Hermione ouvrit les yeux. Elle était dans le bureau du directeur, comme lorsqu'elle était partie ; mais un homme autre que Dumbledore était assis derrière le bureau. Cependant, face à lui, installé sur un vieux fauteuil, un sorcier ressemblant étrangement à Dumbledore avait levé la tête vers elle, l'air surpris. Il n'attendit pas un instant et il se leva, avant de pointer sa baguette dans la direction d'Hermione. Elle devait avoir coupé une discussion entre les deux hommes... En tout cas, un simple regard lui permit de confirmer sa théorie : l'homme qui la visait était Dumbledore. Son regard bleu et sa barbe blanche ne pouvaient appartenir à quelqu'un d'autre.
En hâte, Hermione cacha le retourneur de temps sous ses vêtements. Dumbledore suivit son geste du regard, mais fort heureusement, il n'avait pas vu le pendentif. Peut-être était-ce grâce à cet objet qu'elle était venue ? Mais dans ce cas, quel était-il ? Décidant d'agir enfin, Dumbledore tonna :
— Qui êtes-vous ?
— Je suis Hermione. Hermione Smith, dit-elle en se souvenant du nom lu sur ses papiers. Je suis ravie de vous rencontrer.
Hermione sourit, un voile de tristesse lui passant dans le regard. C'était la première fois qu'elle se nommait ainsi... Et qu'elle reniait son nom de naissance, Granger. Elle se tourna vers le professeur Dippet.
— On m'a dit que vous étiez le directeur. Je devais m'adresser à vous ; navrée pour cette intrusion dans votre bureau, mais je souhaitais vous demander s'il était possible d'intégrer l'école.
Dumbledore jeta un regard surpris à Dippet, qui haussa les épaules. L'air âgé, avec le visage ridé, une barbe blanche et un chapeau de sorcier épais, Dippet était directeur depuis bien longtemps. Dumbledore, simple professeur de métamorphose à Poudlard, allait prendre sa place, un jour ; même si tous deux l'ignoraient.
Dippet demanda, lui aussi troublé :
— Comment êtes-vous entrée ici ?
— Je suis rentrée par la Grande Porte et j'ai réussi à monter ici. Je suis montée en même temps que vous, professeur Dumbledore. Avec un sortilège d'invisibilité. Mais je n'ai pas osé me montrer. Ne vous en faites pas, je n'ai rien entendu à votre discussion, j'étais concentrée sur mes propres pensées.
Dumbledore haussa les sourcils. Il ne semblait pas être dupe : elle était apparue comme si elle avait transplané. Et puis, comment connaissait-elle son nom ? Il ouvrit la bouche, prêt à répliquer, mais le professeur Dippet fut plus rapide.
— Très bien, Miss Smith, quelle est la raison de votre venue ?
— Je souhaite suivre les cours ici.
Hermione chercha ses mots quelques instants, puis lança :
— Mes parents m'ont donné une éducation chez moi jusqu'à leur mort, il y a quelques semaines. Décédés lors d'une expérience, ajouta la jeune fille, voyant le regard intrigué de Dumbledore. Je suis fille unique, et le souhait de mes parents était que, s'ils disparaissaient, je vienne étudier ici. Donc me voilà, vous demandant de m'accueillir dans votre école... J'ai un peu d'argent, et aussi des connaissances importantes dans plusieurs matières.
Hermione garda la tête haute, confiante. Il fallait qu'elle se montre forte, qu'elle tente de prouver sa bonne foi. Elle regarda les deux hommes successivement, songeurs. Elle venait de nulle part ; devaient-ils lui faire confiance ?
Après quelques secondes, Dippet montra un siège à Hermione. Celle-ci retint un soupir soulagé et elle sourit sincèrement au directeur avant de s'y asseoir.
— Très bien. La rentrée sera dans deux jours, déclara-t-il. Nous allons régler quelques détails administratifs, afin de vous signaler au Ministère ; puis, nous vous dirigerons vers votre dortoir. Connaissez-vous le système de maisons à Poudlard ?
— Évidemment, répondit-elle. J'ai étudié l'Histoire de Poudlard, pour ma culture générale à l'origine.
— Je vois. Auriez-vous vos papiers d'identité sur vous ?
Hermione hocha la tête. Dippet ouvrit un tiroir pour en sortir un dossier d'admission, alors que la jeune femme foullait dans son sac. Les papiers, les papiers... Ah ! Les voilà. Elle les prit et les posa sur la table, avant de poser son sac au sol. Dumbledore, debout derrière, suivait chacun de ses gestes du regard. Elle paraissait inquiète... Comme si elle cachait quelque chose. Ou peut-être était-il trop méfiant ?
Après dix minutes, le dossier fut bouclé. Hermione avait su inventer quelque chose de faisable, en suivant ce qu'il était indiqué sur les papiers. C'était tout à fait fiable, d'après ce que Dippet avait pu songer ; cette demoiselle semblait de confiance. Elle signa elle-même ses papiers, puis mentit :
— Je n'ai que quinze ans ; en quelle année devrais-je aller ?
