La théorie des cactus

By Imaxgine

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Logan, c'est le grand brun aux yeux bridés qui aime les drames, ceux qui se terminent par de longs dialogues... More

Avant-propos.
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Épilogue.
Mot de la fin.

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By Imaxgine


Le soir du vingt juin, une soixantaine de nouveaux finissants célébraient dans un gymnase miteux. Ils dansaient au rythme de la musique, corps frôlant corps, rapprochements après rapprochements. Si j'y avais été, j'aurais pu observer les sourires qui se glissaient sur le visage de chacun de mes camarades au moment où leur chanson préférée s'entamait. J'aurais applaudi après chaque discours, même si je n'en avais pas écouté un mot. Et j'aurais probablement ri aux remarques de Will Roberts qui faute d'être peu subtil, les aurait davantage crié que chuchoté. Ce gars profiterait sans aucun doute de ses dernières heures de gloire. Il ne risquait pas d'avoir autant d'attention à l'école de police, ça j'en étais persuadé.

Il a tant de choses qui aurait pu se passer ce soir-là, mais les choix que nous faisons nous conduisent tous dans des directions différentes. Peut-être que si j'avais emprunté le chemin du bal comme c'était prévu, ce que j'aurais vécu avec Sacha ce soir-là ne ce serait jamais produit. Qui sait, je ne le saurais jamais.

Un samedi matin, à quelques jours du vingt juin, Sacha s'est pointée chez moi avec une requête étonnante.

— Ça te dirait de sécher le bal avec moi ? m'a-t-elle demandé.

Elle était toujours dans son pyjama, soit un vieux tee-shirt usé qui s'accompagnait d'une paire de joggings. Ces derniers temps, Sacha ne prenait même plus la peine de s'arranger pour venir chez moi. Et ça me plaisait. Il n'y avait que mes parents qui restaient légèrement sceptiques en la voyant.

— Pourquoi faire ? ai-je demandé.

— Je n'ai toujours pas trouvé ma robe.

J'ai ri.

— Et alors ?

Elle a levé les yeux au ciel.

— D'accord, ce n'est pas une bonne excuse.

— Dis-le, si tu n'as tout simplement pas envie d'y aller. Ou pourra toujours aller bouffer au centre-ville et se faire un marathon de films en pyjama.

Sacha s'est assise sur le bord de mon lit. Elle a collé son front contre le mien, de manière à ce que je sois obliger à la regarder dans les yeux.

— Tu es un amour ! s'est-elle exclamée.

Et subitement, elle a déposé un baiser sur mon nez en souriant. J'ai ri de plus belle.

— Je te l'avais dit que j'étais un gars romantique.

Elle a rigolé. Son visage étant aussi près du mien, j'ai senti le besoin soudain de l'embrasser. Mes lèvres se sont collés aux siennes comme s'il s'agissait de deux aimants de pôles opposés. Sacha n'a pas mis de temps à me rejoindre dans cette valse, comme si elle avait la même intention que moi depuis le départ. Ma main a commencé à s'égarer tranquillement. J'ai caressé son ventre, frôlé sa hanche pour terminer ma course sur sa cuisse. Sacha a frissonné, ses doigts se baladant lentement sur chaque vertèbre de ma colonne vertébrale.

— Tes parents sont à la maison ? m'a-t-elle demandé entre deux baisers.

J'ai secoué la tête. Tous les deux nous étions à bout de souffle, mais nous continuions tout de même, nos bouches, nos corps, attirés l'un contre l'autre. Plus le baiser s'intensifiait, plus nous nous calions contre le lit. Je suis allé poser un baiser, puis deux, sur son cou. Elle a souri et a glissé sa main dans mes cheveux. Elle était au-dessus de moi, l'une de ses jambes embarquée sur la mienne. C'était carrément le bon moment pour notre première fois : il n'y avait personne pour nous déranger, nous venions d'être diplômé et ça faisait quand même un bon moment que nous étions ensemble... Il ne me manquait plus que son accord.

J'ai joué avec l'ourlet de son tee-shirt, dans le but d'attirer son attention, mais c'était déjà trop tard : quelque chose avait aiguisé la curiosité de Sacha. Son regard s'était perdu derrière moi.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? lui ai-je demandé.

— C'est quoi, ce bouquin ?

