Lilith n'avait pas l'intention de supporter la présence de Youta. Pas, après leur dispute, quelques jours plus tôt.
- Sors d'ici
Mais le Lapin n'avait pas l'intention de se faire dicter sa conduite par une étrangère. Il fit son entrée triomphale dans sa chambre comme si il était le Roi du Japon, vêtu de son coach long en cuire cendré et son pantalon cargo imprimé en dots qui devaient coûter plus que sa visite chez le coiffeur, sans compter que ses bottes rouges comme le rubis étaient hallucinantes. Mais ce qui interpellait surtout dans sa tenue c'est la grosse bague en or qu'il portait à son annulaire, cela ressemblait à se méprendre à une bague de fiançailles...
Il lui mit le laptop dans les mains.
- Instruis-toi, française et arrête de courir après la queue des vieux!
Lilith allait l'envoyer chercher sa cervelle dans les chiottes, mais devant ses yeux, un dossier avait capté son attention. C'était son nom, inscrit en français.
Youta lui tourna le dos comme si il voulait oublier son existence et se mit à passer des appels codifiés. Il semblait avoir oublié leur dispute.
Elle s'assit sur le lit, avec le laptop sur les genoux. Gros matou était aussi de la partie et léchait tranquillement son derrière en miaulant doucement. Bon, ce n'est pas la meilleure vue; leçon d'anatomie féline cours 101.
- Il faut nettoyer l'allée, pas pisser sur les traces de sang!
Lilith frissonna. Elle ne voulait rien entendre. Elle avait rien à voir avec sa famille.
Le dossier était codé, mais certaines infos étaient accessibles. Elle parcourut plusieurs documents officiels, des copies, son extrait de naissance avec la mention 'père inconnu', les 30 déménagements de sa mère pendant ses premiers 4 ans d'existence, la date du divorce de ses parents, puis le jugement de la cour de confier la pleine garde à Kaedo.
Pourquoi s'acharnaient-ils à déterrer son passé?
-Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec ça?
Le hacker l'ignora avec affront.
- Le boss est au courant. Efface les données des dernières 2 heures. La française?
Il jeta un coup d'oeil à Lilith avec une grimace qui n'augurait rien de bon.
- Efface les traces de Ren san. Il n'est jamais sorti de sa chambre, d'accord?
Lilith fouilla les autres fichiers. Elle découvrit aussi 2 photos enfouies sous un faux dossier de manga, dont une d'elle bébé, dans les bras de sa mère à l'hôpital, puis une autre, plus ancienne d'un autre bébé qui rigolait, le sourire édenté dans les bras d'Arata. Le bébé avait agrippé le bras de Goda...c'était le boss.
Elle continua sa fouille, dénicha une très belle photo d'une jeune africaine à la beauté époustouflante, une version féminine de Ken. Elle comprenait mieux maintenant pourquoi un yakuza avait rompu avec les traditions ancestrales.
Il y avait plusieurs photos de Mme Soko avec différents membres du clan, et une en particulière la montrait entrain de prendre le thé avec nul autre que le Cobra doré. Gege se tenait là aussi, avec sa mine offensée et revêche.
Lilith découvrit dans les archives, un dossier privé des femmes de la famille. Elle reconnu Eiko, devant une maison très modeste, vêtue avec des chiffons de tissu, un grand chapeau sur la tête. Eiko avait l'air malheureuse.
Il y avait une date avec une note "quelques mois avant qu'elle soit vendue à la maison des geisha". Vendue?
- Les trois hyènes vont le découvrir, poursuivit le hacker. Oui, quand leur grand-mère arrivera, ils partiront avec elle
La jeune fille se questionna sérieusement sur le passé de Eiko qui semblait très lié à celui de la famille. Elle avait déjà deviné que sa proximité avec le boss ne pouvait qu'avoir une seule explication.
Les 4 veuves figuraient dans l'album, un doux sourire triomphant affiché sur le visage de la mariée. Lilith étudia l' expression des 3 veuves qui assistaient au mariage de la Veuve noire. Il était visible même pour un aveugle que le mari de la Veuve 1 ne souhaitait pas se trouver là.
- Les 3 hyènes? Où? Non, envoie Akira san les occuper. On ne doit pas les voir proche de la française. Ordre de Ken san
Un message du boss pompa dans la boite à lettres du hacker. Lilith cliqua, mais ils demandaient mot de passe. Elle s'essaya deux fois, mais c'était peine perdue. Un autre message tomba, cette fois-ci il n'était pas encrypté. Le boss disait "dossier à classer" en anglais. Il avait ajouté une photo de Yuna, avec des long cheveux noirs sauvages comme l'expression de son visage.
