Malédiction - Nouvelloween 20...

By BirdyLi

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17/10/2018 J-14 3/5 Découvrez la Pologne au travers les fouilles d'Alima, docteur en Archéologie. Parviendra... More

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By BirdyLi

          

La France me manque. Ma famille me manque. Ma maison me manque. Mon lit me manque. La nourriture française me manque. J'aime la Pologne, ou plutôt, j'aimais la Pologne au début. Maintenant, après six mois passés ici, à faire des fouilles, à être confrontée à cette culture différente, à cette langue inconnue, à m'enfoncer chaque jour un peu plus dans la routine : j'ai perdu mon enthousiasme et je me lasse. J'ai le mal du pays. Je veux repartir. Malheureusement, nos récentes découvertes me poussent à rester. Je ne peux pas partir comme ça, pas si près du but. Je ne peux pas abandonner.

À la faible lueur de ma lampe de bureau, j'étudie les photographies des fouilles. En parallèle, je lis de précédentes recherches et des légendes locales, qui correspondent à nos découvertes.  Nous ne sommes pas les premiers à tomber sur ce type d'ossement et ce genre de mise en scène. De nombreux articles en font état, ici en Pologne, mais aussi en Bulgarie, en Italie et en Grèce. La mise en scène est toujours la même : les squelettes retrouvés sont décapités, la tête étant séparé du corps par une faucille ; les canines sont arrachées et la bouche gardée ouverte grâce à une brique ; des pieux sont enfoncés au niveau du cœur et des cuisses ; et les genoux sont brisés. Un rituel particulièrement violent et atroce, qui ne serait pourtant pas la cause du décès.

« Ses canines avaient été arrachées et une pierre coincée entre ses mâchoires : celle-ci devait empêcher le mort de se manger lui-même. En effet, selon les croyances locales, les vampires dévoraient leur propre chair. Un pieu enfoncé dans un fémur clouait le cadavre au cercueil pour l'empêcher de revenir hanter les vivants. »

Charmant !

« Pourquoi mutiler les morts ? Pour les empêcher de revenir hanter les vivants. »

Bien évidemment... Suis-je bête !

« Une faucille pour les décapiter instantanément en cas de résurrection, des genoux brisés pour les empêcher de marcher, des pieux enfoncés pour ruiner leur chance de nouveau respirer ou une brique dans la bouche pour leur éviter de mordre. Des précautions qui, dans le folklore populaire polonais, devaient prévenir toute attaque de vampires en cas de résurrection, expliquait Titus Hjelm, historien spécialisé dans la culture populaire en Europe de l'est, à CNN. 

Pour lui, les vampires polonais sont loin de l'image de l'aristocrate immortel isolé dans son château dont l'image a été façonnée à la fin du XIXe siècle, notamment par la figure de Dracula. "Les Polonais pensaient que c'était des gens normaux qui vivaient normalement, pas des aristocrates reclus dans des châteaux situés en hauteur. Avec ces personnes, les problèmes ne commençaient que quand ils mourraient", poursuit-il. »

Bien sûr que les Polonais ne pensaient pas que c'était des aristocrates immortels tel Dracula. Dracula était Roumain, de Transylvanie, pas Polonais. Il faut rendre à César ce qui est à César !

« Si les "vampires" n'avaient rien fait de mal de leur vivant, alors pourquoi le sort s'acharnait-t-il sur eux une fois morts ? »

Car, ils n'avaient pas mangé assez d'ail ?

« On ne naît pas vampire, on le devient. Dans les croyances populaires de l'Europe de l'est, c'est donc la mort qui détermine le statut de vampire. Ou plus précisément les raisons de la mort : étaient considérés vampires ceux décédés de façon violente ou inexpliquée, ou encore ceux qui n'étaient pas baptisés, expliquait l'archéologue Lesley Gregoricka, de l'université de l'Alabama, dans une étude publiée sur le journal scientifique Plos One. »

Je lâche un rire. La richesse du folklore m'impressionne toujours. L'humain a, de tout temps, trouver du réconfort dans le surnaturel, tout en s'inventant de nouvelles peurs à travers lui. C'est fascinant !