Sacha s'est laissée tomber sur le matelas. Je me suis retourné pour suivre ses mouvements, pris au dépourvu. Elle s'est étirée pour attraper le roman qui reposait sur ma table de chevet. Je n'ai même pas eu le temps de lever le petit doigt : elle était déjà en train de lire la quatrième de couverture. Les quatrièmes de couverture, c'était la drogue de Sacha.

Oliver Twist ? m'a-t-elle interrogé. C'est ce que tu lis en ce moment ?

J'ai acquiescé, gêné.

— Je ne te l'ai jamais recommandé, si ?

— Nan, cette fois tu n'as aucun mérite, ai-je rétorqué.

Elle a secoué la tête.

— L'élève a dépassé le maître, j'y crois pas.

— Ça te surprend à ce point ? ai-je demandé. De toute manière je parie que tu l'as déjà lu.

Ma copine a écarquillé les yeux.

— Non, c'est ça le problème.

Ce fût à mon tour de ne pas en croire un mot.

— Tu plaisantes pas vrai ?

— Je n'ai jamais lu Oliver Twist, a-t-elle admis.

— Eh bien, tu devrais avoir honte ! C'est un classique, ce bouquin !

Elle a bien vu que je me moquais d'elle, sinon elle ne m'aurait pas frappé le bras comme elle avait pris l'habitude de le faire quand je la taquinais. Je l'ai serrée contre moi dans le but de me faire pardonner, même si je n'avais rien à me reprocher.

— Tu es un idiot, a-t-elle murmuré.

— Moi aussi je t'aime.

Sacha a souri.

— Tu as vraiment envie de sécher le bal ? m'a demandé ma copine.

— Ouais, vraiment.

— Tu n'as pas peur de passer à côté d'une occasion ?

J'ai haussé les épaules.

— Pas vraiment non, ai-je murmuré. C'est quoi le problème, tu n'es plus certaine de vouloir y renoncer ?

Elle s'est mordue la lèvre.

— Non, mais... Je n'ai pas envie de décider pour toi. Rappelle-toi ce qui arrive quand tu t'oublies pour les autres.

J'ai secoué la tête.

— Je t'assure que j'en ai envie.

— Logan...

— Pense à notre marathon de séries télévisés, au confort de notre pyjama, au popcorn... Comment tu veux que je renonce à ça ?

Elle a ri.

— Je veux juste m'assurer que ça te convienne vraiment.

— Puisque je te dis que oui.

Je l'ai regardée.

— Et tu sais quoi ? ai-je dit. On se créera nos propres occasions ensemble. Qu'est-ce que tu en dis ?

Elle s'est blottie contre moi, le sourire aux lèvres.

— Ça me va.

Ce jour-là, on n'a pas eu notre première fois. Mais nous nous sommes fait la promesse qu'on pourrait toujours fermer des portes, tant qu'il restait des fenêtres d'ouvertes.

Et comme promis, nous ne sommes pas allés au bal. Le soir du vingt juin, Sacha et moi sommes allés dans un petit restaurant italien situé dans le centre-ville de Toronto. Nous nous y sommes rendus en bus, parce que je n'avais toujours pas de permis et que la vue de Sacha se détériorait. Il faisait peut-être encore clair dans les rues, mais Sacha avait une sorte de vision en tunnel. Enfin, c'était ce qu'elle m'avait raconté. Elle voyait, mais pas pleinement. Et ça, ce n'était pas très pratique pour conduire.

Les serveurs et les autres clients du restaurant nous dévisageaient beaucoup. D'un côté, parce que nous rires attiraient les regards et de l'autre, parce que nos joggings étaient loin d'être aussi appropriés pour un restaurant qui comptait ses étoiles. Mais Sacha et moi n'en avions rien à faire. En d'autres occasions, j'aurais peut-être été plus gêné, mais là... Nous étions diplômés ! Ça ne changeait pas grand chose à notre vie pour l'instant, mais il y avait tout de même quelque chose de présent dans l'air : une certaine euphorie lié à la fin des études ainsi qu'une profonde nostalgie en repensait à toutes ces années passées. Sacha s'était commandée un verre de vin rouge, et comme elle était majeure et que moi non, elle s'amusait à me narguer.

— Mon anniversaire c'est dans trois semaines, alors arrête de faire la maligne.

Elle m'a tiré la langue, avant de boire une gorgée de son vin. Moi, je devais me contenter de mon verre d'eau avec glaçons inclus.

— Tu m'as déjà dit que tu ne buvais pas, lui ai-je rappelé. Le soir du Nouvel An, tu te souviens ?

