Un van blanc était venu me chercher dès l'aube. Mes parents avaient pleuré au moment où ils m'avaient serrée dans leurs bras. Si mon test s'avérait positif je n'allais pas les revoir avant un long moment. Je n'avais pas pleuré. Je n'avais manifesté aucune émotion. Ce soir je rentrerais à la maison comme si de rien n'était.
Installée dans le van, j'apercevais à travers ma vitre une certaine agitation dans ma ville. Des dizaines de voitures comme la mienne passaient de maison en maison récupérer ceux ayant dix-huit ans et n'ayant pas encore effectué le test. Je voyais toujours le même rituel... les parents pleuraient et certains de ces jeunes semblaient angoissés.
Au fur et à mesure des minutes mon van s'arrêtait devant d'autres habitations et se remplissait de jeune de mon âge. À présent nous étions dix. Je connaissais certains de vu car ils fréquentaient le même lycée que moi. Certains semblaient se connaitre car ils discutaient ensemble pour partager leurs peurs et leurs excitations. À ce moment-là je regrettais d'être seule. Ça m'aurait fait du bien de parler avec quelqu'un qui comprenne mon point de vue, mais je n'avais pas réellement d'amis au lycée. J'avais mis ma vie sociale de côté pour me consacrer entièrement aux études. Et puis la plupart des personnes de mon âge ne pensaient qu'à une seule chose : être positive et pouvoir changer de vie. Je trouvais ça ridicule. Il y avait d'autres moyens pour réussir sa vie que de réussir à ce test.
Tous les vans nous amenaient à la capitale alors je savais qu'un long trajet s'annonçait. Réussissant à caler ma tête sur la vitre, j'étais rapidement tombée dans un profond sommeil. Je fus réveillée par un des patrouilleurs qui secouait mon épaule sans ménagement.
-Debout!
Émergeant à peine, je remarquais que j'étais à présent seule dans le van. M'empressant de sortir je rejoignais le petit groupe en file indienne. La beauté du paysage me coupait cependant le souffle. J'avais déjà vu la capitale il y a trois ans mais c'était toujours impressionnant à voir. Des centaines de personnes se tenaient debout devant une immense tour blanche. Des barrières de sécurité avaient été disposées derrière nous pour contenir la foule un peu trop curieuse. Seuls les journalistes, les patrouilleurs et nous-mêmes étions autorisés dans cette zone. Je savais qu'à cet instant ma famille se trouvait devant la télévision à me regarder.
Après un moment passé à contempler ce qui se trouvait sous mes yeux, une sonnerie retentie. C'était le signal pour nous dire d'avancer en silence vers l'entrée de la tour. Marchant derrière mon groupe, je commençais à avoir une certaine appréhension. Et si le test était positif ? Je préférais ne pas y penser.
La porte d'entrée donnait sur un immense hall très lumineux et surtout très blanc. Tout le long du hall se trouvait des portes avec un numéro inscrit devant allant d'un à vingt. Et devant chacune d'elles des chaises étaient disposées. Les patrouilleurs nous firent nous rassembler au milieu et exigèrent le silence total. Je ne savais pas ce qu'on attendait ni comment ça allait se dérouler. Personne ne le savait. Les tests étaient secrets.
Finalement en face de nous une porte s'ouvrit pour laisser entrer cinq individus. Même de loin je les reconnaissais. Il s'agissait des membres du Bureau de la génétique, ou du moins les plus importants. Bizarrement le président semblait plus petit qu'à la télévision et surtout moins terrifiant que prévu. À la télévision il semblait toujours en colère, ne souriait jamais et dégageait une certaine autorité que personne n'aurait osé contester. Or aujourd'hui il souriait.
Une fois arrivé à quelques mètres de nous, le Président balaya l'assemblée de son regard avant de prendre la parole.
