Alors qu'ils étaient attendus à l'étage de la gynécologie, Mohammed fut stoppé par le docteur Fahad, celui qui s'occupait des yeux de Tara. Inquiet et soucieux Mohammed fronça des sourcils quand il s'approcha avec un sourire plus ou moins rassurant aux lèvres.
- Votre altesse, le salua-t-il en inclinant sa tête.
- Docteur ? Que se passe-t-il ? S'enquit-il en serrant la main de Tara.
- Je pris connaissance de votre rendez-vous avec le docteur Adzira et j'aimerai examiner Tara avant si c'est possible.
- Pour quelle raison ? S'enquit-il de nouveau inquiet.
- Il s'est écoulé suffisamment de semaine pour que l'on essaye de lui retirer son bandage, expliqua-t-il en s'approchant davantage ; Je crois qu'il est temps de découvrir si l'œdème est absorbé.
Mohammed sentit son cœur battre sourdement contre ses tempes. Tara s'était instantanément raidie et cherchait instinctivement son regard. Pour être totalement honnête, Mohammed ne s'était pas préparé à ça.
- Vous en êtes certain ? C'est le bon moment ?
- C'est le bon moment, assura-t-il en esquissant un sourire bienveillant.
Tara avait le sentiment qu'il se trompait. Elle avait une peur bleue de devoir ouvrir les yeux et de ne rien voir.
- Tara ? Tu as prête ? S'informa Mohammed en caressant sa joue.
- Autant être fixé tout de suite, dit-elle précipitamment par peur de changer d'avis.
Elle se laissa guider jusqu'à la salle d'examen inquiète à l'idée d'en ressortir anéantie. Néanmoins, elle avait besoin de savoir et plus tôt sera le mieux, songea-t-elle en frissonnant.
- Allez vous changer, dit le médecin en lui tendant une blouse que Mohammed prit à sa place en la guidant vers la cabine.
- Je suis obligée d'être nue ? Demanda-t-elle tout bas.
- Non habibti, laisse-moi faire.
- Je t'aime, chuchota-t-elle en le laissant la déshabiller.
- Tu me dis ça parce que tu as peur mon amour mais tu n'as rien à craindre car je ne quitterais jamais.
Mohammed avait encore su lire en elle avec une facilité déconcertante. Soulagée, son cœur battait à la chamade lorsqu'il la guida jusqu'à la table d'examen. Les jambes pendantes, assise au bord de la table, Tara émit une requête silencieuse à son futur mari pour qu'il lui tienne la main.
- Pas de mal de tête ? Questionna le médecin en l'examinant sous le regard aiguisé de Mohammed.
- Quelques uns mais ils n'étaient pas persistant.
- Respirez profondément.
Tara s'exécuta sans quitter la main de Mohammed dont l'inquiétude émanait de lui facilement.
- Nous allons retirer le bandage à présent et j'aimerai que vous preniez votre temps pour ouvrir les yeux d'accord ?
Tara acquiesça silencieusement. Son corps se mit à trembler lorsqu'elle sentit le bandage quitter lentement ses yeux. Lorsqu'il lui ôta, Tara garda les yeux fermés. La pénombre était moins sombre, elle avait l'impression qu'une vive lumière remplaçait la noirceur du paysage dont elle était prisonnière depuis trois semaines.
- Ouvre-les doucement mon ange, murmura-t-il en lui prenant les mains.
Tara sentit son souffle chaud se poser sur son visage. Si elle ouvrait les yeux...alors c'est lui qu'elle verrait en premier.
Elle retint sa respiration et ouvrit lentement les yeux. Seul un rai de lumière traversa la pénombre. Tara cligna lentement des paupières puis entraperçut la faïence du carrelage prendre forme. Elle se mit à trembler tandis que l'espoir se ranimait en elle à mesure que les rais de lumière remplaçaient l'obscurité.
Alors elle releva lentement la tête et vit péniblement l'épaisse carrure de son futur mari prendre forme.
- Habibti...
Tara sentit son cœur s'arrêter de battre lorsqu'elle le vit enfin...plus beau que jamais. Ses traits ciselés, ses hautes pommettes, son regard animal et doux à la fois...et ses mâchoires si puissantes. Priant pour que l'obscurité ne revienne pas lui ôter cette image, elle le dévisagea longuement comme si c'était la dernière fois.
- Tu t'es laissé pousser la barbe ? Parvint-elle à dire entre deux sanglots de joie.
