La planque dans les WC sembla durer une éternité lorsque Laura entra.
– Alors, ça va ma p'tite amande ?
– Oui, oui...
Je ne voulais pas trop lui mentir et n'insistais pas sur mon mal de ventre simulé.
– Tu sais quoi ? J'ai croisé Dimitri, Paul et Yohann.
– Ah oui ?
– Ils étaient juste derrière nous.
– Ils t'ont parlé ?
– Vite fait, Dimitri a shooté dans un pot de pop-corn et ramassait.
– C'était le mien, me rappelais-je.
– Le pauvre ! Mais viens, ils doivent être encore là. On pourrait leur parler, ils ont l'air sympa. On reste toujours entre filles au collège.
Je devins pâle et elle s'inquiéta :
– Oh ta tête ! Amanda, tu as la gastro ?
Je décidais alors de me confier.
– Laura, en fait c'est que... Je crois que je suis amoureuse de Dimitri.
– Quoi ??!
– Chut ! Moins fort, implorai-je comme si l'intéressé pouvait nous entendre dans ces toilettes désertes au sous-sol du cinéma.
– Oh là, là, mais raconte !
– Ce n'est pas si passionnant, y'a pas grand-chose à dire...
– Mais si ça m'intéresse ! On ne sort pas d'ici tant que tu ne m'en dis pas plus.
– Ta mère ne va pas s'inquiéter, elle doit nous attendre sur le parking ?
– Je m'en balance la tartiflette ! Tu veux remonter croiser Dimitri ?
Elle acheva de me convaincre et je lui confiai mes sentiments. Pendant mes explications, Laura n'a cessé de brailler. Elle était attentive, de bon conseil. Un de mes meilleurs moments avec elle, en tout cas le premier où nous nous sommes senties vraiment très proches. J'étais un peu désespérée, ne sachant si je devais oser exprimer tout ça au bel adolescent mais j'étais aussi heureuse parce que j'avais trouvé une vraie amie.
Si je devais donner une image de ce souvenir au cinéma, je choisirais celle de la barbe-à-papa. Chaque fois que je m'y replongeais, (par exemple après avoir vu que Les deux tours allaient être diffusé sur TF1 ou Canal+), c'était doux, agréable, une gourmandise du passé. Comme cette balle de coton douce sur le palais qui fond en nectar sucré. Mais il laissait place ensuite à un effet désagréable, comme le sucre qui vous colle aux doigts et dont la sensation perdure malgré le fait de les frotter sur votre veste ou votre pantalon. Seule l'eau savonneuse en viendra à bout et très souvent elle n'est pas à proximité lorsque vous consommez ce nuage rose. Vous vous maudissez presque d'en avoir pris une. Pourtant, la prochaine fois, vous y reviendrez quand même.