La Marquise Sanglante

By LauraScala

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Très peu de choses pouvaient mettre la Marquise Sanglante hors d'elle : l'insulter, insulter les siens, touch... More

Prologue
Chapitre 1 : Une Sudiste à Paris
Chapitre 2 : Le Boudin Lucratif
Chapitre 3 : Le Boulet du Bal
Chapitre 4 : La Fumerie d'Opium
Chapitre 5 : La Famille Millicent
Chapitre 6 : Le Secret du Commissaire
Chapitre 7 : Les Attentions d'un Majordome
Chapitre 8 : Le Commissariat
Chapitre 9 : Un Entretien Musclé
Chapitre 10 : Manipulation sous Tension
Chapitre 11 : Un Atterrissage Douloureux
Chapitre 13 : Discrète Polygamie
Chapitre 14 : Visite de Courtoisie
Chapitre 15 : Emouvantes Retrouvailles
Chapitre 16 : Une Otage Récalcitrante
Chapitre 17 : Dans la Gueule du Loup
Chapitre 18 : Le Sacrifice du Pacte
Chapitre 19 : Un Aller Sans Retour
Chapitre 20 : Le Voyage Dans le Temps
Chapitre 21 : L'Attaque des Matous
Epilogue
C'est fini !

Chapitre 12 : Reprise de Volée

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By LauraScala


Le sol se précipitait dans sa direction. Isabelle cria, incapable de se retenir. Son seul espoir, c'était de ne pas avoir rêvé cette scène sur la pelouse. D'avoir réellement vu Lysandre. Pour un peu, elle aurait prié pour qu'il la venge. Qu'il la venge...

Elle avait cessé de crier quand elle fut sur le point d'atteindre le premier étage de la tour Eiffel. Bientôt, elle percuterait le sol, sa vie s'envolerait, à l'instar de tous ses espoirs...

Quand, soudain, quelqu'un sauta de l'étage qu'elle était sur le point de dépasser. En dépit de la vitesse du vent, elle parvint à écarquiller les yeux, à l'instant où elle croisait deux prunelles rendues fauves par le manque de lumière. Qu'est-ce que... Lysandre !?

Ayant tout juste le temps d'être surprise, elle le vit à l'horizontale par rapport à elle. Il ouvrit les bras. Juste avant qu'elle ne le percute. Elle poussa un nouveau cri alors qu'il refermait ses bras puissants autour d'elle. Par réflexe, elle s'agrippa à lui. Ils tombaient toujours ! Mais soudain, leur chute fut stoppée de manière violente, abrupte. Le commissaire poussa un grondement, certainement de douleur, alors qu'elle plantait les ongles dans ses omoplates. Elle se crut sur le point d'échapper à sa prise, mais il la tenait fermement.

-Je te tiens... grogna-t-il. Je te tiens...

La tête au niveau de ses clavicules, haletante, Isabelle leva les yeux sur Lysandre. Il la fixait avec une stupéfaction mêlée de soulagement, avant de dire :

-C'est bon, les gars ! Remontez-nous !

Hein ? Oh... Un harnais sanglait son torse. Un câble en acier en jaillissait, remontant dans les ténèbres, jusqu'au premier étage de la tour Eiffel. Centimètre par centimètre, ils furent hissés jusqu'à la rambarde. Les mâchoires serrées, Lysandre la fit passer par-dessus, avant de la rejoindre. Une dizaine de ses policiers se trouvaient là, dont deux s'activaient à faire tourner le système de poulies leur ayant permis de remonter.

-Allez sécuriser la zone là-haut, ordonna Lysandre en détachant son harnais. Justin doit toujours s'y trouver.

Encore en état de choc, Isabelle se tourna vers lui.

-Armand est là-bas, fit-elle d'une voix totalement neutre.

Il fronça les sourcils.

-Allez chercher son frère. C'est son jumeau, il a la même tête qu'elle, vous ne pourrez pas le louper.

-Et vous, chef ?

-Je l'emmène en sécurité, comme convenu, gronda-t-il. Exécution !

Ils disparurent tous sur son ordre. Lysandre récupéra son pardessus, laissé sur le sol, avant de le draper autour des épaules de la jeune femme. Sans réellement y penser, le regard fixe, elle le serra autour d'elle.

