J'avais traversé la plaine fleurie, ainsi qu'une forêt dense et pleine de vie. Chaque créature vivait dans une harmonie parfaite. Ils avaient tous un coin à eux, profitant de leur nouvel environnement. La bulle de lumière me guidait à travers la forêt pour me faire sortir sur une sorte de grande esplanade, où un immense escalier s'élevait au bout. La petite bulle se décrocha de moi pour voleter jusqu'à l'escalier. Sa lumière s'intensifia et elle prit l'apparence d'un petit garçon. Ses cheveux blonds comme le blé, et ses yeux noisettes le rendait adorable. Il était à peine plus grand que Luke, et il me tendit la main pour que je la prenne. Je la lui donnais sans même hésiter un seul instant.
On monta les escaliers, qui nous emmenèrent jusqu'à un jardin suspendu. Il y avait différents types d'arbres fruitiers, des plants de légumes, ainsi qu'une multitude de fleurs charmantes et au doux parfums enivrants. On se promena un long moment dans les jardins, ne rencontrant que le silence et un confort reposant. On finit par arriver près d'une petite rivière qui entourait un îlot où un énorme saule pleureur se hissait. Ses branches se balançaient doucement au gré de la brise légère qui soufflait. C'était un endroit vraiment magique et magnifique. En arrivant au bord de l'îlot, des racines sortirent de terre pour former un pont de verdure. Le petit garçon hâta le pas pour le traverser, et je le suivis un sourire fleurissant sur mes lèvres.
L'enfant se tourna vers moi et me sourit largement. Derrière lui se trouvait une autre personne, dont je n'arrivais pas définir l'apparence. Ses cheveux étaient des fils argentés aux multiples reflets colorés. Il était assis au creux des racines, lisant un livre ouvert sur ses genoux. Ses yeux se posèrent sur nous. Ils étaient à la couleur de l'univers. Les étoiles brillaient dans ses prunelles, et si on regardait plus longtemps, ces dernières un voyage stellaire nous y attendaient. Il sourit en me voyant, et m'invita à le rejoindre. Je ne me fis pas prier et m'installai à côté de lui.
« C'est un plaisir de te rencontrer Síos*. Je suis Eoloas, le druide primordial de la Connaissance, et l'un de tes ancêtres. Se présenta-t-il, en me tendant sa main, que je serrai.
– Enchantée. Pourquoi êtes-vous, ici ? Je veux dire vos frères sont encore...
– Parce que je n'ai pas besoin de rester dans le monde matériel. Je suis très bien ici, et puis contrairement à mes frères, j'ai eu une descendance qui perpétue ma lignée. Répondit-il, en me faisant un clin d'œil. »
Je souris, et il garda ma main dans la sienne. Il me rapprocha de lui, mettant son livre entre nous. C'était un livre avec des pages blanches. Entièrement blanche, ce livre n'avait rien de spécial à première vue, mais je savais que mon ancêtre ne lisait pas ce livre inutilement. Il avait sûrement quelque chose de très spéciale. Il posa ma main sur la page blanche, et à partir de ma main de l'encre noir s'écoula et forma des lettres. Les lettres s'illuminèrent pour projeter des images. C'était des souvenirs de mon enfance. Celle que j'avais eu dans le laboratoire, puis avec mon père. Je revis ma vie défiler devant mes yeux. Mon enfance tranquille jusqu'à ce que Gabriel n'envoie l'A.O.S pour mettre mon père en prison. Mes décisions après la mise en prison de mon père, et les difficultés qui nous explosaient à la figure.
Je visionnai mon passé comme un vieux film qui me paraissait lointain. Puis vint le moment, où je fis la rencontre de Cameron. Je sentis un pincement. Nos premières interactions étaient naïves et gauches. J'avais l'impression de voir un épisode d'une mauvaise série B. C'était de mauvais goût, mais savoir que ça s'était réellement passé ainsi, me faisait rire. Les yeux de Eoloas étaient posés sur moi, il ne m'avait pas lâché du regard. Il avait déjà connaissance de toute mon histoire. Il me montrait ça, uniquement pour parce que je devais revoir ma propre histoire.
Je regardais donc mon histoire en entière, aussi bien les bons moments que les mauvais. Certains passages étaient passés en accélérer, mais j'avais tout en mémoire. Quand la fin de l'histoire arriva à la fin, le moment où j'entrais au Sidh. L'écran s'éteignit pour retourner dans les lettres. Je retirais ma main, alors que le petit garçon blond vint prendre place sur mes genoux. Je plaçais un bras autour de lui, le serrant contre le moi.
