27. 12. 2015
C'est agrippée au bras de Derek que je franchis la porte du réfectoire qui avait été aménagé à l'occasion du bal. Les tables décorées de nappes blanches avaient été mises contre les murs et recouvertes de plats.
Finalement, ce n'était pas un repas, mais un buffet. L'estrade où les boss faisait généralement ses speechs, avait disparu et le fond de la salle était caché par des rideaux rouges.
Quand je m'arrêtai sur le pas de la porte, tous les regards se tournèrent vers nous. J'entendis une fille dire que nous étions les deux magnifiquement beaux et élégants. Je remarquai cette sympathique Inès pendue au bras de Jay qui, lui, semblait tout sauf ravi d'être ici.
Il me fixa d'un air à la fois triste et énervé. Je resserrai ma main sur le bras de Derek. Mon partenaire m'entraina vers Soa qui rayonnait, James s'était enfin décidé à l'inviter. Ric était avec une Traqueuse que je ne connaissais pas. Plus loin, Louna rigolait avec Alexis. Je ne vis le boss et Gregory nulle part.
Je sentis comme des picotements sur ma nuque et je sus que Jay me fixait. Une musique douce se fit entendre et les couples se mirent à danser. Je ne savais pas quoi faire.
— Tu veux danser ? demanda Derek.
— Je ne sais pas, tu veux toi ?
— Je ne suis pas un fin danseur, mais oui, j'en ai envie. Surtout si tu es ma cavalière.
Je rougis devant son compliment. Jay nous fixait plus intensément lorsque je passai mes mains dans la nuque de Derek qui, lui, m'enserra la taille. Nous nous mîmes à danser, j'étais bien là avec Derek. Mon coeur se mit à battre plus fort. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale et je me plaquai davantage au torse musclé de Derek.
J'entendis son coeur battre étonnamment vite. Derek dansait très bien, mieux que moi en tout cas ! Je me laissai guider par ses mains posées sur mes hanches. Je sentais encore le regard inquisiteur de Jay posé sur nous. Mais je m'en fichais totalement, il n'avait pas le droit de jouer avec mes sentiments.
Nous dansions depuis plus de vingt minutes, lorsque soudainement Gregory entra et coupa la musique. Alexis s'écarta de Louna et alla se planter à côté de son collègue.
— Qu'est-ce qui se passe Gregory ?
— Des intrus sont entrés dans le bâtiment. Ils se dirigent ici, maitrisez-les pendant que je préviens Adolphe.
Gregory sortit par la porte de secours, nous laissant tous en plan et totalement paniqués. Alexis ne laissa pas le désordre s'installer et ordonna aux Traqueurs de se cacher tandis que James et Ric se mettaient en embuscade vers la porte. Les 3/4 des Traqueurs se mirent derrière les rideaux du fond qui pouvaient masquer énormément de gens tandis que d'autres se cachaient sous les tables.
Alexis éteignit la lumière et rejoignit Ric. J'étais sous une des tables de droite, Derek et Soa près de moi, mais je n'aperçus ni Jay ni Louna. Je soulevai le bas de la nappe pour voir ce qui s'y passait.
Soudainement la porte s'ouvrit et deux silhouettes s'avancèrent dans la salle vide. Tout se passa extrêmement vite, la lumière se ralluma, James et Ric bondirent, couteaux à la main, ils placèrent leurs poignards sous la gorge des inconnus, tandis qu'Alexis fermait les portes. Les Traqueurs sortirent de leur cachette.
Ce que je vis me laissa perplexe. Les deux hommes que Ric et James menaçaient de leurs lames étaient le portrait craché des deux Altéras. L'un, celui enserré par Ric, avait les cheveux blancs et les yeux argentés. Ses vêtements étaient blancs. L'autre, retenu par James, avait les yeux et les cheveux violets, il était lui aussi habillé en blanc. Devant son air mécontent, même M. Lavaine faisait pâle figure.
Lorsque les deux Altéras reconnurent les inconnus, ils les relâchèrent immédiatement. Un magnifique sourire illumina le visage de Ric alors qu'il serrait l'inconnu dans ses bras.
— Eh bien, je ne m'attendais pas à cet accueil. Tu mets toujours des lentilles, je t'ai déjà dit que tes yeux étaient plus beaux au naturel, rigola l'homme.
— Papa ? Qu'est-ce que tu fais ici ? s'étonna Ric.
— Oh j'avais deux ou trois choses à régler avec Ad. Et Dray aussi. Pas vrai Dray ?
Le père de Ric, très sympathique, se tourna vers le fameux Dray, le père de James, je supposai. Celui-ci jaugeait son fils du regard, ne prêtant aucune attention à M. Astart, avant de dire :
— Tu n'aurais pas grossi depuis l'autre jour ?
