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Chapitre 17 -Pétale synthétique-
« -Tu es un ghost. Le fils du feu.
-Comment sais-tu ceci ? Personne ne connaît mon visage, mon nom, » s'écria-t-il en appuyant son majeur sur la blessure de Joaquim.
Elle se dégagea en gémisssant et pointa son pistolet sur le jeune homme. Il avait peut-être vu son couteau mais le pistolet lui avait échappé.
« -Ta mère. Doc, elle m'a parlé de toi. Son fils Lucifer qui rejoint les forces des justiciers insaisissables. Ce n'est pas commun comme prénom. »
Elle lâcha son arme sur le parquet quand il s'éloigna et reprit plus calmement en se tenant à un accoudoir du canapé, une main sur sa plaie.
« -Elle m'en a parlé car ses protégés m'ont apporté chez elle, j'étais un légume après avoir rencontré deux de tes camarades. Mais comme tu l'as dit, nous sommes dans le même camp.
-Et pour le fils du feu, comment as-tu su que c'était moi ?
-Lucifer est porteur de lumière, associé à Satan donc aux Enfers brûlants sous les flammes. Tes mains sont chaudes. Mais cela, personne ne le sait. Donc je présume que c'est ton pseudo ou tes ongles orange à toi de me le dire. »
Elle lui arracha un rire mais elle s'enfonça dans le canapé, elle voyait des étoiles.
« -Sur le NocturalNet, je suis Vulcanus, admit-il. J'ignore ce que tu as fait ces dernières nuits mais tu as besoin de repos. Si tu continues à ce rythme là, tu ne te relèveras pas. »
La jeune Griffin ferma les yeux, elle aussi s'interrogeait sur comment elle avait tenue debout durant ces semaines. En tout cas, Lucifer s'était radouci et semblait surtout fascinée par la présence de la survivante dans son appartement.
« -Si tu as fouillé mes affaires, tu as trouve le carnet des Derniers Gardiens et mes dessins, n'est-ce pas ?
-Tes dessins t'ont en partie trahie, ce n'est pas très judicieux de les garder.
-J'y tiens trop, marmonna Joaquim qui savait qu'il avait raison.
-Et pour le livre, je te le laisse. C'est trop de responsabilités et j'en ai déjà assez si tu veux mon avis donc fais en bon usage car certains sont prêts à se sacrifier pour ce fameux carnet. »
Lucifer lui proposa un petit studio au septième étage de son immeuble, celui juste au-dessus du sien, après qu'elle lui apprit qu'elle n'avait plus rien. Le quartier était composé de maisons pavillonnaires écrasées de petits immeubles comme celui-ci depuis l'explosion démographique dans les années 2060. Le vieux loueur le louait pour une modique somme. Le ghost lui proposa même de s'occuper d'elle les jours à venir. Elle avait besoin d'une pause et d'une bonne douche. Le soir même, il l'invita à dîner chez lui.
« -Tu ne dois aller quelque part ? Sauver, tuer, vagabonder dans la ville ? Je peux m'occuper de moi-même, dit Joaquim en errant dans le séjour à contempler les décorations loufoques de Lucifer.
-Ne t'inquiète pas, j'ai des choses à faire. Mais je suis le génie informatique du groupe, je passe pas mal de temps devant mon écran dans mon salon, parfois au QG. Et qui va changer le pansement de la grande survivante ?
-Ne te fais pas d'illusions sur ma condition, j'ai détesté vivre dans les bois. C'était beau et calme mais j'étais seule et je ne m'imaginais pas vivre indéfiniment dans la solitude. J'ai eu de la chance de m'en sortir, c'est tout, répliqua Joe.
-Tu réussis à vivre et à défier Nox, tu es forte et intelligente. Tu t'en sortiras.
-Mais à quel prix ? »
Ils avalèrent une bouchée de leur soupe de nouilles sur le canapé. Joaquim dévorait son plat sans savourer le bouillon, elle avait trop faim pour se délecter du goût. Une petite notification qui l'interpella s'afficha sur un écran et une vidéo suivit.
« -C'est quoi ?
-Un message du gouvernement, diffusé sur tous les écrans de la ville en ce moment. »
Ils se rapprochèrent, hypnotisés par le logo de la n. v. c. qui tournait ; puis la tête du premier ministre Fade apparut.