Ma copine a acquiescé.

— Qu'est-ce qui a changé alors ?

— Rien n'a changé, a-t-elle répondu. Je déteste toujours autant boire... Je prenais toujours une bière avec mes potes avant, mais honnêtement, j'ai horreur du goût.

— Et j'imagine que c'est différent pour le vin rouge ?

— En effet, oui.

J'ai souri.

— Je te vois déjà professeure en littérature à l'université, célibataire et alcoolique.

Elle a fait mine de s'offusquer, verre à la main.

— Es-tu en train de rompre avec moi ?

— Mais pas du tout, me suis-je défendu.

— Alors pourquoi insinues-tu que je serai célibataire ?

J'ai secoué la tête.

— J'imagine que c'est le chat qui m'a fait douter.

Sacha a ri.

— Est-ce que tu te sens plus léger, maintenant que l'école est fini ? m'a-t-elle demandé.

J'ai hoché la tête.

— C'est un peu contradictoire de dire oui, quand tous les deux on sait très bien que j'étais effrayé de graduer... Mais, j'en sais rien, on dirait que c'est plus reposant de savoir que tout ça, la Senior High, c'est derrière moi.

— C'est une étape qui vient d'être franchie.

— Exact ! Merde, Sacha, tu as toujours les mots justes.

Elle a porté la coupe de vin à ses lèvres.

— Une raison de plus pour ne pas rompre avec moi.

J'ai levé les yeux au ciel, alors que Sacha riait.

Nos repas sont arrivés quelques minutes plus tard. J'avais commandé des pâtes, alors que Sacha avait plutôt opté pour une petite pizza. Elle a bien vite regretté son choix, car en voyant l'assiette de pâtes italiennes qui m'attendait, elle a agrippé sa fourchette, prête à m'en voler quelques morceaux. Cette fois, je l'ai laissée faire.

— Y a-t-il une règle non-écrite concernant les pâtes et les couples ? m'a-t-elle demandé.

J'ai secoué la tête, en souriant.

— Non, je ne crois pas. Et puis de toute manière, tu es ma copine, non ?

— Ça veut dire qu'on peut tout partager ?

Elle m'a jeté un coup d'oeil malicieux.

— Peut-être pas les sous-vêtements, mais oui.

Sacha a levé les yeux au ciel.

Incapable de déterminer qui payait, nous avons séparer la facture en deux. Sacha m'en voulait de ne pas la laisser payer alors qu'elle avait dû piquer la moitié de mon repas et moi je lui en voulais de penser que ça me dérangeait. Pendant que nous nous obstinions, le serveur nous dévisageait, visiblement dépassé par notre dispute. Lorsqu'il a eu son pourboire et qu'il nous a souhaité une bonne soirée, il est parti presque en courant. Sacha et moi avons ri. Nous n'étions pas effrayant à ce point, si ?

Après le souper, nous sommes allés marcher dans les rues du centre-ville. J'ai dû guider un peu Sacha, car elle ne voyait plus grand chose avec la noirceur qu'il faisait. Il y avait un petit spectacle sur l'une des rues les plus vivantes de Toronto. Il y avait une foule qui regardait deux ou trois acrobates faire des pirouettes au beau milieu de la place publique. Tout en gardant ma main dans celle de Sacha, j'ai sorti mon appareil photo de mon sac à dos et je me suis mis à prendre tout en photo : les acrobates autant que les jeux de lumières qui illuminaient leurs costumes. J'étais tellement captivé que j'en suis venu à oublier Sacha. C'est elle qui m'a ramené sur terre.

— Tu peux m'expliquer ce qui se passe, s'il-te-plaît ?

Pauvre Sacha. Ça devait bien faire cinq minutes qu'elle restait là, à ne rien voir, mais à tout entendre. Je n'osais pas imaginer ce que ça pouvait bien faire. Elle devait sentir la présence d'une cinquantaine de personnes autour d'elle et leurs acclamations, mais elle n'avait probablement aucune idée de la raison. Je me suis collé contre elle pour la rassurer. Captiver par mon art, je n'avais pas remarqué qu'elle tremblait.

— Il y a un spectacle sur la place publique, lui ai-je dit. Nous sommes en cercle, au milieu de la rue piétonne. Il doit y avoir une cinquantaine de personnes.

— Et c'est quoi ce spectacle ?

