La griffe de la panthère noire

By Villafranche

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1995 : Lilith décide de visiter le japon, le pays de son père a quitté, pour l'amour de sa mère. Elle ne s'a... More

Ken
Feng
Youta
Personnages
Règles de base
Sous le signe de la panthère
Sueurs nocturnes
Le pavillon du Lapin
La fille au chat
Eiko
La griffe du tigre
Le jaguar
Maman
Le sanctuaire
Akira
Le coeur du dragon
Ayame
Les 9 lois du clan Ikeda
Goda
Festival du P
Les trois hyènes
Petit déjeuner avec grand-père
Mme Lu
L'intrus
Le doute
Kana
L'enfant perdue
Visite nocturne
Mamie Yoko
Les quatre veuves
Les cendres sacrées
Petites explications....Clan Ikeda
Une invitée improvisée
Hâfu
Ren
Yuba
Daizuke
Gros Matou
La fleur et le jaguar
Love Hotel
Lady Tomoe Gozen
LA FEMME D'ATSUMA
Leçon 1 : ne pas prendre le thé avec la veuve noire
Le neuvième commandement
La fuite
Franze
L'attaque de la pieuvre
Le retour du fauve
L'expiation d'un renégat
Leçon 2 : ne pas provoquer la panthère
Shota
Le piège
Leçon 3 : ne crie pas
Leçon 4 : ne m'aime pas
Prison dorée
Petites explications ... Clan Kojima et Hasewaga
leçon 5 : ne mens pas
Leçon 6 : oublie-moi
Carpe Koi
Yuugata (soir)
Tatiana
La fleur du cerisier
Le tatouage de la honte
Metake
Mad Dog
La poursuite du chien

God

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By Villafranche

En s'arrêtant à la cuisine, pour prendre un rapide déjeuner, elle entendit les femmes pouffer. Leurs chuchotements lui apprirent que sa sortie au Love Hotel  les tracassait, et  à mesure qu'elle avalait ses gyozas, Lilith comprit que des histoires d'orgies seraient probablement racontées autour de la table pour les jours à venir. Malgré la faim qui la tiraillait, elle décida de ne pas s'attarder, et fila vers le cabinet du boss. Les gardes qu'elle croisa, alors qu'elle traversait le hall d'entrée, lui jetaient des regards appuyés qui la mirent carrément mal à l'aise. 

Alors elle conclut, qu'elle ferait mieux de prendre les repas dans sa chambre pour les jours à venir.

- Miaou 

Le chat des enfers lui collait aux jambes, c'était comme si l'animal savait qu'elle allait à la rencontre du boss. Le parfum Mademoiselle de Coco Chanel flottait dans l'air, c'était comme si Youta avait parfumé les moindres recoins de son corps moelleux. La bête marchait devant elle, queue levée, lui donnant une vie imprenable de son derrière gras, méticuleusement épilé, soigneusement toiletté. Lilith cligna les yeux. Était-ce bien un mini coeur qui avait était dessiné dans le coin droit du royal derrière...?

- Évitons les problèmes avec les officiers

Elle trouva le boss en plein conversation téléphonique. Il avait enfilé un kimono sombre qu'on ne porte que lors des grandes occasions. Il n'avait pas encore attaché les bouts, elle pouvait donc apercevoir ses pectoraux plats, solides, bien dessinés. Même le chat poussa un miaulement qui pouvait s'y méprendre au gémissement d'extase de Cléopâtre en recevant Jules César dans son lit. 

Le yakuza lui fit signe de s'asseoir tout en poursuivant sa discussion;

- Attendez à demain pour le relâcher. 

Lilith cligna les yeux. Il ne parlait pas de Ken, si? Elle ouvrit grand les oreilles.

- Et faites-lui comprendre que sa présence n'est pas la bienvenue

Il ne  planifiait pas jeter Ken hors du clan!

- Pour la femme, attendons. Elle finira par comprendre que sa requête ne sera pas répondue.

Quelle femme? Lilith se demanda si ce n'était pas la mystérieuse amante de Ken, et si le fait de discuter devant elle de Ken n'était pas un moyen pour la torturer. 

