La fin du pique-nique se termine dans une ambiance détendue. Sam arbore un sourire épanoui fendu jusqu'aux oreilles, et j'en suis ravi. J'avais si peur d'avoir des regrets, que cela se passe mal. Heureusement, les parents de Samuel ont l'air réellement désolés pour ce qu'il s'est passé, et parallèlement, heureux que Sam puisse exercer sa passion. Finalement, cette histoire n'était qu'un gros malentendu. Les décisions prises sur un coup de tête sont souvent suivies de profonds regrets.
Alors que j'aide Judith à ranger les restes de nourritures dans son panier, Sam, Patrick et les jumelles jouent ensemble en riant gaiement. Je n'avais jamais vu mon colocataire aussi enjoué. J'avoue être légèrement jaloux, même si je n'en comprends pas la raison. Soudainement, j'entends la mère de Samuel pouffer de rire, je me tourne vers elle, perplexe.
- Il y a un souci ?
- Mon fils a bon gout, c'est tout, répond-elle doucement. Hein ?
- Je ne vois de quoi vous parlez...
Mme Reed semble surprise, comme prise de court. Je la fixe longuement, tandis que le rouge lui monte aux joues. Elle recommence d'ailleurs à tripoter sa bague, comme elle l'a fait à plusieurs reprises durant l'après-midi.
- Je... Je pensais que... Enfin que toi et Sam... Vous, enfin vous étiez... Bafouille-t-elle la tête baissée.
QUOI ?!
- Mais pas du tout ! Vous vous méprenez, nous ne sommes que des amis ! M'écrié-je en me levant, choqué.
Mon exclamation suffit à stopper le jeu du reste de la famille, qui rapplique rapidement. Sam se rapproche immédiatement de moi, le regard soucieux.
- Quelque chose ne va pas ?
Pdv Samuel
Alors que nous jouons mon père, mes sœurs et moi, nous entendons Aidan qui est resté avec ma mère se mettre à crier. Nous nous regardons à tour de rôle, et allons voir ce qu'il se passe. Aidan s'est levé, et observe maman comme si elle était une martienne. Ce en quoi elle croit... Je me rapproche de lui.
- Quelque chose ne va pas ?
- Non... Rien, dit-il un peu trop durement.
Il reprend son activité, soit aider ma mère à ranger les affaires. Malgré tout, je peux voir qu'il est tendu, et son regard est fuyant. Quoi que maman lui ai dit, il ne l'a visiblement pas apprécié.
Je le surveille du coin de l'œil, pendant que nous chargeons la voiture de mes parents. L'heure de la séparation a sonnée. Saphyr et Ruby se font encore plus collantes, et me supplient tout en pleurnichant de rester avec elles. Je les réconforte comme je peux, et promets de venir régulièrement leur rendre visite. Mon père me serre ensuite la main avec un franc sourire. Je suis content qu'il est accepté la situation, je pensais jusqu'à il y a encore quelques heures que je ne pourrais jamais me réconcilier avec lui. Je suis vraiment surpris du contraire. Enfin, ma mère vient me prendre dans ses bras. Elle me sert fort contre elle, en embrassant doucement mes cheveux.
- Aidan est un gentil garçon, mon chéri, me chuchote-t-elle.
Je ne peux m'empêcher d'émettre un petit rire. J'ai bien remarqué sa façon de le détailler dès qu'il avait le dos tourné. Je ne peux qu'approuver.
- Maman, il n'y a rien entre nous.
- Oui, Aidan me l'a bien fait comprendre, confirme-t-elle en baissant son regard honteux.
Oh merde...
Pdv Aidan
Gay ?! Il est gay... Je dois être en train de rêver. Je ne sais plus quoi dire, quoi penser. Ma conscience s'est fait la malle, en même temps que le sang qui circulait dans mon cerveau. Putain... Je l'observe pendant qu'il dit au revoir à ses proches. Il n'a rien d'un homosexuel, c'est impossible, j'ai mal compris. Je serre brièvement la main à Patrick, qui me remercie d'avoir pris contact, puis je fais un rapide baiser sur le front de chaque gamine avant de faire la bise à Judith. Nous nous séparons ainsi, et je monte sans attendre au volant de mon véhicule. Sam me rejoint lentement, et attache sa ceinture sans un mot. Il a l'air gêné. J'ai comme l'impression que sa mère lui a parlé de... De sa petite gaffe.
