Aaron.
Les premiers rayons de soleil caressent mon visage, m'apportant une douce chaleur qui m'éveille. Je m'étire et croise mes bras derrière ma tête. Comme à mon habitude, mon regard se pose sur le plafond. Cette journée s'annonce pleine de promesses, je le sens.
Je me lève et me dirige vers la salle de bains. L'eau froide qui glisse le long de mon corps détend mes muscles, une sensation que j'apprécie dès le matin.
Une fois habillé, je descends les escaliers. Léon et Jason, mes bêtas, sont déjà à table en train de prendre leur petit déjeuner. Je m'installe en face d'eux.
— Brad et Justin veulent te voir, m'informe Jason.
— Pourquoi ? demandé-je, sur la défensive.
Il hausse les épaules et continue de manger.
Brad et Justin étaient les bêtas de mon père. Pendant mon enfance, ils ont été responsables de la gestion de la meute, si bien qu'ils ont pris l'habitude de s'immiscer dans mes affaires. Pourtant, ils savent très bien que je ne tolère pas de recevoir des ordres.
— Ils parlaient de recherches hier soir avec ma mère, m'informe Léon.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi ils parleraient de recherches.
Étant le fils de Brad, Léon est constamment informé des pensées de son père, ce qui joue en ma faveur.
Conscient que ce sujet risque de m'agacer, je me relève et me dirige vers le bureau. Mieux vaut en finir le plus vite possible. Aucun de mes bêtas ne parle, ayant compris que je suis d'une humeur massacrante. Brad et Justin arrivent toujours à me gâcher la journée.
Cependant, je m'arrête en sentant Léna assise seule dans la forêt.
— Allez-y, je vous rejoins après.
Elle ne bouge pas lorsque je m'approche d'elle. Je l'enlace par derrière et embrasse son épaule nue.
— Je t'attendais, déclare-t-elle en souriant.
— Comment savais-tu que j'allais arriver ?
— Tu es accro à moi.
Je ne réponds pas. Elle se retourne pour entourer mon cou de ses bras.
— Pourquoi vouloir me voir dès le matin ? demandé-je, bien que je connaisse déjà la réponse.
Elle s'empare de mes lèvres. Pris de désir, je la plaque contre un arbre et accentue notre baiser. Elle a envie de moi, autant que j'ai envie d'elle.
Toutefois, lorsqu'elle tire le bas de mon tee-shirt, je la repousse à contrecœur.
— Ils m'attendent, lui indiqué-je en m'éloignant.
— Ils peuvent bien attendre quelques minutes de plus.
— Quelques minutes ? répété-je, agacé. Attends ce soir, et ce seront des heures.
Elle m'embrasse une dernière fois en rigolant.
Arrivé devant mon bureau, je soupire longuement avant de rentrer. Je m'assois à ma place en bout de table et attends qu'un des deux commence.
— J'ai eu le rapport de Tony, commence Justin.
Mon regard, qui était agacé, devient sérieux tout à coup. Des rumeurs circulaient selon lesquelles certaines meutes avaient été attaquées par des loups mystérieux. C'est pourquoi j'avais décidé d'envoyer Tony en infiltration. Je savais qu'il était de retour depuis hier soir, cependant, j'ignorais qu'il avait terminé son rapport.
— Plusieurs meutes ont été attaquées au sud par des loups dont aucuns des membres n'avaient senti la présence.
— Ça doit être la meute de Thomas ! On doit se préparer à attaquer.
J'ai passé des années à le traquer. Maintenant qu'il est aussi près, je ne le laisserai pas s'enfuir facilement.
— Léon, tu vas préparer la meute, prendre...
— Non, intervient Brad.
— Non ? répété-je, hors de moi. C'est une opportunité en or ! On peut tracer un périmètre de localisation ! C'est le moment ou jamais ! Nous irons en guerre, que vous le vouliez ou non.
— Tu n'es pas au sommet de ta force, Aaron, ajoute Justin.
Je le foudroie du regard. Je suis un alpha surdéveloppé. J'ai des capacités qu'aucun autre loup au monde n'a. Même faible, je reste le plus fort.
— Il lui faut son âme sœur, murmure Léon, pensif.
Il me faut quelques secondes pour réaliser ce que cela implique.
— Non.
Je me lève pour m'adosser contre la baie vitrée. Je n'avais encore jamais envisagé de chercher mon âme sœur. Je suis déjà le plus puissant, je n'ai pas besoin d'elle. Et puis, Léna me convient.
— J'ai déjà celle qui me faut, dis-je en chuchotant, tourné vers la forêt.
— Aaron, tente Brad, tu sais bien qu'il n'y a que le lien d'âme sœur qui compte.
Je me retourne d'un coup pour le fusiller du regard.
— Je ne partirai pas à sa recherche, le sujet est clos.
Je m'assois sur ma chaise pour analyser le rapport de Tony. Les meutes qui ont été attaquées au sud ne sont pas très loin. Une centaine de kilomètres à peine nous séparent. Thomas pourrait s'approcher rapidement.
— Il ignore que nous pistons sa position, ça joue en notre faveur. Léon, assure-toi que les équipes sont prêtes à attaquer. Jason, tu te chargeras de Tony. Je veux tout savoir en détail. La moindre information pourrait nous servir.
Je me lève pour me diriger vers la forêt. J'ai besoin de courir.
Avant de sortir, Brad tente à nouveau :
— Ton âme sœur pourrait...
— Le sujet est clos, répété-je.
L'air frais me frappe de plein fouet, calmant la tempête qui s'acharne en moi.
Léna me convient amplement, je ne veux pas de mon âme sœur. L'avoir ne me servira à rien. Je peux battre Thomas sans son aide. J'ai passé ma vie à m'entraîner d'arrache-pied pour ce moment.
