Le réveil sonne, à six heures comme tous les lundis. Maudit réveil, maudite sonnerie. Je tends le bras gauche pour balancer ce satané téléphone contre le mur. J'ouvre l'œil droit, pas de Léo... Léo est un agent immobilier, ayant réussis l'exploit de monter son entreprise en étant purement autodidacte et au tout jeune âge de vingt-et-un an. Léo est mon beau et talentueux mari. Léo et moi nous sommes rencontrés en boîte, il avait une chemise en jean, un chino beige, des chaussures en daim marrons claires pointues, il était beau comme un camion ! Ses yeux bruns brillants, sa bouche pulpeuse, sa peau matte, sa barbe de quelques jours ... Tout chez lui, tout était parfait. Je ne pouvais détourner mes yeux de lui. Il a fini par me payer un verre, puis deux, puis on a dansé, nous sommes partis chez lui, nous avons fais l'amour, et nous ne nous sommes plus quittés. Cinq années d'amour. Dont trois dans une des plus belles villes du monde. J'appelle mon mari, aucune réponse. Il va donc falloir que j'émerge pour aller à sa rencontre. Nous habitons dans le quartier de little havana, pourquoi ? Parce que l'homme que j'aime est originaire de cuba et d'Argentine . Notre appartement est spacieux et lumineux ( dernier étage , d'un immeuble de cinq étages ), trois chambres, un bureau, deux salle de bains, un living room très convenable, décoré comme une maison de plage... Je trouve enfin Léo, plongé dans ses pensées, comme toujours, je ne suis pas mariée à l'homme le plus bavard du secteur.
- Bonjour , corazón, que fais-tu debout si tôt ?
- La même chose que toi, je vais travailler, son regard est vide d'émotions.
- Bien. Je vois que mon petit mari est de mauvais poil. Aurevoir alors , bonne journée.
Je déteste quand il est comme ça , mais comme toujours je me tais. Je me tais car je sais pourquoi il en est arrivé à être comme ça. Je file à la douche sans me retourner. Une heure plus tard, je suis prête. Robe blanche, santiag marrons, gilet en jean, chapeau de paille, tresse loose et zéro make-up.
La boutique - Brickell
Depuis maintenant huit années je suis créatrice de bijoux, je cherche en brocante des vieilles pièces de monnaies de n'importe quel pays et je les montent en bagues, colliers, ou bracelets. Grâce aux réseaux sociaux , en très peu de temps je me suis fais une bonne clientèle, et de bonne collab avec plusieurs marques plus ou moins connu. Ça c'était en France. À Miami la boutique fonctionne un peu moins , mais je ne perds pas espoir et j'ai toujours mes fidèles clients basés en France, auxquels j'envoie des colis.
Chaque année pour mon anniversaire, je fais une liste. D'un côté tout ce que j'ai accompli, de l'autre tout ce que je rêve d'accomplir. Aujourd'hui c'est le jour J . Le temps du bilan. A vingt-sept ans, la liste des rêves à accomplir était la suivante :
1- Rester mariée (ok)
2- Acheter ma propre boutique, pour vendre mes bijoux (ok)
3- Obtenir plus de clients (pas ok)
4 - Aller voir le grand Canyon (ok)
5- Mettre en place le projet bébé. ( pas ok)
Sur cette liste il y a cinq points depuis toujours . Trop d'objectif peut être vite étouffant, angoissant même . Je le suis assez comme ça, autant ne pas en rajouter. Seul trois de mes projets se sont réalisés. Les deux non réalisés se retrouvent sur la liste suivante, il en manque donc trois
1- Mettre en place le projet bébé
2 - Obtenir plus de client
3 - Visiter Manhattan
4 - Acheter un appartement sur la baie
5 - Tenter une nouvelle coloration/coupe de cheveux
Rendez-vous au prochain 21 juin. Cette liste me permet de ne jamais baisser les bras, et surtout de garder mon ambition au taquet. Elle est top secrète, même Léo qui est concerné à 90% n'y a pas et n'y aura jamais accès .
Je finis de ranger mon carnet précieux quand Lila, un petit bout de femme débordante d'énergie, brune , le teint doré, le regard noir et en amande. Vient m'interrompre dans ma folle journée de boulot ( ironie ). Passionnée de fringues, elle en a fait son métier. Dès le premier jour de mon installation, elle est venue m'encourager. En un regard j'ai su qu'elle serait mon amie.
