La théorie des cactus

By Imaxgine

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Logan, c'est le grand brun aux yeux bridés qui aime les drames, ceux qui se terminent par de longs dialogues... More

Avant-propos.
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Épilogue.
Mot de la fin.

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By Imaxgine


     À chaque fois que j'essayais de rencontrer le regard de Gina, elle me fuyait. Debout derrière la caisse, il lui était facile de m'éviter. Les seules fois où il lui arrivait de me parler, c'était pour me communiquer la commande d'un client. Sinon, c'était le silence total. J'avais décliné sa proposition d'aller à un second rendez-vous avec elle et depuis, un froid s'était installé. Tous les deux, nous faisions semblant d'être plus préoccupé par la tâche de café sur le comptoir que par ce qui se passait vraiment. Je n'allais tout de même pas empirer les choses en lui disant qu'indirectement sa proposition avait poussé Sacha à m'avouer ses sentiments. Gina n'était pas stupide. Elle devait se douter de quelque chose.

J'ai renversé le café bouillant sur ma main lorsque j'ai aperçu ma copine passée la porte du bistro. C'était la première fois que Sacha mettait les pieds ici. Elle m'a souri et m'a salué d'un geste de la main avant d'aller s'asseoir. Heureusement, Gina ne l'a pas aperçue.

— Ça va ? m'a-t-elle demandé, les sourcils froncés.

— Ouais, ouais.

Puis, j'ai secoué la tête.

— En fait, non. C'est drôlement chaud. Je crois que je me suis brûlé.

L'esquisse d'un sourire s'est glissé sur ses lèvres. Elle m'a tendu un linge de vaisselle rose.

— Tiens, prends ça pour couvrir ta brûlure.

— Merci.

Gina a pris un gobelet en carton et y a versé le restant de café bien chaud. Elle a posé un couvert sur le dessus et l'a donné à une dame qui lui a aussitôt tendu un peu de pourboire. Je l'ai regardée faire, tout en m'essuyant le tee-shirt.

— Tu crois qu'on pourrait parler toi et moi ?

Elle a balayé ma question d'un geste de la main.

— Ne t'en fais pas, Logan, a-t-elle répondu. Ce n'était qu'un bête accident. Ça arrive à tout le monde, tu sais.

— Ce n'est pas à propos de ça.

Ma collègue a froncé les sourcils. Son regard s'est rembruni lorsqu'elle a finalement saisi. Gina n'était pas bête, loin de là. Je n'avais pas besoin de lui faire un dessin pour qu'elle puisse comprendre.

— Ça n'a rien à voir avec le café, pas vrai ?

— Rien à voir.

Elle a soupiré.

— Écoute, pour ce qui s'est passé l'autre soir...

— Ne t'excuse pas, Gina, l'ai-je coupée. J'en avais vraiment envie moi aussi.

— Quoi, de m'embrasser ?

— Ouais, de t'embrasser.

— Arrête, Logan. Ça vaut pas la peine de faire semblant. Je ne suis pas idiote.

J'ai souri, gêné.

— Écoute, ce n'était juste pas le bon moment.

— Et ?

— Et quoi ?

— C'est quand que tu me dis que tu aimerais bien que nous restions potes malgré tout ?

— Comment tu... ? Où est-ce que... ?

Gina a levé les yeux au ciel.

— Écoute, j'en ai vu passer quelques-uns avant toi. Je connais le refrain.

— C'est vraiment pas contre toi, je te le jure. Tu es une personne super.

— Mais il y a Sacha.

J'ai froncé les sourcils.

— Comment tu sais ?

— J'ai mené ma petite enquête.

— C'est un peu flippant ça, Gina.

Elle a rigolé.

— Je suis flippante. Et c'est juste maintenant que tu le remarques. Incroyable !

— Est-ce que tu m'en veux ?

Ma collègue a secoué la tête.

