Puis le temps passa...
Deux semaines après l'explosion qui aurait pu lui coûter la vie, tout semblait être rentré dans l'ordre à un détail près. Tara ne voyait toujours pas. Amhed s'en était sorti après une longue et éprouvante opération et Anaya pleurait chaque jour pour son triste sort. Tous priaient pour elle. Des rassemblements s'organisaient chaque jour devant le château et des milliers d'inconnus se pressaient autour de la bâtisse pour prier pour elle et leur enfant. Terriblement anéantie par cet amour qu'elle ne pouvait même pas voir, Tara demandait à ce que les fenêtres restent ouvertes toute la journée afin de l'entendre. Elle ignorait si on était le matin ou le soir et les lueurs du soleil lui manquaient. Mohammed quant à lui s'était transformé en un homme incontrôlable lorsqu'il s'agissait de sa sécurité. Plus question pour elle de sortir sans qu'un armada d'hommes inspecte les jardins de fond en comble. Alors pour apaiser ces hommes, Tara se contentait de marcher dans les couloir du château sans cesse accompagné d'un chaperon qui n'était autre que Mohammed.
- Vous m'aviez dit quelques semaines !
Tara sursauta en essayant de chercher d'où provenait la voix de Mohammed avant de le sentir se rapprocher.
- Examinez-là immédiatement !
Tara comprit aussitôt qu'il avait mis sa menace à exécution.
- Votre altesse, je vous l'ai déjà dit, l'œdème peut mettre du temps à se résorber et...
- Je me contre fiche de ce que vous m'avez dit, je veux qu'elle puisse voir !
Tara sursauta en levant la main pour essayer de le calmer. Il y avait tant de douleur dans sa rage que ça en devenait douloureux pour lui comme pour elle.
- Croyez-vous que j'oserai vous mentir votre altesse ? Lança le médecin d'une voix craintive ; Faites-moi confiance.
- Mohammed s'il te plaît, le supplia-t-elle quand il lui prit enfin la main ; Écoute le médecin.
Il tremblait si fort qu'elle pouvait aisément imaginer les traits de son visage se creuser.
- Une fois passé quatre semaines, je lui enlèverai son pansement et seulement là nous saurons si tout est revenu à l'anormal.
- Pourquoi ne pas essayer de voir si l'œdème s'est affaibli ? Proposa Mohammed en sentant sa patience qui s'amenuisait au cours des jours qui passaient sans savoir si Tara reverrait le lendemain.
- Je ne veux pas faire courir des risques au bébé.
- Certainement pas ! Pas de machines Mohammed ! Contrat Tara en essayant de se lever sans savoir si elle trouverait son chemin toute seule.
- Plus elle se reposera plus nos chances qu'elle guérisse augmentent.
Tara sentit la bras ferme de son compagnon se refermer sur son ventre arrondis. Après deux semaines passées dans sa cécité, Tara était sûre d'une chose. Chaque chose même les plus infime aurait de la valeur lorsqu'elle pourrait revoir. Surtout son bébé.
- Pense à notre bébé Mohammed, je suis sûre au fond de ton cœur que tu ne veux pas qu'il lui arrive aussi quelque chose.
- Non, avoua-t-il d'une voix néanmoins tendue.
Tara chercha à atteindre son visage pour y poser sa main sur sa joue. Les pas du médecin lui indiquèrent qu'il s'en allait. Trop occupée à essayer de distinguer son expression à l'aide de ses traits ciselés, Tara en oublia presque qu'elle était aveugle. Sur sa paume, elle pouvait sentir son souffle chaud. Traçant le contour de ses lèvres elle sentit le rictus qu'elle adorait voir et qui la faisait rougir.
- Pour une fois dans ma vie je veux garder espoir, essaye d'en faire autant.
- J'essaye mon amour crois-moi, murmura-t-il d'une voix rocailleuse ; Mais pour la première fois de ma vie je suis complètement terrifié à l'idée de t'avoir ôté ce sens.
Tara sentit son cœur battre contre ses tempes. Elle avait beau lui dire qu'il n'y était pour rien, il restait persuadé qu'il était le seul coupable. Pour la première fois depuis leur rencontre Mohammed montrait une faiblesse et Tara aurait préféré ne jamais la ressentir car c'était douloureux.
- Il faut que tu aies confiance Mohammed, chuchota-t-elle en réclamant un baiser.
Il lui offrit et il fut doux.