« -Citoyens, deux criminels ont été retrouvés morts hier dans un entrepôt de labase militaire interne. Massacrés et éventrés. (D'anciennes photos des visages de Gretchen et Sacha apparurent) Leur assassin est sans scrupule et cruel. Il s'agit de Joaquim Rudy Griffin, elle était sous le nom de Ruby Hunter ces derniers temps. Le montant remis à celui ou celle qui la ramènera vivante à Nox Vision Corporation a été largement augmenté. Nous ne pouvons laisser cette vermine fragiliser ce que nous avons vaillamment bâti. Elle ne veut que semer la mort et le chaos parmi nous ; ses dernières actions montrent bien que son but n'est pas de participer à la résistance qui tente de nous détruire. Elle est seule et est montée contre nous tous. Nous sommes tous concernés. Jo- »
Elle avait éteint l'écran en tremblant.
« -Ils ont mis du temps, déclara-t-elle simplement.
-C'est qu'ils doivent vraiment vouloir te récupérer pour avouer que des intrus se sont infiltrés dans leur base. C'est là-bas que tu t'es prise une flèche ?
-Malheureusement non. Mais je ne les ai ni éventrés ni massacrés. Je ... juste une balle. C'est comme si Fade et la ville me transformaient en quelque chose de terrifiant.
-L'Enfer ne peut te changer en quelque chose que tu n'es pas.
-Tu insinues que j'ai toujours été une tueuse ? S'exclama Joe sans méchanceté avant d'essuyer ses yeux humides.
-Le démon que tu avais en toi s'est réveillé et tu l'as laissé s'évader. Mais Fade a fait ce discours pour te rendre désirable aux yeux des chasseurs de prime, ils veulent te déchirer ce qui te reste d'âme.
-Qu'ils me cherchent, moi je vais dormir. »
Joaquim avait déclamé ces mots avec assurance mais le fils du feu n'était pas dupe. Il connaissait que trop bien ce regard terrifié par l'avenir incertain et mortel. Lucifer l'avait souvent, lors d'un ennui passager.
« -Sympa tes poupées en bois et tes fleurs synthétiques, » remarqua-t-elle sur le pan de la porte avec un sourire moqueur.
Il étouffa un rire et lui souhaita bonne nuit en lui claquant la porte au nez, il trouvait cette miroir surprenante. Il l'entendit l'insulter mais il savait qu'elle souriait.
~
Joe affûtait ses sabres sur son lit lorsqu'Iskender apparut à la porte. Il avait bien reçu son message.
« -Tu n'est pas morte finalement ? S'exclama-t-il.
-C'est comme si, cela fait trois jours que je ne bouge d'ici. Le temps se fait long.
-Tu t'es blessée ? »
Elle lui montra le bandage, la blessure ne guérissait pas assez rapidement à son goût.
« -L'infirmier a dit que je pourrais sortir demain mais calmement.
-Il y a peut-être de l'espoir pour toi, » ricana son ami.
Elle lui lança à la figure son coussin en masquant son rire, ce qu'il pouvait être insolent.
« -Tu les as vraiment éventrés ? Questionna Iskender, plus sérieux.
-Donc tu sais ?
-Je l'ai deviné à l'hôpital mais tu n'es pas prudente Digi. Être une miroir est dangereux et tu es facilement reconnaissable. Je ne sais même pas comment tu as réussi à survivre avec ce manque de méfiance. Regarde, je pourrais être un tueur à gages et tu pourrais être déjà morte. »
La jeune fille soupira, la tête dans les mains. Elle n'était pas prudente et elle le savait. Elle était insouciante et elle était aussi étourdie que sa mère. C'était ce qui l'avait tué.
« -Pourquoi tu n'as rien dit ?
-Tu avais assez de problèmes comme ça, dit-il.
-Ce n'est pas faux. Mais pour répondre à ta question, non.
-Prodigy m'en a brièvement parlé hier soir. Elle ne te déteste pas, néanmoins elle ne te porte pas dans son cœur. Elle a besoin de faire son deuil avant de te reparler.
-Combattre le mal ne fait pas de nous de bonnes personnes. »
Iskender se servit un café et trinqua avec Joaquim, lui ébouriffant les cheveux au passage.
« -Arrêtons de déprimer et célébrons notre liberté ! »
Elle esquissa un sourire mais il se métamorphosa en une grimace, elle apprécia le liquide âpre qui se répandit dans sa gorge. Elle coinça une mèche de cheveux derrière son oreille alors qu'elle observa le jeune garçon, il était adorable à lui donner son temps bien qu'il ait d'autres amis. Il n'arrêtait pas de parler d'un certain Isak dans ses messages.
« -Je peux fumer ?
-A la fenêtre, » grommela-t-elle.
