Franchement, j'aimerais bien vous dire que depuis que je sors avec Sasha, je vais beaucoup mieux, je ne suis plus dépressive, qu'il m'a redonné confiance en moi, ou que je ne suis plus dermatillomane grâce à notre amour.
J'aimerais vraiment vous dire ça, puis qu'on lance le générique d'un film d'amour un peu trop gnan-gnan.
Or, de la même façon qu'un cancer ne se soigne pas par le pouvoir de l'amitié, la dermatillomanie ne se soigne pas par l'amour.
« Hey, salut Miri !
Océane s'approche de moi, avant de déposer un petit baiser sur la joue d'Ada, sa copine. Elles ont mit du temps à se mettre ensemble, mais ça y est. Et Ada est rayonnante.
- Océane ! Comment ça va ?
- Ça va, et toi ?
- Ça va.
Lemon arrive discrètement, en baillant.
- Bonjour tout le monde.
- Salut Lemon !
Sous mon regard impuissant, l'éclat de vie qui émanait en permanence de lui s'est peu à peu dissipé depuis qu'Ada sort avec Océane. Il ne rayonne plus comme avant. Je pensais qu'il irait mieux avec le temps, mais ça ne s'arrange pas. Il tombe peu à peu dans la dépression. Et je n'ai rien pu faire pour l'aider.
- Comment vous allez ?
- Bien, et toi ?
- Bien.
Évidemment, il fait semblant d'aller bien devant tout le monde. Mais je ne l'ai jamais vu si fébrile, fragile et vide que maintenant.
Marcus arrive à son tour.
- Yo !
- Salut, White.
- Salut, Aaron. Tout le monde va bien ?
Nous hochons tous la tête.
- Génial alors !
Sasha se joint à nous. C'est curieux comme le matin notre groupe s'agrandit si rapidement.
- Salut tout le monde !
- Salut Sasha !
- Salut Tauarii !
Il sourit. Lui pour le coup, son rayonnement naturel contraste bien avec l'air pitoyable de mon meilleur ami.
- Vous avez vu, on a un contrôle dans deux jours... Un contrôle commun à toutes les classes de Secondes !...
Je déglutis et me mors doucement la lèvre. Sasha s'en aperçoit et se rapproche de moi. Il se met derrière moi et m'enlace. Il me chuchote à l'oreille :
- Si tu ne le sens vraiment pas, on pourra aller réviser au parc, d'accord ? Ou chez moi, comme tu veux...
Je soupire, et il dépose un baiser sur ma joue pendant que les autres continuent leur discussion sur ce contrôle.
- Merci, Mon prince...
Sasha me lâche, et se met à côté de moi dans le cercle approximatif que mes amis et moi formons, tandis qu'il me tient la main, par l'auriculaire.
- Sérieusement ! Il paraît qu'il est coeff trois et super dur !
- Putain !... Ma moitié va énormément baisser, c'est sûr !...
- Vous croyez qu'on peut passer en Première même si on le foire ?...
Je serre un peu plus le doigt de mon fantastique et idiot de copain, qui comprend le message.
- Bien sûr que vous passerez... Il n'y a pas de raison... Sinon, où est Will ?...
- Je crois qu'il a loupé son bus.
- Comme d'habitude... Il se lève toujours si tard !...
- Parce qu'il passe la nuit à regarder des vidéos YouTube...
- D'ailleurs, vous avez vu la dernière de Squeezie ?
Et naturellement, la conversation dévie du sujet qui me stressait. Je regarde affectueusement Sasha, pour le remercier, et en guise de réponse, il replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille en souriant.
- Sasha Tauarii... Je t'adore vraiment... Merci d'être là...
Encore une fois, il sourit.
- C'est un plaisir d'être là, Miri Aaron. »
Clémentine Happer, la fille de notre classe, débarque avec toute sa bande de pimbêches.
« Non, sérieusement ? Vous sortez ensemble, vous deux ?...
- Depuis un moment déjà, en effet.
- Wow...
Sasha et moi, on est un couple discret. Je n'aime pas afficher ma vie à tout le monde, et Sasha était de mon avis. Alors seuls nos amis le savent. Enfin, ce n'est pas un secret. Si quelqu'un nous le demande, on répondra à l'affirmative. C'est juste une question de ne pas exposer sa vie privée.
- Depuis combien de temps ?
Sasha soupire en souriant.
- Un peu plus d'un mois, je dirais...
- Et on ne le savait pas ?!
Il hausse les épaules en riant.
- Si vous vous intéressiez à autre chose qu'aux mecs à poil ou à Jules De la Cour, vous le sauriez sûrement ! »
Elles repartent vexées, en insultant Sasha. Il rit puis continue de discuter avec Lemon, Marcus et les autres, tandis que Will arrive nonchalamment, en prétextant avoir loupé son bus. Nous rions car il nous le dit quasiment tous les jours. Il ne changera jamais...