— Je ne t'en veux pas. À quoi bon ? Notre histoire ne menait à rien. Parce que même si tu n'avais pas fini par sortir avec cette fille, son ombre aurait tout de même plané sur toi. Tu l'aimes trop. Tu n'aurais pas pu l'oublier comme ça.

— Tu crois que c'est une mauvaise chose ? lui ai-je demandé.

— Quoi ? De l'aimer trop ?

J'ai acquiescé.

— Je crois qu'il y a toujours une limite à tout, a-t-elle dit. Mais ce qui est le plus dangereux, c'est quand cette personne prend conscience du trop plein d'amour qu'on a pour elle. Ça a le don de vous gonfler les chevilles, si tu vois ce que je veux dire.

— Tu crois que Sacha pourrait en profiter ?

Elle a haussé les épaules.

— Je ne la connais pas, ta Sacha. Tout ce que je sais, c'est que tu devrais quand même faire un peu gaffe à toi.

— Et si je te disais qu'elle avait besoin de toute cette attention que je lui donne ?

— Comment ça ?

— Elle est... Elle a quelque chose. Je ne peux pas te dire quoi exactement, mais elle vit des moments difficiles.

— Et tu crois vraiment que ça vaut toute ton attention ?

J'ai secoué la tête.

— Ça vaut ma présence, en tout cas, ai-je murmuré. Elle a besoin de moi.

— Pour être honnête, je ne sais pas quoi te dire.

Elle a souri.

— Ne t'oublie pas, d'accord ? Même si quelqu'un a besoin de toi ou compte sur toi, tu es la personne sur qui tu dois le plus veiller.

— Merci, ai-je lancé.

— Pourquoi tu me remercies ?

— Parce que tu es vraiment quelqu'un de cool, Gina. Désolé que ça n'ait pas marché.

Ma collègue a tout balayé de la main.

— Arrête. De toute manière, tu étais un peu trop jeune pour moi.

J'ai ri.

— Maintenant, va me laver les toilettes je t'en prie.

— Est-ce que c'est une sorte de vengeance ? ai-je plaisanté.

— On peut dire ça.

Elle m'a lancé un linge de vaisselle.

— Vas-y, m'a-t-elle assuré. Je gère.

— Tu gères. C'est vrai.

Gina a souri. J'ai marché jusque de l'autre côté du comptoir, pour ensuite me diriger tranquillement vers la salle de bain. Si mon amie voulait vraiment se venger, elle avait réussi : il n'y avait rien au monde que je détestais plus que de laver des toilettes. Pour être honnête, c'était horrible. Surtout quand lesdites toilettes étaient exposés aux fesses de n'importe qui. Ces inconnus avaient le don d'être des gens plutôt dégueulasses, si vous voulez mon avis. La chasse n'était pas tirer, il y avait de l'eau plein le miroir, du savon et des gouttelettes de pisse sur le plancher (apprenez à viser) ainsi que du papier brun chiffonné à côté de la poubelle (trop difficile de le mettre dans la poubelle). En gros, c'était l'horreur. Et un linge de vaisselle jaune canard ne me suffirait pas. C'est pour cette raison que je suis sorti de la petite pièce. Il me fallait au moins une serpillière. Mais, alors, Sacha est apparue dans mon champ de vision. Un sourire s'est aussitôt glissé sur mes lèvres.

— Salut, toi.

— Hé.

— Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

— J'étais curieuse de savoir où tu travaillais.

J'ai pincé les lèvres.

— C'est ton jour de chance : tu as le droit à une performance exclusive de moi qui lave les toilettes.

Elle a ri.

— Ça doit être parce que tu es hyper doué.

— Ou que je suis nul pour faire des cafés ?

Je lui ai montré la brûlure que je m'étais faite. Elle a grimacé en apercevant la chair rouge vive.

— Tu devrais peut-être aller voir un médecin.

— Tu crois ?

Sacha m'a jeté un de ses regards.

— D'accord, j'irai, ai-je déclaré.

— Merci.

— Après mon quart de travail, ça te dirait qu'on aille se balader ?