-Isabelle ? s'inquiéta-t-il en posant une main sur sa joue. Tu te sens de marcher ?

-Oui oui, répondit-elle d'une voix absente.

Il prit cela pour un non. En un clin d'œil, il passa un bras sous ses genoux, l'autre sous ses épaules. Se laissant aller contre son torse, elle ne chercha pas à protester. Cela inquiéta d'autant plus le métamorphe.

Partant au pas de course, il descendit les dernières marches de la tour Eiffel. À son pied, deux calèches les attendaient. Il s'engouffra dans la première, laissant la seconde à ses hommes. En une dizaine de minutes, ils se retrouvèrent dans sa maison parisienne. Son vieux majordome lui ouvrit la porte. Visiblement, il avait été à l'affut du retour de son maitre.

Donnant quelques directives à cet homme de confiance, Lysandre monta la Marquise à l'étage. Dans la chambre d'amis, un feu ronflait déjà, réchauffant l'atmosphère. Délicatement, il déposa son précieux fardeau sur le lit.

-Isabelle ? s'inquiéta-t-il. Ton frère ira bien. Ne t'en fais pas. Je vais aller m'occuper de lui, je te laisse sous la bonne garde de...

Empoignant sa main, elle l'empêcha de partir. Silencieux, il croisa son regard brillant de larmes, en proie aux tourments.

-Comment as-tu su ?

Il n'eut pas besoin de plus de détails. Avec une grande délicatesse, il repoussa une mèche de cheveux de son front, pour la caler derrière l'oreille d'Isabelle. Agenouillé près de la tête de lit, il finit par répondre :

-A la soirée des Colmants. Tu es apparue de nulle part pour me prévenir de la tentative d'assassinat de monsieur Justin contre toi. En te voyant dans cette robe ce matin, celle que tu portais le jour de ton avertissement, j'ai compris que c'était pour aujourd'hui. Je t'ai donc fait étroitement surveiller, et je suis resté sur le tour Eiffel toute la journée.

Battant plusieurs fois des paupières, la Marquise s'assit, l'esprit en ébullition. Sans s'en apercevoir, elle agrippait la main de Lysandre.

-Donc, j'ai réellement voyagé dans le temps ? Cela explique ton changement d'attitude ! s'exclama-t-elle en le regardant avec des yeux ronds. Tu as su avant moi ce qui allait se passer ! Que je n'étais pas humaine !

Il grimaça en hochant du chef.

-Oui. Je dois t'avouer que le seul fait de voir Justin me mettait en rage. Mais je n'étais pas sûr de moi non plus. Tu ne semblais pas au courant, alors je me suis fait un peu plus présent afin de vous garder à l'œil, tous les deux. Mais ce n'est pas simple de vous suivre. Vous avez la bougeotte.

-Je... la jeune femme fixa ses pieds, soudain absente. Je ne comprends pas.

Ses doigts serrèrent plus fort ceux de Lysandre. Il lui rendit son étreinte, le cœur à l'agonie de la voir ainsi.

-Justin doit avoir une bonne raison pour faire cela. Mais laquelle ? Je ne crois pas en sa culpabilité. Il m'a toujours protégé. Pourquoi cesser si soudainement ? Cela n'a ni queue ni tête. Il n'a pas tenté de me tuer. Ce n'est pas logique.

-Peut-être devrions-nous...

-Monsieur.

Ils sursautèrent en découvrant le majordome du commissaire sur le pas de la porte. Droit comme un I, il leur annonça que les policiers avaient ramené le frère de madame.

Isabelle se jeta sur ses pieds, sans perdre une seconde. Elle ne vit pas Lysandre tenter de la retenir, tandis qu'elle dévalait les escaliers. Armand se tenait là, couvert de coupures, ses yeux scrutant les alentours avec une fièvre inquiétante.

-Justin s'est échappé, déclarait l'un des policiers. Il a sauté de la tour. Nous n'avons pu...

Se limitant à la première partie de l'histoire, la jeune femme se jeta dans les bras de son frère. Elle ne perçut pas les cris. Elle sentit uniquement les bras d'Armand se refermant autour d'elle. Durant un instant de flottement, il la serra contre lui, posa son front contre le sien.

