Plus tard dans la matinée, Tara recouvra ses esprits tout en se préparant. Elle enfila une robe cintré de couleur sombre dont la coupe des épaules retomber en-dessous de sa poitrine comme une cape intégrée. Soigneusement, elle lissa les plis et enfila les escarpins de la même couleur. Cheveux en arrière, ramenés par une pince discrète, Tara avait parfois l'impression de ne pas mériter ces beaux vêtements. L'époque où elle refusait de s'habiller lui semblait loin. L'ancienne Tara prostrée dans un coin reclus du monde extérieur semblait avoir disparue. Mais au fond de son être elle savait que cette jeune adolescente terrifiée était quelque part en elle. D'ailleurs, elle refusait de l'oublier, car elle lui permettait de se souvenir qui elle était.
Aujourd'hui, plus qu'un autre jour, elle avait la sensation d'être en rivalité avec cette femme dont elle ignorait encore la beauté. Était-elle jolie ?
Sans doute que oui, songea-t-elle aiguillonnée par la jalousie.
- Tu es prête ?
Quittant sa torpeur, elle se retourna alors qu'il n'avait pas encore passé les portes. Mohammed entra dans la chambre en rajustant sa cravate. Il se stoppa net devant la jeune femme plantée au milieu de la pièce, le regard timide, sourire en coin. Neutralisé par une bouffée de désir qui le foudroya entièrement, il chercha en vain les mots pour la décrire.
- Tu es absolument magnifique, dit-il d'une voix méconnaissable.
Digne d'être une reine, songea-t-il la gorge serrée. Tara ne cherchait jamais à le mettre à l'épreuve. Sa douceur et son incroyable innocence faisait d'elle une femme unique. Modeste et pudique, elle trouvait toujours la tenue idéal pour décrire sa personnalité parmi des tenues bien plus extravagantes qu'il sélectionnait. Gracieuse, elle incarnait tout ce dont un homme rêverait d'avoir. L'incarnat de ses joues devenait plus vif à mesure qu'il avançait.
- C'est vrai ? Tu es sûr ?
- Tu es parfaite habibti.
Mohammed trouva la force de combler l'espace qui le séparait d'elle.
- Il manque juste...ceci...
Attrapant le chapeau capeline blanc, tissé d'un ruban noir, il le posa sur sa tête pour dissimuler son regard.
Timidement elle toucha nerveusement les bords du chapeau. Rejetant sa tête en arrière, elle lui offrit un regard anxieux. Mohammed se pencha et passa sa tête en-dessous du chapeau pour l'embrasser fougueusement. Son odeur fruitée annihilait ses forces à résister à cette tentation de sentir sa bouche contre la sienne. Hélas, il dut se redresser.
- Il est bientôt midi, déclara Mohammed en parvenant difficilement à recouvrer ses esprits.
- Allons-y, je suis prête.
Plus que prête, songea-t-il en ayant l'impression d'être en face d'une reine.
Il enlaça ses doigts aux siens prenant direction de la sortie. Bientôt il serait en face de son ex-femme et rage commençait à monter en lui. Il espérait pouvoir la réduire à néant aujourd'hui mais demeurait sur ses gardes.
- Où allons-nous ? Demanda-t-elle une fois dans l'ascenseur.
- Dans un restaurant chic, malheureusement au milieu de Manhattan.
Ce qui signifiait qu'ils allaient devoir confronter la presse. Peut-être que sa détermination farouche à la protéger de ses vautour prendrait fin dès aujourd'hui. En avait-il envie ? Voulait-il que le monde entier découvre la femme qui l'avait guéri ? Au fond, la réponse était oui. Seulement il ne voulait pas l'exposer à son passé.
L'ascenseur s'ouvrit sur eux.
Mohammed l'entraîna vers la sortie pour monter dans une ROLLS-ROYCE noire. Elle poussa un hoquet d'admiration, osant à peine toucher les sièges en cuir. Protégée par son chapeau, elle fut flashée par un photographe. Son instinct protecteur se réveilla en lui plus fort que la veille. Il prit sa main pour ramener sur sa cuisse.
- Je crois qu'ils sont au courant que tu es ici, fit-elle remarquer en évitant soigneusement de ne pas regarder par la fenêtre.
- Je suis forcé de constater qu'ils sont redoutable, bougonna Mohammed en saisissant son téléphone.
