Le Couteau ou la corde

Por JoursEtranges

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Le couteau ? La Corde ? Choix cornélien. Ah, si seulement je pouvais réussir au moins mon suicide, histoire... Más

Le Couteau ou la Corde ?

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Por JoursEtranges

21 Juin 2017, 00H13.

C'est le jour et l'heure où j'ai pris la plus grande décision de ma vie : y mettre fin. Je pensais que c'était la meilleure chose à faire. Mes raisons ? Les voici :

Je m'appelais Désiré Cagette. En somme, un nom tout à fait passe-partout, discret. Discret, oui, mais ironique de la part de mes parents d'appeler un enfant non désiré Désiré. J'ai toujours su que ce nom était le début de la vie de merde que j'avais eue. L'initiateur de toute cette mascarade qui aura duré 22 ans. Comme si Dieu - bien que je ne fusse pas croyant, j'ai eu énormément de problèmes dans ma vie et je n'avais pas envie d'en rajouter un ( de plus, j'essayais de côtoyer le minimum de personnes possible, toutes celles que j'ai rencontrées s' étant avérées être de parfaites catins) - comme si Dieu, disais-je, s'était dit :

-"Lui, je veux qu'il souffre, lui. Je veux que son existence, du début à la fin, ne soit qu'une énorme tartine de pourriture sur la biscotte parfaite de la vie. Ah et faut que j'achète des chips aussi."

Oui, le Dieu que j'imaginais était assez sadique. Enfin, je vous rappelle tout de même qu'il a fait d'autres choses bien plus horribles : faire pleuvoir sur une ville des boules de feu, transformer une femme en statue de sel juste parce qu'elle s'était retournée sur ladite ville, ou encore créer un animal aussi inutile et stressant que Kim Jong Un. Bref, pas le model du type sympa par excellence. 

La deuxième raison qui m'a poussé au suicide fut mon corps. Un corps que j'ai mis 22 ans à essayer d'améliorer, perfectionner, en vain. Cet amalgame de chair et d'os était définitivement inutile. Incapable de ne pas tomber malade, incapable de porter des masses supérieures à 10 kilos, incapable de parler sans bafouiller ou arroser d'une pluie gluante les rares personnes à qui je parlais ; l'échec était total. 

La troisième porte justement sur le thème de l'échec : échec scolaire pendant 13 ans de scolarité (les seules choses que l'école m'ait apprises étant une maîtrise très correct de la langue française et le fait que les punaises sur les chaises, c'est moins drôle quand on se les prend), échec amoureux (mais sur ce point je ne m'attendais pas à grand chose, de toutes façons), échec dans le travail, mon expérience professionnelle se limitant à une petite semaine où j'étais employé à McDo (puis viré parce que je mangeais les steaks ; c'était dégueulasse, surtout froid, mais la faim justifie tout).

La quatrième et dernière raison était ma vie en général, en fait. Arrivé à son apogée, j'étais sans le sous, seul, laid, amaigris, dépossédé de l'eau courante à cause d'un très petit retard de paiement (à peine 6 mois), et bientôt sans le logement. Je m'étais surpris à réussir à en obtenir un, il était hors de question que je le visse partir. 

J'ai donc pris la décision fatidique à minuit treize, le 21 Juin 2017. 

Il me restait quelques cordes dans mon petit appartement, et des couteaux assez longs pour me transpercer un organe ou deux, et faire une hémorragie suffisamment conséquente pour que je ne me réveillasse pas. Je pris donc les ustensiles, les disposai sur la table, et m'assis devant eux. Une seule et unique question resta en suspend : que devais-je utiliser ?

La question était rude. 

De prime abords, j'étais tenté par la corde. Me pendre aurait eu un petit côté dramatique du plus bel effet, alors que l'on aurait découvert mon corps se décomposant dans le silence. Cependant, un défaut esthétique subsistait. En me renseignant sur le sujet, javais appris que cette méthode entraînait une dilatation du rectum, et donc un relâchement de ce qu'il contenait. Et croyez-le ou non, je m'étais quand même mis à la place des gens qui allaient découvrir mes restes, et surtout LES restes de mon dernier repas (un petit restau mexicain pas cher duquel j'étais sorti sans payer mon double tacos viande, tabasco et sauce pili-pili (j'ai toujours aimé la sauce piquante)). Non, je me devais de trouver quelque chose de plus classe. Mon regard vint donc se poser sur le couteau. 

Héritage de ma grand-mère, qui s'était elle même suicidée après l'avoir mis à mon nom sur le testament (c'est vous dire si cette femme m'aimait), je savais qu'il me servirais un jour pour couper autre chose que de la viande achetée en promo à Lidl ou les boulettes pour chien quand la viande devenait trop chère (adaptation, adaptation... je tiens cela de ma grand-mère, aussi). Le couteau présentait un avantage non négligeable : la rapidité. Je n'avait qu' à bien viser, et le tour était joué. Cependant, j'avais un désavantage non négligeable : j'étais une brelle et j'allais certainement rater mon coup, et me faire vraiment très mal pour rien. L'eau n'étant plus disponible, je n'avais aucun moyen de me faire une saignée dans le bain pour accélérer le processus. Ô, destin, quand tu t'acharnes !

Désemparé, perdu, je me résiliai et me laissai glisser dans le fauteuil qui devait être saisi le lendemain. 

