1.
(Version non réécrite, non corrigée)
« Va ! »
« Réveille-toi ! »
« Ding ! ».
J'ouvris brusquement les yeux et manquai tomber du petit canapé sur lequel je m'étais assoupie.
Le livre qui m'avait plongé dans les bras de Morphée eut moins de chance que moi et s'écrasa sur le parquet avec un bang ! sonore qui fit bondir Thémis, ma chienne Wolfdog grise. Elle et moi, nous étions plutôt synchrones sur les siestes.
Ding ! Ding ! Ding !
La sonnette d'appel du magasin fit disparaître les dernières brumes de sommeil qui subsistaient.
Je me redressai, passai un coup rapide du plat de la main sur mes vêtements et mes cheveux et... autour de ma bouche, pour vérifier que je n'avais pas bavé.
En parlant de ça...
Ding ! Ding ! Ding !
- J'arrive ! Criai-je tandis qu'un wouf joyeux de Thémis souhaitait la bienvenue à notre - ou nos - visiteur.
Je bus rapidement une gorgée d'eau et pris un chewing-gum par... précaution et professionnalisme.
- Kaya ? Depuis quand as-tu un chien ?
Wouf !
Au son de la voix, il s'agissait d'un visiteur et non d'une visiteuse. Et il n'avait pas l'air commode.
Il fallait vraiment que je me bouge pour accueillir mon premier client.
- Kaya ?
Ah oui, au fait... Je n'étais pas Kaya.
Kaya, c'était ma patronne.
Une patronne vraiment sympa et avec qui je pourrais facilement devenir amie. Si elle ne me virait pas. Ce qu'elle serait sans doute en droit de faire puisque les « siestes intempestives dans l'arrière-boutique », ne faisaient pas parties de notre contrat.
À ma décharge, je dormais très mal ces derniers temps.
- Kaya ! Si tu ne rappliques pas tout de suite, je prends le chien et je le garde !
Quoi ?!
Wouf !
Attendez... Je trouvais que le wouf de Thémis ressemblait étrangement à un « ok ! » plein d'enthousiasme.
Ce n'était pas normal. Elle avait beaucoup de mal à accorder sa confiance. Sauf... aux sosies de Johnny Depp jeune - enfin pas trop jeune non plus. Quoi qu'il en soit, ce type de personnes ne courait pas les rues.
Toujours par souci de professionnalisme, je repassai rapidement mes doigts dans mes cheveux.
- En plus, il a l'air d'accord. Alors à trois je l'embarque ! Un...
- Non ! Criai-je en me secouant. J'arrive !
En franchissant le petit rideau qui séparait le magasin de l'arrière-boutique, je marmonnai pour moi-même :
- En plus ce n'est pas il, mais elle et si tu la touches...
Je plaquai un sourire de façade sur mon visage et faillis tomber à la renverse en voyant ma traitresse de chienne quémander joyeusement des caresses à notre visiteur/kidnappeur d'animaux de compagnie.
À la décharge de Thémis, je devais bien admettre que, même si ce n'était pas Johnny Depp - à peu près trentenaire - son futur maître, n'était pas... trop mal. Du moins de profil et quand il souriait. La donne changeait un peu quand il perdait ce sourire et qu'il vous regardait bien en face. Là, l'adjectif « pas mal » n'était plus du tout approprié.
Non... il était plutôt... intimidant. Séduisant aussi, il fallait bien l'avouer. Mais vraiment pas engageant.
- Vous n'êtes pas Kaya, constata-t-il en plissant ses yeux sombres, légèrement en amande.
C'était la première fois qu'il parlait sans crier. Sa voix était basse et grave. Un peu angoissante sur les bords. Très autoritaire.
Mais j'en avais vu d'autres et je n'étais pas du genre à me laisser impressionner.
- Bien vu, répliquai-je avec un sourire poli. Je suis Némhiel, la nouvelle employée de Kaya.
Ses yeux se plissèrent davantage.
- Je croyais que la nouvelle s'appelait Nina ? Vous êtes deux ?
Mince... Pourquoi lui avais-je donné mon vrai prénom ? Il ne m'échappait jamais d'habitude.
- Je... Non.
Mais d'ailleurs... Comment savait-il cela d'abord ?
Je secouai la tête pour chasser mon trouble. Si c'était un ami de Kaya, il était normal qu'elle lui ait parlé de moi.
Et puis, nous étions dans une petite ville. Et c'était bien connu, dans ce genre d'endroit, tout le monde... connaissait tout le monde, justement.
- C'est moi. Je suis Nina.
Cette fois-ci, il prit un air suspicieux qui accentua considérablement son côté flippant.
- Vous venez de me dire que vous vous appeliez Némhiel... rétorqua-t-il d'une voix blanche.
- Je sais, mais je préfère Nina, c'est plus courant et facile à retenir et...
Je ne savais pas trop ce qui me prenait de lui raconter tout ça.
- Et quoi ?
- Et le diminutif de Némhiel, c'est Nem, alors, je m'en suis trouvée un autre qui...
- Pourquoi ?
- Pourq... Euh... Vous connaissez la bouffe chinoise ?
Non mais franchement ! Et puis c'était quoi ça ? Un interrogatoire ?
- Pourquoi ? Vous voulez m'inviter ? demanda-t-il en haussant les sourcils d'un air suffisant.
- Pourquoi ? Vous diriez oui ? rétorquai-je en reprenant son ton condescendant.
