REVEIL

By PalomaEtMoi

38 0 2

La chaleur était pesante. Les persiennes étaient closes et les fenêtres ouvertes. Elle somnolait sur un faute... More

REVEIL

38 0 2
By PalomaEtMoi

La chaleur était pesante. Les persiennes étaient closes et les fenêtres ouvertes. Elle somnolait sur un fauteuil près du ventilateur. Une voiture s'arrêta devant la maison. Une portière claqua. La sonnette retentit.

Ernestine était plongée dans un sommeil profond, si bien que la sonnette faisait partie de son rêve. Elle rêvait qu'elle était encore à l'hôpital, qu'un malade s'impatientait et sonnait avec insistance, comme si elle n'avait que lui !

Bien sûr il souffrait, évidement Ernestine aimait son métier, mais elle était épuisée. Épuisée de donner, son temps, son énergie, elle arpentait les couloirs de son service comme un robot de jour comme de nuit. Après son tour de garde, elle s'était littéralement écroulée dans son fauteuil vert, incapable d'aller jusqu'au lit.

Et cette sonnette qui résonnait dans le couloir ! Soudainement Ernestine sortit de sa torpeur. Elle était secouée par ce retour à la réalité.

Elle aurait dû se lever d'un bon pour aller ouvrir, mais une force invisible la laissa clouée au fond de son assise. Ernestine entendit « le ding-dong » peut-être trois ou quatre fois... Malgré les volets mi-clos, elle perçut une silhouette. Elle eut peur de la reconnaître, et si c'était lui. Une boule de stress s'installa dans son ventre juste au-dessus du nombril. Comment l'avait-il retrouvée ? Y aurait-il une part d'instinct dans l'humain ? Elle sentit une perle de sueur couler au creux de son dos. La silhouette se déplaça le long du balcon, se pencha à l'encadrement de la fenêtre encerclant ses yeux pour regarder au travers des persiennes. En un éclair Ernestine reconnut ce regard bleu acier. Elle ignorait si elle avait été vu, recroquevillée sur le coussin. Le cœur dans les tempes, la bouche sèche, elle était paralysée. Il attendait. Il sifflotait à présent, faisant les cents pas sous le porche. De l'autre côté de la cloison Ernestine ressentit la présence de l'autre jusque dans ses tripes. Elle était partagée entre la surprise, la crainte, l'excitation de le revoir. Elle ne s'était pas préparée à ça. Il y a quinze ans, elle avait quitté la capitale pour s'installer à la Réunion. Fuir.

Elle avait rapidement trouvé une place au service gériatrie. Ses collègues de travail étaient devenus ses amis. Elle s'était initiée au surf sans pour autant trouver un beau surfeur, bronzé, insouciant... non. Fuir.

Elle avait profité de cet exil pour faire du tri dans ses connaissances, dans sa famille. Fuir.

De sa vie parisienne, elle ne gardait que des souvenirs de soirées endiablées, de métro bondé, du goût sucré et amer de l'amour, et d'infirmière exploitée. Fuir.

Et voilà qu'arriva Post-it son vieux matou. Lui aussi marqua un arrêt devant le visiteur, mais sa curiosité finit par l'emporter. Il promena ses moustaches le long du mollet tonique.

Il détailla l'odeur de l'homme qui se penchait sur lui. Ernestine regardait cette main du passé, mille fois serrée, s'égarant sur le dos du félin.

Elle eut un pincement au cœur en observant que les années avaient affaissé cette silhouette familière, blanchi ces tempes, façonné un front soucieux. Un chapitre de vie s'était écrit sans elle. Elle réalisa que le temps avait aussi fait son œuvre sur elle. Elle avait pris du poids, des rides étaient apparues au creux de sa bouche, elle portait des lunettes, et devait teindre ses cheveux et aucune passion n'animait son regard. Elle ressentait de la honte à l'idée d'avoir laissé vieillir cet homme sans elle. Ernestine voudrait plus que jamais fuir. Et pourtant elle restait là, docile, elle attendait qu'il vienne la cueillir, elle était fatiguée de se cacher.

