Les Enfants Maudits

By KaoCriture

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Kaoré est une orpheline. Abandonnée peu après sa naissance devant le portail d'un temple dédié à un certain S... More

Prologue
Chapitre 2 : Apprentissage
Chapitre 3 : La requête royale
Chapitre 4 : Les fiançailles
Intermède
Chapitre 5 : Trahisons

Chapitre 1 : Shâryl Elein

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By KaoCriture


Les Enfants Maudits

©Kaoré Krey – 2017 - 2018

Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite de ce site/forum/document sans autorisation expresse de l'auteur.

Un très grand merci à Bébec Krings et Le Fan d'Ost pour leurs relectures, leurs commentaires et leurs conseils. Bébec, si tu passes par là, tu gères et merci de m'avoir fait découvrir Lucifer :D

Le Fan d'Ost, si tu passes par là, tu pourras constater que tes remarques ont été prises en compte selon leurs pertinences et les autres retours que j'ai pu avoir sur ce chapitre.

Et à vous, lecteurs, je souhaite une très bonne lecture et un agréable moment.

Chapitre 1:Shâryl Elein

Fortuna fut détruite.

Elle n'avait représenté que six ans de mon existence mais à cette époque, cette ville était mon seul univers. Et lorsque j'appris la nouvelle, je fus anéantie. Bien sûr, malgré mon innocence enfantine, je ne m'étais pas attendue à ce qu'elle s'en sorte sans aucuns dégâts, de cette guerre sanglante entre deux clans démoniaques, mais j'avais nourri le secret espoir qu'elle puisse s'en relever.

Ce ne fut pas le cas. Il y eut bien quelques survivants qui parvinrent tant bien que mal à rejoindre d'autres villes et villages tandis que le seigneur Syrcca endiguait autant qu'il le pouvait l'attaque mais aucun d'eux n'eut le cœur de rejoindre la capitale pour la reconstruire.

Ce fut la ville d'Aube qui devint la nouvelle capitale, appris-je bien longtemps après ces événements, lorsque je pus, enfin, rejoindre le monde duquel je venais.

Mais j'avais eu un long chemin à parcourir pour ce faire.

Le lendemain de la naissance des fils d'Evangéline, je fus, sans grande surprise, la première à m'éveiller.

Une migraine atroce tambourinait dans mon crâne et je me sentais encore fatiguée mais je ne parvenais pas à retrouver le sommeil pour autant, l'intense lumière du soleil perçant violemment à travers les lourds rideaux de velours violine. Je m'étais donc levée et avait rejoint la salle de bain pour y prendre une douche avant d'observer mes vêtements qui étaient dans un bien piteux état. Je les remis néanmoins, n'ayant que ceux-là pour me vêtir puis je m'aventurais hors de la chambre, en quête des cuisines.

Je traversais les longs couloirs et descendais les escaliers en croisant, cette fois, quelques personnes, toutes aussi effrayantes que le seigneur Syrcca. Je les entendais parler mais ne comprenais pas leur langage et si je sentais leurs regards à la fois surpris et un peu hautains à mon encontre, je décidais de ne pas y prêter attention.

Cela devait faire une vingtaine de minutes que je rôdais dans les couloirs, ayant fini par m'y perdre lorsque je percutais brutalement un homme à peine plus petit que le seigneur Syrcca d'une vingtaine de centimètres. Il me jeta un regard glaçant puis dit :

« Qu'est-ce que tu fous ici, l'humaine ? »

Mon sang se glaça dans mes veines, mue par un réflexe je fis un pas en arrière, prête à fuir, lorsqu'il reprit la parole :

« Je t'ai posé une question en faisant l'effort de parler ta langue, alors réponds-moi ! » émit-il durement.

Son regard et son ton me figèrent et je ne sus que répondre.

« Bon, t'as un nom au moins ?

-Je... Je m'appelle Kaoré... soufflais-je, intimidée.

-C'est déjà ça de pris. Qu'est-ce que tu fous à traîner dans les couloirs ?