Je démarre en silence en évitant de le regarder Je n'y arrive plus. Je suis mal à l'aise moi aussi... Qu'est-ce que je peux faire ? Je me sens totalement dépassé par les évènements. Je savais que cette journée serait riche en émotions pour Sam, mais pas pour moi. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, résonnant dans mes tempes et accentue d'avantage la migraine qui me vrille déjà le cerveau.
J'essaye de me concentrer sur la route, mais mes pensées dérivent systématiquement vers lui. Je n'arrive pas à me détendre, et la même phrase tourne sans cesse dans mon esprit. « Mon fils a bon gout. »
- Aidan ? Commence-t-il d'une voix légèrement chevrotante. Je...
- Pas maintenant ! le coupé-je d'une voix dure. Je conduis.
Sam, cloué sur place, reste muet jusqu'à la fin du trajet. Pendant ce temps, j'essaie de trouver une solution, une porte de sortie, quelque chose pour arranger la situation, en vain.
Pdv Samuel
Mon cœur n'a jamais battu aussi vite de toute ma vie. J'ai l'impression de revenir à mes quatorze ans, quand j'ai découvert mon attirance pour les hommes, et plus particulièrement pour mon meilleur ami de l'époque. Mon Monde s'est effondré ce jour-là, et j'ai perdu tous mes copains, sans parler des insultes que j'ai dû subir. Et maintenant que mes parents sont au courant, qu'ils l'ont accepté et que je peux enfin en parler, il fallait que ma mère crache le morceau à Aidan ! Merde, merde, merde et remerde ! Il a l'air furieux... Est-ce que je vais être mis à la rue ? Encore ? Rien que d'y penser, mes yeux me picotent affreusement, et il me faut tout mon self-control pour rester calme, dans cette putain de voiture... Inspire, expire, inspire, expire...
Nous arrivons devant chez lui. Ma respiration se bloque, je suis comme paralysé. Mes tripes se tournent et se retournent dans mon ventre. Aidan ne me regarde pas, ne bouge pas. J'espère qu'il me dise que ce n'est pas grave. Que ça n'a pas d'importance mais il reste muré dans son silence. Je ne tiens que quelques secondes avant d'ouvrir brusquement la porte et de sortir. Je prends une grande bouffée d'air et m'appuie contre la voiture, en tentant de me calmer. Enfin Aidan sort à son tour mais ne me calcule pas plus et trace directement jusqu'à l'appartement. Je suis au bord du malaise. Chaque pas que je fais me rapproche de l'échéance fatale. J'ai l'impression d'avancer vers la guillotine.
J'entre dans le salon, derrière Aidan et tente de m'enfuir dans ma chambre mais il m'interpelle.
- Sam... Dit-il d'une voix grave.
Je me retourne doucement vers lui. Son regard est sombre, puissant. Et malgré le fait qu'il me fait une peur bleue, je ne peux m'empêcher de trouver ses yeux d'une beauté envoutante, et mon corps y réagit immédiatement. Saletés d'hormones... Sa mâchoire est crispée et je peux voir les muscles de ses joues se contracter nerveusement Ouais, il est furax. Je reste immobile, et Aidan se rapproche de moi, pour me fixer de toute sa hauteur. Je suis déjà plus petit que lui en temps normal, mais là, je me sens comme un nain devant un géant. Il est si proche que je pourrais à présent le toucher en levant simplement la main. J'arrive même à sentir son parfum. Je n'ai jamais aimé les parfums Play Boy mais... Sur cet homme, ils ont un effet aphrodisiaque. Je rêve d'embrasser son cou, et de suivre le chemin dessiné par sa clavicule en y déposant de petits baisers, tous plus doux les uns que les autres jusqu'à descendre encore plus bas... Il me rend fou...
Aidan reste planté comme ça mais aucun son ne sort plus de sa bouche. A chaque seconde qui passe, mon cœur se rapproche un peu plus de l'arrêt. Mais alors que j'allais essayer de parler, il s'écarte et secoue violemment l'une des chaises du salon, qui tombe avec un grand bruit. Je sursaute. Je prends sur moi pour ne pas prendre mes jambes à mon cou.