Elle en avait seize, en réalité ; mais il lui fallait se faire passer pour une jeune femme d'un an plus jeune, pour intégrer la même année que Tom Jedusor.
— La cinquième ; vous êtes de fin d'année, et je pense qu'il vaut mieux vous mettre un an en-dessous, quitte à vous changer en cours d'année si votre niveau se révèle supérieur.
Hermione hocha la tête. Il faudrait qu'elle fasse volontairement des erreurs, alors, pour rester à la même année que Tom Jedusor. Dippet réunit tous les papiers, puis il dit :
— Vous passerez sous le Choixpeau demain, lors de la Cérémonie habituelle, afin de pouvoir savoir quelle maison vous rejoindrez. Je ne vous ferai pas la description des maisons, puisque vous semblez les connaître.
Hermione acquiesça. Dippet poursuivit :
— Cette nuit, vous dormirez dans une des chambres vacantes. Albus, s'exclama-t-il en se tournant vers Dumbledore, conduisez-la et revenez ensuite, je vous prie.
Dumbledore acquiesça. Il attendit qu'Hermione se lève, puis il tendit le bras galamment pour l'inviter à se diriger vers la porte. Hermione lui sourit, remercia une dernière fois Dippet, puis sortit aux côtés du professeur. Ils descendirent les escaliers et s'engagèrent dans plusieurs couloirs. Dumbledore rompit le silence après quelques minutes.
— Vous avez emporté des affaires ?
— Bien sûr, répondit Hermione en jetant un coup d'œil à son sac en bandoulière.
Le silence se fit de nouveau, interrompu seulement par le bruit de leur pas sur le carrelage.
— Je suis enchantée d'être venue à Poudlard, en tout cas. J'espère qu'elle pourra m'apporter des connaissances supplémentaires ; enfin, je n'en doute pas.
— Vous étudiez chez vous, alors ?
— Exactement. Mes parents étaient d'excellents sorciers, mais me mettre dans une école sorcière n'a jamais été leur rêve. Et, à vrai dire, je n'avais jamais réellement souhaité venir.
Dumbledore hocha la tête. Il réfléchit quelques instants, puis dit :
— J'ose espérer, du moins, que votre famille n'était pas alliée à Grindelwald. Nous sommes dans une période troublée, et le directeur ne vous a pas interrogé à ce sujet.
— Ma famille n'a aucun lien avec Grindelwald, n'en a jamais eu et n'en aura jamais. Je vous jure que je ne suis pas votre ennemie.
Ils se confrontèrent du regard quelques secondes. Enfin, Dumbledore détourna la tête, et fut soulagé de voir la chambre de la jeune femme apparaître.
— Bien. Votre chambre est la première porte à gauche.
— Merci professeur.
— Si vous souhaitez manger, appelez un elfe de maison. Bonne soirée.
Dumbledore tourna les talons et partit. Hermione entra dans la pièce qui lui servirait de chambre pour la nuit. Si elle avait attendu quelques secondes, elle aurait pu entendre Dumbledore murmurer :
— Un voyage temporel... Tom va donc devenir un mage noir... J'étais sûr que la légilimencie allait marcher sur elle.
⁂
Hermione entra dans la pièce. Elle prit le temps de la scruter : un lit à baldaquin se dressait dans la pièce, accolé au mur. Une porte menait à une petite salle de bains. À la droite du lit, une armoire était placée ; en face, une bibliothèque et un salon assorti d'une cheminée qui donnait un côté chaleureux à la pièce meublait les Appartements.
Hermione s'assit sur un des fauteuils qui composait le salon et vida son sac : quelques vêtements, un livre avec des photos, des tonnes de rouleaux de parchemin et des plumes se trouvaient dedans. Elle retira son collier (le retourneur de temps) et le fourra dans son sac. Puis, elle rangea tout ce qu'elle avait sorti hormis une tenue pour le lendemain. La jeune femme ouvrit ensuite les portes de l'armoire et trouva un pyjama, et des tenues adaptées à sa taille ; vive la magie ! Hermione mit le pyjama et elle se glissa sous les draps du lit. Le voyage temporel lui avait pris toute son énergie : elle s'attendait, lorsqu'elle marchait, à chuter d'un instant à l'autre de fatigue. Pourtant, elle avait tenu ! Mais, elle était désormais dans un état misérable.
« Mince, je n'ai pas dîné... Tant pis, je suis trop fatiguée. »
Hermione ferma les yeux sans attendre. Elle sombra dans un sommeil profond, toutes ses pensées dirigées vers Harry, Ron, et ses parents. Peut-être qu'un jour, elle les reverrait... Et qu'ils seraient fiers qu'elle ait accompli ce voyage temporel.
Le lendemain, Hermione se leva et prit une douche. Elle mit une tenue empruntée dans l'armoire, car les tenues qu'elle avait prises étaient trop modernes pour l'époque. Ensuite, elle se coiffa : enfin, plutôt, elle tenta de maîtriser sa chevelure de lionne.