-Je cherchais les cuisines... »

Il me fixa, perplexe, puis soupira en passant une main dans ses cheveux.

« T'es tarée de te promener comme ça ici. Même si notre clan protège les humains, si tu portes pas la tenue réglementaire ils vont te bouffer. Ramène-toi. » ordonna-t-il d'un ton bourru.

Obéissante, je le suivis et il me guida jusqu'aux cuisines. Lorsque nous y fûmes, il m'intima l'ordre de m'asseoir et j'obtempérai encore une fois, me sentant très mal à l'aise face à lui. J'entendis qu'il s'éloignait puis le bruit qu'il faisait en s'activant en cuisine mais je n'osais pas relever la tête, malgré la bonne odeur de nourriture que je pouvais commencer à sentir.

Après quelques minutes, il posa un peu brusquement une assiette devant moi.

« Mange. Et ne bouge pas de là, je vais chercher qui est ton maître. »

Maître.

Le mot résonna dans mon esprit mais ne me coupa pas l'appétit pour autant. Je mangeais copieusement puis songeais qu'Evangéline aurait sûrement faim et soif à son réveil et qu'il serait bien que je lui rapporte quelques victuailles. Je n'eus cependant pas le temps de m'attarder sur ce sujet car j'entendis l'homme revenir et, relevant la tête, je vis qu'il était accompagné du seigneur Syrcca qui avait l'air épuisé.

Le maître des lieux m'offrit un sourire malgré son air fatigué. L'autre démon s'approcha de moi en m'offrant un regard brûlant de colère que je ne compris pas. Brutalement, il me saisit par le col de ma robe, me souleva de la chaise tandis que je lâchais un cri effrayé et me jeta au sol sans plus de considération.

« A genoux devant ton maître. M'ordonna-t-il durement.

-Allons Shâryl, ce n'est qu'une enfant, ne sois pas aussi sévère envers elle. Tempéra le seigneur Syrcca.

-C'est justement tant qu'elle est une gamine qu'elle doit apprendre les manières de notre monde. Gronda Shâryl.

-Il suffit. Émit d'un ton cassant le seigneur Syrcca.

Kaoré a encore tout apprendre de notre monde, elle n'est arrivée qu'hier. Je te conseille de la traiter correctement si tu ne désires pas te confronter à ma colère et perdre ton rang. »

L'ambiance s'était brutalement faite glaciale tandis que les deux hommes se toisaient. Puis Shâryl baissa les yeux.

« Bien.

-Je l'espère car j'escompte te la confier.

-J'ai déjà un esclave.

-Je ne désire pas la mettre à ton service. Je veux que tu sois son tuteur.

-Vous plaisantez ?! » s'exclama Shâryl tandis que je restais à genoux au sol, n'osant interférer mais terrifiée à l'idée que cet homme soit mon référent.

Le seigneur Syrcca afficha un sourire amusé.

« Absolument pas. Tu connais son monde et sa langue de même qu'Elirei. De plus vous êtes les plus humains de notre clan, vous êtes tout désignés pour cette tâche. »

Shâryl poussa un soupir las et se passe une main sur le visage.

« Sauf votre respect, Anadriel, je n'ai pas le temps de m'occuper d'une humaine, encore moins d'une gamine. Nous avons une guerre à gérer et je me dois de vous rappeler qu'en tant que général, je...

-A ce titre tu me dois obéissance et respect. De fait, j'ose espérer que tu l'éduqueras correctement comme j'escompte que tu apprennes, plus tard, le maniement des armes à mes fils. Suis-je clair ?

-Limpide. » grogna Shâryl en avançant d'un pas vif dans ma direction.

Il me souleva et me fit tenir sur mes jambes tremblantes avant de me détailler d'un air mélangeant perplexité et colère. Puis ses yeux s'agrandirent et il se tourna vers son souverain.

« C'est une blague ?! » émit-il en plantant son regard d'or dans les yeux sombres du Roi.

