La ville n'avait pas changé depuis mon dernier passage. Les maisons s'élevaient le long de la rivière, les allées de pavés serpentant entre elles. Rien n'avait changé. Ni les boutiques spécialisées dans des sujets qui n'auraient jamais dû exister ni l'odeur. Ce parfum d'iode, de poisson et de sang. Je ne pourrais jamais oublier cette odeur si particulière et horrible.
Le port était massif et peuplé de Démons aux visages burinés et froids. Ils ne nous adressèrent pas un regard lorsque nous débarquâmes. Je n'y avais pas fait réellement attention lorsque j'étais venue avec le Traître. Je n'avais pas été préparée à cette longue ligne de quai qui arborait plus d'une vingtaine de larges bateaux. Je n'osais imaginer de quoi les Démons pouvaient bien faire le commerce.
Dant remonta les rues sans se soucier de savoir si nous suivions ou non. Sans réellement savoir comment, je parvins à retrouver la rue dans laquelle se trouvait la cabane de l'Ancienne. Nichée dans un coin, discrète et détonnant à la fois, elle me parut plus décrépite que la première fois.
Le Démon poussa la porte et s'effaça pour nous laisser entrer. Je m'arrêtai sur le seuil pour regarder cette atroce fontaine de sang qui faisait face à le demeure de l'Ancienne. Je frémis de dégoût.
L'Ancienne était assise dans un fauteuil à haut dossier. Elle était à peine visible, ses cheveux blancs se mêlant à la peau de bête qui couvrait le dossier du siège. Elle tourna la tête vers nous lorsque nous entrâmes, arrachant son regard au livre posé sur ses genoux noueux. Lentement, elle se leva, Dant allant la soutenir par le bras. Sa peau était translucide, laissant voir ses veines et ses tendons. Elle se fanait. Il était plus visible que jamais qu'il s'agissait d'une humaine ayant amplement dépassé son temps sur terre.
- Je t'attendais, Sixtine Aderleen, me dit-elle. Suis-moi donc.
Elle me fit signe de la suivre jusque dans la seconde et unique autre pièce. Dant me céda son bras lorsque je les rejoignis. La peau parcheminée râpa contre mes doigts, légère, à peine tangible. J'eus l'impression que, si je la tenais un peu trop fort, je briserais ses os.
Elle poussa la porte à moitié dissimulée dans l'ombre de la bibliothèque. Derrière, un couloir et non pas une pièce. Elle avança le long de nombreuses portes noires. Une seule d'entre elles était blanche. Ce fut celle que la vieille femme poussa pour pénétrer dans une chambre plus large que je n'aurais cru cette étroite cabane capable de contenir. Elle devait avoir utilisé sa magie pour transformer le petit espace en quelque chose de plus spacieux et vivable.
La chambre était constituée de plusieurs zones distinctes. Il y avait, évidemment, le lit en bois d'acajou entouré de lourds rideaux noirs. Il était posé à l'opposé de l'unique fenêtre, enfermé dans un cocon d'ombre. Un bureau se tenait juste devant la vitre, profitant de toute la lumière qu'elle offrait.
La majeure partie de la pièce était occupée par une table basse et des canapés moelleux et couverts de fourrures de diverses teintes de bruns et de roux. J'aidai l'Ancienne à s'asseoir dans l'un d'eux avant de prendre celui d'en face.
- Il y a plusieurs choses dont nous devons parler, jeune reine. Tu as besoin de plusieurs choses que je peux t'offrir.
Je ne dis rien, ignorant ce dont elle parlait. La seule chose dont j'avais besoin, c'était de libérer Nahl. Or, ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait m'offrir.
- Commençons par ton frère. Si je ne peux pas le libérer, je peux t'offrir ceci.
Elle sortit une fiole d'une poche intérieure à son épaisse veste.
- Fais-lui boire cette potion dès que tu l'atteindras. Ça devrait le remettre d'aplomb. Il en aura besoin.
Je pris la petit fiole dont le liquide vert ne laissait rien voir de ce à quoi il servait.
- Dois-je mettre cela sur ma note ?
- Nous parlerons de ta dette plus tard. Pour l'instant, nous avons d'autres sujets à aborder. L'automne arrive et, avec lui, la Cour Blanche. Si tu veux avoir une chance de récupérer ton frère, il faut le faire avant le solstice. Avant que le Roi Blanc ne prenne le pouvoir. Il ne te reste que deux semaines.