-Ma sœur... Non !

Il la repoussa violemment, l'envoyant dans les bras de Lysandre. Ce dernier la récupéra avec un juron. Horrifiée, elle vit le visage transformé par la faim de son frère. Il se serait jeté sur elle, si les policiers ne l'avaient pas saisi pour le plaquer au sol, le visage tendu par l'effort. Armand claquait des dents tel un forcené, tentait de libérer ses bras pour la saisir...

-C'est de sa faute ! sifflait-il en roulant des yeux fous. C'est de la faute de Justin, Isabelle ! C'est lui ! C'est lui qui m'a transformé !

*

Elle n'avait plus prononcé un mot depuis l'enfermement de son frère dans les caves de la maison. Impossible de le laisser en liberté, pas si près de la pleine lune. Seule dans la chambre d'amis, vêtue d'une des chemises de Lysandre, elle fixait le ciel nocturne. Assise sur le rebord de la fenêtre, elle tentait de ne pas penser. Ou elle pensait trop. Elle ne savait pas réellement.

Monsieur Justin avait tenté de la tuer. Monsieur Justin avait transformé son frère.

Son frère souffrait de son désir de la mordre. De la dévorer vive.

Monsieur Justin l'avait transformé.

Isabelle baissa les yeux sur ses mains. Tout son intérieur semblait s'être recroquevillé sur lui-même, tant elle se sentait mal. La tension qui l'habitait ne cessait de croitre, alors qu'elle réalisait ce que tout cela impliquait. La traitrise. La cruauté.

La tromperie.

Ça y était, elle avait du mal à respirer.

Observant sa chambre, elle comprit qu'elle ne pouvait pas rester seule une minute de plus. D'un autre côté, elle ne pouvait pas non plus rejoindre son frère. Résolue, elle attrapa son coussin, avant de sortir dans les couloirs.

La majorité des policiers étaient restés pour la nuit, occupant la cave et les salons, afin d'assurer la protection de chacun. Personne ne savait de quoi monsieur Justin était capable, ni quelles étaient ses motivations. Personne ne savait si Armand parviendrait à s'arracher de sa prison souterraine.

Sur la pointe des pieds, elle se glissa dans la chambre en face de la sienne. En dépit de sa discrétion et de l'heure tardive, Lysandre ouvrit les yeux dès son entrée. Allongé dans son lit, face à elle, il l'observa un instant. Puis, sans un mot, il écarta les draps et tapota le matelas. Sans se faire prier, Isabelle se glissa à ses côtés. Il rabattit les couvertures, la laissa se pelotonner contre lui. Telle une enfant, elle s'accrocha à lui. Pas un ne dit un mot tandis qu'ils se serraient l'un contre l'autre.

Quoi qu'il en soit, cela permit à Isabelle de trouver le repos.

Le lendemain matin, elle se surprit à être en travers du torse de Lysandre. Affalée sur lui, elle émargea la bave aux lèvres, avec l'impression d'oublier quelque chose. Enfin...

-Dieu merci, tu es enfin réveillée.

Le grognement du commissaire la fit relever la tête. Encore un peu endormie, elle considéra ses yeux aux pupilles de chat et ses oreilles duveteuses. Adorable...

-Bonjour.

-Bonjour. Bien dormi ?

-Mmh... Oui. Heu... Désolée !

Confuse, elle s'extirpa tant bien que mal du lit, emportant la moitié des draps avec elle. L'éclat de rire de Lysandre la fit rougir, lui faisant réaliser son comportement : celui d'une jeune effarouchée !

-Bon, le sommeil a été réparateur, apparemment. Je te laisse la salle de bain de la chambre. Le petit déjeuner est dans une heure.

Et il disparut par la porte, la laissant seule. Elle avait eu tout juste le temps de voir ses yeux injectés de sang, au-delà de la beauté de ses iris. Diable. Si elle avait bien dormi, ce n'était pas son cas à lui. D'un autre côté, avec un poids mort sur l'estomac pendant des heures...

Bons grés mal grés, elle prit possession de la salle d'eau.

