Je m'étais levée ce matin avec un état d'esprit différent de celui de la veille. Hier j'avais eu un petit coup de déprime passager ce qui était tout à fait normal vu les circonstances. J'avais quitté ma famille, mon école ainsi que mon avenir pour atterrir dans un univers totalement inconnu. Il fallait juste que je m'acclimate à cette nouvelle vie. Malgré ce regain d'énergie, j'étais tout de même fatiguée. J'avais veillé tard pour rattraper mon retard. J'avais dû apprendre les premiers chapitres d'un des livres qu'on m'avait donnés. Ils traitaient principalement du gouvernement en place : ses lois, les dates importantes, sa mise en place, les hommes et femmes politiques importants dans notre société. Ce programme me semblait tout à fait normal. En tant que positif nous allions avoir des postes importants et notre rôle serait de garder le juste équilibre de notre gouvernement tout en protégeant les concitoyens. Connaitre notre pays et ses particularités me semblait donc nécessaire.
Il faisait encore nuit lorsque je m'étais réveillée. À travers la fenêtre de ma chambre j'apercevais la lune au-dessus de ma tête. J'étais habituée à me réveiller aussi tôt. Dans mon ancienne vie mon lycée n'était pas à côté et je n'avais pas les moyens de me payer un vélo, seul moyen de transport autorisé. Je devais donc y aller à pied et c'était un long trajet. Les voitures n'étaient autorisées que pour quelques rares personnes qui devaient justifier de la nécessité d'en avoir. Autant dire qu'à part le gouvernement ou les services de secours, personne n'en possédait. Notre emploi du temps était réglé comme une horloge... horaire pour faire sa toilette, horaire pour manger, pour les cours, pour les pauses et ainsi de suite. Ça ne me dérangeait pas . J'avais toujours aimé que les choses soient organisées. Peut-être que ma soeur avait raison finalement, j'étais une maniaque du contrôle.
C'était avec une certaine appréhension que je m'étais rendue au réfectoire prendre mon petit déjeuner. Mais là encore je me faisais des soucis pour rien. C'était comme au lycée. Les gens se connaissaient déjà un peu et des petits groupes s'étaient rapidement formés. Je n'arrivais pas à distinguer quels étaient les nouveaux positifs comme moi et qui étaient là depuis plus longtemps. J'avais remarqué Roman manger à la même table que la vieille, entouré des mêmes personnes. Il m'avait adressé un signe de la main que j'avais préféré ignorer. Je repérai alors une table située à l'écart, vide de monde. Je savais que mon comportement n'était pas spécialement correct. Je ne faisais aucun effort pour m'intégrer et interagir avec les autres. Mais je n'avais jamais été douée pour les rapports humains et la conversation de la veille avec Roman m'était restée à l'esprit. Les gens se posaient des questions sur moi. Si je m'étais installée à une table, quelqu'un m'aurait questionné et je n'aurai pas su quoi répondre. Il valait mieux que je me fasse discrète pour le moment, le temps que mon arrivée retardée s'oublie.
Alors que j'étais concentrée sur mon assiette, un bruit se faisait entendre de l'autre bout du réfectoire. Un jeune homme poussait un cri de douleur et se tenait le ventre. Mais un groupe de positifs se contentait de le fixer en rigolant. Je ne comprenais pas ce qu'il y avait de si drôle jusqu'à que je remarque l'un des jeunes du groupe. Un homme, brun et je devais bien l'avouer, assez séduisant, ne riait pas comme ses camarades. Il semblait se concentrer. Ses yeux étaient plissés tellement fort que je distinguais à peine ses pupilles. Quand il relâcha sa concentration, le positif qui se trouvait par terre cessa de geindre immédiatement. Le brun tapa alors la main d'un de ses collègues avant de rigoler à plein poumon.
-Un bizutage.
Quelqu'un venait de sortir cette phrase dans mon dos d'un ton las. En me retournant je remarquais qu'il s'agissait d'une fille qui regardait le groupe d'un air désapprobateur.