- Je m'occuperai de Yoko kun, fit-il avec une certaine complaisance 

Elle savait que sa définition de s' "occuper" n'allait pas dans le sens de veiller à son confort, le boss l'avait prouvé en s'"occupant" du pauvre Ren . 

Lucifer sauta sur la table base, sur laquelle étaient éparpillés quelques documents, il encercla plusieurs sceaux rouges, Lilith reconnut les hankos. Ken lui avait expliqué qu'au lieu d'une signature manuscrite, les documents officiels sont signés avec un petit tampon trempé dans l'encre rouge : le hanko. Ce hanko appose un inkan qui est la signature. Tous les Japonais ont un, voire plusieurs hanko. Des centaines de versions différentes existent pour un même nom de famille. Les sceaux sont en bois, en métal, rouge, vert, avec des caractères aux traits plus épais, de forme ronde ou carrée, de diamètres différentes. Trois différents sceaux s'étalaient sur la table, dont le jitsun pour les documents officiels, le ginkôin pour les opérations bancaires et  le mitomein utilisé dans la vie de tous les jours. C'était comme posséder un mot de passe de luxe (les sceaux coûtent dans les milliers d'euros) sécurisé dans un pays où des millions de personnes portaient le même nom de famille. 

Le frère de Lucifer fut assez malin pour éviter de toucher les sceaux, contourna les papiers qui ressemblaient à des contrats d'exportation, avant de se diriger au coin de la table où on avait deposé une bouteille de désinfectant. 

- Yoko kun

Le ton abrupte du yakuza  lui fit lever immédiatement les yeux. Il la toisait de toute sa hauteur,  elle sentait sur chaque fibre de son corps qu'il ne fallait pas l'énerver aujourd'hui. L'ange des enfers déposa son derrière, un sourire perfide s'affichait sur son visage. 

- Ton escapade, la nuit dernière... commença le boss, comme si il savourait lentement le goût du poisson qu'il allait lui injecter

Lilith se raidit sur son cousin. Voilà, sa torture allait commencer. 

- Quelle partie, fit-il, en articulant bien chaque syllabe comme si elle était une malentendante , de ne pas sortir des paramètres de cette maison, tu n'as pas compris? 

Lilith sentit ses intestins se tordre. 

- Je comprends vos règlements, rétorqua-t-elle. Je suis prisonnière ici,  je n'ai pas le droit de m'échapper de ma prison

Attaquer était sa seule armée et elle allait s'en servir sans scrupule.

Le jeune homme fronça les sourcils. Pas bon signe. Lilith soutint son regard. Sa fureur n'avait pas complètement disparue après avoir sa confrontation avec Ren. C'était comme si l'exercice au sabre l'avait seulement réchauffé.

- Prison, répéta-t-il, comme si ce mot lui était inconnu

- Si vous me rendiez mon passeport, je pourrai retourner chez moi, et je ne causerai plus de problèmes, ajouta-t-elle avec panache, en pinçant sa lèvre par habitude, mais retint une grimace en s'apercevant qu'elle avait touché sa blessure

Ses yeux s'attardèrent sur la coupure de sa lèvre, son regard s'intensifia. C'était comment si il avait des rayons lasers à la place des yeux. 

- Qui l'a fait? Questionna-t-il, d'une voix grave et intimidante qui exigeait une réponse honnête

Lilith préférait manger des vagins de poule et des cerveaux de poisson que devoir compter sur cet homme pour régler ses problèmes avec Takada. Il ne l'avait jamais soutenu et ce n'est pas maintenant qu'elle chercherait son appui.

- Je suis tombée, dit-elle évasive

- Dans les toilettes de mon club, souligna-t-il

Espèce de flûte! Il avait dû regarder les caméras. L'homme l'étudia avec un calme inquiétant, comme si elle était une larve qui infectait son jardin. 

- Un accident peut arriver n'importe où, plaida Lilith

-  Il n'y a pas d'accidents dans mon club, souligna le boss, le ton impatient

La jeune fille se racla la gorge. Gros matou poussa son meilleur miaulement pour attirer l'attention de l'homme qui l'ignorait.

- Qu'est-ce que cela peut vous faire? déclama Lilith qui avait assez de se faire intimider par tous les hommes de cette famille de criminels. 

Ne voyaient-ils pas qu'elle était la victime dans cette histoire?!