— Il y a trois acrobates qui font des démonstrations. Celui au costume jaune, le meilleur selon moi, vient de faire le grand écart.

— Qu'en est-il des deux autres ?

— Le rouge, il fait des roues latérales. Et le vert, lui, il occupe seulement la fonction de DJ pour le moment.

— Oh, ça m'a l'air chouette.

J'ai acquiescé.

— Ouais, il y a des jolis couleurs, ai-je dit. Du orange, du mauve, du rouge, du vert, du jaune... Ils ont mis le paquet sur les jeux de lumières, en tout cas !

Sacha est devenue plus détendue au fur et à mesure que je parlais.

— J'imagine que tu as tout pris en photo, a-t-elle murmuré.

— Je te montrerai quand tu... Euh, quand tu verras mieux.

Elle s'est mordue la lèvre. J'ai aussitôt senti qu'elle n'était pas très à l'aise.

— Qu'est-ce que tu dirais qu'on rentre ?

Ma copine a aussitôt hoché la tête, comme si elle attendait seulement que je le propose.

— C'est une bonne idée, a-t-elle commenté.

Nous nous sommes écartés de la foule et nous avons gagné l'arrêt de bus le plus proche. Sacha était toujours un peu terrifié au sujet de l'incident de tout à l'heure. Pour essayer de la calmer un peu, je me suis accroché à elle et je nous ai mis un peu de musique. J'ai eu la confirmation qu'elle se sentait finalement en sureté lorsqu'elle s'est blottie contre mon épaule et qu'un petit sourire s'est glissé sur ses lèvres.



Les parents de Sacha n'étaient pas à la maison lorsque nous sommes rentrés. J'ai ouvert le maximum de lumière possible dans l'espoir d'aider ma copine, mais ça ne faisait qu'empirer les choses. Comme Sacha souffrait de migraines, j'en ai fermé une partie. Lorsque je lui ai demandé ce qu'elle voyait exactement, elle m'a répondu que c'était à peu près revenu à la normale, sauf qu'à chaque fois qu'elle regardait quelque chose, les extrémités étaient embrouillées comme si on avait cherché à effacer certaines parties d'une image. Je n'arrivais pas à me l'imaginer, alors j'ai laissé tomber. Au moins, elle était de nouveau en mesure de s'orienter par elle-même.

Sacha a retiré ses souliers dans l'entrée et est immédiatement allé allumer la télévision.

— Ça te dirait un film d'horreur ? m'a-t-elle demandé en feuilletant le programme.

Rien que l'idée me donnait des frissons.

— Je vais passer mon tour, merci.

Elle a ri.

— Je plaisantais, tu le sais bien. Je n'ai pas envie que tu mouilles ton pantalon.

J'ai haussé un sourcil.

— Pas dans ce sens-là, pervers.

J'ai ri. Elle aussi.

On s'est tous les deux glissés sur la canapé, blottis l'un contre l'autre. Sacha et moi avons perdu une vingtaine de minutes à débattre du film que nous pourrions écouter. Moi, je voulais un drame. Elle, elle voulait un film d'action. Comme nous n'arrivions pas à nous entendre, nous nous sommes aventurés sur un terrain neutre : une comédie romantique. Nous l'avons bien vite regretté.

— Je ne peux pas croire qu'elle pardonne son mec... Il a couché avec sa soeur, quand même ! s'est-elle exclamée. Et il vend de la drogue !

— Certaines filles préfèrent les mauvais garçons, tu sais.

Ma copine a froncé les sourcils, un sourire en coin.

— D'où est-ce que tu sors ça, je peux savoir ?

— C'est ma théorie à moi.

— Et je peux savoir comment elle s'appelle ?

— La théorie du célibat.

Elle a ri.

— Ça ne bat pas la théorie des cactus, j'en suis certaine.

Au milieu du film, Sacha s'est levée pour aller faire du popcorn. J'ai mis le film en pause, même si j'avais très envie de le continuer pour qu'on le finisse le plus vite possible. Opter pour une comédie romantique platonique me semblait être la pire idée que nous avions eu jusqu'à ce jour. Ça et décider de prendre une pause.

Lorsque Sacha est revenue dans le salon, je l'ai faite basculer avec moi sur le canapé et elle a manqué de renverser le popcorn.

— Qu'est-ce qui te prend, bon sang ?