— L'heure du souper approche.

— Alors, McDo ?

— Va pour ça.

— Tu sais ce qu'il y a de bien ? lui ai-je demandé.

— Quoi ?

— Je vais pouvoir te piquer des frites sans transgresser les lois non-écrites des activités de couple.

Ma copine a levé les yeux au ciel.

— Pourquoi tu ne t'achètes pas tes propres frites dans ce cas ?

— Parce que j'aime bien t'embêter.

Elle m'a frappé le bras, taquine.

— Toi et Gina, vous aviez l'air ancré dans une conversation profonde.

— Ah, ça oui.

Je me suis appuyé contre le mur, les bras croisés.

— Elle a bien pris le fait que ça ne marcherait pas entre nous. À vrai dire, elle s'y attendait un peu.

— Comment ça ?

J'ai haussé les épaules.

— Je ne sais pas, cette fille a de l'intuition.

— Elle a l'air maligne.

— Elle l'est.

Sacha a acquiescé.

— Alors ces toilettes, ça avance ?

Je me suis tapé le front.

— C'est ça que j'oubliais !

— Tu veux que je t'aide ?

— Tu es certaine de le vouloir ? Parce que c'est un vrai massacre à l'intérieur. Tu n'as qu'à y jeter un coup d'oeil par toi-même.

Elle a ouvert la porte pour examiner l'état des toilettes. Elle ne s'est pas faite prier pour la refermer.

— Alors ?

— Je crois que je vais me contenter de te regarder faire.

J'ai ri.

— J'en ai pour une heure. Après, je suis tout à toi.

— Ça me va.

Elle a glissé sa main sur ma nuque et m'a attiré plus près d'elle. Nos lèvres se sont aussitôt jointes. Si au début les baisers que nous échangions ressemblaient plutôt à une valse maladroite, celui-ci était plus passionnel, moins incertain. L'habitude commençait à prendre le contrôle. Le rythme était beaucoup plus stable. Une bouffée de chaleur montait de mon ventre à mon abdomen, faisant battre mon coeur à une cadence beaucoup plus élevée.

Lorsque je me suis arraché à Sacha, ses yeux étaient posés sur les miens. Simultanément, nous avons éclaté de rire.

— J'aurais bien aimé continuer.

— Mais le devoir t'appelle.

— Les toilettes, en fait. C'est beaucoup moins glorieux dit comme ça.

Elle a souri.

— On reprendra plus tard, m'a-t-elle assuré.

— Tu peux compter là-dessus.

Le sourire de Sacha s'est brusquement évaporé. Toute trace d'amusement avait disparu. Il n'y avait plus que son air sérieux et son visage de marbre.

— Il faut que je te parle de quelque chose.

Mon coeur s'est mis à pomper plus vite, mais cette fois ce n'était pas à cause de ce que je ressentais pour elle. J'avais un mauvais pressentiment.

— Qu'y a-t-il, Sacha ? me suis-je inquiété. J'ai fait quelque chose de mal ?

— Non, non, ce n'est pas ça.

Ma copine a jeté un coup d'oeil autour d'elle, alors qu'une dame d'âge mûr se faufilait dans les toilettes, non sans nous avoir jeté quelques regards curieux.

— Alors ?

— Je ne peux rien te dire.

— Mais...

— Pas ici. Pas maintenant.

— Tu m'inquiètes, Sacha.

Elle s'est mordue la lèvre inférieure.

— Ne t'en fais pas.

— C'est difficile, ai-je murmuré. Très difficile.

— Je te dirai tout plus tard.

— Promis ?

Sacha a hoché la tête, mais n'a pas répondu.

— Je vais aller me commander quelque chose. Tu me recommandes quoi ?

— Je ne m'y connais pas vraiment.

— Tu travailles ici, m'a-t-elle rappelé.

J'ai haussé les épaules.

— Eh bien, je fais toujours les toilettes. Tout ce que je peux te recommander c'est le nettoyant qu'il utilise pour laver les vitres. Il est très efficace.