- Ça ne sera jamais assez. J'en ai mis presque le double pour venir des Cours jusqu'ici, la dernière fois.
- C'est pour cela que les Démons vous emmèneront, toi et tes alliés, au plus près des Cours par bateau. Le voyage ne mettra que trois jours et, ensuite, vous n'aurez plus que six jours à pied pour atteindre les Cours.
Ça, c'était un avantage inespéré. Trop beau pour ne pas être cher à payer. Qu'allais-je devoir offrir pour qu'elle me laisse repartir ? Mon premier né ? Mon âme ? Mon royaume ?
Elle se saisit d'une seconde fiole, plus grosse que celle qu'elle m'avait tendue précédemment.
- Tends tes bras, m'ordonna-t-elle. Soignons ces vilaines brûlures.
J'hésitai avant d'obtempérer. Elle prit un peu de la potion dans ses mains et l'étala sur un bras puis sur l'autre. Le baume traversa les protections qu'elle avait posé lors de mon premier passage et répara la peau en-dessous. La couche ambrée qui protégeait mes blessures céda et tomba sur la table. D'un geste, l'Ancienne les fit disparaître.
J'effleurai ma peau lisse et douce, comme neuve. Un sourire fleurit sur le visage ridée de l'humaine.
- Et une dernière chose...
Elle me tendit une clé. Toute simple, légère, en fer.
- Une fois que vous serez sur vos trônes, allez à WreitheKeep avec le Chasseur et libérez votre mère de cette terrible demeure.
Mes doigts agrippèrent la clé. Ma mère. Miléna. Celle qui avait fui chez sa sœur pour cacher au Roi Noir sa grossesse, pour me garder en vie. Elle m'y avait laissée, pensant que ma tante saurait me protéger. Sauf qu'elle avait été assassinée avec le reste de sa famille par Jon Marchetta qui avait fait de moi son bras armé contre son vieil ami, le père de Ryker, Quinten Madsen.
Je ne l'avais vue qu'une fois mais je me souvenais de son visage à la fois différent et similaire au mien, à celui de Nahl. Si je pouvais la libérer... Je pourrais enfin avoir un semblant de famille. Si je parvenais à annihiler les Rois Jumeaux d'abord.
- Que voulez-vous en échange de tout cela ? questionnai-je. Vous ne pouvez pas m'offrir tout cela alors que j'ai déjà une dette envers vous.
- Tu n'es pas sans savoir que je suis humaine. Mon temps est passée depuis bien longtemps, Sixtine Aderleen, et j'aimerais en voir la fin. Mais pour cela, j'ai besoin de toi.
- Pardon ?
Elle me demandait de la tuer ?
- Pour quitter cet endroit, cette cabane, cette vie, je dois être remplacée. Quelque part à la Cour Blanche se trouve celle qui a été cueillie dans la fleur de la jeunesse pour prendre ma position lorsque le temps serait venu. Et il est là. Tout ce que je te demande en paiement de ta dette, c'est de l'amener ici. Dès qu'elle pénétrera dans cette maison, les dés seront jetés et je pourrais enfin me reposer.
Je me sentis me détendre face à cette petite vieille. La fatigue et l'usure des années étaient évidentes et je ne pus que compatir.
Et accepter.
- Comment est-ce que je la trouve ?
- Le Roi Blanc doit l'avoir gardée dans un endroit secret, loin des yeux et des oreilles de sa Cour ou de celle de son frère. Une fois sur le trône, tu pourras sûrement la trouver. Tu seras connectée à ta Cour et ton frère à la sienne. Peu importe celui qui finira sur le trône Seelie, s'il y une humaine dans les environs, vous la sentirez. Mais sois prudente et ne parle pas de ta quête, surtout pas autour des Démons ou ils feront tout pour t'empêcher de la trouver.
J'acquiesçai silencieusement, encaissant ses révélations. J'avais envie de la presser de questions mais la fatigue se lisait sur son visage. Je me mordis la langue et me tus.
- Ne m'oublie pas, Sixtine Aderleen, ou les Démons viendront te rappeler notre marché.
- Je n'oublierai pas, promis-je.
- Alors presse-toi pour aller libérer ton jeune frère.
Elle balaya mes remerciements de la main et me pressa hors de sa chambre. Je retrouvai Naseok, Birn et Dant dans l'entrée. Ils virent tout de suite que mes bras étaient guéris. Ils ne dirent rien, toutefois, sauf pour le Démon.