Si seulement j'arrivais à le rattraper...
Je marche lentement à travers les arbres, profitant de la tranquillité de la nature. Cet air paisible contraste avec mes pensées agitées. Je dois trouver comment l'attaquer par surprise. Il a l'avantage d'être indétectable pour le reste de ma meute, cependant, je peux le sentir. C'est pourquoi je dois être sur mes gardes.
C'est à cet instant que je sens Liam courir vers notre territoire. Ses battements de cœurs trop lents me confirment que quelque chose ne va pas.
Alarmé, je cours vers la frontière. Mon conseil ne tarde pas à me rejoindre.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande Jason en fixant l'horizon.
— Il est blessé, dis-je.
Liam arrive en courant difficilement et s'effondre devant nous. Les taches de sang sur son pelage indiquent plusieurs blessures. J'arrive à décerner les morsures d'alphas. Il a été attaqué pendant sa mission d'infiltration.
Luttant contre la douleur, il tente de garder les yeux ouverts. Seulement, son cœur nous confirme qu'il ne va pas tarder à mourir. C'est trop tard.
Aussi cruel que cela puisse paraître, ce n'est pas pour cette raison que nous le regardons avec inquiétude.
— Il n'a pas d'odeur, remarque Léon.
Un long soupire s'échappe de mes lèvres. Il n'y a qu'une explication possible. Une seule personne est capable d'envoyer un tel message.
— Thomas, murmure Brad.
Liam ferme les yeux, se laissant emporter par l'obscurité. Je serre la mâchoire.
— Tu l'as senti ? me demande Jason.
Je secoue la tête. Non, je ne l'ai pas senti. Et cela indique une chose que je refusais de croire.
Enfin, je donne mes ordres :
— Tony ne retournera pas en mission. Je veux que la meute soit prête dans un mois.
— Pourquoi ? me demande Léon, inquiet.
— Je vais retrouver mon âme sœur.
*
Le soir, comme promis, je me retrouve dans la chambre de Léna. Sa tête est posée sur mon torse nu, elle trace des cercles sur ma peau.
— Je ne veux pas que tu partes.
— Je n'ai pas le choix, dis-je, j'ai besoin d'elle.
Sons soupir fait écho au mien. Évidemment qu'elle ne le veut pas non plus. Elle pense que mon âme sœur serait un problème pour notre relation, mais je sais que cela ne sera pas le cas. Elle ne pourra pas s'immiscer entre nous.
— Elle ne représentera rien, la rassuré-je.
En voyant qu'elle ne répond pas, je fronce les sourcils. Je sens que ses émotions changent pour laisser place à de la crainte.
— Ne t'inquiète pas, ajouté-je, j'ai seulement besoin de sa présence.
— Tu aurais pu éviter de la trouver. Tu es déjà plus fort que tout le monde. Elle ne t'aidera pas autant et le lien...
Je l'interromps directement :
— Le lien ne représentera rien. Je vais l'activer, et c'est tout. Ça n'aura aucun impact sur notre relation, c'est juste une formalité.
Je me lève pour m'habiller. Je ne veux qu'une chose : la retrouver le plus rapidement possible pour clore ce chapitre pour de bon.
*
Des voitures attendent devant la porte. Après avoir vérifié une dernière fois qu'on ne manque de rien, on se prépare à partir. Plusieurs membres de la meute nous observent attentivement. Ils sont tous impatient de rencontrer mon âme sœur. Car cette personne est autant mon destin que le leur.
Je ne peux m'empêcher de me demander à quoi elle peut bien ressembler. En tout cas, j'espère qu'elle conviendra à mon image.
Je garde un regard froid lorsque Justin arrive à ma hauteur.
— J'espère que tout ira bien.
— Je ne vois pas ce qui pourrait mal tourner.
Il hausse les épaules et sourit. Je m'apprêtais à rentrer dans la voiture, quand il m'arrête.
— Aaron, commence-t-il, évite de commettre la même erreur que ton père.
— Quelle erreur ? demandé-je, surpris.
— Si elle ne veut pas venir, évite d'utiliser la manière forte.
Comprenant ce que cela implique, je le questionne :
— Ma mère ne voulait pas venir ici ?
— Non, admet-il en souriant tristement. Il l'a forcée à venir et elle a eu du mal à s'en remettre.
Choqué par cette information, je ne réponds rien. J'ai toujours pensé que mes parents étaient fous amoureux. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle l'avait rejeté.
Tous les souvenirs qu'ils me restent d'eux sont joyeux. Leur amour était visible à des kilomètres. Je n'ai jamais songé à leur rencontre, mais je n'aurais jamais cru qu'il l'avait forcée à venir. Mon père était un bel homme, un alpha puissant, il me semblait évident que tout le monde aurait voulu être son âme sœur.
Écrasé par cette révélation, je me ressaisis et m'assois dans la voiture. Jason conduit tandis que Léon est assis côté passager. Je ne parle pas pendant tout le trajet. Je pense à mille et une explications envisageables, cependant, aucune d'entre elles n'est logique.
À l'approche de la première ville, l'appréhension naît en moi. Je ne sais pas à quoi m'attendre. J'observe les passants qui scrutent les voitures, mais aucun d'entre eux ne retient mon attention. D'après ce que je sais, son odeur serait distinctive, la différenciant des autres. Cela signifierait qu'elle n'est pas dans cette ville.
J'espère sincèrement pour elle qu'elle ne posera pas de problèmes. Je ne suis pas quelqu'un de patient, surtout que je n'ai aucune envie d'elle.
Peut-être qu'ils ont raison, finalement ; je ressemble beaucoup à mon père. Je sais que si elle refuse de m'obéir, je n'hésiterai pas à employer la manière forte, quitte à la traumatiser...