-Bienvenue à vous tous. Vous allez aujourd'hui passer le test que vous attendez tous depuis si longtemps. Aujourd'hui marquera un tournant dans votre vie. Que vous soyez positif ou non n'oubliez pas que vous êtes tous importants dans notre société.
Il marqua une pause comme pour analyser notre réaction.
- Je ne vais pas m'attarder plus longtemps. Je m'entretiendrais personnellement avec ceux qui se révéleront positifs. En attendant, comme vous avez pu le remarquer, chaque porte est numérotée. Quand vous entendrez votre nom et votre numéro vous vous dirigerez vers la porte qui vous a été affectée et vous attendrez votre tour en silence sur une des chaises. Je ne veux entendre aucun bruit. Bonne chance à vous !
Sans attendre plus longtemps il se retourna pour s'en aller en compagnie des quatre autre membres. Je trouvais son discours un peu léger. Il ne nous avait rien expliqué. Mais sitôt parti, une femme d'environ trente ans, aux cheveux d'argent et habillée tout en blanc, se positionna au centre, un papier dans la main.
-Iris Baker porte trois.
Une jeune femme brune sortit des rangs pour se diriger vers la porte désignée. Même de loin je voyais bien qu'elle tremblait.
- Matthew Burn porte cinq.
Et le défilé continua ainsi. Au fur et à mesure les chaises se remplissaient et je me retrouvais avec de moins en moins de monde.
-Ambre Miller porte une.
Alors que j'avais réussi à garder mon sang-froid tout le long, entendre mon nom me fit frissonner. D'un pas légèrement tremblant je me dirigeais ainsi vers la porte qui se trouvait tout au bout du hall, à environ cent mètres. La distance me parut interminable. Arrivée à destination je remarquais qu'il ne restait plus qu'une chaise tout au bout de la file. Mon voisin, un homme, m'adressa un sourire d'encouragement, du moins j'ai cru que c'était ça. En voulant lui rendre son sourire, je n'avais réussi qu'à lui faire une espèce de grimace. Je le vis ouvrir la bouche pour me dire quelque chose, mais se rappelant que personne ne devait parler il se ravisa et se contenta de me fixer. Je détestais qu'on me regarde ainsi. Cela me mettait mal à l'aise. J'aurais voulu lui dire de regarder ailleurs mais je ne pouvais rien dire. Il n'était pas méchant mais j'aurais préféré qu'il détourne son regard et qu'il me laisse tranquille.
La porte numéro une s'ouvrit alors. Personne ne sortit mais on entendait quelqu'un appeler un nom. Une jeune femme assise sur la première chaise à côté de la porte se leva alors pour entrer dans la salle et la porte se referma immédiatement derrière elle. Les tests avaient commencé et on entendait rien à travers les portes.
Je ne savais pas du tout combien de temps le test durait mais les minutes défilaient et la fille ne ressortait pas. Que se passait-il à l'intérieur ? Comment allaient-ils vérifier si nous étions positifs ? Qu'est-ce qui se passait une fois le test fini ?
Au bout d'une vingtaine de minutes, du moins à vu d'oeil car nous n'avions pas d'horloge ici, la porte se rouvrit pour rappeler un autre nom. J'étais surprise. La fille ne sortait pas par ici ? Etais-ce parce qu'elle était positive et qu'on l'amenait ailleurs ? Mais j'obtenais ma réponse deux heures plus tard quant au bout de quatre personnes passées, aucune n'était revenue. Ils ne pouvaient pas tous être positif. À moins que seuls les négatifs repartaient par une autre porte. Mais j'optais pour la première car dans le hall, aucun individu n'était revenu.
Patienter n'était pas ma première qualité. Les heures passaient et je m'ennuyais profondément. Personne ne parlait et nous n'avions aucune distraction. Il restait encore deux personnes devant moi et le hall était presque vide à présent. La porte se rouvrit une nouvelle fois pour appeler un autre nom. À présent je me retrouvais seule avec mon voisin qui avait depuis cessé de me regarder. Ce dernier fixait ses pieds depuis une bonne vingtaine de minutes. Et je fus étonnée de l'entendre chuchoter.