- Je suis curieux de savoir quel prix tu vas devoir payer pour ces soins.
Je l'ignorai en sortant de la cabane.
- Où est le bateau qui nous emmène vers les Cours ? demandai-je simplement.
- Son capitaine vous attend sur le port, fut sa seule réponse.
Je partis droit vers le port sans un mot de plus. Il ne nous suivit pas, fermant la porte derrière nous. Sans Dant entre nous, les autres Démons commencèrent à s'intéresser à nous. Heureusement, aucun n'osa s'approcher.
- Quelle est cette histoire de bateau ?
- L'Ancienne nous offre un navire Démon pour nous emmener au plus près des Cours pour que nous puissions les atteindre avant le solstice d'automne et le changement de pouvoir.
- J'ai peur de savoir ce que tu as dû offrir en échange, admit Naseok.
- Plus tard.
Il n'insista pas.
Comme l'avait dit Dant, le capitaine était sur le port, sirotant une pinte de sang dont je préférais ignorer la provenance.
- J'ai déjà parlé avec votre équipage de pirates, nous dit-il sans s'embarrasser de formalités. Ceux qui vous suivent sont déjà à bord. On n'attendait plus que vous.
Il nous escorta jusqu'à un navire à cinq mats d'un noir profond. Son pavillon noir et rouge battait au vent. À bord, je ne fus pas surprise de retrouver Gallagher et Ryker. Par contre, je n'aurais pas cru que les pirates nous suivraient. Je les aurais plutôt crus du genre à reprendre leur liberté sur les flots. Au lieu de ça, ils s'engageaient avec moi dans les terres. À moins qu'ils ne soient là que pour le voyage en bateau.
- Tu es guérie, me lança Gallagher avec un sifflement impressionné.
Je me contentai d'un sourire en réponse. Le capitaine des pirates nous rejoignit.
- Je dois m'avouer surprise de vous voir, capitaine, dis-je.
- Vous êtes notre nouvelle reine, répondit-il. Et personne ne fait confiance à ces maudits Démons pour vous amener saine et sauve à la Cour.
Les Démons firent mine de ne pas entendre le commentaire et manœuvrèrent pour faire sortir le navire du port. C'était étroit mais ils parvinrent à se faufiler entre les autres bateaux et à rejoindre la rivière.
- Si vous le désirez, une cabine vous a été attribuée au second niveau, me lança un membre de l'équipage. Vous pouvez y passer le voyage. Vous ne devriez pas avoir le mal de mer.
Je ne cherchai pas à le remercier, sachant qu'ils verraient cela comme une faiblesse, une ouverture. Je saisis le bras de Naseok et l'entraînait avec moi jusque dans la cabine que nous désigna l'un des marins. Tout ce qu'il nous offrit, ce fut un mouvement sec du menton accompagné d'un grognement.
La cabine était plus large que celle que nous avions partagée sur le bateau des pirates. Naseok alla s'asseoir dans un fauteuil dans le coin tendit que je prenais place sur le lit dur aux draps rêches.
- Tu devrais dormir un peu, lui dis-je. Profite de ces trois jours pour te reposer. Ils ont dit que l'on n'aurait pas la nausée durant le voyage.
- Ils ont dû poser une protection sur leurs bateaux parce qu'ils ne sont pas liés à l'eau et qu'ils ont besoin du port pour fonctionner. C'est leur plus grosse source de revenus et de puissance. Ils possèdent le second plus grand port de la Faerie.
Je savais pourquoi il me disait ça. Pour m'éduquer. Pour me donner les connaissances dont j'avais besoin. Il faisait mine de rien mais je le connaissais un peu trop pour me faire avoir. Malgré tout, je ne lui fis pas savoir que j'avais compris ce qu'il faisait.
- Allez, va dormir, dis-je. Tu es épuisé. On a trois jours tranquilles. Autant en profiter tant qu'on peut.
- Tu ne me lâcheras pas, n'est-ce pas ?
Ce n'était pas réellement une question. Il se leva et vint s'asseoir à côté de moi.
- Pousse-toi dans le fond. Si je dors, toi aussi. On dirait que tu vas tourner de l'œil si tu ne te reposes pas.