Il posa sa petite main sur les pages blanches, et une encre dorée remplit l'espace par des arabesques jusqu'à en devenir un arbre, avec des petits rectangles où différents noms apparaissaient. C'était un arbre généalogique. Tout en haut, je pouvais y lire le nom Eoloas, mon ancêtre. En suivant les lignes, je vis le nom de mon père. Ce dernier était dans une encre argentée, signe qu'il était toujours dans le monde matériel. Les noms devenaient doré quand ce dernier mourait et rejoignait l'Autre Monde. Je vis le nom de ma mère, Clervie était d'une couleur de bronze. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi, et je ne cherchais pas spécialement à savoir. Je descendis sur le mien, il était d'une couleur platine. Sûrement parce que je n'étais pas tout à fait morte et que j'étais tout de même au Sidh.
Le nom de Cameron figurait à côté du mien. Il était argentée, mais il avait un reflet un peu bleuté. En tout cas, je le savais vivant donc il n'avait aucune raison d'être doré. De l'autre côté de mon nom, il y avait Peter, mon petit frère. Il était argenté lui aussi. J'étais soulagée de les savoir vivants. Mon regard se posa ensuite sur le petit encadré juste en dessous de moi et de Cameron, qui ne portait aucun nom. Je sentis une grande tristesse s'abattre sur moi. Je tendis la main pour effleurer cet encadré. C'était l'emplacement de mon enfant, qui n'avait pas pu être nommé.
« Est-ce que tu vas lui donner un nom ? S'enquit Eoloas.
– J'avais réfléchi à tellement de noms pour lui, mais je voulais que Cameron participe au choix. Commençai-je à expliquer.
– Et maintenant ? Sourit-il, en continuant de me fixer.
– Elias. Répondis-je, en caressant la chevelure blonde du petit garçon. »
Le petit garçon blond s'agita un peu, se tournant vers moi. Ses grands yeux noisettes me dévisagèrent. Je lui souris tendrement, et la curiosité que je voyais dans ses prunelles.
« Pourquoi ce nom ? Questionna l'enfant.
– Parce que tu mérites d'avoir un nom semblable à ton ancêtre. Avouai-je, en le serrant contre moi. »
Le prénom Elias apparut dans l'encadré doré, en caractère manuscrite et doré. Sa main quitta la page blanche. Ses petits bras entourèrent mon cou, et nous nous enlacions pendant un bon moment. Mon bébé était entre mes bras. Celui que je n'avais jamais pu tenir et nommer. Il était maintenant à mes côtés. On pouvait parler, discuter et toutes ses choses que j'avais eu envie de faire avec lui. Je voulais le câliner et le choyer comme toute maman le ferait avec son enfant.
« Je suis content d'avoir un nom, tu sais. Et je l'aime beaucoup. Dit-il, en posant ses petites mains sur mes joues.
– Oui.. mais il y a un problème ? Questionnai-je, en embrassant ses menottes. »
Il me déposa un baiser sur la joue, et il hocha la tête. Il descendit de mes genoux, un peu à regret pour se mettre sur ceux de Eoloas. Notre ancêtre lui tapota le dos comme pour le réconforter. Je ne comprenais pas. Elias n'avait aucun besoin de quitter mes bras. Nous pouvions être ensemble à présent. J'étais là où je devais être auprès de mon fils, alors pourquoi s'éloignait-il de moi ? Je n'arrivais pas à trouver la réponse. Eoloas m'offrit un sourire.
« Ta place n'est pas ici, Haylie. Avoua le druide.
– Mais..
– Il a raison. Ta place est dans le monde matériel avec Cameron et ta famille. Intervint Michel, en apparaissant derrière les branches du saule. »
Je me tournai vers elle. Ses cheveux blonds flottaient derrière elle, et ses yeux bleus brillaient légèrement. Elle ressemblait à un ange, dans sa tunique blanche et sa cordelette en fils d'or. Une couronne de laurier dorée ornait sa tête. Une vraie déesse grecque dans cet accoutrement. J'avais vraiment du mal à comprendre ce qui se passait en ce moment. Eoloas se leva avec Elias dans ses bras, et rejoignit Michel, qui prit mon bébé dans ses bras.
« Tu as été attendue, Clervie. Souligna Eoloas, en posant sa main sur son épaule.