A une époque elle n'avait pas eue le choix. Elle pensait que son départ brutal aurait découragé toute recherche, mais non il l'avait retrouvé, il était là.

Tout avait basculé cette nuit du cinq novembre, elle descendait la bute Montmartre, elle avait dansé dans un petit café, où se produisaient régulièrement des groupes rock de la scène Parisienne. Le pavé était détrempé, le brouillard de cette fin d'automne était dense. Le nez emmitouflé dans son keffieh, elle ne regardait que le bout de ses Converses défiler de plus en plus vite. Elle se sentait suivie, elle regrettait d'avoir refusé le bras d'Ilario. Elle avait le sentiment de n'être plus qu'une proie à la merci de cette ombre. Elle tourna vivement dans une rue perpendiculaire mais, les pas résonnaient encore derrière elle. Le rapace déploya d'un seul coup toute son aile au-dessus de son épaule, Ernestine croisa son regard noir, il déversait un flot de paroles salaces au creux de son oreille, elle sentit son haleine près de sa bouche. Il était fort, brutal, il la coucha sur le trottoir mouillé. Il n'y avait personne. Ernestine était bâillonnée. Il était armé d'un couteau et appuyait sa lame tranchante près de sa carotide palpitante. De rage, elle lui planta ses canines acérées à l'oreille et la lui arracha. Cloué par la douleur, le vautour desserra ses serres et échappa le couteau qu'Ernestine planta sauvagement à plusieurs reprises dans ce corps trop lourd, trop sale. Elle sentit la lame qui résista et se faufila dans ce tas de viande. Il lui tirait encore les cheveux lorsqu'il expira pour la dernière fois. Elle s'extirpa. Elle avait un goût de vinaigre dans la bouche. La lumière opaque de l'aube commençait à percer les ténèbres.

Elle avait tué un Homme.

Elle entendait déjà la rumeur se propager, ses oreilles bourdonnaient.

Elle avait tué un Homme ! Fuir.

C'était ainsi qu'elle était montée dans le premier avion et s'était retrouvée dans son petit paradis réunionnais. Elle n'avait laissé aucune trace derrière elle. Ses effets personnels, son portable, sa carte bancaire, elle avait tout laissé étayant la thèse d'un enlèvement, d'un crime...

Souvent elle pensait à sa mère, à ses sœurs, et surtout à Ilario... Elle l'avait rencontré quelques mois plus tôt avant son agression dans le même café-concert de la bute Montmartre. En quelques secondes elle avait remarqué ce guitariste... tout le monde le remarquait. Il était brun, grand, ses cheveux mi- longs faussement crasseux caressaient le bas de son menton mal rasé. Il était courbé sur son instrument, ne regardait pas le public, il faisait corps avec la musique. Ses doigts délicats, jaunis par la nicotine courraient sur le manche. Ses bras tatoués ici et là de symboles obscurs aiguisaient la curiosité d'Ernestine. Elle le dévorait des yeux. Il s'était glissé dans un jeans noir très près du corps, une chemise à carreaux ouverte sur un « marcel » blanc. Visiblement, il n'était pas fan de la salle de musculation mais ce corps gringalet attisait le feu d'Ernestine. Dans la soirée, d'autres groupes se succédaient, le bel Italien et Ernestine finissaient par faire connaissance, le coup de foudre était dévastateur. Il lui avait offert une bière au comptoir, ils se tenaient debout et parfois la foule des danseurs les compressait. Il avait passé son bras au-dessus des épaules frêles, et de l'autre main, il avait pressé sa joue la forçant à tourner la tête. Le visage encadré dans les mains du guitariste elle était sienne. Ses lèvres avaient croqué celle d'Ernestine, elle sentait le piquant de sa barbe, douce et rappeuse à la fois. Ils s'étaient aimés dès la première nuit. Ernestine avait honte d'avoir succombé si vite dans les draps de cet inconnu. Au diable les principes ! Comment résister lorsque Satan vous cajole et vous dévore sans protocole ? Ernestine se cherchait des excuses mais sans grandes convictions, leurs corps se comprenaient. Il parlait dans un Italo-Français mal assuré, et Ernestine buvait ses paroles de séducteur. Assurément Ilario était de ces hommes. Sous ses mains elle était une Autre, sous son regard elle était Reine. Cet amour était magnétique. Lorsqu'ils ne se voyaient pas elle tombait dans une léthargie attendant le texto, l'appel... elle était dépendante de lui physiquement, psychologiquement. Lui, se plaisait à la faire fondre comme une tablette de chocolat en plein soleil. Il s'amusait de ses moues de fillette lorsqu'il lui disait « no, on ne se verra pas oujourd'hui, je travaille une nouveau morceau ». Il venait de Toscane. Ernestine ne ressemblait à aucune de ses conquêtes. Il aimait les courbes chaleureuses, l'exubérance d'un généreux décolleté, il se laissait séduire par un éclat de rire, et le voilà entiché d'une fille de l'Est, rousse, menue, anxieuse. Il ne sut pas vraiment pourquoi il avait posé les yeux sur elle. Il avait été touché par ses ongles rongés, et surtout, elle ne portait pas de soutien-gorge, promettant une petite poitrine musclée comme une jeune fille.