Le seigneur Syrcca secoua lentement la tête.

« Il semble que non. Je n'en suis pas encore certain, cela dit. Je dois demander confirmation aux divinités. Pour l'heure prends soin d'elle et apprends-lui tout ce qui lui sera nécessaire à survivre ici et servir correctement. » répondit-il d'un ton indiquant clairement la fin de la conversation.

Il fouilla son manteau et en sortit une bourse qu'il jeta à celui qui m'avait été assigné comme tuteur.

« Va au marché avec elle et achète-lui tout ce dont elle pourrait avoir besoin. Ensuite vous irez dans le quartier des esclaves pour lui trouver les tenues appropriées. »

Shâryl acquiesça lentement puis le seigneur Syrcca quitta la pièce d'un pas vif.

« M... Monsieur ? » émis-je en osant regarder le démon.

Il tourna son attention vers moi et me jeta un regard à la fois inquisiteur et interrogateur.

« Quoi ? »

Son ton semblait agressif au premier abord mais il n'était, à tout le moins, pas cassant.

« Comment dois-je m'adresser à vous ? Et... aux autres ? »

Il soupira.

« Oh bordel... En ce qui me concerne, t'as juste à m'appeler Shâryl. Et si tu me donnes encore du monsieur je t'arrache la langue et je la bouffe, vu ? »

Je hochais la tête vivement, mes mains se serrant avec angoisse sur les pans de ma robe.

« Parfait. En ce qui concerne les autres je t'apprendrai ça plus tard ; la réglementation est assez stricte. Si t'as fini de manger, amène-toi, on a beaucoup à faire. »

Je n'avais pas terminé mon repas mais je craignais la colère du démon, aussi acquiesçais-je avant de trottiner derrière lui, peinant à suivre ses grandes enjambées tandis qu'il m'entraînait dans un dédale de couloirs et d'escaliers à en donner le tournis. Enfin il s'arrêta devant une pièce à la porte de laquelle il frappa. Elle s'ouvrit après quelques instants, découvrant un homme aux yeux d'un vert pailleté d'or magnifique.

« Maître... » souffla-t-il en baissant légèrement la tête et s'inclinant brièvement devant lui.

Sans lui répondre, Shâryl entra dans la grande chambre et se dirigea vers un meuble dont il fouilla un tiroir. Il en ressortit une boucle d'argent sertie de pierres émeraudes puis il se retourna vers moi sous le regard impassible de l'homme dans la main de laquelle il fourra l'objet.

« Applique-lui. » ordonna-t-il en me désignant.

L'homme hocha la tête et m'offrit un sourire doux assez réconfortant. Puis il s'agenouilla devant moi, glissa une mèche de mes cheveux derrière mon oreille gauche et me regarda avec une certaine tendresse malgré un air désolé.

« Navré, cela risque de pincer un peu. » émit-il avant de clipser la boucle sur le haut de mon oreille.

Je serrais les dents et retenais un gémissement douloureux tandis que le bijou enserrait fortement le cartilage, faisant chauffer rapidement la peau et provoquant une sensation pour le moins désagréable. Puis je sentis les doigts fins et frais de l'homme masser délicatement la chair autour de l'objet et je lui offris un sourire reconnaissant.

« Qui êtes-vous ? Osais-je demander timidement.

-Je m'appelle Elirei, je suis le serviteur du seigneur Elein. »

Je me présentais à mon tour sous le regard exaspéré du démon.

« Bon j'ai pas que ça à foutre gamine, tu feras copain-copain avec tes semblables plus tard. Elirei, prépare-toi à sortir, on va au quartier des esclaves.

-Oui Maître. » souffla le concerné avant de se redresser puis se diriger vers une autre pièce.