– Je suis désolée, Maître Eoloas. S'excusa-t-elle, sans me lancer un seul regard. »
Je les regardais un peu perdue. Michel était ma mère, elle ne ressemblait pas du tout à la femme que j'avais vu en photo. Quoi que... Gabriel avait bien pu changé l'apparence des autres. Cela ne m'étonnerait pas qu'ils me disent qu'ils avaient changés son apparence pour qu'elle puisse être incognito. Seulement, il y avait certaines choses que je ne m'expliquais pas.
« Michel est ma mère ? M'étonnai-je, en ne comprenant pas vraiment ce qu'il se passait.
– Exact. Ta mère m'a demandé de l'aide pour veiller sur toi. Je lui ai donc permise d'être dans le monde matériel, mais cette permission s'arrête maintenant.
– D'accord, mais Raphael ? Il est ton cousin, non ? Je veux dire.. tu m'as bien envoyé chez lui ! Rappelai-je, car il était impossible que Michel ait un cousin alors qu'elle était morte.
– Eoloas a joué le rôle de Raphaël. Avoua Michel, en le désignant.
– Et il est temps pour toi de retourner dans ton monde. Expliqua le druide.
– Mais c'est mon monde ! M'exclamai-je, en les regardant.
– Síos. Même si tu es une Bansidh, tu n'en restes pas moins une créature mortelle. Le jour viendra où ton monde sera celui-ci. Répliqua mon ancêtre, alors que je me mordis la lèvre inférieure. »
Je devais donc abandonner mon bébé, ma mère et l'apaisement que j'avais ici. Je croyais pourtant faire partie de ce monde. J'étais une banshee, une messagère du Sidh, donc ça devrait être ma maison, cet endroit. Pourtant, on me disait de partir parce que ce n'était pas mon chez moi. Michel, ou Clervie, s'approcha de moi, et me sourit. Elle effleura de ses doigts ma joue.
« Ils t'attendent tous, tu sais. Me souffla-t-elle, tendrement.
– Tu vas venir avec moi ? Et Elias...
– C'était le seul moyen que j'avais, et je suis bien contente d'avoir pu te rencontrer. Je veillerai sur Elias à ta place ici. En attendant que tu vives cette vie pour nous. Me coupa-t-elle, en déposant un baiser sur la joue qu'Elias n'avait pas embrassée. »
Je hochai la tête, même si les larmes me piquaient les yeux. Je serrais les deux êtres que je n'avais pas pu connaître comme je le voulais. Ils me serraient en retour, mais ce fut très bref. Je rejoignis mon ancêtre, qui allait certainement me renvoyer dans le monde réel. Ce dernier me prit dans ses bras à son tour, et m'embrassa le front. Il me recouvrit les épaules d'un voile blanc, et il m'intima de fermer les yeux. Je fis ce qu'il me dit, après avoir lancé un dernier regard à mon bébé. Il ne m'avait même pas appelé maman, que je devais déjà repartir. Je sentis la magie druidique m'envelopper, mais pas que, je pouvais aussi sentir un lien puissant qui me reliait à l'autre côté, et j'étais partie pour retourner dans le monde matériel.
Je pouvais sentir les aspérités de la roche sous mes pieds nus. Mes larmes coulaient sur mes joues, et j'étais de nouveau en t-shirt et en culotte. J'ouvris les yeux pour les poser sur la plaine. La forêt était plus basse, et du haut du monticule, je me sentais un peu seule. Elias me manquait déjà un peu, mais je devais vivre pour lui. Je devais aussi raconter ma rencontre avec lui à Cameron. Il devait sûrement m'attendre de l'autre côté, ou bien était-il déjà entrain de courir rejoindre. Je récupérai mon pantalon et le remis.
Je descendis à peine du tertre que je vis débouler Cameron ainsi que les autres à sa suite. Il vint à ma rencontre, et posa sa grosse truffe contre mon épaule, pour me réconforter. Il ressentait un peu ma tristesse, et c'était normal. Notre lien s'était ranimé et j'étais revenue sans mal de mon dédale glacé, parce qu'il était là pour moi. Il avait finalement tenu sa promesse. J'entourais sa tête de mes bras, enfouissant ma tête contre sa joue. L'Autre Monde n'était finalement pas l'endroit où j'appartenais. Je ne me voyais pas être séparée de mon gros loup. Je pouvais entendre les portes du Sidh se refermer derrière moi. Et avant qu'elles ne se referment, une brise chaude se leva et porta avec elle la voix d'Elias jusqu'à moi.
« Je vous aime, maman, papa. »
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*Síos : Descendante en Irlandais.