- Le gynécologue ne va pas tarder, tu ferais mieux de te rallonger.
Tara obéit avec son aide, impatiente de savoir si leur bébé allait bien. Elle se souvenait encore de ce sentiment qui avait étreint son cœur quand elle avait appris qu'elle attendait un enfant.
- Tu as hâte ? Demanda-t-elle en cherchant à savoir où il se trouvait à l'aide de ses pas.
- Autant que tu l'es habibti.
Tara esquissa un léger sourire. Au fond d'elle, une vive inquiétude l'empêchait de respirer. Elle se tortilla nerveusement au point de faire un geste qui aurait pu lui coûter sa guérison.
- Garde le pansement habibti !
Tara baissa ses mains instinctivement.
- Je suis nerveuse, confia-t-elle en sentant sa bouche parsemer des baisers sur son visage....sur le bandage qui protégeaient ses yeux.
- Moi aussi, mais je suis sûr que le bébé va bien.
- Tu crois que l'on va pouvoir entendre son cœur ?
Tara ne verrait pas l'écran, mais elle misait tout sur les battements de son petit cœur.
- Je pense que oui madame, lança une voix qui lui était encore méconnue.
- Tara voici le docteur Adzira, elle va nous accompagner pendant tout le long de la grossesse.
- Je suis enchanté de faire votre connaissance mademoiselle Kreighton.
Tara perçut dans la voix de cette femme un petit accent anglais. Elle portait des talons ce qui l'aidaient à déterminer où elle se trouvait.
- Qu'est-ce qui...
- Ils sont en train d'installer la machine, lui expliqua Mohammed en soulevant son haut pour que le médecin applique le gel.
Émue qu'on lui explique chaque geste que l'on procédé sur son ventre, Tara sentit des larmes jaillir de ses paupières fermées.
Puis soudain, sa grossesse devint réelle. Elle entendit un petit cœur battre et emplir son cœur d'espoirs.
- Comment il est ? Demanda-t-elle d'une voix impatiente.
- Tu sais chérie on ne peut pas voir grand chose c'est trop tôt, murmura Mohammed complètement bouleversé de la voir si heureuse dans les terribles circonstances qui l'empêchaient de voir l'écran sur lequel on pouvait déjà distinguer une forme très aiguisé de leur enfant au point d'y déceler ses petites jambes.
- Tu dois bien voir sa tête ? Insista-t-elle en se tournant vers lui.
- Oui, murmura-t-il en se penchant pour poser un baiser sur sa joue ; Ses pieds sont ravissant.
Elle rit...un sourire radieux aux lèvres.
- Chouette...
- Il va très bien, assura la gynécologue en continuant à passer la sonde sur son ventre.
Mohammed scruta attentivement l'expression de cette femme réputée pour être la meilleure dans son domaine. À un moment, elle fronça légèrement des sourcils ce qui ne manqua pas de l'inquiéter. Craignant le pire, Mohammed se redressa en réprimant la raideur de ses muscles.
- Il est en forme alors ? Demanda-t-il sur un ton exigeant une réponse formelle.
- C'est un bébé en pleine forme, il n'y a rien à signaler.
- Son cœur bat vite non ? Demanda Tara en se tournant vers l'écran.
- C'est normal, assura-t-elle avec un sourire que seul Mohammed pouvait voir.
Sur ses gardes, il tâcha de rassurer sa future épouse en déposant un baiser sur son front.
- Je vais raccompagner le médecin, je reviens tout de suite.
Elle hocha de la tête en lui souriant le regard rivé sur lui comme si elle pouvait le voir. Mohammed se demandait encore où elle puisait cette force qui faisait d'elle la femme la plus optimiste de l'année.
Pour elle et pour son enfant, Mohammed puisait sa force dans les dernières réserves qui lui restaient et suivit le médecin à l'extérieur.
Il referma les portes et déclara ;
- Que se passe-t-il ? Demanda-t-il de but en blanc ; J'ai vu votre regard changer pendant l'échographie.
Comme elle ne répondit, Mohammed serra les mâchoires.
- Qu'est-ce que...il y a un problème avec le bébé ?
- Il n'y a rien de grave bien au contraire, je voulais vous l'annoncer seul à seul.
Mohammed sentit son cœur battre contre sourdement contre ses tempes.
- C'est une bonne nouvelle votre majesté, je crois...je suis même sûre que votre fiancée attend non pas un mais deux enfants.