Moins de quinze minutes plus tard nous étions sur le marché, Shâryl menant notre petite troupe, Elirei restant trois pas derrière lui et m'expliquant quelques règles basiques concernant les esclaves tandis que son maître faisait tous les achats nécessaires à mon emménagement dans la chambre qui m'avait été assignée dans l'aile royale afin que je puisse servir au mieux Evangéline et le seigneur Syrcca. Il achetait tant de choses que j'en avais la tête qui tournait et j'en étais à me demander pourquoi j'avais dû les accompagner étant donné qu'il ne prenait pas la peine de me consulter lorsque nous arrivâmes dans le quartier des esclaves proprement dit.

Nous entrâmes dans une boutique gigantesque dans laquelle un véritable essaim de jeunes femmes couraient dans tous les sens, servant les clients, écoutant leurs désirs ou réclamations, faisant, visiblement, de leur mieux pour correspondre à leurs attentes.

Shâryl se dirigea vers le comptoir et appuya trois fois sur la cloche afin de signaler qu'il patientait et une vendeuse ne tarda pas à arriver.

« Seigneur Elein, que puis-je pour votre service ? » émit-elle d'une voix chantante.

Sans un mot, il me désigna et elle hocha la tête puis contourna le comptoir, s'approcha de moi et saisit un mètre avant de prendre mes mensurations. D'un air empressé, elle nota les chiffres sur un carnet puis se redressa et s'éloigna avant de revenir avec plusieurs tenues différentes.

« Ceci conviendrait ? »

Shâryl jeta un regard à Elirei qui prit les vêtements et les observa d'un air dubitatif.

« Cette jeune fille est destinée à servir la famille royale de manière directe, ceux-ci ne peuvent correspondre. »

La vendeuse rougit, honteuse puis se reprit.

« Si Monsieur veut bien me suivre, nous pourrions peut-être définir ensemble ce qui conviendrait le mieux pour cette jeune fille.

-Voyez ça avec Elirei. Gronda Shâryl en toisant la vendeuse.

-Je vous accompagnerais volontiers. » émit le concerné afin de tirer de l'embarras la femme qui ne semblait plus savoir que dire ou faire.

Elle lui offrit un sourire reconnaissant puis ils partirent dans l'arrière-boutique et ne revinrent que près de trente minutes plus tard. Pendant ce temps, le seigneur Elein était sorti en m'intimant l'ordre de rester dans la boutique et il n'était pas encore revenu lorsqu'Elirei et la vendeuse refirent leur apparition si bien que je me demandais comment allait se conclure l'échange. Je n'eus cependant pas à m'interroger longtemps, le serviteur sortant de sous sa cape une bourse avec laquelle il paya les achats qu'il prit ensuite sous le bras avant de me tendre la main. Je saisis la sienne, un peu incertaine quant à la façon dont je devais me comporter.

« Allons-nous partir sans votre maître ? Demandais-je, surprise.

-Il doit certainement fumer à l'extérieur. Je pense que tu auras remarqué que la patience n'est pas sa qualité la plus exacerbée. »

Je hochais timidement la tête alors qu'il m'offrait un sourire chaleureux.

« Le maître n'est pas une mauvaise personne pour autant. Il n'est simplement pas très familier des enfants mais il ne te fera pas de mal. » me dit-il, voulant visiblement me rassurer.

Je restais silencieuse tandis que nous passions la porte pour rejoindre l'extérieur, peu convaincue par ses propos.

En sortant nous vîmes Shâryl adossé contre un mur, tirant nonchalamment sur une cigarette. Le regard dans le vague, il semblait bien moins effrayant que l'image qu'il m'avait donnée de lui jusqu'alors. Il sembla détecter nos présences et tourna la tête vers nous, ses yeux d'or laissant voir un côté plus doux de sa personnalité.

« Eh bah putain, enfin ! Et après tu te demande pourquoi je veux pas faire les magasins avec toi... Soupira-t-il.

-Vous me voyez navré de vous avoir fait patienter, maître, soyez assuré que je saurai trouver un moyen de me faire pardonner cette attente. Répondit Elirei avec un léger sourire.

-Mh. » émit Shâryl. Pourtant, lui aussi souriait et dans ses yeux brûlait une flamme que je ne compris pas mais dont l'intensité me figea sur place.

