Plus les jours passaient, plus les membres peu bavards de la communauté se déridaient. Aragorn et Gandalf prenaient maintenant part aux discussions, et Legolas répondait parfois même aux blagues de Gimli par des piques sur les nains, ce qui avait le don de faire sortir de ses gonds notre maître nain. Anya y voyait là peut être un début de réconciliation. Tous semblaient prendre du plaisir à parler avec les autres. Tous, sauf un. Boromir restait en retrait et ne parlait que très peu. Il ne s'adressait qu'à Aragorn. Pourtant un jour, dans un élan de stupidité, Anya décida de faire la conversation à Boromir.
- Bonjour Boromir ! Comment vous sentez-vous ?
- Bien.
Froid. Glacial même, pensa Anya. Elle ré-essaya tout de même, malgré le manque d'éloquence de son interlocuteur.
- Parfait alors ! Que diriez-vous de vous joindre à nous ? Sam était justement en train de...
Boromir la coupa violemment en se tournant entièrement vers elle :
- Je n'ai pas envie de discuter avec des semi-hommes, et encore moins avec une... Une "femme".
Anya s'arrêta, choquée par ses propos. Il avait dit le mot "femme" avec tellement de dégoût que ce mot résonnait comme une insulte. Elle ne pouvait pas rester là et encaisser l'affront que lui faisait Boromir. Son sang ne fit qu'un tour. Elle fit quelques pas et le rattrapa. Elle se planta devant lui et lui barra le passage :
- Une femme, comme vous dîtes, peut se défendre, surtout face à un homme qui la rabaisse. Vous en voulez la preuve ?
- Vous ne m'impressionnez pas.
Aussitôt sa phrase finie, il entendit un claquement et sa tête pivota. Il venait de recevoir une gifle. Il mit sa main à l'endroit de l'impact et retourna sa tête vers Anya. Elle avait encore la main en l'air et un air hautain se dessinait sur son visage.
- Ce n'était qu'un avant-goût. Sur ce...
Elle partit à l'avant, ignorant les regards choqués de ses autres compagnons. Aragorn la rattrapa et lui saisi le bras pour l'empêcher d'avancer.
- Anya, calmez-vous ! Qu'est-ce qu'il vous prend ? Pourquoi avez-vous frappé Boromir ?
Boromir leur répondit alors qu'il se dirigeait rapidement vers eux :
- Elle a osé me frapper. Vous auriez dû rester dans votre petit royaume entourée de vos petits amis animaux ! Vous ne nous amènerez à rien, vous n'êtes qu'un fardeau de plus à porter pour cette communauté ! Et vous arrivez quand même le courage de frapper un homme, sale garce !
Boromir était trop près d'elle, beaucoup trop près pour Legolas. Il repoussa violemment Boromir et passa un bras devant Anya, en signe de protection. Il fut bientôt rejoint par Rhavan qui avait suivit la scène depuis le bout de la file. Plus personne n'osait parler et c'est Gandalf qui brisa le silence. Il décida de s'arrêter pour que tout le monde puisse reprendre ses esprits. Boromir et Anya s'échangèrent des regards courroucés jusqu'à ce que Legolas n'emmène Anya un peu plus loin. Il la fit s'asseoir sur un rocher, et Gandalf, Gimli et les hobbits la rejoignirent. Seul Aragorn était resté avec Boromir, dans l'espoir de le calmer. Gandalf s'adressa alors à Anya :
- Anya, ne lui en voulait pas tant. Il est aveuglé par l'anneau et il ne pensait pas ce qu'il disait. Faîtes attention tout de même Il aurait pu vous blesser. Il ne différencie pas ses amis de ses ennemis. Soyez patiente, il s'excusera une fois qu'il reprendra contenance.
Anya n'arrivait pourtant pas à faire taire la rage qui bouillonnait en elle. C'est alors que Legolas planta ses yeux dans les siens :
- Ne soyez pas imprudente. Si vous aviez été seuls, il vous aurez fait du mal. Je ne dis pas que cous n'auriez pas pu vous défendre correctement, mais il aurait pris l'ascendant sur vous. Je vous en conjure, reprenez votre calme. Je ne voudrais pas qu'il vous fasse du mal.
Après avoir dit ses mots, il s'éloigna du petit groupe pour scruter l'horizon. Cet échange avait suffi à apaiser la jeune femme, et elle se sentit plus légère.
- Mademoiselle ! Si l'envie reprend à ce malotru de vous faire le moindre mal je lui f'rais tâter d'ma hache ! Vous êtes en sécurité !
Elle sourit aux propos de Gimli, tout comme les hobbits.
Son regard se posa sur Aragorn et Boromir. Ils étaient tout deux debout et, contrairement à elle, le gondorien ne semblait pas s'être calmé. C'est alors que Frodon, qui n'avait rien dit jusqu'à présent, grimpa sur un rocher et s'adressa à la communauté :
- Nous ne sommes pas ici pour nous battre ! Nous sommes tous là pour combattre un ennemi commun ! Pas pour se déchirer de l'intérieur ! En tant que porteur de l'anneau, j'exige la fin de vos disputes stupides et futiles ! Ne vous parlez pas si vous le souhaitez, mais cessez ces enfantillages.