James rangea ses armes sans ouvrir la bouche. Il avait raison ce matin, son père lui avait reproché son poids. Je voyais, comme tous les Traqueurs, que James faisait son possible pour ne pas craquer, ce que M. Roddart ne semblait pas apprécier.
— Tu as perdu ta langue ? Ton insolence ne me plait pas.
— Mon insolence ! Mais t'es gonflé ! J'ai rien dit, et non j'ai pas grossi !
James éclata de colère et cracha ses mots. M. Astart et son fils perdirent des couleurs. Les Traqueurs ne savaient pas comment réagir face à la discussion entre les deux violets. Le visage de M. Roddart devint plus froid.
— Eh bien ! Tu m'agresses et tu me réponds avec impertinence ! Tu ne te souviens plus de de ton éducation ? Il n'est peut-être pas trop tard pour te la rappeler !
— Dray...tenta M. Astart.
Il ne put pas en dire plus car la main de M. Roddart partit et frappa le visage de James avec une telle violence que je fus surprise que le jeune Altéra ne finisse pas au sol. La gifle que j'avais mise à Derek quelques instants plus tôt n'était qu'une caresse en comparaison de celle-ci.
M. Roddart saisit la mâchoire de son fils et la serra avec force, obligeant ainsi James à soutenir son regard.
— Ne me parle plus jamais comme ça ! As-tu bien compris James ?
— Oui...père...
James avait de la peine à articuler ses mots, pourtant pas très long. M. Roddart finit par lâcher son fils. Heureusement, Gregory revint et invita les deux Anges à le suivre. M. Astart serra Ric et Alexis dans ses bras. Le père de James ne prêtait plus aucune attention à son fils et partit, alors que M. Astart s'approchait de l'Altéra violet, et en le serrant, lui dit :
— Ne t'inquiète pas, je vais convaincre Dray pour que vous veniez passer Nouvel An avec nous. Alexis, tu es également le bienvenu !
Décidément le père de Ric était vraiment gentil. On ne pouvait pas en dire autant de celui de James qui était sévère et désagréable. Je comprenais mieux pourquoi James avait été en totale panique lorsqu'il avait reçu une lettre provenant de son père.
James passa une main sur son visage et s'excusa auprès des Traqueurs pour ce léger incident. Pourquoi s'excusait-il alors que ce n'était pas sa faute ? Je voyais aux visages de Ric et d'Alexis qu'ils avaient peur d'une nouvelle crise d'épilepsie de la part de James.
Celui-ci embrassa Soa sur la joue et prit congé, ainsi que Ric et Alexis. Lorsque les trois Altéras furent partis, certains couples reprirent leur danse comme de rien. L'ambiance à nouveau au beau fixe.
— Tu m'accordes encore cette danse ?
Derek me tendit une main, je voyais sur son visage, et non pas dans ses yeux vides, qu'assister à la dispute entre James et son père, l'avait troublé et lui avait rappelé sa propre relation avec son beau-père.
Je saisis sa main avec le sourire et il m'emmena sur la piste de danse. La musique entrainante me fit oublier les derniers événements, j'avais juste l'impression d'être une ado normale, sans pouvoir bizarre, qui dansait à un bal de promo. Un slow commença, et cette fois, c'est moi qui pris les devants. Je me rapprochai de Derek et le laissai guider mes pas.
J'étais trop bien, et je n'aurais échangé ce moment pour rien au monde. Mais il fallait que quelqu'un gâche tout, et cet élément perturbateur avait un nom : Jay. Il planta Inès et s'avança vers nous, il poussa Derek et me prit dans ses bras.
— Tu vas pas l'embrasser non plus ! dit-il à Derek.
— On dansait juste, et puis ce n'est pas moi qui l'ai trompée, répliqua Derek.
— Et ce n'est pas moi qui ai agressé des filles !
Mais qu'est-ce qui arrivait à Jay ? Lui que je connaissais doux et souriant, était à présent agressif. J'avais presque l'impression qu'il avait changé sa personnalité avec Derek ? Je me souvins qu'au Domus Morbus, c'était Derek qui avait le dessus sur Jay, mais là, c'était l'inverse.
Derek me lança un coup d'oeil, et tourna les talons. Oh ne me dites pas que ça recommence ! J'avais envie de gifler Jay, mais quand je vis ses yeux lavandes remplis de tristesse et tous les regards tournés vers nous, je me retins. Je me contentai de l'engueuler à l'écart des autres, mais à aucun moment je ne parlai de rupture. Je ne voulais pas prendre une décision sous le coup de l'émotion.
Je partis de la salle terriblement énervée contre Jay et mécontente de ne pas pouvoir profiter plus du bal. Je remontai le couloir, quand Soa m'appela.
— Ça va aller Amy ? s'inquiéta-t-elle.
— Oui...
— Tu es sûre ? S'il y a le moindre souci, je suis là !