Cependant le temps défilant il ne savait pas s'il l'aimait ou la désirait. Ernestine était un délicieux petit bonbon. Attentionnée, chaleureuse, maladroite, et surtout elle ne posait pas trop de question et ça, pour Ilario c'était très confortable. A cette époque il vivait en colocation avec les autres musiciens. Ils avaient déjà expérimenté la sexualité de groupe, mais, là Ilario ne tenait pas à partager son nouveau trésor. Il la respectait.

Ernestine revivait au contact de son nouvel amant. Les semaines passaient et ils nageaient dans une histoire d'amour sucrée, rose et molle comme un marshmallow. Elle flottait dans un bain de niaiserie amoureuse fait de dîner aux chandelles, de main dans la main dans les squares, de petites bouderies et grandes réconciliations. La jeune femme n'aimait pas se sentir amoureuse à ce point, elle était vulnérable. Ils formaient les couples qu'elle détestait, dont le bonheur éclatant insultait les âmes seules. Et pourtant il était si doux, si facile de se laisser aller à cette naïveté.

Mais une petite ombre s'était insinuée. Un soir, alors qu'il était sous la douche, Ernestine lui avait proposé d'emménager chez elle, avançant les avantages économiques, et logistiques, mais il lui avait répondu : « Stop, n'en parle plus ». Elle était restée muette, interdite, regardant la mousse s'agglutiner autour des orteils d'Ilario. A ce moment elle aurait voulu glisser délicatement dans le siphon. Il n'était pas resté dormir.

Le quatre novembre après-midi, il répétait pour le concert du soir. Bien décidée à prendre soin d'elle, Ernestine avait chaussé ses baskets et entamé un petit jogging dans les allées du parc. Depuis le matin, le soleil n'avait pas réussi à percer le brouillard dessinant des silhouettes humaines comme des spectres divaguant sous les arbres. Il ne manquait plus que les pierres tombales et c'était le remake de Thriller de M. Jakson. Elle souriait à cette petite flippante. Elle sentait l'air frais s'engouffrer dans ses poumons, les graviers crissaient sous ses pieds. Une bonne odeur d'humus s'élevait du sol. Le parc était silencieux comme étouffé sous cette coupole de brume. Ernestine se sentait enfouie dans un cocon duveteux.

Quand soudain, elle l'avait vu de loin, dans une allée étroite. Elle ne pouvait pas y croire, il était là ! Avec une chanteuse qu'ils croisaient souvent... Non ! Elle les regardait médusée, Ilario avait les mêmes gestes, les mêmes mimiques. Ils échangeaient les mêmes regards cajoleurs et baisers langoureux.