Sacha a retrouvé le sourire. Mais mon coeur n'a pas cessé de battre d'inquiétude pour autant. J'avais appris à connaître Sacha à force de la côtoyer. Et j'avais compris qu'un simple sourire pouvait cacher bien plus.

— Les smoothies kale-mangue sont délicieux.

— Ah oui ?

— Je te le recommande, lui ai-je dit. Ça et le nettoyant à vitre.

Elle a levé les yeux au ciel.

— Tu n'es pas croyable.

Je l'ai pris comme un compliment.



Je n'avais jamais été à ce point content de croiser un McDo de toute ma vie. Après le mal que je m'étais donné à laver les toilettes des clients sales, je méritais bien une petite récompense. Et puis, j'avais faim. Faim comme si je n'avais rien manger depuis des jours. Étrangement, toute la crasse que j'avais pu rencontrer cet après-midi ne m'avait pas coupé l'appétit.

Sacha et moi sommes entrés dans le McDo, main dans la main. Nous nous sommes installés à une table au beau milieu du restaurant. J'ai jeté un coup d'oeil autour de moi, comme j'avais l'habitude de la faire quand je me trouvais en terrain inconnu. À mon soulagement, les gens bizarres et hirsutes de Toronto n'étaient toujours pas sortis pour leur habituel rendez-vous dans le fast-food du coin. Il faut dire que nous étions à une heure plutôt raisonnable, plus près des familles que des drogués.

Je me suis disputé avec Sacha pendant au moins cinq minutes au sujet de qui payait. Elle, elle insistait pour tout payer. Moi, je ne voulais pas.

— Tu as travaillé toute la journée ! s'est-elle exclamée.

— Justement. Je suis plus riche que toi.

Elle a plissé les yeux.

— C'est moi qui paye, d'accord ?

J'ai levé les yeux au ciel.

— Pourquoi est-ce que tu gagnes toujours ? Ce n'est pas juste.

— Si ça peut te remonter le moral, je te laisse commander.

— C'est nul, ça.

— Arrête de faire ton gamin.

Je lui ai tiré la langue. Elle a ri.

En me dirigeant vers la caisse, j'ai aperçu une bande assise dans un coin. Lorsque j'ai reconnu les membres qui en faisaient parti, j'ai eu envie de vomir. Il y avait Pénélope, Cole et leur potes habituels : Yuri, Michael et Will. Cole est le seul qui a semblé me remarquer. Dès que nos regards se sont croisés, j'ai fui jusqu'à disparaître complètement de son champ de vision. Sacha, à l'autre bout de la pièce, a froncé les sourcils. Je lui ai fait signe qu'il y avait quelque chose à ma gauche. Des points d'interrogation ont fait apparition dans ses yeux. Mon explication à l'aide de mimiques et des signes ne fonctionneraient pas, j'en étais convaincu. Ainsi, j'ai laissé tomber. Je suis allé commander à la caisse, puis je suis retourné à la table où Sacha m'attendait, toujours aussi intriguée.

— Je peux savoir ce qui t'as pris ?

Je me suis penché pour être plus près d'elle.

— Tes potes, ils sont là.

— Quels potes ?

Je lui ai pointé la bande qui traînait non loin. Sacha s'est retournée avant que je ne puisse lui suggérer d'y aller en mode incognito. Heureusement, l'art de la subtilité ça connaissait bien Sacha. Elle ne s'est donc pas fait repérer par Cole et les autres. Lorsqu'elle m'a de nouveau fait face, j'ai bien cru qu'elle avait vu un fantôme.

— Tu crois qu'on peut s'échapper sans se faire remarquer ? a-t-elle chuchoté.

— Par la porte d'entrée ?

Elle a acquiescé.

— Non, on risque d'être vu.

— Par la fenêtre, alors ?

J'ai secoué la tête.

— Trop risqué, ai-je commenté. Je n'ai pas envie de mettre en danger mon cheeseburger.

