mai 2018
NABIL
J'éclate mon premier pétard depuis que je suis entrée dans le studio il y a une heure, quel progrès ! En même temps je me suis pris une bonne dose d'engueulade par Tarik parce que je suis arrivé vingt minutes en retard sur l'heure qu'on s'était donnée. En même temps avec Amélia qui est en repos forcé et qui prépare des vrais petit déjeuner pour combler son ennuie, j'suis obligé d'en profiter. Ce matin j'ai eu le droit à un crumble aux pommes avec de la brioche et une salade de fruit, le tout fait maison agrémenté de ses paroles pleines d'amour.
« Un petit déjeuné de champion, pour être efficace toute la journée. C'est important de bien mangé car c'est le repas le plus important de la journée, en plus c'est fait avec amour alors t'as intérêt à tout bouffer et à apprécier. »
Alors dit comme ça c'est mignon, mais le ton qu'elle a employé l'était moins. J'avais peur de laissé une seule miette sur la table en fait. Mais au final j'ai trouvé ça marrant et j'en ai même ramené à Tarik parce qu'honnetement j'aurai jamais tout avalé, puis lui aussi c'est un champion. Et quelle bonne idée j'ai eu ! Mon frère c'est le genre de clebs qui aboie super fort et qui mord comme un acharné mais dès qu'on lui donne à graille ça devient un sucre. Comme ça tout le monde est content : moi, Amélia, Tarik.
En vrai je suis content d'être là ce matin parce qu'avec Tarik on prévoit enfin de sortir notre nez hors du silence dans lequel on s'est plongé pendant près d'un an et demi. La sortie de ce nouveau son est prévu pour dans un peu plus d'un mois mais on est toujours pas pleinement satisfait alors on casse les couilles à toute notre équipe pour obtenir le résultat qu'on veut.
Le son passe en boucle dans le studio mais avec Tarik on a seulement une oreille dessus et on s'occupe à gratter. En fait on s'est rendu compte qu'à l'écouter en boucle, sans interruption on entend toujours la même chose donc on fait pas attention aux défauts. Fallait qu'on fasse une pause mais on reste plongé dans l'ambiance quand même.
Aujourd'hui on s'est pas arrêté, on a pourtant pas mis un pied dans la cabine d'enregistrement. Tout est presque bouclé mais on a encore trop d'idées. A part Nader qui est passé avec des grecs à midi, on a vu personne sauf Feve et Mess. On est éclatés mais on ne prévoit pas de partir avant la tombée de la nuit. Tellement concentrés qu'on sursaute quand mon téléphone se met à sonner, pourtant j'ai l'habitude de le mettre en mode avion quand je suis ici mais apparement j'ai oublié ce matin. Il n'a pas sonné de la journée car tout le monde sait qu'on est indisponible quand on est au studio.
Je vois du coin de l'œil Tarik à deux doigts de me hurler dessus mais il s'arrête quand il me voit froncer les sourcils. Il se penche sur mon épaule pour voir comme moi, le nom et la photo d'Amélia qui s'affiche. Quand je dis que personne ne nous dérange, elle en fait partie aussi. Donc si elle essaie de m'appeler je sais pertinemment qu'il y a urgence. Et mon frère le sait aussi, c'est pourquoi il me fait un signe de tête pour me signifier de décrocher.
- Allo ?
- Salut, elle renifle. Je sais que...
- Amélia, qu'est-ce qu'il y a ? Je la coupe, inquiet.
- Désolée de te déranger, je voulais pas mais... j'ai pas vraiment réfléchi en fait, elle ricane.
- Il faut que je vienne ?
- Non, t'inquiètes pas. J'suis désolée et...
- J'arrive.
Je raccroche sans attendre une de ses réponses. Je sais qu'elle a pleuré et je me souviens que ce matin elle devait aller chercher les résultats de sa prise de sang. Je commence immédiatement à m'inquiéter davantage, peut être est-ce plus grave qu'une grippe ? Je bouillonne et préviens mon frère que je m'en vais en précisant que je ne sais pas si je reviendrai aujourd'hui.
- Tiens moi au jus ! Je l'entends crier depuis le couloir.