Ernestine était restée là, sans oser bouger, sans vouloir croire. Elle avait la sensation d'avoir avalé une chaise dont les barreaux latéraux seraient restés coincés au niveau de l'œsophage. L'air lui manquait. Elle ne sentait même plus l'odeur chargée de l'étang croupi à côté d'elle. Au bout d'un long moment, la rage des femmes blessées chevillée au corps, elle décida de prendre des photos. Elle joua les paparazzis, se cacha dans les buissons, rampa au sol. L'opération « Ilario t'es cuit » s'était soldée par le survêtement trempé, troué aux genoux, les fesses boueuses, les cheveux pleins de feuilles, dévisagée par les larmes, la colère, et les usagers du métro, elle avait fière allure !

« TrrTrrrTrr » tirée de sa rêverie Ernestine regarda son portable vibrer sur la table basse. Un appel de l'hôpital, elle chuchota :

- Allô ?

- Salut, c'est Elicia, excuse-moi de t'ennuyer, mais je voulais te prévenir. Un drôle de type est venu te voir à l'hôpital, il a posé pleins de questions, demandé tes horaires, mais j'ai rien lâché. Je ne l'avais jamais vu dans le coin. Dis-moi que tu vas bien ! C'est qui ce bonhomme ?

- Comment il était ?

- Euh... la soixante encore bel homme, grand, mince, les cheveux blancs, avec des yeux de husky ! Tu vois de qui je parle ?

- Oui, ne t'inquiète pas, je vais gérer. Merci. A demain.

Coincée dans sa mélancolie Ernestine ne s'était pas rendu compte que son visiteur lui avait faussé compagnie. Inexorablement elle se laissait aller à nouveau vers ce fameux quatre novembre qui avait bouleversé sa vie. Aujourd'hui, ça ne lui faisait plus aussi mal d'y repenser, elle devait exorciser cette foutue journée.

Elle était rentrée chez elle détruite. Elle avait pris une douche chaude, soigné ses égratignures visibles et maintenant il fallait s'occuper des plaies invisibles. Elle avait téléphoné à son père qui était son meilleur remède. En quelques minutes, il vivait deux étages au-dessus, il avait déboulé dans le salon avec deux mug-cake fondant-chocolat, une bouteille de Porto Tawny, et un vinyle des Rolling Stones, il connaissait si bien sa fille ! Deux âmes sœurs liées par la même perte. Après le décès de sa femme, Yvan avait tenté de garder la tête haute et poursuivi leur vie de famille avec ses trois filles. Les deux aînées étaient déjà parties de la maison et Ernestine était la benjamine. Ils étaient restés de nombreuses années l'un près de l'autre.

Depuis sa tendre enfance, c'était lui qui venait la réveiller. Il lui chantait une petite chanson russe, lui ébouriffait les cheveux puis essayait de la coiffer. Au final, elle partait à l'école le cœur plein d'amour mais jamais peignée. Et lorsqu' Ernestine avait annoncé qu'à son tour elle quittait le nid, elle avait emménagé dans le même immeuble, pour qu'ils puissent prendre le petit déjeuner ensemble. Leur complicité s'exprimait dans bien des domaines, c'était naturellement qu'Ernestine racontait tout à son père y compris ses déboires amoureux. Sans retenue elle avait beaucoup pleuré sur son épaule. Il lui tendait le mouchoir et parlait peu. Puis le chocolat et le vin aidant, elle s'était détendue. Ils avaient philosophé sur l'amour, la mort et la vie. Il lui avait raconté des blagues coquines en russe, elle l'avait trouvé lourd, grossier puis, fini par rire de bon cœur. Alors il était reparti en lui laissant l'album. Mick Jagger occupait tout l'espace. Sa voix, sa diction tonique boostait le cœur meurtri de la Belle. Elle dansait seule dans l'appartement en fermant les yeux. L'odeur moelleuse du chocolat était encore là et la bouteille presque vide. Comme ça, elle ne ressemblait pas à une fille dévastée. Ilario avait sous-estimé cette guerrière aux jambes de gazelle.