Il consulta ses mails pendant que la voiture s'engager dans la circulation.
- Le restaurant n'est pas bien loin, déclara-t-il en remettant son téléphone dans sa poche intérieure.
- Tu es tout tendu, nota-t-elle en entourant son bras.
- Ce n'est rien de le dire, affirma-t-il en se passant une main dans sa barbe.
- Je sais à quel point tu es en colère, lui dit-elle en le regardant à travers son chapeau ; Je suis sûre que si tu apaises la situation...
- Mon amour, la coupa-t-il en caressant sa pommette ; J'admire ta bienveillance, mais tu ne connais pas Amalia et quand tu la verras, tu n'auras plus le même discours.
Une moue désespérée s'afficha sur ses lèvres charnues. Tara frémit délicieusement, le cœur battant à tout rompre en réalisant qu'il venait de lui dire « mon amour »
La voiture s'arrêta à hauteur du restaurant et comme prévu une armada de journalistes les attendaient. Tara sentit la panique la submerger. Pourtant elle demeura impassible de peur que Mohammed ne s'en aperçoive. Elle quitta la voiture et s'engagea sur le trottoir, tête dissimulée sous le chapeau capeline. Malgré ces efforts pour dissimuler son visage, un paparazzi se plia à ses côtés avec audace pour l'éblouir. Main devant les yeux, Tara serra convulsivement les doigts de son compagnon tandis que la foule se dissipait. En entrant dans le restaurant, Tara exhala un soupir de soulagement.
- Je vais bien, assura-t-elle sous le regard assombri de son compagnon.
Mon dieu qu'il était beau ! Même en colère !
Écartant ses pensées qui n'étaient pas en raccord avec la situation, Tara observa les lieux d'un œil attentif. Élégant, dans un ambiance feutrée, le restaurant regorgeait d'opulence et de grâce.
- Votre majesté, je vous souhaite la bienvenue dans mon établissement.
Le directeur en personne était venu les saluer. Il se tourna vers elle, esquissant un sourire chaleureux.
- Pourriez-vous m'indiquer où se trouve mon ex-femme ?
- Je vais vous escorter.
Tara sentit l'atmosphère se charger d'électricité. Amalia s'attendait à voir Aziz. Quelle serait sa réaction en découvrant Mohammed ?
Une femme blonde au regard incandescent se leva d'un bond, l'expression figé. Grande, élancée, robe dénudée dont la coupe en V révélait une forte poitrine, Amalia avait tout d'une croqueuse d'hommes. Forcée de reconnaître qu'elle avait du charme, Tara ôta son chapeau pour révéler son visage. Une effusion de sang remplissait les joues de la femme au fil des secondes. Un véritable combat silencieux venait de prendre forme sous les regards curieux des clients.
- Amalia, on dirait que tu as vu un fantôme, commenta Mohammed avec une voix insidieuse.
Avec un semblant de fierté, celle-ci releva le menton.
- Mohammed, le salua-t-elle d'un ton faussement calme ; Je ne m'attendais pas à te voir.
Un homme aux formes disgracieuses, se leva le regard surpris. Son père, en avait-elle déduit quand il dévisagea sa fille éberlué. - Il se trouve que j'ai finalement décidé de venir en personne pour en finir avec cette affaire.
Bras croisés, lèvres serrées, sourire crispé, Amalia se tourna vers elle pour lui décrocher un sourire cruel.
- Comme c'est charme de ta part de nous avoir gratifié de la présence de ta...maîtresse.
Tara décida de ne pas réagir à cette attaque frontale.
- Tara est ma compagne, rectifia Mohammed en lui rendant son sourire cruel.
- Quelle différence ça fait ! S'esclaffa Amalia clairement jalouse.
Ce sentiment qu'elle provoquait en elle suffit à détendre Tara qui esquissa un faible sourire.
- Philip, c'est une surprise de vous voir ici, déclara Mohammed en faisant mine d'être surpris.
Le père de Amalia se ressaya de plus en plus mal à l'aise.
- Votre majesté...
- Installa-toi habibti, murmura-t-il en lui tirant sa chaise.
Ignorant la méprise de son ex-femme, Tara prit place non sans craindre la suite. Les hostilités venaient de s'ouvrir et Tara craignait qu'elles ne se referment jamais.