Une heure après son réveil, elle était prête. Hermione sortit de sa chambre, assez inquiète à propos de cette journée, mais tomba nez à nez avec un garçon qui semblait avoir son âge. Il lui demanda, d'un ton sec :
— C'est toi la nouvelle élève ?
— Hum... Oui.
— Le petit-déjeuner est servi dans la Grande Salle. Le professeur Dippet m'a envoyé te chercher, déclara-t-il, l'air hautain.
Le garçon avait les cheveux noirs et des yeux marron. Son regard était dur et glacial ; il devait avoir vécu des choses difficiles, pour être si froid.
— Tu es dans quelle maison ? demanda Hermione en partant sur ses pas.
— Serpentard.
Hermione jeta un coup d'œil à sa cape. Un blason de préfet y était accroché. Il était préfet de Serpentard ? Ce n'était pas étonnant. Seul un Serpentard pouvait être aussi désagréable. Enfin ! Peut-être n'était-ce qu'une mauvaise impression. Elle déglutit, puis demanda, espérant rendre l'ambiance moins froide :
— Tu as passé tes vacances ici ?
— Oui.
Hermione hocha la tête. Qui pouvait-il être, au juste ? Il était hautain, à Serpentard, et sans doute sang pur. C'était un Serpentard normal.
Ils arrivèrent enfin dans la Grande Salle, dans un silence pesant. Hermione sentait son cœur battre à vive allure, alors que l'envie de fuir se faisait encore plus importante qu'à son réveil. Comment allait-elle faire, si elle devait rester avec un garçon aussi agréable que celui-là ?
Les professeurs étaient assis à leur table. Mr. Dippet remarqua presque immédiatement l'arrivée des deux élèves et s'exclama :
— Ah ! Miss Smith. Nous vous attendions. Pourriez-vous vous approcher ?
Hermione jeta un bref regard au garçon, qui partit s'asseoir sans prendre la peine de lui accorder la moindre attention à la table de Serpentard. La jeune femme souffla et se dirigea d'un pas pressé vers la table des professeurs, anxieuse.
— Vous allez passer des examens pour tester votre niveau cette après-midi, l'informa le directeur. Ce sont de simples examens de contrôle, afin de nous assurer que la cinquième année soit réellement adaptée pour vous.
— Pas de problème.
— Vous aurez les résultats demain. Rendez-vous ici à 15 heures, vous avez la matinée et le début d'après-midi de libre. Bon appétit ! dit-il en montrant les tables de la tête.
Hermione acquiesça. Elle tourna les talons, mais hésita. Seul l'étrange garçon était présent, et elle se voyait mal manger seule. Autant essayer de se lier avec quelqu'un pour trouver des bases à Poudlard, même avec ce jeune homme ; Hermione traversa donc la pièce, et s'assit en face du garçon. Une assiette apparut face à elle.
— Salut ! s'exclama-t-elle, usant de tout son courage.
Le garçon l'ignora et continua de manger, sans prendre la peine de relever la tête.
— Ça va ? insista-t-elle.
Nouveau silence. Hermione l'observa quelques instants, mais commença à se servir à manger, sans s'en soucier. Tant pis... Elle se ferait d'autres connaissances. Peut-être que ce garçon aurait pu l'amener à Voldemort, après tout... Mais comment réagirait-elle, si elle se retrouvait face au mage noir ? Le tuerait-elle directement ? Soudain, le jeune homme s'exclama, la faisant sursauter, surprise :
— Je pensais que tu allais comprendre vite, mais finalement non. Ici, c'est moi qui décide. Toi et tes futurs amis doivent m'obéir. Eux le savent. Tu ferais bien de le retenir. Sinon... dit-il d'un air menaçant.
— Sinon ? s'exclama Hermione avec un sourire.
— Ça se passera mal pour toi.
Hermione se mit debout, la tête haute. Elle savait que les professeurs la voyaient, et qu'ils attendaient sa réponse, comme le jeune homme. Elle chercha à peine ses mots, et répliqua :
— Je n'ai d'ordre à recevoir de personne, et ce n'est pas un garçon comme toi qui va faire changer ça. Revois ta tactique, vil prétentieux, car tu n'es sans doute pas encore tombé sur plus fort que toi pour te remettre à ta place. Mais ça ne saurait tarder.
Hermione prit son assiette et s'installa à la table à côté, dos au garçon. Son regard dévia vers la table des professeurs. Ils semblaient avoir repris leurs discussions ; seul Dumbledore regardait dans le vague d'un air pensif. Il parut se reprendre, et il regarda successivement le jeune homme puis Hermione. Il pensa :
« Miss Smith ne laisse pas Tom lui marcher sur les pieds... Cela annonce du renouveau à Poudlard. Et si elle se retrouvait à Serpentard ? »
Hermione commença son petit déjeuner, et sortit de la salle dix minutes plus tard à peine, ravie d'avoir su répliquer face au jeune homme. Au moins, il savait de quel bois elle se chauffait ! Mais ne risquait-elle pas d'y perdre quelques plumes ?