Les traits de son visage se détendirent sensiblement. Mais le petit sourire en coin qui étira ses lèvres pleines, ne me le rendit pas sympathique pour autant. Au contraire.
- Non, répondit-il finalement. Je ne suis pas très fan des nems en règle générale.
Connard.
Parce que s'il se croyait subtil...
- Tant mieux. Bref, appelez-moi Nina. Et... que puis-je faire pour vous ?
- Ouais, bref... J'ai besoin de café.
Je lui lançai un regard incrédule.
Le magasin de Kaya était une jolie petite boutique de décoration à la conception vintage et chaleureuse. Je l'adorais et j'étais vraiment ravie d'y bosser.
Kaya avait aménagé un petit coin de la boutique en espace librairie/salon de thé. Alors, bien sûr, nous avions du café. Mais à cette heure-ci - plus proche de celle de l'apéro que de celle du goûter - cette demande me fit tiquer. Et puis, ce client détonnait tellement dans la boutique...
Sans oublier que le bar de la ville se trouvait quasiment en face et qu'il y serait sans doute plus à sa place.
- Vous... Très bien. Noir ? Au lait ? Sucré ? demandai-je tout de même poliment.
Après tout, mon boulot n'était pas de le juger. Peut-être avait-il ses habitudes ici ?
- Je ne veux pas un café, répliqua-t-il sur un ton qui me fît me sentir idiote. Je veux du café.
Bon. Je n'étais pas idiote. C'était lui qui l'était. Idiot.
- Et je viens de vous demander comment vous le preniez. Alors ?
Avais-je précisé que je n'avais pas vraiment d'expérience dans ce boulot de serveuse/vendeuse ? En vérité c'était même la première fois que je m'y essayais. Mais je pensais sincèrement être capable de me débrouiller.
Sauf si tous les clients ressemblaient à cette espèce de crétin.
Crétin qui me fixait à présent d'un air franchement agacé.
En soutenant son regard, je remarquai que ses yeux n'étaient pas noirs comme je l'avais cru au début, mais plutôt d'un gris très foncé.
- En grain et dans un sac, rétorqua-t-il narquois, en posant ses mains sur le comptoir.
Mes yeux quittèrent son visage et j'aperçus des tatouages qui dépassaient légèrement des manches et du col de son pull sombre. L'encre ne ressortait pas beaucoup sur sa peau mate.
- En grain et dans un sac ? répétai-je sottement en me concentrant à nouveau sur son visage et en tentant de retirer de mon crâne l'idée stupide qui venait de s'y glisser.
À savoir que cet abruti était quand même sacrément sexy.
Un éclat amusé traversa son regard anthracite.
Oh le... Il se moquait de moi !
- Exact. Vous voyez ? La matière première pour faire du café quoi... J'en ai besoin.
Et moi j'avais soudain besoin de le frapper.
Enfin... pas vraiment besoin. Mais envie, ça oui.
- Monsieur...
- Adriel, me coupa-t-il.
Je soupirai de frustration. Son sourire s'accentua.Énervée, je posai également mes mains sur le comptoir pour me mettre dans la même posture d'intimidation que lui.
- Monsieur Adriel...
- Pas monsieur Adriel, m'interrompit-il une nouvelle fois en se penchant davantage. Je viens de vous donner mon prénom. Je n'aime pas quand on m'appelle monsieur.
- Soit. Mais il n'empêche monsieur, cette information ne m'est d'aucune utilité. Par contre, pourriez-vous m'expliquer clairement ce que vous voulez ?
Sa mâchoire se crispa.
Bon. Cela se confirmait. Je n'étais pas une bonne serveuse/vendeuse... Mais il ne fallait pas que je désespère, car après tout, lui n'était pas non plus un bon client...
- Mais où diable Kaya est-elle allée vous chercher ? demanda-t-il irrité.
- Au coin de la rue, répliquai-je en commençant également à perdre patience.
A priori, ce petit jeu ne nous amusait plus.
Nous nous défiâmes du regard pendant plusieurs secondes. Comme je ne voulais pas perdre ce duel, je me décidai à briser ce silence tendu.
- Écoutez monsieur...
- Pour vous ce sera « patron » désormais.
Hein ?!?!
Mais... de quoi est-ce qu'il parlait ?
- Qui êtes vous ? demandai-je en me redressant. Et que voulez-vous à la fin ?
Son air narquois réapparut immédiatement.
- Oh mais je vous ai déjà tout dit Nem, susurra-t-il d'une voix faussement caressante. Je m'appelle Adriel et j'ai besoin de café.
Seigneur... Assommer un client était-il forcément synonyme de licenciement ?
- Appelez-moi Nina, soufflai-je une nouvelle fois, agacée par ses mesquineries. Et soyez plus précis.
- Soit, rétorqua-t-il toujours moqueur. Je suis le grand frère de Kaya et le copropriétaire de ce magasin. J'ai besoin de café en grains pour la machine du bar d'en face. Il nous appartient également et la réserve est vide.
Et zut...
Je n'avais pas besoin de miroir pour voir que je venais de blêmir.
Le sourire carnassier qu'afficha immédiatement mon nouveau patron me le confirma néanmoins.
- Suis-je assez précis, Nem ? Ou dois-je vous virer tout de suite ?
Incapable d'émettre le moindre son, ce fut Thémis qui lui répondit à ma place.
Bien que je ne sois pas très sûre de la signification exacte du wouf joyeux qui arracha à mon tortionnaire un éclat de rire victorieux.