- Tout ça pour ça... pensais-je. En plus d'avoir une vie de merde, je suis condamné à la vivre entièrement, repris-je à haute voix. Bon, reste plus qu'à continuer à chercher des petits boulots. Avec un peu de chance, McDo embauche... Je les appellerai demain...

Soudain, une idée jaillit dans mon esprit : il suffisait d'appeler quelqu'un pour me dire comment me suicider. SOS suicide était le candidat parfait pour cela. Je saisis donc mon téléphone, et cherchai le numéro sur Internet. Celui-ci trouvé et composé, j'appelai et attendit quelques instants. On décrocha alors :

- Bonsoir, Pierre de SOS suicide à l'appareil, annonça-t-il d'une voix monotone et plate. Comment puis-je vous aider ?

- Bonsoir Pierre. Je suis désolé de vous déranger mais j'ai une petite question à vous poser : pour un suicide, vous pencheriez pour la corde ou le couteau ?

- Vous vous fichez de moi ? demanda-t-il. Je suis ici pour aider les vrais suicidaires, les aider à sortir de leurs mauvaises passes, donc vos canulars à la con j'en ai ras-le-cul. Laissez moi bosser. Il est tard, j'ai pas le temps pour vos conneries, dit-il, énervé. Déjà que les trouducs qui veulent se flinguer pour un oui pour un nom me font bien chier, j'ai pas envie en plus de m'emmerder avec des mongols qui font des blagues de merde ! 

- Je suis totalement sérieux, dis-je. Je veux réellement en finir, et je vous appelais justement parce que vous en entendez, des gens qui veulent se tuer. Donc, donnez-moi votre parole d'expert : corde ou couteau ?

- Non mais c'est qu'en plus il continue ! Tu me prends vraiment pour un con, c'est ça ?

- Ecoutez, j'en peux plus. Ma vie est nulle à chier, j'ai pas d'amis, pas de copine, pas de...

- FERME TA GUEULE ! hurla-t-il. J'en ai marre, de ce numéro de merde, de "ma vie est nulle, je sais plus quoi faire, et j'ai personne, et j'veux mourir..." Déjà que quand c'est un vrai suicidaire qui me le fait, ça me fout les boules mais à mort, alors en plus quand c'est des connards dans ton genre... Aaaarh ! Si c'est pour pleurer sur ta vie de chiotte, va voir un psy et fais pas chier les honnêtes gens, qui veulent juste bosser et réconforter les dépressifs de merde qui me pourrissent la vie putain !! 

Le type raccrocha d'un coup. 

J'étais très déçu, d'une part par son manque de professionnalisme, d'une autre part parce que je n'avais toujours aucun renseignements sur la manière dont je devais me suicider. Vraiment très déçu...

Je me levai du fauteuil et m'en allai vers la fenêtre . Je l'ouvris, histoire de profiter de l'air frais de la nuit. Le bleu sombre du ciel contrastait avec la lumière qui partait de la ville, si forte qu'elle remplaçait presque les étoiles, masquées par les nuages. Mon regard se promenait de balcons en balcons, dans les rues, sur les voitures, sur les quelques clodos toxicomanes qui venaient de sombrer dans le doux sommeil du junkie. Ah, que cette ville me paraissait immonde. Parfaite pour moi, finalement. Je suis né dans la crasse de ces rues, et y mourrai... Et y mourrai... Et y mourrai... 

Une idée me vint à l'esprit. 15ème étage... 

Cette idée n'a pas eu le temps de monter qu' à peine je tombai. J'avais pris appui sur le rebord de la fenêtre, et m'étais élancé dans le vide, dans l'ombre, tel un Batman en carton. Couteau ou Corde ? J'avais triché. J'avais outrepassé les règles que je m'étais moi-même fixé en choisissant le chemin de traverse, le troisième solution : la défenestration. Moi qui aimait Mike Brant, c'était peut-être un choix inconscient. 

L'air froid, autour de moi, semblait amortir ma chute, lutter pour m'arrêter. Semblait, seulement, puisque ce qui a arrêté ma chute était une vieille dame qui passait à une heure qui n'était pas du tout adaptée à cette personne. Elle n'était pas à sa place. Le destin l'a punie, et je l'y ai aidé. Nous sommes morts tous deux, sur le coup (en l'occurrence sur la tête, pour moi).

J'ai été enterré en petit comité : il n'y avait personne. Seul le prêtre et les employés de l'agence mortuaire. L'homme d'église ne s'est même pas donné la peine de prononcer un discours, un message, ou même lire un petit mot déposé sur un post-it. Non, il a juste fait un signe de croix puis s'en est allé, sûrement trop pressé de rejoindre le petit Timothée, 10 ans, enfant de chœur. 

Comment je sais cela ? Et bien c'est simple : je suis au paradis, maintenant. On m'a fait le tarif "vie à chier du sang", un tarif spécial pour les gens ayant eu une vie aussi terrible que la mienne : on vous promouvoie ange directement, on vous attribue une maison rien que pour vous, et tous les mannequins morts sont à votre disposition (merci d'avoir tué ta femme, Oscar, ça me cassais les pieds la pensée d'être toujours seul au paradis. M'enfin t'es en prison, maintenant, tu dois t'en faire une belle jambe).


Fin. 

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