Dans le regard d'Elirei je pus voir la même flamme.

Bien des années plus tard, je compris qu'il s'agissait d'un désir violent, profond et passionné mais à cette époque je me trouvais seulement confuse face à tout ce qui se passait autour de moi.

Le lendemain passa en un éclair, occupés que nous étions, Elirei et moi-même, à aménager mes appartements. Ceux-ci étaient proches de la chambre royale, une seule pièce les en séparant, la chambre des jumeaux, ceci afin que je puisse servir au mieux les quatre membres de la famille souveraine.

Tandis que nous étions affairés, Elirei me rappelait les règles et les coutumes en vigueur dans ce monde. Il m'en avait parlé la veille mais je devais admettre avoir été tellement abasourdie par l'enchaînement des événements que je n'avais presque rien retenu de tout ce qu'il avait eu la bonne volonté de m'apprendre. Il eut donc la patience de recommencer, m'expliquant posément que la boucle que je portais me protégerait de quelque attaque que ce soit. En effet, la magie démoniaque était puissante, bien plus que celle des humains et il s'avérait que les bijoux des esclaves et serviteurs en étaient emprunts. Un puissant sortilège protégeait le porteur contre les démons pouvant vouloir le dévorer ou délibérément le blesser. Ils étaient nommés limitateurs. Bien sûr, les serviteurs comme les esclaves n'en savaient pas plus sur ces bijoux, mais cela suffit à me rassurer.

Il m'expliqua ensuite les codes de couleurs et de symboles qui régissaient ce monde. Le vert était réservé à ceux servant de manière proche la famille royale. Le violet représentait les membres de la royauté officiant actuellement tandis que le rouge et le bleu étaient les couleurs destinées aux princes et princesses. Le rose était la couleur des courtisans. Le jaune était celle des maîtres esclaves et le marron celle des esclaves en eux-mêmes. Les serviteurs, esclaves ayant atteints un statut d'homme ou femme libre et étant rémunérés pour leurs actions, étaient en droit de porter toutes les couleurs leur plaisant en dehors du violet. Enfin, le noir et le gris étaient réservés aux armées.

« Cependant prends bien garde Kaoré, beaucoup de nobles peuvent porter des couleurs qui ne reflètent par leurs rangs, après tout le seigneur Syrcca ne peut totalement contrôler cela et beaucoup s'habillent encore selon leurs préférences, ainsi, si tu veux savoir à quel rang appartient une personne, cherche sa tâche de naissance et observe bien leurs bijoux. » m'avait dit Elirei.

En effet, chaque démon ou hybride portait une tâche de naissance. Plus elle était en hauteur et colorée et plus son rang était élevé. Le seigneur Syrcca, m'avait expliqué le serviteur, portait une marque ressemblant à un long cristal violet sur la nuque. Vincent et Drake, les enfants royaux, portaient respectivement un lys et une rose sur l'épaule gauche. Le seigneur Elein pour sa part avait une flamme au bas de son dos, très colorée de ce que m'en avait dit Elirei. Quant aux bijoux, ils permettaient de différencier les serviteurs des esclaves, les premiers portant un bracelet orné de pierres émeraudes tandis que les esclaves portaient des boucles d'oreille. Enfin, les nobles portaient toujours un pendentif avec le symbole de leur clan et d'une couleur convenant à leur rang qui leur servait de laissez-passer au sein du château. Ainsi donc ceux qui ne portaient pas leur symboles n'étaient pas autorisé à entrer et nul ne pouvait falsifier son rang car ces bijoux étaient liés par la magie à l'être auquel ils correspondaient. Cela limitait les possibilités d'intrusion et permettait un bien meilleur repère des rangs de chacun, le clan de Syrcca s'étant formé à la suite d'alliance avec de nombreux nobles désireux de protéger l'humanité et de rester dans les bonnes grâces du souverain actuel.

« Dites-moi Elirei, comment faites-vous pour vous repérer en ces lieux ? Ils sont immenses. » demandais-je alors que nous faisions une pause afin de nous sustenter.