Ses poings sont fermés sur la table, sa tête est penchée, et son corps ne bouge que par de grandes inspirations.
- Tu te rends compte un peu, de ce que j'ai fait pour toi, Sam ? Dit-il alors en grognant.
- Je sais... Dis-je en déglutissant bruyamment.
- Pourquoi... Pourquoi tu ne m'as pas parlé de « ça » ?
- Je... Je ne pouvais pas... Je n'en ai parlé à mes parents il n'y a que peu de temps.
- C'est pour ça qu'ils t'ont mis dehors ?! Demande-t-il encore.
- En partie...
Aidan se redresse brusquement et tape avec le plat de la main contre un mur. Il reste le dos tourné un instant et finit par se retourner et s'y adosser. Ses yeux sont clos, et il passe sans arrêt ses mains dans sa chevelure. Il va finir par exploser...
- Je n'arrive pas à comprendre, que tu es pu venir ici, vivre avec moi, en me cachant quelque chose d'aussi important ! Continue-t-il en montant le ton.
- Tu crois que c'est facile peut-être ?! Crié-je à mon tour. Quand je l'ai avoué à mes parents ils m'ont foutu dehors ! Et tu aurais voulu que je te le dise comme ça, de but en blanc ! Je ne pouvais pas !
- Je croyais que c'était à cause de l'équitation qu'ils t'avaient mis à la rue !
- Mais c'était les deux ! Mon père m'a traité de pédale à canasson !
Pdv Aidan
Pédale à canasson, sérieusement ? Je bloque un instant sur mon colocataire. Il a l'air plus paniqué que jamais. Ses poings sont serrés, sa respiration est rapide et ses yeux sont si tristes que je ne peux pas le regarder.
- Bon sang Sam ! Pourquoi avoir voulu vivre avec moi dans ce cas ?! Tu aurais pu prendre une chambre au haras, et on n'en serait pas là !
- Je ne voulais pas... Je ne me sentais bien qu'avec toi...
A quoi il joue là ? Ces paroles me paraissent tellement bizarres... Je ne sais pas comment je dois le prendre. Est-ce de la gentillesse ? Ou quelque chose de plus... Ambigu ? Je suis totalement largué. Je ne sais plus quoi dire.
- Comment te faire comprendre que tu aurais dû m'en parler ? Dis-je en me radoucissant.
- Je sais que j'aurais dû, mais j'en étais incapable. Et je peux te dire que si ma mère ne te l'avais pas dit, je ne te l'aurais sûrement jamais avoué... Souffle-t-il.
- Je... Je ne sais pas comment faire, Sam, pour continuer à vivre avec toi alors que tu... enfin que tu es...
- Gay ? Homo ? Pédé ? Une tarlouze peut-être ? Vas-y t'inquiètes, je les ai déjà tous entendu ! S'écrie-t-il.
- Je ne voulais pas être méchant ! Merde Sam, je me sens mal à l'aise, fatigué et en même temps... Je sais pas, curieux peut-être, terminé-je en soufflant.
J'ignore les battements désordonnés de mon cœur qui s'emballe. Je sais que ce n'est pas normal. Je n'ai jamais ressenti ça... Je voudrais être en colère, mais ce n'est pas ce que j'éprouve. Je suis chamboulé, pris de court, et tout un tas d'autres choses que je n'arrive pas à identifier. Non, je ne peux pas...
- Désolé gamin...
Je m'avance précipitamment vers l'entrée, prends ma veste au passage et quitte l'appartement sans un regard pour lui.
Pdv Samuel
Il part comme ça lui ? Il me plante là, comme une merde et il se barre ? Je reste un instant interdit, debout au milieu du salon, à observer la porte d'entrée. Je ne m'attendais pas à ça... « Curieux peut-être ». Il me pourrit la gueule, me dit qu'il est curieux, et puis se barre sans un mot ? Putain ! Les mecs sont encore plus compliqués que les nanas ma parole ! Je me prépare un rapide casse-croûte et file me réfugier dans le seul endroit où je me sente bien, ma chambre.