Il descendit de son piédestal et vint s'asseoir à côté de Gandalf. Anya baissa la tête, honteuse. Elle avait été stupide d'avoir réagi de la sorte. Elle aurait juste dû ignorer le gondorien, mais son orgueil l'avait poussé à lui donner une correction. Aucun membre n'osa parler. C'est seulement lorsque la communauté se remit en route que les discutions commencèrent à renaître. Boromir resta cependant à l'arrière de la file formée par la communauté, qui traversait un petit bosquet qui s'était trouvé sur le chemin. La bonne humeur de la communauté était de retour, rythmée par les histoires de Merry et Pipin et par le sourire et le rire cristallin d'Anya. Alors que les deux acolytes allaient se lancer dans une nouvelle éloge sur la bière de la Comté, la jeune fille se faufila jusqu'à arriver à la hauteur de Frodon. Elle s'adressa à lui :
- Frodon, veuillez accepter mes excuses pour mon altercation avec Boromir. Je n'aurais pas dû agir de la sorte et mon comportement vous à causé du tort. Pardonnez moi.
- Voyons Anya, bien sûr que vous êtes pardonnée ! Comment voudriez-vous que je sois fâché contre vous. Vous êtes une bien trop gentille personne pour cela.
- Oh Frodon !
La jeune fille le serra dans ses bras et lui déposa un baiser sur la joue. Le jeune hobbit rougit aussitôt, ce qui eut l'effet d'amuser la jeune fille. Elle s'en revint alors aux côtés des autres hobbits et de Gimli. Plus les jours et les heures défilaient, plus la jeune fille prenait une place dans le cœur de chacun. Elle était comme un rayon de soleil qui illuminait la communauté. Elle était forte mais douce, fragile mais courageuse. Mais pourtant, un doute subsistait. Que se passerait-il quand elle devrait se battre ? Ils savaient qu'elle s'était entraînée et qu'elle connaissait sur le bout des doigts toutes les techniques du maniement d'épée des elfes, mais elle n'avait jamais tué. Comment réagirait-elle ? Mais pour le moment, l'heure n'était pas à ces réflexions. La communauté continuait d'avancer dans le bois, mais ils durent bientôt s'arrêter. Un loup les avait repéré et leur barrait la route. Il ne fallut pas longtemps à Legolas pour sortir une flèche de son carquoi et de la positionner sur son arc. Il s'apprêtait à tirer :
- Legolas ! Daro !
C'était Anya qui lui avait crié de s'arrêter. Elle posa une main sur sa flèche pour faire baisser son arc à l'elfe. Il s'exécuta.
- Posez vos armes ! Ayez confiance en moi.
Tous laissèrent tomber leurs armes, sauf bien sûr, Boromir.
- Boromir, écoutez-la. C'est un ordre, lui dit Gandalf.
Le gondorien se plia à la volonté du magicien et posa son épée à terre.
- Ce n'est pas un loup, mais une louve. Elle protège ses petits et elle pense que nous leur voulons du mal. En posant nos armes, nous lui indiquons que nous n'allons rien lui faire. Ni à elle, ni à ses petits.
La louve continuait pourtant de grogner et de montrer les dents. Bill commençait à paniquer, tandis que Rhavan avait plutôt l'air d'avoir confiance en ce que faisait sa maîtresse.
- Sam, calmez votre poney. Je vais tenter une approche. Si nous voulons passer, il faudra qu'elle parte.
- Ce ne serait pas plus rapide de la tuer ? Lui demanda Gimli.
Anya se tourna vers lui :
- On ne tue pas sans raison, Gimli. On tue si on en a la nécessité, et dans notre cas, ce n'est pas nécessaire.
Elle commença alors à s'approcher de la louve, plantant son regard dans le sien. Elle s'arrêta à quelques mètres de la celle-ci et s'agenouilla. La louve avait arrêté de montrer les dents, mais semblait tout de même très méfiante. Anya sortit alors un morceau de lambas de la poche de son pantalon et le tendit à la louve. Celle-ci s'en empara, après l'avoir reniflé avec méfiance. Elle partit avec son butin, libérant le passage aux voyageurs.
- Vous voyez Gimli, il suffit d'être patient.
Lorsque la communauté fut sortie de la forêt, la décision fut prise de faire une courte pause pour vérifier les aller et venu des orcs et le chemin à prendre pour rejoindre le Mordor. Chacun se mit donc à scruter l'horizon.
- Il nous faut prendre à l'Ouest des Monts Brumeux pendant quarante jours. Si la chance est avec nous, la trouée du Rohan nous sera ouverte. Et là nous prendrons à l'Est vers le Mordor, expliqua Gandalf.
- Si vous me demandiez mon avis, bien que ce ne soit pas le cas, nous empruntons le chemin le plus long, Gandalf, nous pourrions passer par les Mines de la Moria. Mon cousin Balin nous accueillerait royalement.
- Non Gimli, je n'emprunterais la route de la Moria que si je n'ai pas d'autre choix.
Les deux hommes furent coupés dans leur échange par l'intervention de Sam :
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est rien, c'est qu'un petit nuage ! Lui répondit Gimli.
- Qui avance vite... Et contre le vent ! Renchérit Boromir.
La voix paniqué de Legolas se fit alors entendre :
- Des crébains du Pays de Dun !
- Cachez-vous ! Hurla Boromir.
Tous se dirigèrent en courant vers l'orée du bois. Anya était montée sur le dos de Rhavan et avait entraîné Bill avec elle. Une fois la nuée de corbeaux passée, tous sortirent de leurs cachettes, et heureusement, tous étaient en sains et saufs.
- Des espions de Saroumane, s'exclama Gandalf. Le passage par le sud-est surveillé ! Il faut passer par le col de Caradhras !
C'est ainsi que les dix compagnons se dirigèrent vers les monts enneigés et brumeux du col de Caradhras.
Daro : Arrêtez / Arrêtes.