Une heure plus tard, vêtue de la robe trouvée sur le lit –venant de chez elle, probablement-, elle dévala les marches d'escalier. De jour, elle allait pouvoir parler à son frère. Bien décidée à y aller sur-le-champ, elle oublia de passer par la salle à manger.

Dans les sous-sols de la demeure des Montilliac, plusieurs salles et couloirs s'enchevêtraient, signes évidents de secrets profondément enfouis. Les cris d'Armand y avaient résonné toute la nuit. Les policiers qu'elle croisa avaient l'air épuisés, pourtant, ils prirent la peine de lui sourire.

-Isabelle d'Isria !

Tel un lapin pris dans le faisceau d'une lampe, elle se figea. Lysandre la fit pivoter vers elle d'autorité, aussi chercha-t-elle à protester en ouvrant la bouche... Dans laquelle il enfourna un pain au chocolat.

-Mange. Pas de grève de la faim chez moi.

-Tu pourrais le présenter un peu mieux, râla-t-elle en croquant dans la viennoiserie.

-Si cela avait été le cas, tu aurais refusé de t'alimenter. Viens, allons voir ton frère.

Sur quoi il engouffra son dernier morceau de croissant, en faisant un signe de la tête à ses hommes. Il avait l'habitude des repas sur le pouce, apparemment. Elle en fit de même, peu désireuse de s'attarder sur son estomac quasiment vide. En vérité, l'appétit la fuyait.

En bras de chemise, un holster de cuir soulignant sa carrure, le commissaire la précéda dans la dernière salle du sous-sol. Derrière d'épais barreaux recouverts d'une écriture cabalistique, Armand tournait en rond, tel un animal en cage. Dès que sa sœur eut mis un pied dans la pièce, il se jeta sur les limites de sa prison en feulant.

La pleine lune est pour ce soir, songea-t-elle.

-Armand, ta haine de Justin doit être suffisante pour te contrôler, non ? cingla Isabelle en se plaçant juste hors de portée.

Les cheveux en bataille, les yeux injectés de sang, il cessa de feuler. Ses yeux vitreux se fixèrent sur elle. Sa respiration haletante se fit de plus en plus régulière. Avec un nouveau grondement, il empoignant ses barreaux.

-Isabelle. C'est Justin qui m'a mordu ! C'est lui le responsable !

Lysandre s'assit sur un tonneau non loin de là. Attentif, il ne ratait pas une miette de la conversation. Pourtant, cela ne la gêna pas. Après tout, il était son meilleur allié, non ?

-En es-tu certain ?

-Quoi ?

-Es-tu certain que c'est lui qui t'a transformé ?

-Je... Oui. Écoute, c'est... Oui.

Il lui cachait quelque chose. Sourcils froncés, elle se rapprocha encore. Les narines d'Armand frémirent, pourtant il ne bougea pas.

-Mon frère, tu as intérêt à tout me raconter depuis le début. Comment ça s'est passé ?

Son regard glissa vers Lysandre, qui le soutint sans broncher. Isabelle claqua de la langue, irritée.

-Armand ! Arrête de tourner autour du pot ! Comment Justin en est-il arrivé à te transformer !? Que s'est-il passé cette fameuse nuit, à la maison !? Parle !

Dans un grondement, le vampire s'arracha aux barreaux, pour reprendre sa progression dans sa prison. Il fourragea dans ses cheveux, en proie à une tension palpable.

-Cette nuit-là... Tu étais dans une ville voisine pour affaire.

Ça, elle le savait déjà.

-Tu étais censée être avec monsieur Justin, mais contre toute attente, il s'est présenté le soir même à la maison. Nous avons discuté. C'est... Dans la nuit que des humains nous ont attaqués. Ils étaient une trentaine, Isabelle. Ils nous ont attaqués, ont mis la demeure à feu et à sang ! Ils sont partis avec les plans de la grenade à fragmentation ! Celle que j'ai imaginée !

-Armand... Accouche ! Pourquoi Justin t'a-t-il mordu !?

-C'était une erreur !

-Comment ça, une erreur !? Comment peut-on transformer quelqu'un par erreur !? beugla-t-elle, furieuse.

-On couchait ensemble ! Voilà comment ça s'est passé !

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