L'obscurité. L'obscurité la plus absolue. Je ne sentais pas mon corps, ou plutôt je sentais tout sauf mon corps. Les racines de millions d'espèces végétales puisant en moi la force de vivre, la force d'être. J'étais la terre, j'étais la mère, et dans un silence presque sacré j'accueillais en mon sein tout ce qui tombait, tout ce qui ne fut plus.
Des coups de sabots marquait régulièrement le sol, puis des gémissements étranges. Ils étaient deux, probablement des dieux, ou pire encore, des titans, comme moi. Leurs hurlements ne m'étaient pas audible, mais les va et vient de leurs corps puissant m'étaient perceptibles. Étaient-ils en train de se battre, ou de s'étreindre ? Je ne le saurai jamais. Je n'entendrai jamais non plus les obscénités du titan. Seulement la violence inouïe de cet acte que certains jugeraient contre nature. Contre ma nature ? Quelle ironie.
Leur querelle prit fin de manière si inattendu que je cru que l'un d'eux fut tué. Peut être que ce n'était plus qu'une question de temps. D'autres bruits de pas, douloureux cette fois-ci se firent sentir. Ils étaient lourds et putrides. Chaque empreinte laissant en moi le goût fétide de la mort : un gardien de la destruction marchait sur la terre.
Je me changeai alors en gaz et m'échappait du sol afin de mieux constater cette scène digne d'une fin des temps. Typhon s'était lancé à la poursuite du titan Priape, qui avait détalé à sa vue. Le dieu Pan semblait vouloir s'interposer, comme pour protéger Priape. Instinctivement je réduisis à néant mon ouïe. Le dieu de la nature inspira tant d'air autour de lui que l'atmosphère changea de composition. Il hurla ensuite de toute ses forces, et son cri de PANique mit Typhon en déroute. Avant de disparaître dans le néant dont il s'était échappé Typhon blessa Priape au loin et ce dernier s'écroula sur le sol. Je pouvais sentir l'énergie du dieu de la fertilité s'évaporer dans l'air. Je regagnais la terre, tentant d'effacer les traces de Typhon et m'interrompit dans ma tache lorsque des larmes de dieu me tombèrent dessus. Elles avaient un goût bien particulier, celui de l'amertume et de la mélancolie : c'était les larmes de Pan.
[...]
J'ouvris les yeux pour constater que j'étais dans le bureau de l'infirmière. Beaucoup de gens étaient autour de moi et mes paupières mirent du temps avant de complètement s'ouvrir. Lorsque mes yeux s'habituèrent enfin à la lumière ambiante, je constatais avec stupeur que j'étais en débardeur sous un drap et que les personnes autour de moi n'étaient nul autre que Kimya, Charlotte, Alice, Thomas, Félix et Sonia la bras droit de Yaëlle. L'infirmière n'était pas dans la pièce. Mon premier réflexe fut d'essayer de me lever et de quitter la pièce. J'avais encore mal à l'épaule, et je ne leur faisait absolument pas confiance en ce qui concernait les civilités. Les seuls témoins c'était eux, il pouvait clairement m'arriver n'importe quoi.
"Tu devrais rester couchée." commença Kimya. "Tu vas avoir besoin de force." me conseilla -t-elle. Que pouvait-elle bien m'annoncer de si grave ? Était-il arrivé quelque-chose à Clara ? Je cru avoir pensé au pire, jusqu'à ce qu'Alice prenne la parole. Sa voix était comme désincarnée, comme si elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle disait :
"Ce livre que tu chéri tant." commença-t-elle en me présentant le livre de ma mère. Mon sang se glaça. "Je l'ai lu lorsque j'étais en classe de primaire." poursuivit-elle en feuilletant quelques pages avant de s'arrêter et me le présenter à nouveau. "C'est moi qui ai corné la page au niveau de la description d'Athéna." finit-elle.
"Les garçons découvrent la sexualité en matant des pornos et les filles en lisant des romances... Cette phrase Yaëlle l'a sortie en classe il y'a quelques années. On avait toutes tiqué pendant la réunion quand tu as répété la même chose, mais on savait pas pourquoi..."
Je me mordillais la lèvre jusqu'au sang. Avais-je été démasquée ?
"Vous ne portez pas le même nom de famille ce qui m'as rendu la tâche compliquée." commença le délégué de la classe. "Mais c'est la seule personne à avoir pu te filer autant d'infos. On a assuré nos arrières." précisa Félix avant de ré-ajuster ses lunettes. Il ne m'avait jamais paru aussi menaçant.
"Vous n'avez aucun lien de parenté sur les réseaux sociaux non plus, vous êtes mortes dans le film quoi..." commenta Nour avant de hausser les épaules.
"Bref. Tu t'es trahie en acceptant la divinité Perséphone. Nous surnommons ta mère Dem, comme Demetria. Rhéa est un nom de code couverture que l'on a utilisé pour ton idiote de copine." conclut Kimya avec un rictus.
Comment avaient-ils pu mettre la main sur le livre ?! Il était dans mon sac de sport... Je ne me changeais jamais dans les mêmes vestiaires qu'elles ! Les derniers moments avant mon évanouissement me revinrent et je serrais les poings avec impuissance. J'avais été imprudente. Je payais aujourd'hui pour ma bêtise. A ce stade, je ne savais même pas où se trouvait mon téléphone portable, ils pouvaient à tout instant découvrir mes pires secrets.
"C'est pas beau de mentir." ricana Kimya.