En guise de réponse, j'ai simplement déposé un baiser sur sa joue. Elle a levé les yeux au ciel, trop têtue pour admettre que c'était plutôt drôle. J'ai piqué un peu de popcorn dans le bol de métal et j'ai remis le film en marche.

Lorsque le générique du film a démarré, j'ai presque poussé un soupir de soulagement. J'ai dû réveiller Sacha qui s'était endormie à la minute même où la fille stupide courait pleine d'espoir en robe de mariée sous une pluie torrentielle pour rejoindre son idiot d'ancien petit-copain qui, fallait-il préciser, l'avait trompée une dizaine de fois avec sa soeur. Hollywood ne serait pas Hollywood sans cette bonne dose de romance à la limite de la misogynie.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? m'a-t-elle demandé en se frottant les yeux.

— Ils ont terminé ensemble.

— Sans blague ! Je suis sous le choc.

J'ai souri.

— Ça confirme ma théorie du célibat.

Elle s'est retournée pour me faire face.

— Les films, ça n'a rien à voir avec la réalité.

— Surtout ceux d'Hollywood.

Sacha a baillé.

— Ouais, surtout ceux-là.

Et puis, elle n'a plus rien dit. Nous nous sommes simplement fixés pendant quelques secondes, allongés face à face sur le canapé qui par miracle, arrivait à nous donner de la place à tous les deux.

— Si tu es si sceptique vis-à-vis de ma théorie, pourquoi ne me parlerais-tu pas de la tienne ? ai-je suggéré.

Sacha a rougi.

— Tu veux vraiment l'entendre ?

J'ai acquiescé.

— Tu me fais attendre depuis six mois, Sacha Macleod. Pas question de te dérober maintenant.

Elle a souri.

— Les gens sont comme des cactus, a-t-elle murmuré.

J'ai souri.

— Ça peut paraître stupide, mais il y a une énorme logique derrière cette théorie, m'a-t-elle expliqué.

Je n'avais aucun mal à la croire. Même si je m'amusais à la taquiner au sujet de l'étrangeté de ses suppositions, j'étais convaincu que Sacha avait des raisons de le penser. Et ces derniers temps, suite à quelques évènements, j'avais commencé à émettre des hypothèses.

— Tu te souviens de ce que Carter t'a raconté ?

— Ouais et je préfèrerais oublier, pour être honnête.

— Il m'a complimenté, a-t-elle dit en ignorant ma remarque.

— Il a dit que tu étais comme une orchidée.

Son regard s'est perdu au loin, comme si pile à ce moment-là, elle revivait cet instant précis.

— Je lui ai répondu que je me voyais davantage comme un cactus, a expliqué Sacha. Tu sais comment il a réagi ?

— Il t'a pris pour une cinglée.

Elle a secoué la tête.

— Mais je ne suis pas folle.

— Non, tu es brillante.

Sacha a haussé un sourcil.

— Tu veux savoir ce qui m'a déplu ?

Elle semblait exaspérée alors je n'ai rien dit.

— Une orchidée, c'est joli. tu vois. C'est joli de l'extérieur avec leurs pétales aux teintes roses et mauves. Mais ce n'est que ça ! Je n'ai pas envie d'être comparée à une belle plante, mais qui n'a aucune véritable beauté. Tout ça, c'est artificiel. Je veux être un cactus. C'est peut-être peu plaisant de l'extérieur, mais l'intérieur reflète une immense intelligence. Tu savais que les cactus sont vraiment fascinants au niveau de la théorie de l'évolution ? Ils ont dû s'adapter à la sécheresse et au soleil tapant du désert.

Elle a repris son souffle.

— Tu sais pourquoi les cactus ont des épines?

— Non.

— Elles empêchent l'évaporation de l'eau contenu dans le cactus.

— Et en quoi ça les rapproche des gens ?

— C'est une sorte de bouclier. On ne montre que ce qu'on veut bien montrer aux gens. Nos épines nous empêchent d'exprimer ce qu'on est vraiment. Ce qui se cache sous ce bouclier, ça personne ne le sait. Mais comme les gens sont stupides, ils ne s'arrêtent qu'à l'extérieur. Ils voient des épines, alors ils continuent leur chemin. Il ne s'arrête pas un instant pour découvrir ce qui se cache là-dessous.

C'était beau. Tellement beau et intelligent que j'ai senti des frissons parcourir mon échine.

— Sacha, les gens ne sont pas tous comme des cactus.

Elle a froncé les sourcils.

— Mais, puisque je te dis que...