Mohammed prit ses joues pour être sûr qu'il ne rêvait pas.
- Tu me vois ? Demanda-t-il d'une voix grave.
- Oui ! Et tu es...absolument magnifique.
Mohammed exhala un soupir de soulagement et contempla ses beaux yeux bleus.
- Habibti...
La panique se mit à l'envahir lorsqu'elle se mit à battre énergiquement des paupières.
- Ça pique un peu...
À contrecœur il s'écarta pour laisser le médecin examiner ses yeux.
- Regardez la lumière et suivez-là lentement.
Mohammed sentit son cœur se serrer en distinguant des rougeurs dans ses yeux. Des lésions sûrement dû au choc de l'accident et de la fumée épaisse qu'avait provoqué l'explosion.
- Venez ici...
Même si elle voyait, Mohammed l'aida à descendre et la guida jusqu'au siège.
Une batterie d'examen s'ensuivit. Tara passa un test qu'elle réussit avec brio. Ses grands yeux bleus se posèrent sur les siens et il n'avait jamais été aussi heureux de les voir briller.
- Tout va bien, assura le médecin en l'aidant à quitter le siège ; Quelques gouttes dans les yeux tous les jours pendant deux semaines et tout redeviendra normal.
Mohammed poussa un soupir qui en disait long sur ce qu'il ressentait. Elle le rejoignit seule, les larmes aux yeux et se blottit contre lui.
- Plus de vertiges ? Insista Mohammed en fixant le médecin droit dans les yeux.
- Plus de vertiges, assura-t-il en souriant ; Tara vous êtes vraiment très courageuse.
- Merci docteur.
Les doigts de la jeune femme cherchaient les siens, comme si elle les voyait pour la première fois.
Il l'aida à se rhabiller, complètement bouleversé de la voir sourire avec bienveillance. Ses longs cils déployés lui avaient terriblement manqué. Elle le rendait complètement fou. Sa seule présence suffisait à éveiller en lui un désir que seule Tara en avait le secret.
Le rendez-vous touchait à sa fin...un autre les attendait.
- Merci docteur.
- Votre majesté...
Il lui tendit un papier que Mohammed plia pour le glisser dans sa poche intérieure.
- Je voudrais la revoir dans un mois pour que l'on refasse un bilan.
Mohammed inclina sa tête, serrant fermement la taille de la jeune femme qui explorait chaque parcelle de la salle d'attente...comme si chaque détail était important même le plus infime.
Son premier réflexe fut de prévenir son frère par SMS. Le poids de la culpabilité était trop pour lui.
- Allons-y habibti...
- Attend ! S'écria la jeune femme en le tirant par le bras.
Mohammed fronça des sourcils en la dévisageant. Elle grimaçait et semblait hésitante.
- J'ai besoin d'une minute s'il te plaît.
Tara se laissa tomber sur l'une des chaises de la salle d'attente pour reprendre sa respiration. Les choses allaient beaucoup trop vite. À peine venait-elle de recouvrir la vue qu'elle allait devoir faire face à l'incertitude d'un bébé qui n'avait peut-être jamais existé. Elle se frotta les yeux, sa vision était encore un peu flou mais elle pouvait compter sur la haute silhouette de Mohammed pour s'assurer qu'elle voyait à nouveau.
- Tout est si rapide, je crains d'être déçu, murmura-t-elle en sentant des regards sur elle qui se faisaient plus insistant.
- Je sais mon amour mais nous devons savoir et quoi qu'il arrive, même s'il y en a qu'un, nous serons heureux.
Oui il avait raison. Tara était déjà comblée de joie.
- Tu as raison...
Il embrassa son front et l'enjoignit de se lever pour le suivre jusqu'au deuxième étage.
Le docteur Adzira se tenait prête à les recevoir et Tara put enfin étudier son visage. Environ quarante ans et très bien habillée, il s'émanait d'elle un côté exotique et très rassurant.
- Vous voyez à présent, s'exclama celle-ci en lui donnant une chaude poignée de main.
- Oui, enfin, dit-elle en pénétrant dans le cabinet.
Elle exécuta une révérence à son roi et allongea sa main vers le siège sur lequel elle devrait s'allonger. Était-elle prête ?
Tara inspira profondément, les jambes qui à tout moment pouvait se dérober car elle était peut-être sur le point de réécrire le destin du royaume...