Avant, j'aurais dit à la personne au bout du fil que si ce n'était pas important elle pouvait attendre quelques heures que je finisse. Mais cette fois-ci c'est différent et même si elle m'a dit que c'était pas nécessaire, je dois y aller maintenant. Déjà parce que sinon j'aurai cogité tout l'après midi et ça aurait servi à rien. Mais aussi parce que c'est pas n'importe qui, avec Amélia j'ai un comportement tout nouveau pour moi. Je m'inquiète constamment, j'ai besoin de savoir avec qui elle est, où, pourquoi... pas pour la surveiller mais parce que ça me rassure si y a heja d'une part, et parce que ça m'intéresse tout simplement.
J'suis vraiment bien avec elle, entre nous tout roule la plupart du temps. Bien sûr on se prend la tête mais c'est jamais trop violent et au début de notre relation j'ai fait le choix de lui faire confiance. J'ai toujours été méfiant envers les filles que je fréquentais mais avec Amelia c'est tellement évident. Je sais qu'elle a placé beaucoup de confiance en moi également. Je comprends et j'accepte son mode de vie a cent à l'heure et de ce fait elle comprends et accepte le mien. Avant j'aurai pu passer des jours et des nuits entiers au studio sans voir la lumière du soleil, mais maintenant je nous obligé Tarik et moi à rentrer chez nous tous les soirs. Pour voir du monde et sentir la coupure de repos. Moi, j'ai envie de passer mes soirées avec elle. Chez moi ou chez elle. Elle prépare un p'tit repas comme une parfaite petite femme et on passe la nuit ensemble, au calme, avant de repartir le lendemain matin à nos vies.
Je manipule le levier de vitesse comme une vraie brute mais l'angoisse monte. Pour une fois, j'espère que y a pas de problème parce que j'veux vraiment pas la perdre. Je sais pas si c'est la femme de ma vie, je ne me pose pas la question mais je suis juste bien avec elle. Et pour aucune raison, peut importe laquelle, je ne veux pas qu'on me l'enlève.
Arrivé en bas de sa tour, je me gare à l'arrache sur deux places de parking mais je m'en tape complètement. J'avance à grandes enjambés et grimpe les escaliers deux à deux. Quand j'ouvre la porte du hall, une voix qui crie mon nom m'interpelle. Je suis prêt à insulter cette personne avant de découvrir Nassim qui arrive en courant d'un bloc voisin.
- Y a un problème avec Melie ?
Ok, ni bonjour ni merde quoi. En vrai je dois l'avoir inquiété à débarquer comme un fou dans sa cité, alors qu'il a plutôt l'habitude de me voir calme et décontracté. Je sais même pas quoi lui répondre parce que je sais pas ce qu'il se passe et ça me rend fou rien que d'y penser. Si ça se trouve c'est même pas grave mais Amélia a les pieds sur Terre et se serait pas mise à pleuré pour rien. Tout le long de la route jusqu'ici j'ai eu le temps de me monter là tête alors que c'est peut être pas grand chose. De toute façon si y a un truc, c'est pas à moi de l'annoncer au petit.
- Non t'inquiètes, je lui dis en essayant de paraître calme. J'ai juste oublié quelque chose.
Je tente un sourire qui doit être bancale et reprends ma marche rapide pour atterrir a son étage. Je sais qu'elle ferme toujours sa porte alors je n'essaie pas d'entrée et ouvre moi même avec le double des clefs que j'ai. Elle me les a donné en sachant que je rentrais parfois dans la nuit et qu'elle a cette bonne habitude de toujours verrouiller derrière elle, quand elle part et quand elle rentre.
J'appelle son nom dans tout l'appart, elle me réponds d'une voix lointaine qu'elle est dans la salle de bain. La vision que j'ai en entrant me retourne le bide, rien d'alarmant pourtant ! Elle est là, une serviette enroulée autour de ses cheveux à s'appliquer du mascara en chantonnant. Une demi heure avant elle pleurait elle est maintenant en train de se pomponner ? Mais ce qui me fait cet effet là, c'est le tableau global. Elle ne fait rien d'autre que s'apprêter comme elle le ferait pour aller au boulot mais j'aime ça, j'aime la routine dans laquelle elle m'a enrôlée et j'ai envie de voir ce schéma aussi souvent qu'il m'en sera possible.