-Ce sont des Bravo. En tout cas ils vont bientôt le devenir, et ils adore nous bizuter. C'est comme dans mon ancien lycée.
- Combien il en reste ? demandai-je
- Six. J'ai entendu dire que c'est une mauvaise promotion. La plupart sont devenus des delta, quelques-uns des Charli et seulement six bravo. Mais du coup ils se prennent pour les rois du monde.
J'observais en silence le petit groupe de Bravo. Je n'en comptais que cinq et ils avaient effectivement l'air assez arrogant. Ils continuaient de rigoler comme si c'était la blague la plus drôle du siècle. Je ne voyais pas en quoi provoquer une douleur chez un individu était amusant.
-Comment font-ils?
-Pour ça? demanda-t-elle en désignant le nouveau qui se remettait à peine de sa douleur. Je ne sais pas. J'imagine que si on arrive Bravo nous aussi, on sera le faire. Non pas que je veux le faire. J'espère ne jamais faire de mal intentionnellement.
J'observais en silence la fille qui me parlait. Du haut de son mètre soixante dix elle me dépassait largement. Ses longs cheveux blonds presque blancs descendaient en cascade sur ses épaules. Ses yeux verts regardaient toujours le groupe des Bravo avec désapprobation. Sa remarque était censée et me rassura. Il existait au moins des gens normaux dans cette académie. Elle se retourna vers moi en m'adressant un sourire et en me tendant une main.
-Je m'appelle Ivy en fait.
Tout en répondant à son geste je me présentai également.
-Ambre. Nouvelle arrivante dans cette académie.
- Alors bienvenue au club. Nous sommes dans la même promotion.
Mon regard se fixa de nouveau sur les Bravo qui étaient à présent en train de quitter le réfectoire. Ils étaient donc ici depuis quatre mois et leurs dons étaient plus développés que n'importe qui ici. Je ne pouvais éviter de me demander quelles étaient les limites de leurs capacités? Comment pouvaient-ils provoquer une douleur ? Que savaient-ils faire exactement ? Et où se trouvait le sixième Bravo?
-Tu devrais te dépêcher de finir ton petit-déjeuner, m'annonça Ivy. Le premier cours ne va pas tarder.
Pendant que je finissais de manger et que je débarrassais mon plateau Ivy me parlait un peu d'elle. Elle venait d'une bourgade proche de la mienne. Fille unique de parents cultivateurs, ces derniers avaient été ravis d'apprendre ses gênes positives. Elle était également contente d'être ici. Elle n'allait plus au lycée pour aider ses parents. Si elle n'avait pas été positive, sa vie aurait été de travailler de longes heures pour un revenu à peine suffisant pour terminer le mois. Grâce au Bureau elle et sa famille allait pouvoir bénéficier d'un niveau de vie supérieur à ce qu'ils connaissaient. Elle était également emballée par la perspective de travailler pour le Bureau et apporter sa pierre à l'édifice. Elle croyait profondément à ce système mis en place comme tous les autres individus d'ailleurs. Moi aussi j'y croyais, c'était juste que mon souhait le plus profond était ailleurs.Ça me faisait du bien de parler avec quelqu'un qui ne me posait pas de questions. Je n'étais pas douée pour les rapports humains et encore moins pour me faire des amis, mais peut-être qu'il était temps que ça change.
Notre promotion était divisée en trois classes pour nous permettre d'être en petit effectif. Mais des cours communs étaient également au programme. J'appartenais à la classe n°1 tout comme Ivy ce qui me rassurait un peu. C'était ainsi ensemble que nous nous étions dirigées dans l'aile ouest du bâtiment pour rejoindre nos camarades dans la classe n°12. Je ne savais absolument pas ce qui nous attendait ni quel cours allait se dérouler.Alors que l'on patientait sagement devant la classe je remarquais que Roman était également présent ce qui ne m'enchantait pas. J'avais décidément un mauvais karma. J'essayais de l'ignorer en parlant avec Ivy lorsque des cris s'étaient fait entendre provenant d'une porte située à ma droite. Je n'entendais pas distinctement ce qui se passait, seulement des cris puis un bruit de chaise tirée et enfin la porte qui s'était ouverte pour laisser sortir un jeune homme d'environ dix-huit ans, énervé.
