Après cette nuit pénible et courte, Tara se réveilla au petit-matin l'estomac noué. De faibles rayons du soleil filtraient dans la chambre à travers les épais rideaux. Tara n'avait pas besoin de les écarter pour deviner qu'il n'était pas aussi vif que celui qui perçait le ciel du Khazban. Morose, elle se leva en posant son regard en direction des portes coulissantes. Même loin, elle pouvait sentir la présence de Mohammed. Elle s'était rendormie dans ses bras et l'anxiolytique qu'elle avait prit au beau milieu de la nuit faisait encore son effet. Tara avait l'impression d'être vidée de ses peurs. Hélas, elle savait qu'elle devrait confronter Mohammed et sa légendaire détermination à comprendre. Inspirant profondément elle se leva en vacillant et le rejoignit dans l'élégant salon. Dès lors qu'il posa son regard sur elle, Tara se liquéfia. Il portait une élégante chemise immaculé de blanc qui contrastait avec sa peau cuivrée. Il reposa sa tasse de café sans la quitter des yeux.
- Bonjour Tara....
Un courant d'air glaça sa peau. Perplexe devant son regard impassible, elle prit place en face de lui sans un mot. Il se leva, la dominant de toute sa hauteur et vint se placer derrière elle, embrassant tendrement sa joue. Parcourue de milliers de frisons, elle réprima un hoquet.
- Comment tu te sens ? S'informa-t-il.
- Bien mieux que cette nuit, avoua-t-elle en lui offrant ses lèvres pour qu'il y dépose un chaste baiser.
Il reprit sa place toujours aussi impassible. Désarçonnée, elle attendit patiemment qu'il ouvre la conversation qu'elle redoutait.
- J'ai contacté Tina ce matin.
Ça y est, Tara retint sa respiration sous le poids de son regard.
- Et ?
- Et mes conclusions étaient bien fondées, répondit-il en lui servant une tasse de thé ; Le docteur Wolch avait bien cessé le traitement il y a bien longtemps.
Tara baissa les yeux, trop faible pour lui mentir.
- Je les ai pris dans le sac de Louise.
Il demeura fermé. Néanmoins elle décela dans son regard une lueur de mécontentement.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit Tara ? Lança-t-il sans dissimuler sa colère.
- Parce que c'était au début, je...on se connaissait pas avant que....
Il leva un sourcil éloquent.
- Que tu sois mienne ? Conclut-il d'une voix rauque...ruisselante d'une colère contenue.
Tara s'empourpra.
- J'avais des crises d'angoisses, je voulais les calmer, se justifia-t-elle en sachant que ce ne serait pas suffisant.
- Tu aurais dû en parler avec Tina Thomas avant de prendre ces cachets, rétorqua-t-il en attrapant sa main crispée en bout de table.
- C'était une erreur, qui ne se reproduira plus, murmura-t-elle d'une voix presque inaudible.
- Je suis là maintenant, articula-t-il d'une voix ferme ; Je sais à quel point c'est difficile pour toi habibti mais ces traitements ne résoudront pas ton problème, ils te rendront faible, affaibliront tes muscles, ta capacité à réfléchir.
Tara eut l'impression qu'il en connaissait beaucoup plus sur le sujet que n'importe qui.
- As-tu déjà...
- Mon père, coupa-t-il précipitamment en détachant sa main de la sienne.
Tara perçut une peine immense noyer ses yeux noirs.
- Après la mort de ma mère, il prenait ce genre de cochonnerie et il a fini par devenir dépendent.
- Mohammed...
Il braqua ses yeux dans les siens et put y lire une tristesse altéré par un sentiment d'amertume.
- C'est devenu un légume, poursuivit-il amèrement ; Il était tellement diminué que j'ai dû prendre la décision de le faire l'hospitaliser.
Le cœur serré, Tara ne trouva pas les mots pour le réconforter. Il essuya sa bouche d'un geste nerveux en chiffonnant sa serviette.
- C'est pourquoi je refuse que reprenne ces médicaments, c'est bien compris ?
Tara frémit et acquiesça péniblement.
- Viens par-là...