La mort a toujours été une des plus grandes peurs de l'être humain, par son caractère soudain, mais surtout parce qu'elle représente l'inconnu. La mort est ainsi l'un des sujets que l'on retrouve le plus souvent dans les légendes ; un ennemi que de tout temps on a cherché à combattre ou à comprendre. La mort a nourri nos cultures. La mort nous a instruits. La mort nous a parfois libérés. Pourtant, elle reste et restera, une inconnue. De ce fait, la mort est mon outil de recherche et c'est elle qui me permet de gagner ma vie aujourd'hui. J'aime la mort.

Avec un soupir de fatigue, je me laisse tomber contre le dossier de ma chaise et promène mon regard sur mon travail. Tout ça me plait, mais j'aimerais que pour une fois, je découvre une chose nouvelle, quelque chose qui change et qui marque l'humanité. Une découverte sur laquelle il n'y ait rien de déjà écrit, pour laquelle je doive tout créer, tout prouver, tout expliquer.

Je suis sortie de mes pensées par mon téléphone portable qui se met à jouer le générique de la Famille Adams, ce qui ne peut signifier qu'une chose : un appel en provenance de chez moi. D'une main, j'ôte mes lunettes de vue et décroche de l'autre.

– Allo ?

– Salut, m'man !

Je souris.

– Comment tu vas Kayla ?

– Ça va.

Sa voix me dit tout l'inverse. J'aimerais être là pour la réconforter. Seulement, à des milliers de kilomètres, je ne peux que demander :

– Comment était ta journée ?

– Comme toujours : longue et ennuyeuse.

– Tu n'apprends rien en cours ?

– Rien que je ne sache déjà.

Elle est lasse. Je sais que si elle m'a appelé, c'est que quelque chose ne va pas. Pour lui changer les idées, je lui dis :

– J'ai fait peut-être quelque chose d'intéressant à t'apprendre.

Kayla se contente de me répondre par un bruit de bouche.

– Nous avons découvert ce qui semblerait être une tombe. Elle contenait deux corps, ou plutôt deux squelettes. À première vue, ce serait un homme et une femme.

– Jusque-là, ça ne change pas de tes habituels travaux.

Je lâche un rire et me pince l'arête du nez. Malheureusement, elle a raison.

– C'est vrai, sauf qu'un rituel étrange leur avait été pratiqué.

À l'autre bout du fil, j'entends ma fille bouger. D'un coup, j'ai toute son attention. J'en profite pour tout lui décrire, en regardant les photographies. Elle ne pipe mot, mais je sais que ça la fascine.

– Selon les différentes recherchent et surtout les témoignages d'anciens que j'ai pu lire, ces corps étaient mutilés dans l'espoir qu'ils ne reviennent pas à la vie.

– Les polonais croient aux zombies ?

Je secoue la tête, bien qu'elle ne puisse me voir. Devant ma réaction, elle demande :

– Aux vampires ?

– Tout à fait !

– C'est loin d'être aussi glamour que Twilight.

Elle marque une pause, mais je sens que son ton a changé.

– J'adore !

Je ris à nouveau. Mon ado me manque...

– Tu crois que tu pourrais te faire mordre pour te transformer en vampire ? Comme ça, tu me mords en rentrant et je me transforme aussi.

J'explose de rire. Entre deux hoquets, je lui réponds :

– Ce sont des squelettes, ils ne mordent plus depuis longtemps.

– Peut-être que tu dois simplement reconstituer leur corps pour qu'ils reviennent à la vie.

– Tu lis trop, Kayla !

Très sérieusement et comme si je n'avais absolument rien dit, elle continue de me donner son avis sur mes deux « vampires ».

– Si ça se trouve, c'était un couple de vampires, tout ce qu'il voulait, c'était vivre heureux en se nourrissant d'animaux. Les villageois ont découvert leur nature et les ont tués.

– Tu as entendu ce que je t'ai dit ? L'explication comme quoi ils n'étaient pas vampires à leur mort, mais seulement s'ils étaient revenus à la vie ? Que c'était le peur de la maladie et de la mort en général qui avait créé cette légende ?

– Oui, j'ai entendu, mais je préfère ma version.

Amusée, je secoue la tête. Son esprit déborde d'imagination. Je ne comprends pas comment en me mariant à un professeur d'histoire, porté sur les faits réels, j'ai pu avoir une fille si attirait par le fantasque. 