- A part Ken, personne ne s'est soucié comment j'allais, fulmina l'adolescente ignorant la lueur qui dansait dans ses yeux. Je suis toujours retenue ici contre ma volonté, alors un kidnapping à midi, une gifle pour passer le temps, une coupure ou un bras casé pour se défouler sur la hâfu cela n'a pas d'importance n'est-ce pas?

Voilà c'était dit! Cela lui fit un grand bien d'avoir vidé ses intestins.

Le silence qui en suivit ne lui fait pas du bien. Pas du tout.

Même la boule à poils cligna les yeux, incertain de ce qui allait suivre.  Puis il fit une tentative prudente, lança sa griffe en l'air pour toucher le pantalon de son idole, mais ce dernier était d'une mobilité effrayante. Lilith se permit quelques gorgées d'air et faillit s'étouffer quand le yakuza se détacha lentement de la petite table et s'approcha d'elle. Lilith sentit son cœur cogner comme les gonds d'une cloche d'église. BAM BAM BAM...

- Tu t'es déshonorée, lâcha le boss, la voix cassante. Et tu nous a déshonorés

Ses mots prononcés avec une colère froide envoyèrent des chocs électriques tout le long de sa colonne vertébrale. 

- Pardon?

- Ta vertu, pointa le boss, comme si les mots étaient difficiles à prononcer

Elle ne comprenait pas ce qu'il disait, pourtant le yakuza semblait aussi sérieux qu'un moine bouddhiste. Ils parlaient la même langue, non?

Elle le dévisagea, passa en revue son dictionnaire japonais et tenta de déchiffrer le mot "vertu". Les images des femmes du XV siècle, des jeux coquins à Versailles et Mme de Montespan s'enroulant dans les draps du Roi Soleil....

Lentement, son esprit s'éveilla à une compréhensibilité nouvelle, elle prit conscience que dans la culture de cette famille, tout le problème résidait dans sa condition de femme. Sa sortie innocente la nuit, seule avec des hommes,  son aventure dans le  boudoir d'un Love Hotel avec Ken semblait prendre des proportions titanesques.

-  Ce n'est pas vos affaires ce que je fais, s'enflamma l'adolescente, sentant la furie des militantes féministes applaudir chacune de ses paroles et elle eut presqu'envie de sortir une pancarte disant BRÛLONS NOS SOUTIFS!

Elle avait à peine exprimé tout haut sa pensée qu'elle se trouva à quelques centimètres de son geôlier.

-  Ta vertu, Yoko kun, est la seule chose que tu ne peux pas perdre, trancha le yakuza

Lilith recula, en serrant les poings, songea sérieusement à lui lancer en plein face ce qu'elle pensait de ses idées rétrogrades et machistes au risque de finir dans un pire état que Ren!

Mais les prunelles sombres qui lui brûlèrent l'âme comme les coulées de lave d'un volcan, la percuta et une idée loufoque fit inexorablement chemin dans son esprit. La fureur du yakuza.... était-elle dû parce qu'il croyait vraiment qu'il s'était passé quelque chose avec Ken? 

Soudain un bruit massif, entre le tonnerre et les cornes d'un Viking, ébranla les murs.

L'adolescente cligna les yeux, pas certaine d'avoir bien vu. Pourtant, c'était bien une titanesque montagne de poil brun foncé qui ressemblait à un croisement d'ours et de loup, surgit derrière la porte, le museau joyeux, la bave pendante. Elle songea tout de suite à hurler mais  sa peur la retint, n'osa pas bouger espérant que la bête allait partir ou que le yakuza sortirait son sabre. Ce dernier n'en fit rien. A la lumière du jour elle s'aperçut que l'animal devait appartenir à une race de dinosaures éteints, tellement il était massif. Il la renifla prudemment avant ... de la manger? 

La bête produisit un jappement sonore qui faillit percer son tympan. Gros matou émit un sifflement de protestation comme si il le mettait en garde d'avancer. La seconde suivante Lilith se trouva à terre, avec ce mastodonte bavant sur sa face, enveloppée par un doux tapis de poils, et une irrésistible envie de rire. L'animal avait l'haleine d'un repas mal digéré, mais ses yeux brillaient d'une évidente sollicitude comme si il la considérait son meilleur jouet. Il souriait d'est en ouest, gémissant, plaidant pour son attention.