Elle sortit les deux ordinateurs de son sac, elle ne les avait pas touchés depuis qu'elle était ici, ils n'avaient pas bougé de son sac.
« -J'ai quelque chose qui devrait t'intéresser. »
Le garçon remarqua directement les deux appareils et les observa, sa cigarette dans la bouche.
« -Nous étions dans la base car Gretchen et Sacha voulaient s'infiltrer dans le système informatique de l'armée, inaccessible depuis le reste de la ville. C'était risqué mais ils ont réussi. Tout est sur ces ordinateurs. Crois-tu que les Cyber Sanguinaires seraient intéressés ?
-Ils ont vraiment réussi ? »
Iskender était impressionné.
« -Tout le monde les prend pour des incapables mais ils ont fait ce que rêvent plein de gens. Donc bien sur que nous sommes intéressés par ton offre alléchante. »
Joe sourit, soulagée de se débarrasser de ces objets le plus vite possible. Elle avait assez de cauchemars la nuit.
« -Par contre je ne sais pas combien cela vaut...
-Je m'en occupe ! Je te remettrai l'argent en main propre et on te l'achètera à un bon prix.
-Si tu me roules, prépare-toi au pire !
-Même si je le faisais, tu ne t'en rendrais pas compte car apparemment les chiffres et toi, ça fait deux !
-Je peux les vendre à quelqu'un d'autre aussi... »
Iskender tomba des nues, son sourire avait disparu ce qui provoqua le rire de Joe.
« -Tu aurais vu ta tête ! Ils sont à toi, ne te fais pas de souci. Ton chef sera content. »
Il marmonna en crachant sa fumée vers l'ouverture alors qu'elle glissait ses cheveux dans un élastique. Son blond lui manquait.
« -Et sinon toi ça va ?
-Bien, un de mes meilleurs potes s'est marié.
-Il y a encore des gens qui font ça ?
-Faut croire que oui, il l'a rencontrée il y a un an et ils veulent faire ça avant qu'ils leur arrivent quelque chose.
-Ce n'est pas si bête.
-La vie seul me convient parfaitement, j'aime trop bouger partout et tout le temps.
-Pareil, j'ai l'impression de ne que courir et dormir si j'ai le temps. »
~
Les deux jeunes amis sortirent à la tombée de la nuit, Joe ignora les recommandations de Lucifer, elle avait besoin de prendre l'air. Iskender poussa la porte et la musique assourdissante fit bourdonner les oreilles de la jeune fille. Une masse mouvante chargeait l'air d'humidité saturé de parfums entêtants et de sueur. Joaquim eut d'abord un mouvement de recul mais il l'entraîna entre les danseurs possédés par la mélodie.
« -Oublie juste les gens autour de toi, on s'y fait. »
Elle se focalisa sur son visage, pour oublier l'oppressante foule. Le Red Cosmos était plus spacieux, moins désordonné et douteux. La clientèle était loin d'être la même, plus hétéroclite, toutefois elle s'y sentait plus à sa place. La boîte de nuit était remplie de jeunes désenchantés et qui voulaient juste s'amuser. Elle se mit à son tour à se déhancher au rythme des notes.
Iskender la délaissa pour une jeune fille à la chevelure rousse avec une robe rouge, elle paraissait s'enflammer sous les projecteurs. Elle l'envia un instant, non pas parce qu'elle était serrée contre son ami mais par sa tenue. Joaquim n'avait quitté ses treillis marron et ses sweats noirs depuis de longs mois. Ses vêtements informes ne la gênaient guère mais elle aussi souhaitait s'apprêter pour sortir, se faire belle pour elle. Un homme la tira de ses pensées quand il posa ses mains sur ses hanches.
Elle se dégagea et prit place sur un fauteuil, non sans avoir enfoncé son doigt dans la gorge de l'inconnu pour qui la laisse tranquille. Elle pensa à Kyle et trempa ses lèvres dans un cocktail luminescent en se maudissant. Elle devait tirer un trait sur l'Ange de la Nuit. Elle avait tout gâché. La jeune Griffin tira sa manche et regarda son tatouage du clan. Sacha lui avait tatoué un soir au cinéma sur son avant-bras, un soir où elle ne travaillait pas au club. C'était un cercle qui reposait sur trois lignes, tel la lune posée la mer à l'horizon.
Iskender réapparut, seul. Il se laissa tomber sur le fauteuil en face d'elle et commanda une boisson.
« -Elle est passée où ?
-Qui ça ?