Yuna regardait le photographe avec une évidente provocation.... aguichante. Lilith se raidit. C'était vraiment une femme exceptionnellement belle.
La photo suivante était moins évidente: elle représentait une petite fille portant sur son dos un petit garçon : "Gege et son petit frère". L'enfant avait à peine 4 ans de différence avec la fillette, cela ne pouvait pas être un des jumeaux.
Qui était donc ce frère?
Elle calcula une cinquantaine de dossiers, nombreuses photos des quatre veuves dans leur jeunesse, elle ouvrit un qui portait des explosifs comme dessin, et découvrit, parmi les images noirs et blancs l'anatomique masculine aux dimensions variées et aussi la photo que Franze avait pris d'elle! Le soleil se couchait sur son corps à peine couvert, Lilith se dit que Franze avait un réel talent. Mais comment le hacker était-il tombé sur cette photo?
- Tu montres ta chatte facilement, française, remarqua-t-il un ton dégoûté, en raccrochant
- Sale pervers! fit-elle sans lui accorder un regard
- Je ne bois pas la pisse moi!
Elle effaça la photo.
- Le boss a déjà la copie
La face de Lilith tomba au grand plaisir de Yuta. Cela ne se pouvait pas!
Mais le plaisir fut de courte durée quand deux colosses surgirent dans la chambre avec le plateau de nourriture.
- Pas de visites, fit Akira
Yuta leva le sourcil, sceptique.
- Je lui tiens compagnie. Soutien moral
- Ordre du boss, pas de visites, répéta Akira
- Bye bye Youta, sourit l'adolescente
- Bitch, murmura-t-il entre ses dents
- Moi, au moins j'affronte ma peur. Pas comme une mauviette qui chie dans son froc devant Kana!
Bon, c'était un coup bas. Mais elle devait le faire payer. La couleur déserta le hacker.
La seconde suivante, un chat sauvage sauta sur elle, ils roulèrent sur le lit. Des griffes trop près de sa face. Elle le repoussa mais il s'accrocha à ses cheveux. S'en suivit un combat de cris, coup de griffes, et beaucoup de "sale pute blanche".
Akira, incertain ne savait comment intervenir.
Ce drame aurait pu se poursuivre indéfiniment, n'eut été que la porte s'ouvrit avec fracas. Les deux boxeurs se figèrent alors que la haute et terrifiante silhouette du boss apparut mystérieusement dans toute son splendeur, propulsant des ondes électriques dans la petite pièce au point de l'incendier.
Son regard glacial se posa sur l'adolescente qui tenait par l'oreille le hacker, alors que ce dernier tenait dans sa main une mèche de ses cheveux. Lilith avait pris la position dominante et chevauchait le lapin fou pour l'immobiliser contre son gré.
- Quelqu'un aurait l'amabilité de m'expliquer ce vacarme?
Non, Lilith ne le souhaitait pas.
La voix du yakuza irradiait comme Tchernobyl, elle craignait de déclencher le réacteur si elle parlait. Elle lâcha Youta et s'assit sur le lit, en évitant de le regarder en face. Le hacker coiffa ses cheveux d'une main, réajusta sa tenue de l'autre, puis se mit sur ses pieds, l'air penaud.
- Pardonnez votre subordonné, Feng san, fit-il en s'inclinant profondément. Pardonnez aussi cette fille, qui connait pas nos coutumes, elle est sotte, mais elle veut apprendre
Quoi?! Le poing de Lilith la démangeait. Elle avait été trop tendre avec ce con!
Le boss ne parut pas pour autant calmé.
- Votre chicane a été entendue dans la rue. Est-ce une façon de se comporter dans ce lieu?
- Votre serviteur est honteux d'avoir laissé cette fille initier la bagarre, s'expliqua Youta en s'inclinant de nouveau. Votre serviteur demande clémence pour elle
Lilith bouillonnait au point qu'elle était certaine de faire de la fièvre. 80 Celsius et plus! Le yakuza poignarda l'adolescente du regard.
- Tu te mets à violenter les hommes à mon service maintenant?
Elle leva le menton, furieuse davantage contre lui qui doutait toujours d'elle!
- Pensez ce qui vous plait! fit-elle simplement, en marchant vers la sortie
Deux gardes bloquaient la porte.
- Laissez-moi passer, gronda-t-elle
Ils ne bougèrent pas. Attendirent l'ordre de leur chef, un ordre qui ne vint pas.
- Feng san, fit une voix d'une douceur cristalline
Kana, attendait dehors. Elle n'avait pas perdu rien de leur échange et son air suffisant suffit à carboniser sa patience.
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Joyeux St-Valentin!