-En fait, je m'appelle Roman.
Je regardai autour de moi pour vérifier qu'aucun patrouilleur ne se trouvait à proximité. Mais ils se trouvaient tous vers l'entrée. Je devais bien avouer qu'entendre quelqu'un parler me faisait du bien.
- Ambre.
Il tourna la tête vers moi pour m'adresser un sourire. Cette fois-ci je réussis à le lui retourner sans grimacer.
-Alors Ambre, tu stresses de ne pas être positive ?
Sa question ne me semblait pas sérieuse. Au ton de sa voix j'avais l'impression qu'il était ironique. Comment avait-il compris que mon seul désire était d'être négative ? Il ne pouvait pas le savoir et il ne devait pas . Déclarer publiquement vouloir être négative c'était comme critiquer le système et se montrer à contre courant de la société. Tous voulaient être positif pour aider ce pays. Je lui lançai un regard paniqué mais il se contentait de continuer à sourire d'un air amusé.
-Ne t'inquiètes pas Ambre, je ne dirai rien.
Comprenant qu'il fallait vite que je reprenne mes esprits, je secouai la tête avant de lui répondre.
- Je ne sais pas ce que tu insinues Roman, mais oui je suis légèrement stressée et oui j'espère être positive.
J'espérais avoir été crédible mais au vu de sa réaction c'était raté. Il ne me croyait pas.
-Tu n'as pas à mentir, pas avec moi.
Ce Roman commençait à m'énerver.
-Je ne sais pas du tout pourquoi tu crois ça mais sache que tes insinuations sont fausses. Maintenant la règle veut qu'on ne parle pas et je n'ai pas franchement envie de me faire prendre par un patrouilleur.
C'était faux. Je n'étais pas inquiète qu'un patrouilleur nous entende. J'étais inquiète par la tournure de la conversation. Je ne connaissais pas ce Roman et s'il continuait je pouvais avoir de gros ennuis. S'il rapportait cette conversation et mon envie d'être négative, une enquête pourrait être ouverte sur moi et ma famille et je serai soupçonnée d'être contre la société. Même si le Bureau ne trouvait aucune preuve de cela, ma réputation et celle de ma famille serait ternie.
-Très bien, je m'excuse Ambre. Je ne voulais pas te poser de problème.
Même s'il semblait sincère, je me contentai de fixer droit devant moi sans répondre. Et comme si mes prières étaient exaucées, la porte s'ouvrit.
-Roman Anderson.
Je me retrouvais seule. J'étais la dernière dans le hall. Un seul patrouilleur était resté pour s'assurer que je ne m'enfuyais pas. Les minutes défilaient et le stresse m'envahissait de plus en plus. Je savais qu'à partir d'aujourd'hui ma vie ne serait plus comme avant. Si j'échouais au test mes parents seraient déçus. Même s'ils ne me diront jamais rien et savaient qu'involontairement ils m'en voudraient un peu. Je pourrais ensuite prétendre à une bourse et aller étudier la médecine. J'aurais voulu travailler dans un bureau d'études pour améliorer la médecine mais je savais que jamais je ne le pourrai. Les postes dans le domaine de la recherche étaient réservés aux Delta qui ont le pouvoir de connaissance accrue. Mais même si je travaillais en tant que chirurgienne, ça m'allait quand même. Mais si j'étais positive, mes envies ne seront pas prioritaire et je devrais faire ce que le Bureau aura décidé.
La porte s'était alors ouverte et je savais que c'était mon tour. Mon test allait pouvoir commencer.
___________
Fin du chapitre 2:
le prochain chapitre sera consacré au fameux test de la génétique :)
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à laisser une petite étoile :)
On se retrouve très vite pour le prochain chapitre :)