La tristesse résonna dans sa voix forte. Il reprit :
– Tu m'étouffes, tu me tues. Bravo, détective ! Mais, tu sais, j'y étais avec l'organisatrice de mariage !
– Bah oui, ne me prends pas pour une conne !
Avais-je perdu mes capacités ? Chloé parlait pourtant bien français, mais je n'y comprenais vraiment rien du tout.
Elle sembla enfin constater ma présence, elle se tourna vers moi et demanda :
– Tu n'as vraiment rien révélé ?
Je ne pouvais rien répondre mais j'approchai.
– Je ne comprends rien, Chloé ! Qu'est-ce que tu racontes ?! demanda Dimitri en me dévisageant.
Ne lui dis pas, ne lui dis pas !
Elle pointa son doigt sur moi, et crachant de rage, explosa :
– Elle est là ! C'est elle !
Il me regarda, perplexe :
– Quoi ?... Madame Poncal ? C'est vous ?
Madame Poncal. Pourquoi ce nom me disait-il quelque chose ?
– Tu joues bien les cons, répliqua-t-elle.
Dimitri s'approcha de moi.
– Lili ? Qu'est-ce que vous faites là ?
Et là, illumination : il me prenait pour Lili Poncal. C'était elle sur les deux photographies. La productrice du télé-achat avec qui Anne m'avait confondue dans un bar. Et celle avec qui me confondait aussi Chloé.
– Non, je ne suis pas Lili, répondis-je, la gorge nouée.
– Putain, jouez pas les cons tous les deux ! coupa Chloé.
Mais la mariée n'avait aucune jugeote : si vraiment j'avais une aventure avec Dimitri, pourquoi serais-je allée avec lui à Manèves avec mon déguisement ?
– Tais-toi ! répondit Dimitri sans la regarder.
Je retenais mon souffle. Qu'était-il en train de penser ?
– Amanda... C'est vous ?
Il avait reconnu la voix de l'organisatrice de mariage. C'était le moment, je le sentais. Je ne pourrais pas m'en sortir par une pirouette, car malgré le loup posé sur mes yeux, il voyait bien que mon nez avait radicalement changé.
Sauf que je ne le voulais pas, il se sentait déjà tellement mal. J'avais peur.
– Oui, Amanda la sainte ! ironisa Chloé.
Elle se jeta sur moi pour arracher le masque mais je la repoussai. Il était hors de question qu'elle me touche.
Le pauvre Dimitri ne comprenait pas comment j'avais pu changer de nez en moins d'une heure. Il n'allait pas être déçu lorsqu'il découvrirait qu'en plus, il me connaissait sous une autre identité. Tous ces mois à mentir.
Chloé ne s'arrêtait pas de parler :
– Tu l'avais sous les yeux ! Je savais qu'elle ne pouvait rien te dire après le contrat qu'elle a signé.
– Mais non ! Pas du tout !
– Je ne comprends toujours rien...
– Le pouvoir du maquillage ! Et, Amanda, tes numéros de charme n'ont pas marché ! Ce cours de valse était à vomir !
Jusqu'où Chloé avait violé mon intimité ? Je préférai ne pas savoir. Je voulais m'enfuir, loin d'elle, loin de tout, mais je ne pouvais laisser Dimitri. Il était si seul. Le malaise que j'avais décelé chez lui prenait un sens, avec cette folle qui partageait sa vie, et maintenant cette nouvelle trahison qui malheureusement m'incluait.
– Hein ? Qu'est-ce qu'elle dit ? demanda-t-il.
Je n'avais plus le choix. Me libérer du mensonge me ferait du bien, je tentais de m'en convaincre.
Je dénouai moi-même la ficelle et retirai le masque.
Dimitri me regardait comme s'il avait vu un fantôme.
– C'est toi...
Il devait faire un effort immense pour démêler tout ça, pour simplement comprendre. Enfin, faire en sorte que l'information atteigne ses neurones. C'était trop, beaucoup trop. Et le voir comme ça me serrait le cœur. Mais me plaindre, ou gémir serait indécent. De toute façon, Chloé continuait :
– Putain, Amanda, t'es forte ! railla Chloé. Malgré ma façon de te traiter, et ce déguisement que tu as accepté de porter pendant des semaines, et mes élans pour te montrer que Dimitri était à moi, tu as tenu le coup !
– Amanda Laracello... répéta Dimitri.