Je voulus protester mais son seul regard me fit taire. J'allai me rouler au bout du lit, contre le mur. Je n'étais plus perturbée à l'idée de dormir avec Naseok. Depuis son agression, j'avais passé mes nuits à côté de lui pour le réveiller de ses trop nombreux cauchemars. Il avait cessé de protester rapidement, sachant qu'il en avait besoin. Surtout s'il voulait éviter les cauchemars.
Il s'allongea à côté de moi, me tournant le dos. Je le laissai faire. Même en dormant, il parvenait à rester à distance. J'étais celle qui bougeait et cherchait un peu de chaleur. S'il y avait une chose dont j'avais horreur désormais, c'était d'avoir froid en dormant et Naseok rayonnait toujours de chaleur.
Il s'endormit en quelques secondes. Je reconnus son souffle calme et profond. À force de dormir à côté de lui, je commençais à reconnaître les motifs. Pas que je lui laisserai savoir. Je fermai les yeux et tentai de m'endormir à mon tour. J'étais fatiguée, pour sûr. Épuisée. Malgré tout, je ne parvenais pas à trouver le sommeil tant mon cerveau s'énervait autour de ce qu'il se passait. Il nous fallait un plan d'attaque pour affronter les Rois Jumeaux. Nous n'avions rien. Tout ce que j'avais, c'était des pirates et des Démons, deux humains et trois vautours. Ça ne serait jamais assez pour réussir à récupérer mon frère. Comment pourrais-je dormir en sachant tout ce qu'il y avait à faire ?
Je me tournai et retournai, tentant de trouver une position confortable. Peut-être que si je trouvais ma place dans le lit, j'arriverais à m'endormir. J'avais besoin de sommeil. J'en avais atrocement besoin. Et pourtant, je n'y arrivais pas. D'ordinaire, quoi qu'il se passe, j'arrivais à dormir sans mal.
Je me redressai et me massai les tempes. Naseok était calme, sa poitrine se soulevant régulièrement, profondément endormi. J'avais dû mal à croire que j'avais eu peur de lui, que je m'en étais méfiée. Nous en avions fait, du chemin, pour en arriver à dormir côte à côte dans une étroite cabine.
Je me recouchai, regardant le dos du Unseelie en tentant de me rappeler à partir de quel moment j'avais cessé de le voir comme un ennemi. J'avais l'impression que, depuis que j'avais quitté Pit's End, mon monde avait commencé à se retourner. Mes amis ne l'étaient plus, mes ennemis étaient devenus mes amis, de orpheline, je me retrouvais héritière d'une famille dysfonctionnelle mais puissante... De Régicide, je devenais reine.
Je me frottai les yeux. La fatigue commençait à se faire sentir. Je me rapprochai de Naseok, juste dans cette bulle de chaleur qu'il émettait. Il n'en fallut pas plus pour que je commence enfin à sombrer.
Je me réveillai avec le nez dans le dos de Naseok qui était encore profondément endormi. Il ne broncha pas lorsque je me levai et passai au-dessus de lui pour sortir de la cabine. S'il se réveilla, il n'en laissa rien paraître.
Nos trois jours en mer passèrent de la même manière. Je passai la majeure partie de mon temps à dormir et à manger et à préparer notre arrivée près des Cours. Je n'étais pas prête à affronter... mon père. Ce n'était pas un terme que j'avais envie d'utiliser mais il était le seul qui puisse convenir. Il fallait que je l'accepte. Le Roi Noir était mon père. Mieux valait que je me fasse à l'idée au plus tôt, avant d'avoir à me retrouver face à lui.
La terre apparut dès les premières heures du jour. Les pirates et les Démons ne s'étaient pas vraiment mêlés depuis notre départ de Wringden mais ils s'allièrent pour dessiner un chemin aussi direct et avec le minimum de risques possibles. Je n'y connaissais rien aussi les laissai-je discuter et choisir. Je faisais confiance à Naseok pour savoir où aller et quoi faire. Il connaissait son sujet mieux que moi et je ne pouvais que me fier à son jugement.
J'étais dans le flou le plus total. Je ne connaissais rien au territoire alors que, eux, en avait parcouru les moindres recoins et le connaissaient par cœur. C'était quelque chose à quoi j'allais aussi devoir m'adapter.