- Toi, tu es un gros bébé, conclut Lilith, en levant la main pour caresser les oreilles

L'animal approuva en laissant échapper un rugissement. Il ne semblait aussi inoffensif qu'un nouveau né.

- Godzilla!

Le claquement de voix eut un effet magique. La montagne poilue s'assit gracieusement sur son dernier, menton levé. Il regarda passionnément le yakuza.

Elle perdit son sourire, soupira, se mit lentement debout.

- Il me semblait avoir été clair

- Sur quoi? rétorqua-t-elle

Il prit cela comme de l'impertinence. Son visage se contracta. Le chien jappa encore, cherchant son attention mais le yakuza l'ignora. Lilith tendit sa main, le chien la lécha allègrement. 

Elle sentait peser sur elle le regard lourd et désapprobateur du boss. Kana, qui accompagnait le chien, s'arrêta à la porte, comme déboussolée de la trouver là, puis la dévisagea et Lilith sentit ce que sentait une crotte qui sèche au soleil.

- Lilith kun, fit la belle jeune femme

Elle portait aujourd'hui une robe noire plissée asymétrique de la collection Sacai, qu'elle avait décorée avec une fleur en soie blanche. Son maquillage discret était parfait. Lilith savait que cette femme devait être parfaite même en sortant du lit.

- C'est votre chien? enchaîna Lilith en se tournant vers le yakuza, juste pour le contrarier davantage

Le yakuza plissa les yeux. Pendant un instant, elle crut qu'il n'allait pas répondre.

- En effet, consentit-il à dire. Quoiqu'on ne possède pas un chien, il nous choisi

Kana eut un sourire dérisoire devant cette étrangère qui lui faisait l'affront de l'ignorer. Elle glissa quelques mots au boss dont elle ne comprit pas le sens, mais ses lèvres rouges mimaient le mot "bébé" avec une sensuelle désinvolture.  Ils se tenaient très près l'un de l'autre. Deux vraies statuettes sortis du Musée des Divinités de l'Olympe.

Lilith se tourna vers l'animal. Il bougeait frénétiquement la queue comme les aiguilles du Big Ben. Il semblait vouloir jouer ou faire le malade, dans les deux cas il voulait qu'on le câline. Ce qui n'était pas l'intention du Gros matou qui sortit ses griffes, près à entailler la jugulaire de la bête si il s'approchait trop près.

- Yoko kun, tu peux nous laisser

Le yakuza semblait avoir oublié leur dispute et la divine Kana prenait maintenant toute son attention. 

L'adolescent prit précautionneusement le museau de Godzilla et souffla dessous.

- C'est qui le beau chien pleins de poil?  Demanda-t-elle. Oui, c'est toi le gros malin baveux

L'animal approuva et sa queue fit le tour du monde. 

Une ombre étrange traversa les prunelles ardentes du yakuza. 

Lilith tourna les talons, décidée à ne jamais plus permettre à cet homme de la déstabiliser. Elle sortit au pas de guerre, fut surprise de voir le Grand Grizzli la talonner. Elle était encore fâchée contre le yakuza, cependant elle n'allait pas tenir rigueur à la pauvre bête des qualités humaines qui faisaient défaut à son maître. Bavant comme un ivrogne qui sort d'un pub, le mastodonte jappa aux gardes qu'il croisait, et qui eurent le bon goût de reculer, avant qu'elle se mette à courir  dans le jardin, ignorant les gardes qui tentaient de l'avertir des travaux qui se faisaient plus loin.

Elle couru jusqu'à perdre haleine, tenta d'oublier l'angoisse accumulée ces derniers jours, et tenta de se convaincre que le boss ne pouvait être cruel au point de s'en prendre à son plus fidèle employé. Elle finit par s'écraser sur le bord de l'étang, seul endroit de paix et tranquillité où elle pouvait se réfugier sans être dérangée. Elle contempla l'immensité de ce magnifique panorama floral et aquatique, songea sérieusement à s'y noyer. 

Mais elle allait retrouver Ken. Dut-elle supplier l'Oyabun de l'aider.

Elle envoya un sms à Youta.

"Tu es encore en vie?" répondit le hacker visiblement surpris qu'elle ait survécu avec un entretien privé avec le boss.