— Donc on est foutu ?

J'ai haussé les épaules.

— Un peu, oui.

Et comme pour appuyer nos propos, toute la bande s'est levée. Au départ, j'ai cru qu'ils fonçaient tout droit sur nous, mais à vrai dire c'était plutôt la sortie qu'ils cherchaient à atteindre. J'ai soupiré de soulagement, criant victoire un peu trop vite. Parce que non, ça n'allait pas finir de manière aussi simple. Sacha et moi n'étions pas aussi chanceux. La preuve : Michael a tout de suite repéré Sacha. Il a foncé sur elle, un sourire énorme aux lèvres. Bien entendu, tout la bande l'a suivi. Cole se tenait un peu à l'écart, les yeux rivés sur ses chaussures.

— Sacha, qu'est-ce que tu fous là ? s'est exclamé Michael.

Ma copine a souri et m'a jeté un coup d'oeil.

— On avait faim, alors, tu vois, on est venu ici.

— Comme ils disent, tous les chemins mènent au McDo.

Sacha a ri.

— Ça fait un moment qu'on n'a pas de tes nouvelles, tu sais, a murmuré Michael. Tout va bien, j'espère ?

— Ouais, tout es ok. Je suis juste un peu occupée ces temps-ci.

— Avec ce gars-là, c'est ça ? a-t-il demandé en me désignant. C'est ton nouveau copain ?

Je n'ai même pas eu le temps d'ouvrir la bouche, que Sacha a répondu.

— Non ! Non, on n'est que des potes.

Mes joues se sont mise à brûler, peut-être d'embarras ou de colère, je n'en savais trop rien. Je pouvais comprendre qu'à l'école nous nous faisions discrets. Je n'avais tout de même pas envie de partager ma vie privée avec tout le reste de mes camarades, surtout quand je ne les connaissais pas personnellement. Sacha non plus. Et puis, je n'étais pas le genre de mec qui tenait à tout prix à s'afficher en public avec sa copine. Nous n'étions qu'au début de notre relation ; il y avait une certaine fraîcheur dans l'air que nous voulions garder rien que pour nous. Mais si quelqu'un m'avait demandé si je sortais avec Sacha Macleod, j'aurais tout de même répondu oui. Parce que c'était la vérité.

Étrangement, Sacha ne semblait pas être de mon avis sur ce coup. Et j'avais l'horrible impression qu'elle me cachait comme un secret dont elle n'était pas très fière. Les insécurités m'ont vite frappé de plein fouet au visage. Je n'aimais pas la tournure que prenait cette conversation.

— Tu as manqué une sacrée fête, l'autre soir ! s'est exclamée Pénélope.

Elle s'est glissé dans la banquette et a serré Sacha contre elle.

Pour la première fois depuis longtemps, j'étais ravi de l'intervention de mon ex-petite copine. Ça m'évitait de répondre aux questions embarrassantes de Michael et de passer pour l'idiot de service.

— Yuri et Will n'ont pas cessé de s'embrasser. C'était dégueu.

— Et Pénélope a rompu avec Luke.

C'était la première fois que Will s'immisçait dans la discussion. Il m'avait l'air de moins bonne humeur que la dernière fois que je l'avais croisé, soit à la fête de Cole le soir de la Saint-Valentin. Et il me regardait comme s'il savait quelque chose que les autres ignoraient. Peut-être savait-il pour Sacha et moi. Si c'était le cas, je n'en étais aucunement désolé.

— Tu as rompu avec Luke ? s'est étonnée Sacha. Comment ça ?

— Il m'énervait.

Pénélope m'a regardé brièvement, avant de détourner le regard.

— Michael et Emily ont dansé sur du Britney Spears.

— Tu vois, ça je ne m'en souvenais pas, a lancé le concerné.

— Normal, tu étais beaucoup trop soûl.

Sacha a souri.

— Et Cole a sauté dans la piscine de Will en sous-vêtement.

La blonde s'est figée, mais n'a rien dit.