Finalement, ils parvinrent à un consensus et le bateau s'approcha de la rive. Il n'y avait pas de port ni de véritable endroit où s'arrêter. Le navire s'arrêta aussi près qu'il put de la berge. Les vautours me transportèrent à terre mais Naseok, Ryker et Gallagher durent sauter depuis le pont jusque sur la terre. Je dus admettre apprécier de voir Ryker échouer dans la vase après avoir perdu son équilibre. Et personne n'alla l'aider à s'en sortir.
La nature que nous traversâmes avait un drôle de comportement. Elle semblait... menaçante tout en étant fragile et mourante. Les feuilles tombaient des arbres en torrents au moindre coup de vent, les buissons et les racines tentaient de nous piéger à chaque pas et les animaux nous observaient, guettant silencieusement le moindre de nos mouvements.
D'ici quelques jours, la Faerie était censée entrer dans l'automne. Autour de nous, un paysage en décomposition s'étendait. Au lieu de la mort lente et paisible qu'était l'automne, elle se vidait de son sang. Comme si elle avait été assassinée plutôt que de suivre le cours normal des saisons. Quelque chose avait rompu le cercle et, maintenant, la nature se mourait.
- Il est plus que temps que vous preniez votre trône, souffla Birn. La Faerie se meurt avec votre frère. La seule raison pour laquelle nous sommes encore en vie, c'est parce que vous êtes au centre de notre groupe. Ils sentent que vous êtes l'héritière du trône.
- Comment cela, elle se meurt avec Nahl ? demandai-je, abasourdie et inquiète.
- Depuis que vous vous êtes retrouvés et que vous avez été tous les deux sur le territoire, la Faerie se prépare au changement de pouvoir. Or, au lieu de voir ses nouveaux souverains monter sur le trône, elle garde les anciens qui fatiguent et se meurent. Au lieu de deux puissants souverains, elle n'a que deux jumeaux ayant largement dépassé leur temps et un héritier en train de se vider de toute son énergie vitale. Les terres sont intimement liés à votre magie alors elle se meurt.
Ça me paraissait impossible. Et, en même temps, ça résonna en moi. Comme si un chat s'étirait dans ma poitrine et caressait ma magie que j'avais appris à réprimer. Naseok posa une main dans mon dos, légère.
- Relâche un peu de ta magie et regarde ce qui arrive, murmura-t-il.
Ses yeux noirs étaient rassurants et un sourire jouait sur ses lèvres. Sans un mot, il m'assura qu'il serait là pour agir si les choses dégénéraient mais qu'il était certain que rien de néfaste ne surviendrait.
Prudemment, je desserrai ma prise sur ma magie, en laissant quelques filets couler hors de la cage que Naseok m'avait aidée à construire. Si je ne savais toujours pas la diriger correctement, je savais au moins la contenir.
Je regardai les bois autour de nous se figer. Les pirates et les deux humains avec nous n'eurent pas l'air rassuré à ce soudain silence. Le monde entier parut retenir son souffle alors que je laissais couler de fins filaments de magie hors de moi.
Et puis, la Faerie tout entière inspira longuement. Les oiseaux se mirent à chanter depuis leurs perchoirs, le vent vint faire bruisser les branches lourdes de jeunes feuilles des arbres, un cerf brama quelque part à notre gauche.
L'automne retrouvait ses droits.
- Je n'ai presque rien utilisé, dis-je.
- Tu n'en avais pas besoin. Tu es connectée à cette terre. Ta vie est la sienne, désormais. Ta magie n'est qu'un conduit.
- Mieux vaut ne pas trop en faire, jeta Peri, le capitaine des pirates. Nous ne voudrions pas être repérés avant d'arriver sur le territoire des Cours.
- Ils sont déjà en alerte, objecta posément Samb. Ils le sont depuis que nous avons débarqué à Wringden. Ils ont senti son arrivée sur la terre Fae. Le lien du sang.
- Évidemment... marmonna-t-il. Donc, nous allons devoir affronter la garde pour pouvoir entrer.
- J'en doute, dis-je. Il m'attend.
- Comment peux-tu en être aussi sûre ? me demanda Ryker.
- Il m'a laissée partir parce qu'il savait que je finirais par revenir. C'était ce qu'il attendait de sa malédiction. Me forcer à revenir à sa Cour.
- Mais pourquoi ?
Je serrai les lèvres, gardant pour moi ce que j'avais commencé à réaliser durant le voyage depuis Wrindgen.
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NdlA : Sixtine est de retour sur le territoire Fae ! Que va-t-il se passer ? Qu'est-ce qui l'attend, d'après vous ?