Il lui envoya une photo dans un spa, elle distingua ses pieds momifiés dans un étrange mélange vert, et des mains masculines qui lui massaient les jambes.

Lilith se dit que cet homme mettait surement plus d'argent à prendre soin de sa personne que  la Duchesse de Windsor.

" Il y a eu une commande de Tsukemen qui a été montée au cinquième, ce matin, l'informa-t-il. 

Comme Lilith ne comprenait pas le sens de cette information gastronomique, Youta jura;

" Ken san ne mange que de Tsukemen que quand il a la gueule de bois ou qu'il est malade, ennemie d'Einstein! Dans les deux cas, il va assez bien pour manger. "

C'était sensé être une nouvelle encourageante. Lilith ne voulait pas penser à ce qui a pu rendre malade Ken... quelques cotés casées?.....

Elle le questionna sur l'Oyabun.

"Au lit. Il a été surpris quand tu as refusé de prendre le thé avec lui, et a failli avoir un malaise quand il a su que t'étais avec la Veuve numéro 1.

"C'est toi qui m'a dit de le faire! Répondit-elle, furieuse

" Mais pas de manquer de respect au Oyabun! On ne refuse rien au Oyabun, tu n'as vraiment rien dans la cervelle, Marylin Monroe sous zéro!"

Ils s'insultèrent mutuellement pendant quinze minutes avant qu'elle ne ferme son mobile.

Elle comprenait mieux la fureur du boss en apprenant qu'elle avait offensé son père. Mais alors pourquoi Ren avait-il provoqué cet incident? L'attitude de ce jeune homme la troublait, ami, allié ou simplement il se plaisait à contrarier le boss?

Non loin de là, là où s'élevaient les érables japonais aux belles couleurs roses et dissimulé  derrière des arbustes de bambous, elle aperçu Asami entrain de pousser la chaise-roulante sur la quelle se trouvait Mme Lu. L'immobilité de sa compagne contrastait avec la conversation qu' Asami tentait d'entamer.

- Voyez bien mon amie, comment la brève migratrice a déployé ses couleurs. Par là, le rossignol akahigé fait son nid avec quelques branches de pin et sur la Wisteria Floribunda vous verrez le ...

Lilith se demanda ce que l'Oyabun pensait de l'attitude de son fils. Elle aurait bien aimé questionner son père mais elle s'aperçut que ses appels de longue distance étaient bloqués. De nouveau!

Elle suivit des yeux l'étrange couple qui s'avançait vers les recoins du bosquet.

Godzilla lui donna un solide coup de langue sur la joue. Elle frotta les oreilles du canin ce qui accentua son plaisir. C'était de loin la plus belle bête qu'elle ai jamais vu, et il était évident qu'il était toiletté avec amour, aucun poil ne dépassait. 

- Ton boss est un salaud, lui dit-elle

L'animal jappa, cela ressemblait parfaitement  à un assentiment.

- Tu es à l'aise avec les chiens

Lilith sursauta. Elle n'avait pas vu le yakuza s'approcher. Il marchait comme un fantôme! 

Avait-il entendu ce qu'elle avait dit à son canin?  

Il se tenait à quelques mètres d'elle, il y avait un étonnement dans son affirmation. Pas de compliment. Lilith ne voyait pas en quoi cela était singulier qu'elle s'entend avec un chien. Elle remarqua aussi que ses traits étaient plus détendus, comme si son entretien avec la belle Kana avait réussi à ...relaxer ses muscles?

Elle se tint sur ses gardes. Il analysait l'étrange couple qu'elle formait avec son chien. L'animal avait sa tête posée sur les jambes de l'adolescente avec un total abandon.

- Godzilla

La bête leva le museau, jappa avec puissance, rendit sourdes quelques mouches au vol, avant de retomber sa tête. 

Le yakuza l'examina avec autant d'attention que si elle se fut agi d'un précieux chargement d'opium. Elle frémit intérieurement, elle préférait de loin sa hargne.

-  Il s'appelle vraiment Godzilla? Demanda Lilith, tentant de dissimuler son malaise

Il hocha imperceptiblement la tête. 