Lila arrive toujours à midi tapante. Ses bras sont chargés de bouffe, salade, beignets, cafés.. Son sourire s'évanouit quand elle remarque ma mine dépitée !
- Olala, mais Sum, c'est quoi cette tête ? Elle me tend un café .
- Noir ? ( je parle du café ) Je n'ai eu que deux clientes ce matin, à ce rythme là, à la fin du mois je mets la clef sous la porte ! - mon ton est ironique, mais la situation bien réelle.
- Oui comme toujours ! ( elle parle aussi du café ) Ne dis pas de sottise, on va trouver une solution. À notre débauche, on va faire un shooting avec tes nouvelles créations, le musée de Vizcasa est idéal pour ça tu verras ! et surtout on va se détendre autour d'un verre !
Le sourire me revient aux lèvres. L'appétit me revient, je dévore ma salade. Blabla de filles, plan sur la comète ...
- Au fait !
Le crie de Lila me tire de mes pensées.
- J'ai un ami d'enfance qui est revenu de son tour du monde, ce soir il fait une giga soirée. Stp, stp, stp, stp ! On y va ? - ses yeux noirs se remplissent de fausses larmes
Comment voulez-vous que je résiste ?
- OK, ok ! Laisse moi juste voir avec Léo si il veut venir.
- Non , non , laisse ton mari un peu ! Soirée meuf.
C'est vrai que Léo et moi sommes inséparable. Il est mon roc, cinq années que je vis avec lui, trois qu'il est devenu mon mari. Nous avons le droit, chacun à notre indépendance, mais nous essayons un maximum de faire tout ensemble. Cela insupporte beaucoup Lila, qui elle à un caractère fort et très indépendant, et ne comprend pas pourquoi une femme a besoin de son homme pour faire les magasins, aller dans des bars , voyager , s'accomplir...
- Lila ! Je vais quand même lui demander son avis, tu sais, quand tu es mariée ce sont des choses qui se font !
Elle roule des yeux.
- Oui, oui vas-y , mais bordel que tu es cul-cul avec ton mec !
- Mari Lila, c'est mon mari.
- Bref, je dis à Fab que c'est ok pour nous.
À mon tour de lever les yeux au ciel. Je me lève de ma chaise pour téléphoner à l'homme qui partage ma vie.
- Hello chéri, tu vas bien ?
- Oui merci, et toi mon coeur ? - il y a du progrès par rapport à ce matin
- Oui. Dis-moi Lila aimerait que nous fassions une session shopping pour ma dernière collection, et ensuite nous irions fêter ça chez des amies à elle, entre filles. Ça t'embête ?
- Evidemment que non, passe une bonne soirée mon coeur. A demain matin du coup, je pense me coucher tôt ce soir. Je t'aime - il raccroche aussi sec.
Je retourne vers mon amie, perturbée par ce coup de téléphone . Léo est trop confiant à l'idée que je sorte seule. Comme si il ne voulait pas me voir, heureux que je ne rentre pas. C'est un homme fermé, pas irrespectueux. Alors pourquoi ce sentiment soudain, qu'il veut se débarrasser de moi ? J'enfoui mes pensées, hors de question de gâcher la joie que va procurer cette soudaine liberté à mon amie. J'affiche mon plus beau sourire :
- Bonne nouvelle je suis célibataire ce soir !
- AAAAAAH trop trop bien ! Ca va être le feu de la niiiiiight !
Cette fille est folle !
Le reste de la journée se passe sans encombre. Aucune nouvelle de Léo. Vers 17H , je lui envoie un texto , bref et froid, pour le tester :
- J'ai finis ma journée, je passe à la boutique de Lila et nous partons en soirée après le shooting. Tu es sûr que tu ne veux pas que je rentre ou venir ?
ok, on pouvait faire plus froid..
17H30, Lila m'attends devant la boutique, j'éteins les ordinateurs quand je reçois, enfin, une réponse de Léo :
- Non, t'en fais pas pour moi. Bonne soirée.
OK ! là, je commence à me pauser de sérieuse questions...
Un dernier tour de clef , et direction le musée, je croise le regard de Lila, je sais qu'elle sait, mais je préfère parler de choses futile. Une alerte c'est enclenché à moi, l'alarme sonne de plus en plus fort, sauf que je suis incapable d'entendre. Je ne veux pas entendre.