– Ta sœur est là ?

– Non, elle dort. Elle a dansé pendant une heure sur ses musiques d'Halloween et après, elle est tombée de fatigue.

Je grimace.

– Ses musiques d'Halloween ?

– Oui. Elle a eu un CD avec un de ses magasines pour enfant et maintenant elle ne fait que l'écouter en boucle. Witch Doctor me sort par les trous de nez...

– Est-ce que Lior va devenir comme toi ?

Kayla pousse un cri offusqué.

– Je n'ai jamais écouté ces trucs, moi...

– J'ai le souvenir d'avoir entendu bon nombre de musiques un peu « Halloween » provenant de ta chambre. Mais, je pensais plutôt au fait qu'elle allait être portée sur l'épouvante, l'horreur et le fantastique.

– Je vais aller la réveiller pour lui montrer L'exorciste, ça répondra à ta question !

J'écarquille les yeux et m'écris :

– Elle n'a que 8 ans !

Le rire de Kayla résonne dans mon téléphone.

– Je plaisante. Elle a déjà peur devant Scooby-Doo, j'vais pas la traumatiser avec un film d'horreur.

– De toute façon, ton père ne te laisserait pas faire.

L'atmosphère change du tout au tout lorsque je prononce ses mots. Kayla ne rit plus. Froidement, elle me lâche :

– Faudrait déjà qu'il soit là.

– Il n'est pas encore rentré ?

– Non. Il a une rencontre parents-profs, sauf qu'en ce moment, il rentre tout le temps méga tard.

Je déglutis avec difficulté.

– Je te parle plus à toi qu'à lui, alors que tu es en Pologne.

Je n'ai aucune idée de quoi lui dire pour la rassurer et lui remonter le moral. La seule chose que j'aimerais, c'est pouvoir la prendre dans mes bras et lui faire un énorme câlin. Au lieu de ça, je n'ai que mes histoires de vampire pour lui changer les idées. Être une mère à distance, c'est loin d'être idéale, surtout quand notre mari est souvent absent et que notre ainée est en pleine crise d'adolescence.  En acceptant ce poste, je savais à quoi je m'engageais. Je n'avais seulement pas conscience que ce serait si dur.

– Enfin bref, je vais te laisser. Tu as sûrement du travail.

– J'ai étudié mon couple de vampire toute la journée, alors j'ai bien du temps pour ma fille adorée.

– J'ai plus rien à te dire, alors retourne étudier tes vampires et fais toi mordre s'il te plait.

J'insiste :

– C'est des squelettes, ils ne mordent pas.

– Reconstitue-les alors ! Je suis sûre qu'ils auront des choses à te dire.

Nous rions ensemble.

– Allez, à plus m'man. Tu me manques. Bisous !

– Je t'aime mon ange, embrasse Lior pour moi. Bisous.

Je raccroche, un sourire triste sur les lèvres. J'aurais préféré l'avoir au téléphone toute la soirée. Maintenant, je vais ruminer ce qu'elle m'a dit et ça va me plomber le moral. Je vais m'en vouloir d'être loin et d'être absente. Je vais en vouloir à mon mari de ne pas être le père qu'il m'avait promis d'être. Je vais m'en vouloir d'avoir préféré être une femme indépendante, tout en étant une mère.

Sentant mon cœur se pincer et les larmes me monter aux yeux, je décide de descendre au laboratoire. Il est évident que je n'arriverais pas à dormir après cet appel. Il faut donc que je travaille. Malheureusement, je ne peux plus rien faire depuis ma chambre d'hôtel et à cette heure tardive, il est inutile que j'essaye d'aller sur le terrain. Le labo est ma seule solution. Je pourrais peut-être avancer un peu sur nos découvertes. Je réfléchis toujours plus vite quand je suis seule.

Déterminée, j'attrape mes lunettes et ma veste, puis sors de ma chambre. Je m'empresse de fermer ma porte à clef, autant parce que je suis impatience de retrouver mes deux « vampires », que parce que ce couloir me file la chair de poule, tant il me fait penser à celui de The Shining. Ayant peur de trouver un tueur au bout du couloir, je jette des coups d'œil à droit et à gauche. Personne en vue, je presse le pas jusqu'à la sortie.