Il eut un léger sourire.

« Je ne suis pas humain, cet endroit n'est pas un dédale pour moi. Ma magie me permet de me diriger et de suivre des courants d'énergies, bien qu'elle soit bridée par mon limitateur afin que je ne tente pas de me retourner contre mon maître. Cet endroit est fait pour dérouter les humains néanmoins il existe de nombreux sigles sur les murs pour t'aider à t'y retrouver.

-Vous n'êtes pas humain ? Alors vous êtes un démon vous aussi ? »

Il éclata d'un rire chantant.

« Non, les démons ne mettent pas les leurs en servitude. Soit ils les mettent en esclavages par vengeance, soit ils les torturent. Parfois ils les tuent. Mais jamais ils ne leur offre l'espoir de la servitude. Je suis un Ange. Du moins c'est comme cela que ton peuple me voit.

-Comment ça ?

-Eh bien... Comment t'expliquer cela ? » émit-il, pensif.

Il posa ses couverts sur les bords de son assiette et réfléchit un long moment, l'air absent avant de poser son regard sur moi.

« Sais-tu où tu te trouves exactement ?

-En enfer. Répondis-je posément, ne comprenant pas où il voulait en venir.

-C'est ainsi que vous, les humains, nommez cet endroit. En réalité le portail que tu as emprunté avec le seigneur Syrcca vous a permis de voyager d'une planète à une autre. »

Je suspendis mon geste alors que j'allais porter ma fourchette à ma bouche.

« Pardon ?

-Tu es sur une autre planète, Kaoré. Elle se nomme Noctran. Et ses habitants sont des Noctris. Quant à moi je viens d'une autre planète du nom de Valeyha et dont les habitants sont des Valeyhans. En ce qui concerne la planète dont tu proviens, elle se nomme Gaeya pour nos deux peuples et vous, ses habitants, êtes des Gaeyans. Mais il me semble que vous, vous l'appelez Terre et que vous -vous nommez Terriens. Saisis-tu où je veux en venir ?

-Euh... Oui, je crois. Je suis un peu confuse...

-C'est pas difficile pourtant. Claqua soudain la voix de Shâryl.

Toi t'es une Gaeyanne, lui c'est un Valeyhan et moi je suis un Noctri. T'es pas dans une autre dimension mais sur une autre planète. Le peuple d'Elirei a servi de modèle pour vos putains d'Anges et le mien pour vos foutus Démons. C'est clair là ? »

Je tressaillis face à la dureté de son ton et baissais la tête tandis que Shâryl s'approchait de nous. Il s'assit à côté d'Elirei et je vis sa main piocher un raisin dans l'assiette du serviteur.

« Relève la tête. »

Je m'exécutais, tremblant un peu.

« Regarde-moi. »

Je plantais mon regard dans les yeux d'or du démon qui lâcha un son exaspéré.

« Putain je vais pas te bouffer, arrête de me regarder comme si t'avais peur de moi, merde ! Comment tu veux que je t'éduque si tu réagis comme ça ?

-Désolée...

-Bon, que les choses soient bien claires, je suis ton tuteur, pas ton maître alors tu baisses pas les yeux devant moi et tu me parles comme si on était potes, pigé ?

-Pardon ? Mais vous êtes bien plus âgé que moi et votre rang vous place au-dessus de moi... bafouillais-je, confuse.

-Apprends à écouter et obéir sinon toi et moi ça va pas être la joie. Je déteste les gens serviles, compris ? Alors, à moins que je t'ordonne de faire autrement, tu vas me faire le plaisir d'agir normalement avec moi. Et de me tutoyer sinon je t'assure que ça va sérieusement chauffer pour toi, vu ?

-Oui Mon... Oui Shâryl.

-C'est bien. » émit-il d'un air satisfait.