-La rousse pardi, tu dansais avec elle tout à l'heure, je te rappelle, rit-elle.
-Sa copine me l'a arrachée. Elle était super belle, je n'ai même pas eu le temps de lui donner mon numéro, » se plaignit-il.
Joe ne put s'empêcher de le comparer à Kyle, beaucoup plus réservé que Iskender, elle s'imaginait difficilement le Protecteur du Ciel dans ce genre d'endroit. Il était beaucoup plus solitaire et moins extraverti.
« -Tu sembles perdue.
-Je pensais à quelqu'un. Il m'aimait bien, je l'ai repoussé et maintenant je me rends compte que je l'aimais bien aussi. Mais c'est trop tard car je ne le reverrai jamais. Il me déteste. Donc je ne comprends pas pourquoi je pense encore à lui, je devrai passer à autre chose.
-Pourquoi l'as-tu envoyé promener la première fois ? S'interrogea-t-il avec unsourire compatissant.
-L'amour est une faiblesse. Penser à lui le montre bien. S'attacher à quelqu'un par des sentiments profonds ne mène qu'à la souffrance. »
Iskender afficha une moue surprise face à ses propos.
« -Tu m'étonnes de minute en minute Digi. Je m'imaginais que la miroir la plus recherchée sur le territoire américain était une adolescente sauvage et différente de nous. Je pensais qu'elle était égoïste pour venir ici, de vouloir semer le trouble et qu'elle détestait tout le monde car elle n'avait pas été choisie lors du Renouvellement. Et puis quand je t'ai rencontrée à l'anniversaire de Prodigy, après avoir compris qui tu étais, j'ai été surpris. Tu es loin d'être ce que je pensais. Tu es comme nous, quelqu'un qui tente de survivre dans un monde qui lui est hostile. Tu es abordable et même chouette. »
La concernée lui envoya un coup de pied sous la table en riant malgré elle, ses joues devenaient aussi colorées que la robe de la fêtarde.
« -Depuis que je suis dans un gang, certains de mes amis me regardent différemment alors que toi, c'était comme t'annoncer que j'avais pris une douche. Tu n'as rien dit, et tu as même voulu en apprendre plus à propos de moi. Ce n'est pas parce que je livre de la drogue que tu me rejettes. Et puis, à croire que tu n'étais pas assez plaisante, tu es d'accord sur le fait que l'amour ne fait que détruire ce qui nous reste de cœur. »
Joaquim changea de siège et serra le jeune homme contre elle, la gorge nouée. Elle n'avait jamais rien entendu de plus gentil. Même Kyle ne l'avait pas bouleversée comme cela, Kyle l'avait bouleversée autrement et plus viscéralement mais pas autant. Se sentir apprécier à sa juste valeur était agréable.
« -Alors comme ça on livre de la drogue ? Dit-elle en s'installant sur ses genoux d'un air faussement outré, les sourcils arqués.
-Tu vois, tu es si différente de mes préjugés que j'en oublie que tu vis à New-York que depuis des semaines. Je suis un livreur et messager pour les Cyber Sanguinaires. Nous vivons grâce à l'importation de drogue depuis une autre cité. On est les premiers sur le marché new-yorkais.
-Rien de quoi être fier Iskender, et puis je croyais que ta mère avait été arrêtée pour trafic de stupéfiants, le railla-t-elle d'un air compatissant.
-Je n'ai jamais voulu faire comme elle. En devenant Cyber Sanguinaire, je ne pensais pas faire cela. Mais je ne pouvais refuser quand ils m'ont demandé de faire des livraisons. Cependant, un jour je montrais dans le clan et j'arrêterai de faire cela.
-Tu... tu consommes ?
-Je ne fume que des cigarettes.
-Mouais. Rectification, tu fumes beaucoup trop, clama Joe.
-Finalement je retire ce que j'ai dit, tu n'es plus quelqu'un de bien. »
Elle savait qu'il jouait avec elle et ne répondit pas à sa pique. Elle leva son majeur et se dirigea vers la piste de danse sans le quitter des yeux, ses bras se mirent à s'élever et elle se laissa bercée par la musique. En somme, elle aimait bien les boîtes de nuit.
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Joaquim savoura le picotement du froid au bout de son nez. Ils étaient rentrés tard la veille mais elle avait eu un sommeil sans cauchemars grâce à Iskender qui lui avait fait tout oublier en une soirée. Elle se rendit dans l'arène illégale, Bayley Kingdom selon le graffiti qui décorait l'entrée principale. Il y avait peu de monde en ce début d'après-midi, cela contrastait avec le combat auquel elle avait assisté. Le calme avait remplacé les braillements. Elle se sentait trop légère, sa sacoche était dans son studio et ses carnets étaient cachés derrière une plaque dans un placard de sa cuisine. Elle salua les deux personnes qui s'entraînaient sur le ring central et resta à les regarder.
