— Une quoi ?
J'essaie encore de comprendre cette raison plus qu'insensé. En même temps depuis ces derniers jours, il n'y a plus grand chose qu'il ait l'air sensé.
— Je sais que dit comme ça, ça paraît étrange, ajoute Leonora. Mais c'est le seul moyen qui s'offre à nous.
— En quoi une histoire d'amour avec Nathan va dissuader Ezra de me tuer ?
Leonora accorde un bref regard à Klein qui ne bronche pas, comme si je venais de pointer du doigt un sujet sensible.
— Tant que tu seras sous notre protection, Ezra voudra te tuer.
Je parcours tour à tour du regard les membres de la famille et à en voir leur tête, aucun n'a visiblement envie de faire connaissance avec mon avalanche de questions.
— Je suppose que vous ne pouvez pas me dire pourquoi ?
— Tu comprends vite, bravo, lâche Klein d'un ton désinvolte.
La démangeaison de dégainer un poème pour lui apprendre la politesse refait étonnamment surface. Reste calme Blake, garde les lèvres scellées. Pour le moment...
— Pour qu'Ezra renonce à te tuer, il faut que tu intègres la famille de Nathan, poursuit Leonora en calmant mes pulsions de poètes. Et un des moyens le plus efficace et rapide serait que vous... simulez une histoire d'amour. Et si tout fonctionne comme prévu, tu pourras reprendre une vie normale.
J'ai du mal à concevoir que cette réalité puisse être aussi proche. Je pourrais rentrer chez moi et reprendre ma vie là où je l'ai laissé.
— Vous n'avez pas peur qu'Ezra nous entende ? demandé-je inquiète.
— Aucune chance, intervient Roxane. Je brouille son sens auditif par ma télépathie si t'en est qu'il essaie de nous espionner.
Ezra peut être n'importe où. Je suis persuadée qu'il guette le meilleur moment de vulnérabilité pour pouvoir m'atteindre. Je le ressens au plus profond de moi.
J'essaie tant bien que mal d'oublier cette peur qui m'oppresse réfléchissant à cette offre. Et si malgré mes craintes cette solution était celle qui me permettrait de me délier de ces entraves ? Je serais à nouveau libre.
— Et Nathan qu'est-ce qu'il en pense ?
— Il est d'accord, répond Travis en faisant irruption dans la pièce.
Si un jour, on m'aurait proposé de simuler une histoire d'amour avec une personne que je connais à peine, j'aurais refusé catégoriquement. Cependant là, il en va de ma vie. Les portes de ma liberté ne s'ouvriront que si j'accepte ce pacte. Et puis cela dit, il n'est pas si repoussant que ça, on ne va pas se le cacher.
— Si tout fonctionne comme prévu, tu reprendras ta vie d'humaine et tu n'auras plus rien à craindre, ajoute Travis. Par contre, tu ne devras plus entrer en contact avec aucun d'entre nous. Et encore moins avec Klein.
J'ai un pincement au cœur.
— Vous êtes en train de me dire... que c'est un adieu ?
— Si tu veux vivre, tu dois partir le plus loin de nous. Tu reprendras ta vie paisible sans avoir peur d'être traqué. Tu seras de nouveau libre, m'explique Travis d'un regard contrit. Alors oui, c'est un adieu.
— Mais au lycée, comment vous comptez faire, on est dans la même classe et puis...
Un malaise parcourt leur visage, alors que je m'interromps. Je réalise avec effroi ce que désigne ce mutisme.
— Nous allons déménager pour éviter un autre drame de ce genre.