Une fois dans la rue, je cours presque jusqu'au laboratoire qui se situe deux rues plus loin. Je ne regarde personne. Je garde la tête baissée. Je marche à la lumière des lampadaires. L'atmosphère ici me donne toujours l'impression d'être épié et les rues sont tellement étroites que j'ai constamment l'impression que quelqu'un va se jeter sur moi pour m'éventrer. En réalité, j'ai cette peur aussi chez moi, en France. Je déteste sortir la nuit. Pour moi, la nuit rime avec la mort. Et, la mort a beau me fasciner, je n'ai point envie de la connaitre, du moins, pas encore.

Un regard à droite. Un regard à gauche. Je mets la clef dans la serrure. Un regard derrière moi. Un regard à droite. Un regard à gauche. Je tourne la clef. Un regard derrière moi. Un regard à droite. Un regard à gauche. Je rentre rapidement dans l'entrée du laboratoire. Je referme précipitamment la porte dans mon dos, avec deux tours de clef dans la serrure. Puis, à tâtons, je cherche l'interrupteur. Les néons grésillent, allumant la pièce par flash. Si je ne la connaissais pas par cœur, cette situation pourrait me faire peur. Heureusement, je sais où se trouve les objets et lorsque la lumière s'allume enfin, je ne sursaute pas en découvrant deux crânes devant moi. Au contraire, je souris.

Après avoir ôté ma veste et enfilé des gants en latex, je m'approche de la table sur laquelle sont posés les corps des deux « vampires ». Ils sont intacts, installés de la même façon qu'on les a trouvé dans le sol, à l'exception que les pieux et les faucilles ont déjà été mises de côtés. Du rituel, il ne reste que les briques qui sortent de leurs bouches. Avec douceur, je caresse les crânes et murmure :

– Heureusement que vous étiez morts quand tout ceci vous a été infligé.

Délicatement, j'ouvre la mâchoire de l'homme. Je veille, comme toujours, à ne pas habiller les os. Lorsque l'espace entre celle du haut et du bas est suffisant, j'extrais doucement la brique. Je me revois jouer au Docteur Maboule avec mes filles. C'est le même principe : ne pas toucher les parois avec le corps étranger que je retire de la bouche du « vampire ».

– Et voilà mon grand, tu vas te sentir mieux et moi, je vais avoir de la matière à étudier.

En souriant, fière de mon travail, je tourne le dos à mes squelettes et m'approche de notre seconde table, où sont étalés les pieds et les faucilles. Avec un pinceau fin, je commence à nettoyer la pierre, cherchant à la rendre la plus propre possible. Plus elle sera en l'état, plus mon travail sera simple et plus que je pourrais faire des découvertes intéressantes. Des découvertes qui m'emmèneront peut-être à devenir une grande archéologue, qui sait.

La température de la pièce chute brusquement. Un froid glaciale l'a envahi. Les sourcils froncés, je me redresse et jette un coup d'œil à la porte sur ma droite. Elle est toujours fermée, tout comme les fenêtres à ses côtés. La fatigue doit me jouer des tours.

Un courant d'air passe dans mon dos. Immédiatement, je fais volteface. J'ai senti une présence. Tout mon corps a répondu : mes poils se sont dressés, mon pouls s'est emballé et mon estomac s'est noué.  Je balaye la pièce du regard, mes mains serrant fort le premier scalpel qui était à ma portée.

Faiblement, je cris :

– Il y a quelqu'un ?

Je m'attends à ce que le silence me réponde. Je me souviens d'avoir fermé la porte à double tour. Il n'y a que moi et des os. Aucun endroit pour se cacher, je ne peux qu'être seule. Pourtant, dans mon dos, une voix grave dit :

– Dobry wieczór...*

Deux mains froides viennent se posent sur mes épaules avec rapidité.

J'ai à peine le temps de déglutir.

Une douleur lancinante me prend dans le cou.

Ce n'est pas une douleur, c'est une brulure.

Mon cri meurt entre mes lèvres. 

Le scalpel s'écrase sur le sol avec fracas.

Mes yeux s'écarquillent.

Je n'ai jamais souffert autant. Pas même en accouchant de Kayla et Lior.

Kayla et Lior, mes bébés. Je ne les reverrais jamais.

*Bonsoir, en polonais

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