— Je ne sais pas comment tu as fait, a commenté Yuri. L'eau était drôlement froide.

Cole a haussé les épaules, sans dire un mot. J'ai bien vu que Sacha et lui s'évitait complètement. Ils ne semblaient pas prêt à se regarder en face et ce, même si ma copine m'avait dit qu'ils avaient eu une longue discussion tous les deux dans l'espoir de régler leur différends. Il fallait croire que ce n'était pas cent pour cent réglé.

— Ça devait être chouette, a commenté Sacha. Désolée de ne pas y avoir assisté.

Pénélope a appuyé sa tête contre celle de son amie.

— Ne t'en fais pas : on organise une petite fête de graduation. Enfin, pour ceux qui gradueront.

Elle a jeté un regard en biais à Michael.

— Hé ! J'ai plus de chance de graduer que toi ! s'est-il défendu. Je suis un élève modèle, je te signale.

Sacha a rigolé, une fois de plus.

— En tout cas ça va être génial, a ajouté Pénélope. Tu viendras et on pourra discuter de toutes ces années de merde qu'on a vécues ensemble. Ce sera le temps de célébrer !

Elle m'a alors regardé.

— Toi aussi, tu pourras venir si ça te dit.

— J'ai déjà des plans, mais merci, ai-je dit.

Sacha m'a dévisagé, mais n'a rien dit. Pénélope s'est levé d'un bond, tout en époussetant son jeans.

— Je crois qu'on va y aller ! On a une partie de baby-foot qui nous attend. On se voit demain, à l'école ?

— Ouais, à demain.

Ils nous ont tous salués, y compris Cole qui nous a souris timidement. Lorsque je me suis assuré qu'ils avaient quitté le restaurant, j'ai pris une profonde inspiration. C'était à la fois un mélange de soulagement et de répit. J'ai jeté un coup d'oeil las à mon cheeseburger. Je n'avais plus d'appétit.

— Pourquoi tu n'as rien dit ? ai-je demandé.

Ma copine a aussitôt arrêté de me piquer des frites.

— À propos ?

— À propos de nous, Sacha ! À propos de nous.

Elle s'est mordue la lèvre inférieure.

— Est-ce que tu as honte de moi ? Je suis si moche que ça ou quoi ? Pourquoi j'ai besoin d'être ton secret ?

— Tu n'es pas mon secret, a-t-elle murmuré. Et tu es encore moins quelqu'un de moche.

— Alors pourquoi tu n'as rien dit ?

— Parce que... Parce que... Je ne sais pas ! Cette question m'a prise au dépourvu, c'est tout.

— Ah bon ? Et c'est ça ton excuse ?

— Quoi ? Tu ne me crois pas ?

— Non, je ne te crois pas.

J'ai croisé les bras.

— Alors quoi ? Il aurait fallu que je leur cri que nous sommes un couple ?

— Ouais, ça aurait été un bon plan.

— Dans ce cas, je vais le faire.

J'ai écarquillé les yeux.

— Pardon ?

Sacha s'est levée d'un bond et a couru jusqu'à la porte principale. Tout le monde l'a regardée faire, moi y compris. J'ai quitté la banquette pour la suivre, intrigué. Qu'avait-elle en tête ? Elle a rattrapé la bande de Pénélope, rapide comme l'éclair. Ils se sont tous mis à la dévisager. Et même si une paroi de vitre nous séparait, je l'ai entendue crier :

— JE SORS AVEC LOGAN, D'ACCORD ? LUI ET MOI, ON PARTAGE QUELQUE CHOSE, QUELQUE CHOSE D'INTENSE ! C'EST MON COPAIN ! LOGAN, C'EST MON PUTAIN DE COPAIN ! ET IL ME PLAÎT BEAUCOUP.