« -Tu souhaites prendre leur place ? Demanda le gérant. Le soir, c'est réservé aux combats et la journée, ce sont des entraînements. Une petite contrepartie est alors demandée.
-En effet, j'aimerai essayer. Je voudrais me faire un peu d'argent. Je suis fine et agile.
-Donc c'est les combats du soir qui t'intéressent.
-Néanmoins je ne sais pas comment ça marche, avoua Joe.
-C'est comme tout, ça s'apprend. Au fait, moi c'est Ashir. »
La jeune Griffin avait besoin d'argent et rapidement. Elle avait un loyer et plus de boulot. Elle se doutait qu'elle n'allait pas gagner grand-chose au début. Elle se découvrit et s'échauffa sur le tapis dur comme la pierre. Ashir la mit avec un garçon qui lui montra les bases. Elle retint qu'une seule information, tous les coups étaient permis. Il lui apprit quelques techniques, caché derrière sa mèche noire qui retombait sur ses yeux en amande tout aussi sombres. En fin d'après-midi, ils finirent en sueur et les muscles endoloris.
Le public voulait du spectacle donc on leur donnait de la violence virulente et crue. Les gens arrivaient peu à peu ; Ashir avait fini d'écrire à la craie le planning de la soirée. Joe rassembla ses affaires et se mit aux premières loges, en se massant l'épaule. La plaie s'était refermée mais la douleur n'était pas encore repartie. Elle se laissa embarquée dans les cris et les applaudissements.
Au fil des combats qui se déroulaient entre quatre murs de grilles, Joe comprit qu'Ashir ne recherchait que des punching balls pour que le plus fort attire les parieurs. Certains avaient toujours de l'espoir pour les souffre-douleurs. Elle qui avait cru voir des rencontres équitables, elle avait un goût amer dans la bouche. Le favori de la soirée finissait devant des concurrents évanouis un à un, la fatigue ne semblait pas l'atteindre, ni les coups de ses adversaires. Donovan endiablait le public, son torse dégoulinait de sueur et de sang.
« -Encore ! Encore ! » Clamaient en chœur les spectateurs assoiffés de sang.
Malheureusement, il avait achevé toutes les trouvailles de la semaine. Joaquim sentit alors les iris brûlants d'Ashir sur ses joues rougies par la chaleur du lieu et l'effort. Il lui fit signe de monter mais elle refusa, pas question de faire l'idiote sur le ring. Il écrivit alors sur le tableau noir, en capitales, son prénom. Digitalis. Elle assista alors un phénomène surréel, les brutes dans la foule se mirent à scander son nom comme un seul homme. Elle pouvait sentir l'électricité de la salle au bout de ses doigts. Cela la fit encore plus reculer mais c'était sans compter les sbires du gérant qui sur ses ordres l'emmenèrent de force dans l'arène. Elle cligna des yeux, éblouie par les projecteurs, ses mains férocement accrochés aux barreaux. Les supporters hurlèrent alors leur satisfaction. Sa vision mit un temps à s'adapter à la lumière, pour finalement voir la foule obscure.
« -Essaye au moins du lui donner un coup, » plaisanta froidement Ashir en se léchant les lèvres.
Elle pesta mais elle était piégée dans cette cage, dans une sorte de transe par la clameur qui bourdonnait dans sa tête. Elle se mit en tee-shirt, retira ses chaussures et remit en place les bandes de tissus noir qui enroulaient ses poignets. Elle contempla la foule d'un air craintif, une main sur sa poitrine ; les battements de cœur résonnaient dans sa cage thoracique devenue tout à coup trop serrée.
L'arbitre siffla et le décompteur se mit en route. Trois minutes. Les gros chiffres rouges s'imprimèrent dans sa rétine. Finalement elle dut faire face à Donovan ; ses muscles étaient saillants, ses veines palpitaient sous sa peau mate tendue et ses dents brillaient sous la lumière crue. Ils restèrent plantés au milieu de cette cage à se dévisager sans bouger. Cela lui parut si long avant qu'il ne fasse un pas. Toutefois que trois secondes s'étaient épuisées. Elle inspira et leva les bras devant son visage comme lui avait appris le garçon plus tôt.