Il y eut un léger silence tandis que je détaillais Shâryl. Ses longs cheveux rouges courraient sur ses épaules et dans son dos, tranchant sur sa peau basanée. Ses fins yeux dorés posaient sur moi un regard dubitatif. Il émanait de cet homme une puissance brute et une fierté à couper le souffle.

« Shâryl ?

-Ouais ?

-Est-ce que tu es... Un Démon ou bien tu es un Hybride ?

-Démon à cent pour cent. Père élémentaire de feu, mère succube. Il te faut plus de détails, gamine ?

-N... Non, non, je me demandais juste pourquoi un démon qui semble si peu apprécier les humains aurait pris la peine d'apprendre leur langue, c'est tout.

-Si j'appréciais pas les humains tu crois vraiment que je serais de ce côté-ci des murs du château, gamine ?

-Je m'appelle Kaoré ! Ka – o – ré ! C'est pas si compliqué ! » Finis-je par crier, agacée.

Terrifiée par ma propre réaction et celle à venir du démon je baissais la tête et serrait avec force le tissu recouvrant mes jambes. Je m'étais attendue à de la colère, à me faire jeter au sol encore une fois. À la place j'eus droit à un éclat de rire.

« Ah ben voilà, tu vois quand tu veux ! J'aime les gens qui ont du caractère, Kaoré. Par contre j'ai du mal avec les gamins, ici on nous abandonne dès qu'on est en âge de marcher alors c'est pas comme si on avait vraiment l'expérience pour s'occuper des gosses. »

J'ouvris la bouche puis la refermais, sidérée. Puis je posais sur lui un regard assez doux et désolé.

« Je suis désolée pour toi Shâryl... soufflais-je.

-Bah, pourquoi ? Émit-il d'un air surpris.

C'est normal ici t'sais. »

J'en restais sans voix. J'avais déduis déjà ce fait de ses propos mais l'entendre formuler cela ainsi avec une telle nonchalance ne pouvait pas me laisser de marbre.

« Pas chez moi. Je fais partie des enfants abandonnés alors je sais comme c'est douloureux et difficile. Si Evangéline ne m'avait pas recueillie, je serais sûrement déjà morte.

-Bah ça aurait juste été la preuve que t'as pas été assez forte, c'est tout, c'est la sélection naturelle. Mais je crois que tu te plantes en disant ça, après tout t'as réussi à survivre et t'attirer la protection d'Anadriel, c'est pas rien quand même. T'es plus résistante et forte que tu le crois et c'est tant mieux parce que vu ce qui t'attend t'as plutôt intérêt à l'être.

-Ce qui m'attend ? Émis-je, perplexe.

-Ouais, tu le sauras bien assez tôt. Anadriel te convoquera ce soir. Mais avant ça tu vas t'entraîner avec moi.

-M'entraîner ? À quoi exactement ?

-Au maniement des armes, à quoi d'autre ? » répondit-il, sarcastique.

En guise de réponse, je le fixais en silence. Étaient-ils tous fous ici ou bien était-ce moi qui le paraissait pour eux ? Comment pouvaient-ils envisager d'apprendre une telle chose à une enfant ?

« C'est pas vraiment une bonne idée de m'apprendre ça, le Seigneur Syrcca n'a-t-il pas peur que je me retourne un jour contre lui ? »

Shâryl haussa les épaules en ricanant.

« C'est un risque à prendre. Et puis t'as aucune raison de vouloir te retourner contre un type qui t'a sauvé la vie et te protège en faisant de toi son esclave personnelle uniquement pour pouvoir t'offrir aisément le confort et l'éducation qui te seront nécessaires sans que cela paraisse suspect. Et puis tu n'es qu'une humaine, tu ne pourras pas lui faire grand mal va.

-Il faudrait que tu m'expliques une chose, pourquoi voudrait-il s'embarrasser d'une humaine, d'autant plus une enfant et la protéger alors qu'il ne la connaît même pas ? Émis-je, perplexe.

-Ah, là tu commences à me plaire, gamine. Là tu penses comme un démon. Enfin, un peu.