Sacha s'est retournée dans ma direction et m'a gratifié d'un pouce en l'air, Ses potes n'ont rien dit, eux. Cole est devenu pratiquement livide. Pénélope a levé les yeux au ciel, pas pour le moins du monde impressionnée. Michael a souri à dents déployés, tandis que Yuri s'accrochait au bras de Will. Leur réaction étaient beaucoup plus calme que ce que j'aurais imaginé. C'était à peine s'il semblait surpris. Finalement, Michael a dit quelque chose. Mais de là où j'étais, je n'entendais rien.

J'étais beaucoup moins insécure tout d'un coup. Sacha venait de me prouver qu'elle n'avait pas peur de se cacher, de nous cacher. Tout compte fait, peut-être avait-elle commencé à suivre sa propre philosophie.

Ma copine s'est accrochée à mon cou lorsqu'elle m'a de nouveau rejoint. Elle souriait, sans aucun doute fière de son coup.

— Alors comme ça, je suis ton putain de copain ? ai-je plaisanté.

— Te moque pas. C'est toi qui voulait une déclaration.

Je l'ai embrassée.

— C'est la plus belle déclaration qu'on m'ait faite jusqu'à ce jour.

Elle a souri.

— Qu'est-ce qu'ils t'ont demandé ?

— Il voulait savoir si j'étais soûle, a-t-elle répondu.

J'ai pouffé.

— Et tu l'es ?

Sacha m'a tapé le bras, taquine.

— Non, j'ai simplement faim.

— Tu as de la chance qu'un cheeseburger débordant de calories et des frites salées à t'en choper une crise cardiaque t'attendent.

Elle semblait sur le point de rire, mais aucun son n'est sorti de sa bouche. Son sourire a disparu. Elle a grimacé et son étreinte s'est faite plus lasse. J'ai bien cru qu'elle allait s'évanouir, jusqu'à ce qu'elle se rattrape et s'agrippe à mes épaules.

— Ça va ? ai-je demandé. Allô, Sacha ?

Ma copine a semblé tranquillement revenir à la réalité.

— Tout va bien ?

— Je... J'ai simplement mal à la tête.

Simplement ? Tu as manqué de t'évanouir.

— C'est rien.

— Tu ne me cacherais pas quelque chose ?

Elle a secoué la tête.

— Non, je t'assure. C'est juste une migraine normale, rien à voir avec la rétinite. Je... Ça doit être parce que j'ai faim ou que je suis fatiguée.

Je ne l'ai pas cru une seule seconde, seulement j'ai décidé d'abandonner. Je n'allais tout de même pas me disputer une énième fois avec elle en l'espace d'une soirée. Ce n'était pas comme ça que j'envisageais notre petite sortie du couple. Ainsi, j'ai choisi de la croire. Temporairement. Parce qu'il était évident qu'elle me cachait un truc.

— Tu voulais me dire quelque chose ? l'ai-je interrogé.

— Quoi ?

— Oui, tout à l'heure, au bistro... Tu voulais qu'on discute.

Sacha a écarquillé les yeux, saisissant alors de quoi je voulais parler.

— Ah, ça ! s'est-elle exclamée. C'est rien, laisse tomber.

— Mais, tu as dit...

Elle a levé les yeux au ciel.

— Je t'assure : c'est rien ! Arrête de t'inquiéter, maintenant.

— Facile à dire, ai-je grommelé.

Heureusement, elle n'a rien entendu.

Après m'être assuré que Sacha pouvait toujours marcher et ne risquait pas de s'évanouir d'un moment à l'autre, nous sommes retournés à notre petite table. Le monde a continué de tourner et ce, seulement parce que je le voulais bien et que je n'avais pas envie de gâcher notre moment à tous les deux. Mais tôt ou tard, je devrais confronter Sacha. Et là, toutes les planètes, tous les mondes possibles allaient s'arrêter de tourner.

— Je peux te poser une question ? ai-je demandé.

— Laquelle ?

— Pourquoi est-ce que je te plais beaucoup ?

Elle a souri. La réponse n'a pas mis de temps à se faire entendre.

— Parce que toi, tu me vois comme un cactus.

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