— Non, tu ne comprends pas. Sacha, tu es comme un cactus.

Ma copine m'a observé pendant un long instant, instant qui m'a semblé durer une éternité. De ses yeux bleu saphir, j'avais l'impression qu'elle m'analysait, qu'elle arrivait à me mettre à nu et à percer tous mes secrets comme à notre première rencontre. Pendant un instant, j'ai eu droit à son visage de glace, celui qui lui permet de cacher ses véritables émotions. Ses épines à elle, ai-je pensé. Puis, ses traits se sont détendus et une tendresse incroyable s'est lu dans son regard.

— Bordel que je t'aime, a-t-elle murmuré.

Elle m'a serré contre elle, si fort, un peu comme si j'étais la dernière bouée de sauvetage ou le dernier canot du Titanic. J'ai d'abord été surpris, puis j'ai serré Sacha dans mes bras à mon tour. Par la suite, elle m'a embrassé. Et je l'ai embrassée. Nos mains se sont baladés un peu partout sur le corps de l'autre, s'aventurant parfois en terrain inconnu. L'ambiance était électrique. À chaque fois qu'elle me touchait, une sensation plaisante embrasait tout mon corps.

Lorsqu'elle s'est dégagée de moi, j'ai souri. Elle a souri à son tour.

— La théorie des cactus, ai-je murmuré. C'est donc de ça qu'il s'agit.

Sacha a acquiescé.

— Tu connais tous mes secrets maintenant, a-t-elle dit.

— Ah oui ?

Elle a ri.

— Bon d'accord, peut-être pas tous.

— Sacha la mystérieuse, l'ai-je taquinée.

— Hé ! Il faut bien que je garde quelques atouts. Sinon, je n'aurai plus rien d'intéressant à te dire.

Elle s'est penché pour déposer un baiser furtif sur mes lèvres.

— Et puis, avec le temps tu finiras bien par découvrir tous mes secrets.

J'ai soupiré.

— Justement, c'est du temps qui nous manque.

— On se fera un Skype le soir et on s'appellera. Ce n'est pas la fin du monde.

— Ça coûtera cher d'interurbains.

Sacha a levé les yeux au ciel.

— Je crois que notre relation vaut bien quelques dollars.

J'ai ri.

— Ça oui !

Soudain, Sacha s'est extirpée hors du canapé. Elle m'a tendu une main et je l'ai agrippée sans poser de question.

— J'ai quelque chose à te montrer, a-t-elle dit en guise d'explication.

On est monté à l'étage. Passé sa chambre, il y avait une petite pièce près de la salle de bain qui contenait un piano. J'ai écarquillé les yeux en le remarquant, parce que pour moi, ça avait une signification importante.

Nous nous sommes tous les deux assis sur le banc en bois de chêne. Sacha s'est alors mise à jouer et croyez-moi, même si ça faisait bien deux ans qu'elle avait cessé les leçons, elle n'en restait pas moins douée. Elle jouait avec beaucoup d'aisance et les notes semblaient flotter l'une vers l'autre. J'étais vraiment aux anges. Sacha ne briserait pas ses promesses. Je l'avais compris dès qu'elle m'avait invité dans cette pièce.

Lorsque j'ai enfin reconnu le morceau, j'ai éclaté de rire.

— Attends, tu n'es pas sérieuse ? Amazing Grace, j'y crois pas !

Elle a ri tout en continuant de jouer. Ses doigts avaient une immense fluidité comme s'ils avaient toujours été habitués à caresser le piano.

— Pour nous remémorer le bon vieux temps.

J'ai souri, en admiration devant cette Sacha si talentueuse et si intelligente qui se trouvait devant moi.

Une fois la pièce terminée, ma copine s'est tournée vers moi.

— J'ai tenu ma promesse, a-t-elle dit.

— Oh, pour ça, oui.

J'étais toujours un peu sous l'adrénaline, la mélodie s'étant gravée en moi. Une énorme boule de chaleur enflammait ma poitrine. À cet instant précis, je me sentais vraiment comme le gars le plus heureux de toute la planète. Je ne regrettais pas une seule seconde d'avoir manqué le bal de finissants. Comme je l'avais dit un peu plus tôt à Sacha, elle et moi pouvions toujours créer nos propres moments. Et c'est ce que nous avions fait, avec grand succès. On ne saurait jamais ce que nous aurions pu vivre au bal, mais on ne vivait pas dans les regrets pour autant. Sacha et moi, nous étions heureux.