Sasha ouvre la porte, et nous rentrons chez lui. Nous allons dans sa chambre, et nous nous asseyons sur son lit. Il pose son sac à dos sur ses genoux, et en sort son classeur avec ses notes.
« Alors, Caresse, on commence par quoi ?
- J'en sais rien..., dis-je en soupirant.
- Ça ne nous avance pas.
- Tu veux commencer par quoi, toi ?...
Il fait défiler ses fiches.
- L'Histoire, ça te dit ?
Je hausse les épaules.
- Hé ! Tu devrais être reconnaissante que je t'aide à réviser ! Je déteste réviser !
- Justement, moi aussi. Pourquoi on fait ça, déjà ?...
- Pour que tu ne stresses pas pour l'exam. Parce que je ne veux pas que tu stresses.
- Donc tu fais dans ton propre intérêt, et je devrais t'être reconnaissante ?
Il rit.
- Petite impertinente...
- Une impertinente que tu adores, ne l'oublie pas.
- Mouais. Une impertinente insupportable qui ne veut pas réviser son Histoire.
Je souris.
- Alors... Que s'est-il passé le 14 février 1939, chère élève dissipée ?
- C'était la Saint-Valentin, j'imagine. Et la Seconde Guerre Mondiale n'avait pas encore commencé.
- Oui enfin... C'était surtout le jour où l'Allemagne nazie a lancé le Bismarck.
- Le Quoi ?
- Le Bismarck. Un bateau.
- Ah...
- En parlant de Saint-Valentin... Tu veux quelque chose ?
- N...
- ...Je vais reformuler. Je sais que par politesse tu diras « non c'est une fête commerciale », mais même si tu me convainquais de ne rien t'offrir pour la Saint-Valentin, je t'offrirais quelque chose pour le White Day.
- Le « White Day » ?
- Au Japon, le 14 février est le jour où des filles vont aller offrir des chocolats à leur entourage. Famille, amis, etc. On appelle ça des « giri chokko » c'est-à-dire des chocolats de politesse. Mais si ces filles offrent leur chocolats pour avouer leur amour, on les appelle « honmei chokko ». Et un mois plus tard, le 14 mars, c'est le White Day. Si les garçons ont accepté les sentiments des filles, ils leur offrent des chocolats à leur tour.
- Ça doit être éprouvant à attendre comme délai, un mois...
- J'imagine. Mais qu'est-ce que tu veux pour la Saint-Valentin ?
- Rien. Passer des petits moments avec toi de temps en temps, ça me va, Mon prince.
- Toutes les filles disent ça, n'est-ce pas ?
Je ris.
- Aucune idée. Mais sérieusement, ne dépense pas ton argent pour des trucs si inutiles...
Il hausse les épaules.
- Je le ferai quand même. Tu sais que je ne suis pas très obéissant...
- Je suppose que je dois te trouver un cadeau aussi, alors...
Il rit.
- Fais comme tu le sens. Mais si je n'en ai pas, je m'en fous. Du moment que toi tu es là.
Je rougis et détourne le regard.
- Il y a un problème, ma Caresse ?
« Ma » Caresse... Il l'a redit...
- Non... Je me demandais juste si...
- Si... ?
- Si tu accepterais que... Que je t'embrasse ?...
- Pourquoi je ne voudrais pas ?
- Parce que...
- ...J'en serais ravi.
- Même avec...
- ...Bien sûr. Je ne t'embrasse pas tout simplement car tu dis ne pas aimer ça, mais ça ne veut pas dire que moi je n'aime pas ça. Moi j'adore t'embrasser !, dit-il en riant.
- Et ça te dérange que je ne veuille pas ?...
- Non. Évidemment que non. Je n'ai pas besoin qu'on s'embrasse pour savoir que je suis amoureux de toi.
- M... Mais tu ne doutes pas de mes sentiments pour toi, à force ?...
- Tu es amoureuse de moi ?
- Oui ! Et c'est pour ça que j'ai peur de faire quelque chose de mal !
- Alors je te crois. Si tu me le dis, je te crois. Et tu ne fais absolument rien de mal. Quand je suis avec toi, tu n'as pas à douter de toi, d'accord ? Quand on est tous les deux, ne doute pas que tu es fantastiquement formidable.
Il sourit.
- Alors... ? J'attends...
Je ris et, incertaine, je me penche vers lui. Il pose sa main sur ma nuque. Les pulsations de mon cœur s'accélèrent, et je pose mes lèvres contre les siennes, puis je m'écarte.
- Ça faisait longtemps !... Merci, ma Miri. C'est vraiment super agréable de réviser l'Histoire avec toi.
- Mon Sasha..., dis-je en souriant naïvement.
Il a raison. Ça faisait longtemps. En fait, après qu'on se soit mis ensemble, on s'est embrassé juste une fois. Alors, ça change.
- Bref... Quand est-ce que la Seconde Guerre mondiale a éclaté ?... »