-Monsieur Johnson revenez de suite.
Un homme âgé sorti également de la pièce visiblement en colère contre ce Johnson. Mais ce dernier l'ignorait royalement et poursuivait son chemin pour s'en aller. Arrivé à ma hauteur il stoppa net et me lança un regard interrogateur. Je n'avais pourtant rien dit, alors pourquoi me regardait-il de cette manière? Cet échange de regards ne dura que quelques secondes pourtant il me mettait mal à l'aise. Mais l'individu qui avait depuis détourné le regard, s'en alla alors que l'homme âgé rouspétait dans sa barbe, apparemment mécontent. Qui était ce Johnson et pourquoi avait-il bloqué sur moi? Je sentais la présence d'Ivy qui se penchait vers moi pour chuchoter.
-C'est un bravo. Mais il est très bizarre. Encore plus que les cinq autres. Il y a des rumeurs sur lui, et pas des jolies si tu vois ce que je veux dire.
Non absolument pas. Je ne voyais pas où Ivy voulait en venir. J'essayais d'oublier ce regard mais une voix derrière moi m'en empêchait.
-On dirait que tu as tapé dans l'oeil d'un Bravo.
Me tournant, je remarquais qu'il s'agissait de Roman qui s'était approché de moi en toute discrétion. Quand est-ce qu'il allait comprendre? Devinant que son arrivée m'énervait il me lança un petit sourire avant de poursuivre.
- Avant que tu ne t'énerves et que tu me dises de voir ailleurs si tu y es je tenais à m'excuser. Hier nous ne sommes pas partis sur un bon pied. J'ai compris que je n'avais pas à poser toutes ces questions indiscrètes alors je tenais à m'excuser.
Il semblait sincère pourtant je n'arrivais pas à faire taire la petite voix dans ma tête qui me disait de me méfier. Comprenant mon hésitation il reprit.
-Et si on repartait de zéro? Si tu acceptes mes excuses je promets de ne plus poser de questions indiscrètes sur toi.
Pourquoi insistait-il autant ? Pourtant je n'arrivais pas à refuser ses excuses. J'étais peut-être trop gentille ou naïve, mais quoi qu'il en soit il s'excusait et promettait de ne plus le faire. Je décidais alors de hocher la tête en signe d'acceptation.
-Plus de questions sur moi alors?
-Promis, me répondit-il avec un grand sourire.
Ivy se tenait toujours à côté et écoutait notre échange sans rien dire ce que j'appréciais. Au moins elle ne posait pas de questions indiscrètes.
-Pourquoi est-ce qu'il t'a regardé comme ça? Tu le connais? me demanda Roman avant de rajouter de suite après. Oui oui c'est vrai désolé on avait dit plus de question. C'est plus fort que moi.
Je rigolais intérieurement à cette réflexion. J'avais peut-être jugé trop vite Roman. Il ne semblait pas méchant. Juste très curieux.
-Non je ne le connais absolument pas et franchement on s'en fiche un peu non?
C'était la vérité. Oui son regard m'avait perturbé mais j'avais d'autres questions en tête plus importantes que les motivations de cet homme. Comme pour couper court à toutes discussions la porte de notre classe finit par s'ouvrir. Une femme d'une quarantaine d'années, magnifique et à l'allure très svelte apparue sur le seuil. Elle nous accueillit avec un grand sourire chaleureux.
-Ah mes petits nouveaux. Je suis contente de vous voir pour la première fois.
Ainsi donc c'était le premier cours avec elle pour tout le monde.
-Entrez entrez je vous prie. Ne sortez aucun livre, vous n'en aurez pas besoin ce matin.
c'était avec une certaine appréhension que j'entrais dans la salle en compagnie de Roman et Ivy. Il s'agissait d'une classe tout à fait normale. Je m'étais attendue à quelque chose d'extravagant car nous étions dans une académie spéciale. Mais non. Il n'y avait que des chaises, des bureaux, un tableau et... un ordinateur posé sur celui du Professeur.