- Cela surprend? Rétorqua-t-il, d'un ton qui bien qu'il n'était pas amical, n'était pas non-plus agressif

- Un peu

Lilith rit comme l'animal renifla ses cheveux avant de laper vigoureusement son visage, il tentait de nettoyer chaque trace de pollution qui s'y était incrustée. Elle tapota le dos du monstre. Comment se faisait-il qu'elle n'ait pas croisé cette belle bête plutôt?

- Non, arrête! J'ai déjà pris mon bain, merci!

L'animal n'était pas de son avis et poussa ses avances. 

- Godzilla, tiens-toi tranquille, tu es trop lourd! fit-elle comme le chien tentait de l'écraser de tout son poids

- Godzilla! Glapit son maître

Au son de sa voix, la bête se mit automatiquement en mode garde à vous.

- Ne le laisse pas te dominer, dit le yakuza, le ton moins guindé que d'habitude

- Facile à dire, fit Lilith. Il vous écoute vous, mais il croit surement que je suis son jouet

- Un jouet qui ne peut pas être cassé

Lilith manqua de s'étouffer d'étonnement. Était-elle entrain d'avoir une conversation avec le boss? Carrément placer plus que deux mots? Calmement, sans craindre de le fâcher ou de le décevoir? Oublié leur confrontation d'il y a 30 minutes? Lilith était surement entrain de rêver.

Le yakuza s'approcha, assez près pour qu'elle détecte une douce odeur de cigare et de saké. Elle se surprit à apprécier. Il sentait toujours bon, même si c'était un malfrat mal commode. 

- Ne prononce plus jamais le mot hâfu, lâcha-t-il, abruptement

- Pardon?

- Tu as bien compris

Lilith savait que c'était un surnom péjoratif que les japonais utilisaient contre les enfants qui étaient issus du métissage. Elle était presque habituée à être traitée de la sorte, cependant la fureur du yakuza montrait qu'il n'allait pas permettre qu'il en soit ainsi.

Il continuait de les observer. Elle eut la nette impression qu'il réfléchissait. Cela n'augurait rien de bon. Rien de bon du tout.

- Tu vas t'occuper de Godzilla

Lilith serait tombée à terre si elle avait été debout. Elle battit les paupières, crut mal entendre, avait-elle du sébum dans les oreilles? 

- Pardon? cracha-t-elle

Il semblait aussi sérieux qu'un moine.

- Godzilla a été opéré, je viens de le sortir de la clinique, expliqua-t-il, comme à regret

Visiblement il avait l'habitude qu'on lui obéisse, pas qu'il ait à s'expliquer sur ses décisions.

- Il aura besoin de surveillance pendant les prochains jours.

Il s'inquiétait de son chien? Il semblait presque humain tout d'un coup! 

- Mais je ...

- Je serai très occupé, et mes employées refusent de s'en occuper, précisa-t-il, durement, presque comme une menace

- Elles peuvent refuser? S'étonna-t-elle devant son long discours

Il ne goûta pas sa question.

- Ce sont des employées, dit-il en lui laissant comprendre qu'il ne gérait pas d'esclaves

- Est ce que je peux refuser? poursuivit Lilith 

Il esquissa un lent sourire au coin de sa bouche. Oh Mon Dieu! Elle fondit comme le miel au soleil, comme l'eau qui s'évapore de l'océan, se sentit devenir une pâte gluante et difforme. 

- As-tu envie de refuser? Demanda-t-il, le ton bas et rauque

Sa bouche était plus tentante qu'une cargaison de chocolats. Elle ne savait si remercier Dieu d'avoir rencontré cet homme qui était la Perfection sur Terre ou s'en dessoler de ne pas pouvoir résister à son sourire ravageur. Lilith se mordit la langue pour essayer de ne pas se perdre dans ses idées délirantes. Elle était une française, moderne et anticonformiste, elle n'aimait que les blonds aux yeux verts, marseillais de préférence, pas machos...

- Si j'accepte, qu'aurai-je en retour? Fit-elle, en secouant ses pensées

Par le cul de Jupiter! Elle n'avait pas dit ça!

- Qu'as-tu envie? Questionna-t-il, d'une suave et confiante

Le cœur de Lilith n'était plus qu'un astre en parfaite extase avec l'immensité de l'Univers. 

C'était sa chance. Elle pourrait demander plus de liberté, des bijoux, une chambre sécurisée comme la Banque  Mondiale.....