Elle a tranquillement glissé sa main dans la mienne, le sourire aux lèvres. Sans dire un mot, nous avons commencé à nous embrasser. À nous embrasser si fort que nous manquions de souffle. Mes mains glissaient sur ses hanches, les siennes se baladaient dans mon dos. L'atmosphère était si lourde, qu'il était inutile de faire comme si on ne savait pas exactement ce qu'on voulait tous les deux. Lentement, nous avons fait notre chemin jusque dans la chambre de Sacha. Au moment de s'effondrer sur le lit, j'ai rencontré le regard de Sacha. Soudain, je suis devenu plus nerveux.

— Est-ce que t'en as envie ? ai-je demandé.

Elle a acquiescé.

— Bien sûr que oui. Et toi, alors ?

J'ai hoché la tête. Si nos corps débordaient de passion l'instant d'avant, maintenant que nous avions tous les deux la certitude de ce qui allait suivre, nous étions beaucoup moins à l'aise. Sacha et moi nous regardions, sans dire un mot. On ne s'avait plus trop par où commencer.

— Euh, tu as des...

Je n'ai pas fini ma phrase.

— Des préservatifs ? a deviné Sacha.

J'ai acquiescé.

— Ouais, j'en ai. Dans le tiroir de ma table de chevet.

J'ai froncé les sourcils.

— Ça peut toujours être pratique ! s'est-elle expliqué. Comme en ce moment.

J'ai souri, nerveux. Tout tremblant et les paumes moites, j'ai ouvert son tiroir et j'ai fouillé à l'intérieur. Je suis finalement tombé sur ce que je cherchais et je l'ai extirpé pour le montrer à Sacha. Tous les deux, on s'est redressé sur le lit. On s'est assis, l'un face à l'autre.

— Tu sais que c'est ma première fois, ai-je dit. Je peux rien te promettre.

Elle a secoué la tête.

— Je m'en fiche, Logan.

Soudain, elle a rougi. Et croyez-moi, c'était bien l'une des premières fois que je la voyais prendre ce genre de teinte rouge tomate.

— Et puis, ça me fait extrêmement plaisir de savoir que je suis ta première fois.

J'ai souri. Elle aussi.

Devant le silence qui s'était installé, nous avons éclaté de rire. Pourquoi étions-nous soudainement devenus maladroits ?

— C'est bizarre, ai-je murmuré.

— Ouais.

Elle m'a embrassé. J'ai ri.

— Je t'aime.

— Moi aussi.

On s'est alors regardé sans rien dire.

— Peut-être qu'on devrait s'embrasser, a suggéré Sacha.

— Peut-être bien.

Et elle m'a de nouveau embrassé. Au début, c'était maladroit, un peu comme si on revivait notre tout premier baiser. Sauf que cette fois, ses lèvres goûtaient le cerisier et non, la pêche.

Peu à peu, morceau après morceau, on a retiré nos vêtements. Mon chandail est resté coincé sur ma tête à un certain point ce qui nous a causé un énorme fou rire. Heureusement, Sacha était là pour m'aider.

Nous nous sommes laissés tomber sur le lit, nos lèvres scellées. Peu à peu, nous avons retrouvé notre rythme bien à nous, avec nos baisers passionnés et nos fous rires. Seulement, je n'ai pas dit un mot. Sacha non plus. Nos mains se baladaient, nos doigts effleuraient la peau de chacun et notre souffle se faisait plus court. Caresse après caresse, frisson après frisson. C'était comme si on faisait connaissance pour la première fois.

Au beau milieu de l'action, Sacha a collé ses lèvres contre mon oreille et a murmuré quelque chose. J'avais du mal à me concentrer sur ce qu'elle disait, mais je suis quand même parvenu à en tirer l'essentiel.

— Je crois que j'ai finalement trouvé ce que je cherchais, avait-elle murmuré, à bout de souffle.

L'espace d'un instant, dans le silence de la nuit, je connaissais tous les moindres détails qui composaient Sacha.

Et pour info, elle a bel et bien une tâche de naissance sur la fesse droite.

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Tout le monde pensait qu'ils avaient tourné la page. Ils s'étaient reconstruits chacun de leur côté, et vivaient aujourd'hui un nouveau chapitre du l...
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Panorama encyclopédique des traditions, habitats et autres curiosités typiques de nos régions, dans le but d'enrichir la culture de qui le lira.