière son dos.
-Comment est-ce que c'est possible que je puisse t'aimer sans que tu me tue ? S'inquit Jimin d'une petite voix.
-Il n'y a pas d'explication. Peut-être est-ce parce que tu es aveugle que mes phéromones n'ont aucune emprise sur toi. C'est la première fois que je rencontre quelqu'un comme toi.
L'aveugle releva la tête, intrigué par ses paroles.
-Comme moi ?
-Oui. À part ceux qui aiment d'un amour pur leur partenaire comme Jin ou Namjoon, personne n'a échappé à ma malédiction. Et encore moins la nuit. Ou peut-être que c'est parce que tu ne m'as jamais aimé sincèrement.
-Je ne me jouerais jamais de toi, démentit-il avec une assurance et une sincérité qui fit trembler sa voix.
Jimin l'aimait, il en était sûr. Jamais il n'avait ressenti une telle attirance pour un garçon, même lorsqu'il était encore voyant. Et cette révélation douloureuse n'avait certainement pas atténué ses sentiments. Jimin se sentait atrocement et coupable de l'avoir rejeté, de l'avoir traité de monstre sans essayer de comprendre le mal qui lui rongeait les veines. Sans qu'il s'en rende compte, les larmes avaient coulé sur ses joues rougies. Yoongi s'était approché et avait posé ses mains sur ce visage angélique, essuyant délicatement ces perles salées de ses pouces.
-Ne pleure pas, ordonna maladroitement le maudit en le prenant dans ses bras.
-Je...
Le garçon fondit en larmes, pleurant autant de tristesse que de frustration dans le cou de son amant. Il n'arrivait pas à exprimer à quel point il était désolé, à quel point il s'en voulait de l'avoir traité ainsi. Les mots ne sortaient pas et restaient bloqués dans sa gorge douloureuse comme si seulement les larmes pouvaient s'échapper librement de son corps. En un sens, il était tellement soulagé que Yoongi ne le déteste pas. Le maudit tapota gauchement son dos de sa main.
-Je-je n'arrive... pas à-à-...
-Chut..
La main de Yoongi s'aventura dans son cou et caressa le haut de sa nuque où la base de ses cheveux naissaient afin de le calmer.
Tout doucement et sans un bruit, la neige du jardin monochrome de Yoongi repartait vers le ciel chargé de nuages. Les flocons se détachaient de ce sol gelé, découvrant le bitume gris. Le soleil réchauffait enfin sa peau diaphane d'une chaleureuse lumière. Son arbre sans feuilles se vit naître des bourgeons verts et, tout de suite, des fleurs de cerisiers en éclorent, d'un rose qui sautait aux yeux. L'herbe repoussait et chatouillait ses chevilles fines, le ciel devenait enfin bleu, alors que les nuages de dissipaient enfin. Yoongi se retrouva bientôt dans un champ de fleurs sous le soleil de printemps, son Jimin dans ses bras.
Son protégé finit par se calmer contre lui et il put enfin s'excuser pendant de longues minutes sans même prendre le temps de respirer convenablement.
-Jimin-ah, le coupa Yoongi.
-Hmm ? Demanda le garçon en relevant son visage encore ravagé de larmes.
Sa respiration était haché comme s'il avait couru un marathon d'excuses presque incompréhensibles. Yoongi posa ses grandes mains sur son visage d'enfant. Il essuya tendrement les traces mouillées qui avaient coloré ses joues de rouge tout autant que le bout de son nez.
-J'aurais dû t'en parler en premier et ne pas te laisser le découvrir ainsi. Je savais qu'un jour il allait falloir expliquer qui j'étais réellement. Plusieurs fois j'ai essayé de te le dire, mais c'était impossible, je n'y arrivais pas. Alors, je m'excuse de t'avoir laissé dans l'ignorance et, surtout, de t'avoir laisser découvrir le monstre que je suis par quelqu'un d'autre.
-Tu n'es pas un monstre ! S'indigna Jimin en attrapant ses poignets, désespéré. Tu ne l'as jamais été ! J'ai juste été stupide...
Yoongi ricana doucement amusé de son comportement. Pourtant, son regard se fit plus dur lorsqu'il vit Jimin tâtonner ses poignets, les encerclant de ses doigts.
-Tu as maigri, affirma le jeune homme.
-Toi aussi, répliqua Yoongi en pinçant ses joues.
-Ce n'est pas comparable.
C'était tout ce qu'il avait à dire et c'est tout ce qui fut dit pendant de longues minutes. Jimin avait compris, et ça, Yoongi le savait, il n'avait pas besoin de l'expliquer. Son téléphone vibra soudainement dans sa poche, les sortant de leur torpeur. Yoongi le sortit et lu le message qu'il venait de recevoir de la part de son père :
Appa Jin :
Yoongi, ne rentre surtout pas à la maison. Ne viens pas tant que je ne te l'aurais pas dit. Il fait nuit tôt dors chez un ami. S'il te plaît.