Réfléchis, qu'est-ce qui pourrait le pousser à ça ?

-Evangéline ?

-Mais encore ?

-Il le fait parce qu'il aime Evangéline et comme elle m'a protégée il se sent le devoir de le faire aussi ?

-Jackpot. Sache une chose, aussi connards qu'on puisse paraître pour vous, la plupart des démons ont un sens de l'honneur assez exacerbé. Et Anadriel estime que t'as sauvé sa femme et ses gosses. Du coup il fait au mieux pour toi, sans faire de toi une proie facile.

-Eh ben... ça pour une surprise... soufflais-je, ébahie.

-Il est comme ça notre bon vieux Roi, il aime surprendre. Et il aime encore plus surprendre ses ennemis. C'est pour ça que tu dois apprendre le maniement des armes, qui sait si tu pourrais pas un jour lui sauver la vie ?

-Tu plaisantes ?

-Non. Allez finis de bouffer et ramène ton cul, j'ai pas que ça à foutre que de t'attendre, je suis général de guerre moi, j'ai une armée à diriger. » conclut-il avant de se lever, voler un dernier raisin dans l'assiette d'Elirei puis tourner les talons.

Dix minutes plus tard, je le retrouvais dans sa salle privée d'entraînement, guidée là par Elirei qui s'était installé dans un coin et lisait paisiblement tandis que le démon m'apprenait les bases du maniement des armes.

La séance me laissa courbaturée, épuisée et à bout de souffle. Shâryl était un instructeur exigeant mais étonnamment patient. Il prenait son temps pour m'expliquer chaque action, chaque mouvement. Il venait souvent modifier la position de mes jambes ou de mon bras tandis que je tentais de parer ses attaques ou me conseillait lorsque j'essayais de les esquiver. Je voyais à son expression qu'il se bridait autant que possible, conscient que sa force presque animale pouvait être mortelle pour la frêle et fragile humaine que j'étais face à lui. Néanmoins il ne retenait pas sa dextérité ni sa maîtrise, envoyant plus d'une fois voler mon arme et mon bouclier d'entraînement, me faisant souvent tomber ou rouler sur le sol. Mais il me tendait à chaque fois la main pour m'aider à me relever et n'hésitait pas un seul instant à m'apprendre immédiatement après que mon ennemi potentiel ne serait pas aussi gentil avec moi, tentant de me déstabiliser ou de me porter un coup alors que je n'étais même pas encore pleinement debout. Au terme des deux heures qui constituèrent cet entraînement j'avais acquis quelques réflexes et savais tenir correctement ma posture mais les progrès s'étaient arrêtés là, au grand malheur du démon qui ne cessait de marmonner qu'il n'était pas fait pour éduquer des enfants. J'eus un léger rire.

« Tu ne te débrouilles pas si mal tu sais ? Il faut juste éviter de nous traiter comme si on avait pas de valeur. » émit-elle timidement.

Shâryl ricana.

« Ouais, en attendant toi t'as intérêt à te grouiller, je te rappelle qu'Anadriel voulait te parler. »

Je le fixais, un peu surprise avant de me souvenir ce qu'il m'avait dit à l'heure du repas.

« Oh non...

-Hey si. » émit Shâryl, hilare.

Sans demander mon reste je filais comme le vent, courant à travers les couloirs pour rejoindre le bureau du seigneur Syrca, Elirei sur mes talons, me guidant dans mon trajet.

Ce fut haletante que j'arrivais enfin devant la grande porte noire. Je pris le temps de récupérer mon souffle, mon coeur cognant violemment dans ma poitrine, puis je frappais deux fois du poing sur la porte.

« Entrez. » émit la voix basse et grave du seigneur Syrcca.

Je jetais un regard nerveux à Elirei qui m'offrit un sourire encourageant puis me poussa vers la porte dont je tournais la poignée, pénétrant dans le bureau aux teintes noires et violine du Roi des Démons, le coeur battant à tout rompre, me demandant ce qu'il pouvait me vouloir.

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