Les jambes flageolantes, elle se leva pour contourner la table et s'installa sur ses genoux. Enveloppée par sa chaleur corporelle, Tara soutint son regard ferme et déterminé.
- Je suis là, murmura-t-il d'une voix plus amène ; Si tu as peur, si tu as des angoisses, je veux que tu me le dises pour que l'on puisse les affronter ensemble d'accord ?
- Oui, dit-elle en se pinçant les lèvres ; J'ai eu tort, je regrette et je ne voulais pas éveiller en toi de mauvais souvenirs.
Il enlaça sa taille étroitement. Les muscles de ses mâchoires tressautèrent.
- Tu fais de moi un autre homme Tara, confia-t-il d'une voix percée d'une colère contenue ; De toutes les femmes que j'ai connu tu es de loin celle que je voulais, que je veux et que je voudrais encore et encore.
Tara sentit son sang affluer sur ses joues. Une chaleur naquit dans son bas-ventre.
- Je n'ai jamais été possessif, je pensais ne jamais l'être un jour, me voilà contaminé par ce sentiment...cette émotion qui fait de moi, l'homme le plus déterminé sur cette terre.
Son pouls s'affola. Tara avait la sensation d'être embrasée par des flammes. Sa main ferme balaya ses cheveux sans jamais la quitter des yeux. Il la couvait d'un regard possessif. Il plaqua sa main sur sa nuque pour qu'elle scelle sa bouche à la sienne.
- Tara, chuchota-t-il en posant une nouvelle fois un baiser sur son front.
Les yeux brillants, elle se nicha dans son cou désespérément.
- Je suis désolé, murmura-t-elle d'une voix haletante.
- Moi aussi je le suis, répliqua l'homme en embrassant le sommet de sa tête ; J'aurai dû être plus vigilant.
Tout était en ordre. Tara put enfin se délier de toutes ces tensions qui alourdissaient son corps. À présent elle flottait. Mais pour combien de temps.
Elle n'avait pas oublié les raisons de ce voyage. Bientôt Mohammed allait confronter son ex-femme. Un sentiment de jalousie noua son ventre.
- Mange un peu, ensuite tu iras te préparer.
- Tu es sûr que c'est une bonne idée que je vienne ?
- Évidemment bellissima...
Tara rougit sous la caresse de son accent oriental.
Il lui fit déguster une fraise, essuyant l'ourlet de ses lèvres.
- Je ne veux pas te tenir à l'écart, reprit-il en terminant son café ; Amalia ne s'attend pas à me voir.
Tara écarquilla les yeux sous la surprise.
- Elle s'attend à voir Aziz, nous avons convenu un rendez-vous pour trouver un terrain d'entente.
- Sera-t-elle seule ?
Mohammed poussa un rire amer.
- Cela m'étonnerai fort, répondit-t-il en piquant un morceau de gaufre pour l'approcher à sa bouche.
Tara ouvrit la bouche réprimant un gémissement de bonheur. C'était délicieux.
- Tu penses qu'elle sera réceptive ou au contraire déterminée ?
Il soupira, fixant pensivement le tapis rouge.
- Amalia a été reine, elle sait comment ça marche, elle aspire à l'argent et au pouvoir. Autrement dit, elle fait partie de ces femmes qui sont prêtes à tout pour arriver à leur fin.
Tara inspira profondément.
- Mais elle oublie que je suis un roi, un monarque, un cheikh...reprit-il le regard menaçant ; Je saurais comment la faire plier.
Dangereusement il traça la ligne de sa mâchoire avant de l'embrasser.
Il effleura sa bouche, les yeux ancrés dans les siens.
- Tout ira bien habibti, lui promit-il en glissant ses doigts dans ses cheveux.
- Je n'ai pas peur, assura-t-elle en lui souriant tendrement.
Il lui rendit son sourire mais semblait vaguement ailleurs. Tara était confiante, elle savait que Mohammed ferait de son mieux pour se contrôler. Du moins, elle l'espérait. Car à mesure que les minutes défilaient, Tara avait le pressentiment que cette confrontation serait plus que redoutable