Yoongi fronça les sourcils devant ce message bien étrange qu'il lut à Jimin. Que se passait-il ? Pourquoi n'avait-il pas le droit de rentrer à la maison ? Il rangea son téléphone en soupirant et reporta son attention sur Jimin. Ce dernier tenait toujours son poignet fin alors que son autre main s'aventurait vers le haut de son torse pour toucher ses clavicules sous son sweat.
-Jungkook m'avait dit que tu semblais prêt à t'effondrer à chaque pas. C'était de ça qu'il parlait ?
-Hmm.
-Que s'est-il passé pendant les vacances ?
-Je n'avait pas très faim.., murmura Yoongi honteux.
Le visage de Jimin se fit plus dur à mesure qu'il comprenait le sens de sa phrase.
-Tu n'as pas mangé de vrai repas qui te reste dans le ventre depuis combien de temps ?
Ses paroles se faisaient plus dures et pressantes. Il voulait savoir, enfin non, il avait besoin de savoir.
-Une semaine, peut-être plus..
-Viens chez moi, ordonna-t-il.
Yoongi ne chercha pas à s'interposer et il céda. Jimin lui prit la main et les deux adolescents sortirent de l'enceinte du lycée pour retrouver le parking.
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Soekjin s'était levé tôt pour aller donner ses cours à la fac d'histoire de l'art. Travailler après la mort de Namjoon était plus devenu un besoin qu'une réelle nécessité financière, puisqu'il touchait de l'argent de l'armée. Il avait juste besoin de sortir de chez lui où il ne faisait que tourner en rond, assaillé par tous ses souvenirs. Il avait envie de rencontrer de nouvelles personnes, de s'émanciper dans ce qu'il aimait faire. Et il devait bien s'avouer que depuis qu'il s'était plongé corps et âme dans le travail, il avait l'impression d'aller mieux. Son moral était remonté à bloc même s'il lui arrivait encore de pleurer toute la nuit après un rêve ou simplement parce qu'il avait l'impression d'oublier cette odeur de menthe poivrée qui caractérisait si bien son défunt mari.
Il était donc allé donner ses cours toute la matinée ainsi qu'une partie de l'après-midi. Il avait ensuite parlé longtemps avec trois élèves en Master : Chanyeol, Jihyun et Suho, des élèves passionné par leurs études. Il aimait vraiment discuter avec eux et il leur arrivait de dîner ensemble tant le sujet sur lequel ils blablataient était passionnant et inépuisable à leur yeux.
Après cet interminable débat, Jin était rentré tranquillement à la maison en passant par un parc qu'il affectionnait, et une fois chez lui, il s'était fait un grand thé au gingembre qu'il buvait maintenant, bien installé dans son vieux canapé. Il lisait un livre sur les pierres et les énergies. Il se souvenait que Namjoon et les quatre scientifiques étudiaient ce sujet avec une passion sans nom. C'était d'ailleurs ce vieux bouquin jauni et rapiécé que les avaient inspiré pour la pierre du collier de Yoongi.
En parlant de Minho et de son équipe perdus au beau milieux de la campagne entre Incheon et Séoul, Jin ne leur avait pas reparlé à part pour les prévenir que Yoongi avait fait une nouvelle victime en début de vacances. À vrai dire, l'homme ne se sentait pas encore prêt à leur reparler comme avant. Sa rancune commençait doucement à s'estomper, alors il prenait son temps pour leur pardonner complètement. Il savait pertinemment que rester fâché avec quelqu'un n'avait jamais fonctionné avec lui, il finissait toujours par pardonner et donnait volontiers une deuxième chance. Juste une, jamais plus.
L'adulte était donc confortablement installé dans le canapé jaune qui commençait à se faire vieux, lisant la page sur une pierre nommée malachite lorsqu'on toqua à sa porte. Il reposa sa tasse et son livre ouvert face contre la table. Il ouvrit la porte avec naïveté et bonne humeur. Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas toqué à sa porte ; monter jusqu'au 12 ème étage, c'était fatiguant, même pour les livreurs.
-Bonjour ?
Il perdit la joie de son sourire en voyant qui se tenait à la porte. Trois cartes professionnelles pointèrent le bout de leur nez et s'agitèrent devant ses yeux.
-Bonjour, je suis Kim Woosung, commissaire de la brigade criminelle du quartier de Banpo. Nous aurions quelques questions à vous poser. Pouvons-nous entrer ?