Elle me sourit à travers la glace quand elle me voit. Elle retire son turban en serviette et vient me faire un bisous comme quand je rentre après une journée dehors. Je fronce les sourcils ne comprenant pas le revirement de situation, elle se fiche de moi ? Elle passe une main dans ses cheveux humides pour les discipliner un minimum et sort de la pièce en me traînant par la main pour rejoindre le salon. Je m'assois dans le canapé et elle me rejoins avec une enveloppe entre les mains. Elle prends le temps de s'installer face à moi, sur la table basse et de croiser ses jambes qui me rendent paro. Elle sort une liasse de feuilles de l'enveloppe et je ne me retiens plus.
- Putain, Amélia y a quoi ?
- C'est les résultats de ma prise de sang.
Elle a la tête baissée vers ses feuilles et semblent les relire même si je sais qu'elle l'a déjà fait un certains nombre de fois. Elle mordille sa lèvre, signe qu'elle ne sait pas comment amorcer la conversation.
- Et ? J'essaie de l'inciter à commencer.
- Et mon taux de fer est un peu bas.
Respire, par le nez et souffle par la bouche. Je prends l'arrête de mon nez entre deux doigts et ferme les yeux pour me concentrer sur ma respiration et me calmer avant de la claquer.
- Amélia, je continue doucement. Tu m'a fait venir pour ça ?
- Je t'ai dis de pas venir andouille.
J'ouvre un œil, j'vais vraiment la claquer.
- Et c'est pour ça que tu pleurais ?
- Non.
Elle s'arrête là et ne dis plus rien. Je me lève et fait les cents pas dans le salon parce que j'ai du mal à me retenir.
- J'ai aussi mon taux d'HCG qui est anormalement élevé.
On ne frappe pas les femmes, on ne frappe pas les femmes, on ne frappe pas les femmes, surtout pas la sienne.
- Amélia, je reste calme. ÇA VEUX DIRE QUOI ? PUTAIN DIS MOI VITE AVANT QUE JE TE TORDE LE COU !
Bon en fait j'ai pas vraiment réussit à rester calme. Mais elle rend fou aussi. Cependant elle ne bouge pas d'un millimètre et continue de me fixer avec ses grand yeux bleus aux contours encore rougis par ses précédentes larmes.
- Je suis enceinte.
Arrêt sur image, silence dans la salle.
QUOI ?
A ce moment là, je ne sais pas comment je dois me sentir. Quand je retrouve ma capacité à bouger, je lève la tête vers le plafond en me répétant en boucle ses trois derniers mots. J'ai toujours voulu des gosses mais là ça fait moins d'un an que je la connais et même pas six mois qu'on est ensemble, c'est peut être un peu rapide. Je ne la vois pas mais là sens se lever pour me rejoindre et se placer face à moi. Je baisse donc les yeux vers elle et la vois encore mordiller sa lèvre mais elle ne me regarde pas dans les yeux signe de gêne.
- Je voulais pas te déranger pour ça tu sais...
- Ouais, c'est vrai que c'est rien hein.
Le ton de ma voix et sec, mais comment ça elle veut pas me déranger avec ça ? Oh ! J'suis son pd ou quoi ? Puis je croyais qu'elle prenait la pilule ? Non en fait je le sais, je l'ai vu la prendre et tous les matins sa plaquette sur le rebord du lavabo diminue donc elle m'a pas fait un coup à l'envers. A croire qu'il faut toujours une exception qui confirme la règle et que les minis moi sont plus puissants que la science ! A cette idée je pouffe de rire, sûrement mélangé aux nerfs aussi.
- Vas-y, et pourquoi t'as pleuré aussi ? Je demande.
- Je sais pas, j'ai eu peur. Je crois que j'avais peur de ta réaction et j'ai paniqué. C'est pour ça que je t'ai appelé.
Quand je replante mes yeux dans les siens je les vois devenir humides et cette vision me serre le cœur de manière désagréable. Je la prends dans mes bras pour la calmer mais c'est l'inverse qui se produit et elle éclate en sanglots. Ça me rend fou alors j'essaie de la calmer comme je peux avec des mots aussi rassurant que possible. En même temps je crois que j'essaie de me rassurer aussi.
Deux heures après être parti, je repasse la porte du studio ou Tarik et Feve travaillent toujours. Je m'assois sur l'une des chaises devant la table de mixages sans dire un mot. Je tente de reprendre les morceaux de textes sur lesquelles j'ai travaillé tout à l'heure mais je sens les regards scrutateurs des deux hommes dans la pièce.
- Y c'passe quoi igo ? Demande finalement mon frère.
- J'vais être daron, je réponds comme si de rien n'était.