Elle prit le temps de se préparer en chantant en duo avec Mick, elle enfila une jupe fendue découvrant des jambes fines, son perfecto, bu un dernier verre et fuma un joint très léger. C'était détendue, apprêtée, et guillerette qu'elle déboula dans le café-concert où Ilario jouait.

Lorsqu'elle entra dans la salle, il réglait le son, il lui décocha son plus beau sourire, Ernestine l'ignora. Elle dansait comme dans son salon, les yeux clos. Elle laissait la musique l'envahir. Son corps vibrait. Ses hanches coincées dans sa jupe étroite, ses petits seins se balançant sous son t-shirt, il n'en fallait pas plus pour hypnotiser les quelques Hipsters présents. Ilario comprit que quelque chose clochait. Cette fille ne ressemblait pas à son Ernestine et pourtant c'était bien elle. Il avait remarqué qu'elle titubait très légèrement, pourtant elle buvait un jus d'orange, que ses yeux étaient mouillés, bien qu'elle ne pleurait pas. Le doute commençait à l'envahir. Elle sait ? Ou pas ? Me pardonnerait-elle ? Ce soir, il la trouvait belle à en crever. Il comprit qu'il l'aimait. Malgré ses petites aventures récréatives, c'était à ses côtés qu'il voulait être. Et ces hommes qui osaient tourner autour de son trésor le rendaient fou. Son esprit était sens dessus-dessous. Ses accords dissonaient, il se trompait de morceau, il ne voyait plus les cordes. Le chanteur lui lançait des regards courroucés. La panique s'était installée dans le groupe, c'était un fiasco, le public sifflait.

Au moment où ils décidèrent d'arrêter de jouer, Ernestine sortit de son sac une liasse de feuille, sur lesquelles, elle avait imprimé les photos compromettantes. L'opération « Ilario, t'es cuit » reprenait. Elle disposa sur chaque table, les clichés criminels. Toute la salle sifflait, les quolibets fusaient, tout le monde y allait de son commentaire. La musique reprenait, dans les enceintes, Gaëtan en avait marre des soirées parisiennes, elle aussi. Elle se fraya un chemin dans la foule pour partir, à ce moment Ilario la reteint :

Attend ! je te raccompagne, on peut discuter non ?!

Non !

En un regard il comprit qu'il devait la laisser partir. C'est quelques mètres plus loin que le cours de sa vie changea.

La chaleur était pesante. Les persiennes étaient closes et les fenêtres ouvertes. Elle rêvassait sur un fauteuil près du ventilateur. Une voiture s'arrêta à nouveau devant la maison. Une portière claqua. La sonnette retentit.

Comme lorsqu'elle était petite, ce matin, il était venu la réveiller.

Continue Reading

You'll Also Like

1.7M 17.3K 3
*Wattys 2018 Winner / Hidden Gems* CREATE YOUR OWN MR. RIGHT Weeks before Valentine's, seventeen-year-old Kate Lapuz goes through her first ever br...
6.5M 179K 55
⭐️ ᴛʜᴇ ᴍᴏꜱᴛ ʀᴇᴀᴅ ꜱᴛᴀʀ ᴡᴀʀꜱ ꜰᴀɴꜰɪᴄᴛɪᴏɴ ᴏɴ ᴡᴀᴛᴛᴘᴀᴅ ⭐️ ʜɪɢʜᴇꜱᴛ ʀᴀɴᴋɪɴɢꜱ ꜱᴏ ꜰᴀʀ: #1 ɪɴ ꜱᴛᴀʀ ᴡᴀʀꜱ (2017) #1 ɪɴ ᴋʏʟᴏ (2021) #1 IN KYLOREN (2015-2022) #13...
readers By smhhh

Short Story

45.5K 70 8
shhhhhhh.
Fate By v xxxiri v

Short Story

14.4K 1K 10
A story of a young boy Vishnu who lives along with his cold brothers in India, wishing to be taken care and loved by them