Elle nous demanda de choisir nos places et de se taire. Je me retrouvais à présent entre Roman et Ivy, à attendre que le cours commence. Pourquoi un ordinateur se retrouvait ici ? Je croyais qu'il n'en existait plus aucun depuis des années.
-Bonjour à vous et bienvenue dans ma classe. Je serai votre professeur pour les prochains mois à venir. Les plus chanceux d'entre-vous ne m'auront que pendant deux mois. Pour les plus malheureux je m'excuse d'avance.
Des rires s'étaient fait entendre dans la classe. Le professeur semblait, de première impression, sympathique. Elle nous adressait un sourire constant et nous fixait avec un regard chaleureux qui me rappelait celui de ma mère.
-Je pense qu'on vous a briefé à votre arrivée concernant le déroulement de votre formation ici à l'Académie. Vous avez commencé les cours très ennuyants basés sur l'histoire de notre société et tout ce qui l'entoure. Dans mon cours il n'y aura aucun bouquin, aucune dissertation à faire. Bienvenue dans votre premier cours pratique.
Ainsi donc nous allions commencer à exercer nos dons? En regardant autour de moi j'apercevais que je n'étais pas la seule à ressentir une certaine excitation. Le Professeur désigna alors avec sa main l'ordinateur installé sur son bureau.
-Quelqu'un peut-il me dire ce que c'est ?
Personne ne levait la main ce qui ne m'étonnait pas. Les ordinateurs avaient disparu après la Guerre. Le gouvernement les avaient tous détruits, considérant qu'il s'agissait d'une source de problèmes. J'avais tout étudié là-dessus au lycée dans un cours optionnel. Mais cette technique avait disparu depuis des années, bien avant ma naissance. Ce n'était pas étonnant que personne ne sache ce que c'était. Je levais alors la main.
-Oui Mlle Miller?
J'étais légèrement surprise d'apprendre qu'elle connaissait déjà mon nom mais je m'étais vite repris afin d'apporter ma réponse.
-Un ordinateur.
-Oui exacte. Les ordinateurs étaient très présents à une époque. Les gens passaient un temps incroyable dessus, ils s'envoyaient des courriers, ils postaient des photos qu'ils diffusaient à leurs proches, ils faisaient même des achats dessus. Ils avaient leur vie privée dessus. Mais les ordinateurs ne sont pas illimités. Les données étaient stockées dans des disques durs. C'étaient l'équivalent des mémoires.
Le professeur marqua une pause.
-Mais les ordinateurs, même avec des disques durs sont limités. ils ne peuvent accumuler trop de connaissances. C'est ce qui les différencie de vous.
Nouvelle pause.
- Le cerveau humain est d'une beauté et d'une complexité incroyable. Contrairement aux ordinateurs, nous n'avons pas besoin de disques durs pour enregistrer nos données et notre capacité à apprendre et retenir les informations est sans limite. Mais ce qui vous différencie du commun des mortels est votre capacité à retenir plus rapidement qu'eux. Voyez votre cerveau comme un bébé qu'on doit éduquer. Au début l'enfant n'apprend que quelques sons, puis des mots puis des phrases. Votre cerveau est pareil. Il doit être travaillé, vous devez le pousser au bout de ses limites d'apprentissage. Le don que vous posséder n'est qu'au stade d'enfant. il n'appartient qu'à vous de le développer. Et c'est ce que nous allons faire avec votre mémoire.
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Fin du chapitre
J'ai du le couper en deux, le texte était bien trop long sinon mdr
donc la suite arrivera très vite (normalement demain ou après-demain en fonction du temps que je dispose)
J'espère que la lecture vous a plu :) !!!
Petit spoiler pour le prochain chapitre : disons juste que le cours ne va pas se passer comme prévu et que ça va conforter Ambre dans l'idée qu'elle se faisait de cette académie ;)
comme toujours n'hésitez pas à commenter, à mettre vos théories (que j'adore lire) et à mettre une petite étoile :)