"On sait qui tu es." renchérit Thomas.
Leur mesquinerie sans limite me fit sortir de mes gonds et malgré mon état de faiblesse je ne pu m'empêcher de crier :
"Laissez-moi tranquille ! Vous savez peut être qui je suis, mais vous n'avez aucune idée des épreuves que j'ai traversé, ni de leur difficulté. Alors allez-vous-en ! Je vais passer mon examen en tant que candidate libre, je veux plus entendre parler de vous. Laissez-moi tranquille !" beuglais-je avant d'agiter mes bras en avant. "Allez-vous-en ! TOUS !"
Tous se mirent à rire sauf Charlotte Félix et Alice.
"C'est trop tard." ajouta tristement la fausse blonde. La mère de la classe se sentait réellement désolée, comme si mon sort était déjà scellé. Elle se mit à pleurer et cela eut le don de m'énerver encore plus. Pourquoi pleurait-elle ? Ce n'était pas ses secrets à elle qui étaient révélés !
Je ne savais pas ce qu'ils savaient d'autre sur moi, mais ce secret n'était pas mon plus gros, alors je décidais de jouer le tout pour le tout et entreprit de leur donner la plus grosse frayeur qu'il n'aient jamais eu.
"Je sais que vous avez TOUS triché à vos examens." commençais-je. Ils ne se concertèrent pas une seule fois et Nour répondit immédiatement.
"Comme tous les élèves de ce putin de lycée."
"Non. Vous avez falsifiés des registres officiels et piratés des bases de données appartenant à l'académie, donc à l'état." poursuivis-je. C'était ma seule défense, et ça devait marcher.
Leurs yeux s'écarquillèrent et avant que je ne puisse savourer la peur sur le visage de porcelaine noire de Kimya sa main vint s'écraser sur ma joue. Le choc ne dura qu'une fraction de seconde puisque ma main prenait déjà son envol et compter bien atterrir sur sa joue. Mais elle fut stoppée en plein vol par le bras puissant de Thomas.
"Restons calme."
"Non, vous restez calme, parce que si vous refaites un truc pareil, c'est pas un avertissement que vous allez avoir mais une radiation de toutes les listes d'examen pendant 5 ans !" menaçais-je. "Ma mère vous a peut être apprit quelques tours, mais moi j'ai grandi dans sa roulotte et vous seriez surpris de me sous estimer !"
Je retirais le drap et ramassais mes affaires. Un soupir de soulagement failli m'échapper lorsque je constatais que mon téléphone était bien au fond de mon sac. Les olympiens furent si paniqués qu'ils n'osèrent même pas me regarder dans les yeux. Par le feu ils m'avaient brûlée, et par le feu ils seraient vaincus. Ils pouvaient bien raconter à tout le lycée que j'étais la fille d'une prof. Ce secret était lourd à porter parce que je pensais que je finirai par avoir leur considération un jour, mais aujourd'hui j'avais compris que je ne l'aurai jamais alors ils pouvaient bien le garder.
Prête à quitter la salle, je fus tirée en arrière par Félix :
"Attends !" couina -t-il. "Tu portes, la marque !"
"N'importe quoi !" intervint immédiatement Kimya. "Corentin s'est débarrassé de cette bague quand nous étions à Mykonos !"
"Elle a du se blesser toute seule !" soutint Thomas.
"Non." interjecta Charlotte d'un ton autoritaire. "C'est bien la marque." elle me toucha délicatement le bras. "Et elle date même d'il y a quelques jours."
"Comment est-ce qu'il peut être aussi stupide ?!" s'exclama Alice qui prit enfin la parole.
"Hein ?" fit Nour, incrédule.
"Si elle porte cette stupide marque, ça veut dire que c'est l'une des nôtres à présent !" expliqua la déléguée avec un ton si condescendant que malgré la situation j'eus de la peine pour Nour. Vexée, elle haussa les épaules et quitta la pièce en claquant la porte.
"Et alors ?" aboya Kimya, refusant d'y croire. Je repensais à la bague que Corentin cherchait dans sa poche.
"Et alors le protocole vient d'être suspendu !" cria-t-elle dans les oreilles de tout le monde, visiblement déçue et blessée. La grande Alice venait être trahie par l'un des siens, elle était obligée de capituler. Athéna avait perdu la guerre. Honteuse, elle quitta à son tour la pièce, suivie par Sonia.
Corentin ne m'avait pas agressé, il m'avait donné du pouvoir. Celui de détruire une bonne foi pour toute le protocole. Mais pas seulement, il avait également reconnu MON pouvoir. Je souriais sans m'en rendre compte si bien que Thomas s'approcha de moi. Il vint si près que Charlotte dû s'interposer. C'était un acte empli de courage, elle venait de trahir pour la première fois son camp.
"Si Emma porte la marque cela veut aussi dire qu'elle fait partie de notre bande." commença-t-elle. "Et je suis désolée Emma, mais pour un inspecteur ou un recteur d'académie cela veut aussi dire que tu es complice." fit-elle. "Je sais pas s'il y a de quoi sourire..."
Cette fois-ci c'est sur le visage de Thomas et Kimya que se dessina un sourire, il y avait de quoi sourire. J'étais la bienvenue dans leur club de tricheurs. J'étais l'une des leurs.
[...]
Lol, il m'est arrivé plein de péripéties aujourd'hui mais bon je publie quand même. Hâte d'arriver au climax de ce livre :)
Vous voudriez que je le fasse publier ?