Voilà, c'était fait. Les registres étaient signés, par les mariés et les deux témoins. Le maire confia le livret de famille à Dimitri. Il avait choisi Chloé pour femme.
Un moment de vide, avant la chute. Mais elle ne vint pas, j'étais toujours debout. Mon monde ne s'était pas effondré. Je ne réalisai pas encore.
Les invités s'étaient levés pour applaudir. Toutes ces mains claquées assourdissaient mes oreilles. Seuls les parents de Dimitri étaient dans la retenue, surtout sa mère. Oui, décidément il lui ressemblait beaucoup.
Ils se retournèrent, en montrant leur alliance pendant que les flashs crépitaient. Gwen et Yohann se postèrent à leurs côtés. Charmant tableau.
Chloé regarda dans ma direction, avec un sourire satisfait. Elle avait l'assurance de l'athlète sur la première place du podium. J'en déduisis que je pouvais me rendre au Domaine des Anges avant le convoi nuptial. Ils passeraient encore quelques minutes à se faire photographier dans le parc de la mairie, puis ensuite les véhicules partiraient lentement vers le domaine.
Ne songeant plus à réfléchir, à savoir si le silence de Dimitri signifiait son malheur, je rejoignis mon chauffeur.
En moins de quinze minutes, j'arrivai là-bas. En cours de route j'avais juste envoyé un message à Laura :
« C'est fait, j'arrive »
Ce à quoi elle avait répondu :
« Le plus dur est fait. A tout de suite, Wonder Woman ! »
La majesté des lieux m'accueillit sous un soleil de plomb. Dans ce parc idyllique, la célébration allait se poursuivre.
Malgré les vérifications de la veille, je fis un dernier tour pour m'assurer que les cent trente-deux invités vivent un mariage de rêve.
Laura et Anne étaient très classes, en chemise blanche et pantalon noir. Une tenue bien différente pour ma meilleure amie, toujours habillée de couleurs chatoyantes, mais cela lui allait très bien. Elles se tenaient prêtes au vestiaire. Laura rejoindrait ensuite l'équipe de serveurs pendant le vin d'honneur.
Le cuisinier sous le barnum attendait derrière sa plancha, les bouchons des bouteilles de Dom Perignon au frais allaient bientôt sauter, les poneys broutaient l'herbe.
– N'oubliez pas de dire au palefrenier que ça reste toujours propre, indiquai-je au moniteur d'équitation.
Des bouses fraîches feraient mauvais genre dans cet écrin princier.
J'entrai dans l'arrière salle et saluai les musiciens. Ils étaient tous endimanchés et lustraient leurs instruments. Je vérifiai la playlist de Chloé, des classiques jazzy comme prévus. L'ouverture de bal, c'était ok. J'ouvris ma tablette pour visualiser le planning avec le minuteur enclenché pour chacune des étapes. Chloé voyait son mariage comme un spectacle bien trop millimétré. Mais ce n'était pas plus mal, j'avais tous ces objectifs pour m'occuper l'esprit.
L'adrénaline commençait à me porter. J'avais un défi à relever : mener à bien tout ce mariage. Parmi les invités, certains avaient déjà demandé ma carte professionnelle lorsque j'étais arrivée à la mairie.
Un concert de klaxons annonça l'arrivée du convoi. Je sortis et tombai sur Luc, qui descendait à toute vitesse de sa voiture. Je demandai à mon équipe de lancer les bulles de savon au-dessus de l'arche végétale. Sous un garage abrité, tous les véhicules se rangèrent, les invités pénétraient sur le domaine. J'entendis la plupart s'extasier sur le lieu, se réjouir du temps, les enfants piaillèrent pour rejoindre les poneys ou le lac. D'autres poursuivaient les bulles portées par le vent pour les éclater.
J'avais engagé des vigiles pour la sécurité, et notamment la surveillance du plan d'eau et de la piscine. Un matelot proposait une balade en barque en compagnie des cygnes.
La mère de Chloé clama d'une voix forte :
– Oh, c'est divin... Je savais qu'ils nous réservaient une surprise EX-CEP-TION-NELLE !
Ce à quoi les invités autour d'elle répondirent par l'affirmative.
La Rolls Royce rutilante s'avança ensuite sur l'allée et les jeunes mariés descendirent sous les applaudissements. Ils passèrent sous l'arche végétale en s'embrassant. Un serveur vêtu de blanc apporta sur un plateau deux coupes de champagne, ils levèrent leur coupe et y trempèrent leurs lèvres, signe du lancement du vin d'honneur.
L'armée de service, dont Laura, déambula ensuite avec des plateaux pour les invités, et une nuée de gens affamés se rua vers la plancha où des gambas flambaient.
Dimitri et Chloé se séparèrent ensuite, pour trinquer et partager un mot avec leurs parents, leurs amis ou leurs cousins. La mariée semblait toujours crispée.
Le photographe serpentait entre les groupes, immortalisant les rires, les exclamations de joie ou les enfants en pleine concentration devant le chamboule-tout ou à califourchon sur les canassons.
L'orchestre jouait à l'extérieur une douce musique d'ambiance.
Les deux familles se mélangeaient peu.
Il faisait toujours aussi chaud, plusieurs convives trempaient une main ou un pied dans l'eau du lac ou de la piscine. Bien entendu, un groupe de jeunes chahuta et l'un des garçons fut mouillé des pieds à la tête.
D'un œil expert, je surveillai mes troupes. Un des serveurs avait mal ajusté son veston, je lui fis un signe discret. A part ça, rien à signaler, tout était impeccable. Je voulais que Dimitri et Chloé n'aient absolument rien à me reprocher. Partir la tête la plus haute possible.
Je contournai le groupe du marié. Dimitri m'interpella et mon cœur battit plus fort.
– Amanda, venez.