— Merci Soa.
Une vague de sympathie m'envahit et je le serrai dans mes bras. Cette fille était un amour et j'avais de la chance qu'elle soit mon amie. Je lui conseillai de retourner au bal, et après un instant d'indécision, elle me laissa.
Devant la porte de notre chambre, j'hésitai. Et si cette fois Derek coupait vraiment les ponts avec moi ? Je soupirai et entrai dans la chambre. Derek était assis devant la table basse, un énorme livre d'histoire posé devant lui.
Il avait des écouteurs dans les oreilles et portait ses lunettes noires, ça lui donnait du charme. Lorsque je refermai la porte, il ne leva même pas la tête. Ça partait bien.
— Derek ? dis-je d'une voix étranglée.
Il releva enfin la tête et je lus de l'incompréhension sur son visage. Je décidai alors de lui expliquer ma conversation avec Jay.
— Tu n'étais pas obligée, commenta Derek.
— Je n'aime pas l'injustice et...
— Et ?
— Je tiens à t...
J'allais dire : je tiens à toi, mais au dernier moment, je préférai dire :
— Je tiens à ce que tout se passe bien entre nous.
— Tu t'occupes trop des autres. Ne t'inquiète pas, tout ira bien.
— Merci ! Tu trouves quelque chose ? demandai-je pour changer de sujet.
— Non, ça m'énerve, il n'en parle pas, soupira Derek frustré.
Derek ferma l'ouvrage avec force et se laissa aller contre le canapé. Ouh, sujet trop sensible pour ce soir. Pourtant Derek n'enleva pas ses écouteurs quand il parlait, qu'est-ce qu'il pouvait bien écouter de si passionnant ?
— Amy, ne me fixe pas comme ça !
La voix frustrée de Derek me sortit de mes pensées. Il enleva ses écouteurs et c'était désormais lui qui me fixait. Non mais à quoi jouait-il ?
— Je me demandais juste ce que tu écoutais ! me défendis-je.
Derek sourit et débrancha ses écouteurs de l'Iphone. Aussitôt une des valses de Strauss se répandit dans la pièce. J'étais stupéfaite, je me souvins alors qu'à Noël, Louna lui avait offert un CD de musique classique, puis le souvenir de lui en train de chanter me revint. Est-ce que ...?
— Tu chantes de l'opéra ? demandai-je.
— Avant que je ne mue, oui.
— C'est incroyable ! m'exclamai-je.
— Non pas tant que ça, j'écoute toujours de l'opéra quand ça ne va pas.
Il sourit et j'étais sûre que mes yeux brillaient. Je me balançai sur le rythme de la valse. Derek se leva et me tendit une main, je l'attrapai et il m'entraina au centre de la pièce, là où il y avait de la place.
— Tu sais danser la valse ? questionna-t-il.
— Non pas du tout ! rigolai-je.
— Tu voudrais apprendre ?
— Tu pourrais vraiment me l'apprendre ?
— Oui, je pense.
Je fis un grand sourire et hochai vigoureusement de la tête. Derek passa une main dans mon dos et prit ma main. Il me montra les pas de base et comptait les temps.
— 1,2,3,1... Aïe ! Mes pieds !
— Oh pardon !
Durant plus d'une heure, j'appris à danser la valse avec Derek. À plusieurs reprises, nous éclatâmes de rire. Je passai une agréable moment, et Derek aussi, je crois. Finalement, je m'écroulai sur le canapé, épuisée.
C'est lorsque que je vis les yeux de Derek briller comme des pierres précieuses sous la lueur de la lumière qu'une idée germa dans mon esprit.
— Derek ?
— Quoi ?
— À propos de la prophetia, tu as pensé à faire des recherches sur les pierres précieuses qu'elle mentionnait ?
— Maintenant que tu en parles, je ne crois pas...
— On devrait peut-être...
— Si tu permets Amy, on peut peut-être en parler demain.
— Oui bien sûr. Bon je vais aller me démaquiller.
Je me levai du canapé et j'allai partir, quand Derek me retint par la main. Il prit son téléphone.
— On peut faire une photo pour immortaliser cette soirée ?
Je hochai la tête. Et au moment où il allait prendre le selfie, je l'embrassai sur la joue. La surprise se peignit sur le visage de Derek. Je lui demandai si je pouvais également prendre un selfie et Derek retourna la situation en m'embrassant lui aussi sur la joue.
Je décidai de la mettre en fond d'écran, et Derek fit de même. Il m'embrassa sur les deux joues et me souhaita bonne nuit en allemand, une langue qu'il semblait visiblement apprécier.
Je me démaquillai en repensant à cette magnifique soirée. Je m'étais bien amusée, sans compter Jay et M. Roddart. Je me couchai finalement, très satisfaite, mais fatiguée.