- Je veux voir Ken, souffla-t-elle

Le yakuza plissa les yeux.

- Non

- Non? Pourquoi?!

- Non, rétorqua-t-il comme si il détestait devoir se répéter

- Laissez-moi au moins lui parler

- Il n'est pas en état de parler

- Quoi? Mais pourquoi? Que lui est-il arrivé?

Il balaya la question d'un léger froncement de sourcils. De toute évidence, il n'allait pas négocier ses décisions avec une femme. Il s'attendait clairement qu'on lui obéisse, point!

Kana, arriva, dans ses talons perlés,  une moue amère au coin de sa bouche quand elle aperçu Lilith. 

- Tu ne répondais pas à ton mobile, fit-elle. Nous devons aller, Feng san. Ils ne peuvent plus attendre

Le yakuza hocha la tête. Lilith n'allait pas laisser passer sa chance.

- Laissez-moi aller le voir! Décida-t-elle, en se mettant debout. C'est tout ce que je demande!

Kana sembla ennuyée par l'attitude persistante de l'adolescente. Le yakuza garda son air de calme sanguinaire.

- Non

- Vous n'avez que ce mot à la bouche?

Son visage s'assombrit. Kana leva ses sourcils, comme si l'adolescente était une suicidaire qui marchait imbécilement vers la potence.  

Lilith fulmina. Elle était décidée à ne pas céder.

- Tu n'as pas encore appris à te tenir correctement, remarqua le boss, si sèchement qu'elle sentit qu'il coupait un morceau de son coeur.  L'épisode d'hier nous a bien montré que tu te moques de nos coutumes

Il était redevenu l'individu détestable qui tuait toute la vie sur Terre. Lilith dissimula sa peine.

- Je ne me moque pas! corrigea-t-elle. Je décide de ne pas les suivre, 

Kana mis sa main dans sa bouche. Elle ne pouvait pas sourire, si?

- Tu es la petite-fille du Oyabun, coupa le yakuza sur le même ton.  Obéissance et respect sont deux notions qui ne devraient pas être étrangères. 

Elle se sentit  plus misérable que Jackie Kennedy à Dallas.

- Te permette plus de liberté était une mauvaise idée, cela ne se répétera pas, trancha le boss

Lilith vit Kana se régaler de chaque flèche que le boss lui envoyait, elle léchait presque ses lèvres...

- Yuba vous envoi ses salutations, riposta l 'adolescente, la voix grinçante, dissimulant son coeur qui saignait

Le regard du yakuza se voila d'une ombre dangereuse. Kana parut perplexe, battit ses fausses cils.

- Savez-vous ce que j'ai pensé quand il me gardait enfermé dans sa sale voiture? Fit Lilith, armée de colère. J'espérais que mon père n'allait pas avoir une  crise cardiaque, parce que cette fois-ci, il risquait de mourir!

La mâchoire du boss se resserra. L'éclat de ses prunelles de nuit la percuta, le tonnerre gronda et  elle sut qu'à cet instant, elle était allée trop loin.

Il fit un pas en avant.

- Non, Feng san, souffla Kana, présentant la catastrophe, et tendant sa jolie main où brillait un bracelet cinq karats. Elle est une française, elle ignore encore dans quel pétrin elle nous met...

Il cadavéra la jeune femme du regard. Lilith profita de cette distraction pour filer à la française, espérant que les atouts de Kana allaient conquérir le yakuza ou tout le moins le  retenir en laisse le temps qu'elle puisse rejoindre  un endroit sûr.

Les gardes regardèrent placidement la folle française courir en direction de la maison comme si le feu lui brûlait le derrière.

Arrivée dans sa chambre, Lilith mit la berceuse pour bloquer la porte, s'enferma dans la salle de bain, et se coucha dans la baignoire. Il lui prit une heure avant de se calmer mais elle savait d'avance qu'elle ne pourrait pas sortir de sa chambre avant des jours.

Son mobile vibra. Elle ouvrit les paupières pour lire le message: "Tu es une fille stupide". C'était signé Kana.

Lilith se dit que le yakuza devait être entrain de préparer son corps pour le salon mortuaire. Elle ferma les yeux, et s'endormit presqu' aussitôt.


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