Le lendemain matin, je vais à la bibliothèque afin de rendre les livres que j'avais récemment emprunté. Au fond de moi, j'espère qu'Andréanne viendra me chercher... Non pas que j'ai encore choisi si j'intégrer l'Argus Lucidity mais... J'ai juste envie de la revoir...
A l'intérieur du bâtiment, peu de personnes se pressent. La secrétaire à l'accueil est trop occupées à se refaire les ongles qu'elle ne me voit même pas. Habitué, je passe ma carte dans le lecteur et pousse le tourniquet. De l'autre côté, s'élèvent les immenses étagères, bourrées d'ouvrages en tout genres.
Je me dirige vers le rayons "mathématiques" et range mes livres. Ils ne me manqueront pas! Je regarde autour de moi. Personne. Pas même Andréanne... A quoi je m'attendais moi aussi?!
Déçu, je décide de faire un tour au rayons "Argus". Celui-ci est encore plus grand que les autres. Au hasard, je pioche un livre et l'ouvre en plein milieu. J'y trouve une carte de la ville futuriste. Mais, comme tout le monde le sait, elle est incomplète. En effet, la ville de l'Argus est tellement grande que jamais nous n'avons pus en déceler le bout... Comme si elle n'avait pas de fin! Je tourne les pages, et leurs bruissements résonnent dans les allés, vides de monde. Je trouve un tableau présentant les soldats médaillés de l'Argus Lucidity. Alors que je parcours leurs visages, une tête sort du rayon juste devant moi.
-Ce bouquin est vieux, tu ne m'y trouveras pas.
Andréanne me regarde, espiègle. Ces deux petites mains blanches écartant les ouvrages autour de son visage, elle continue:
-Par contre, lui c'est Jo'leen.
Du bout du nez, elle pointe vers le visage d'un jeune homme, au regard intimidant.Ses yeux sont de la même couleurs que la rouille, et sa chevelure clair comme les blés encadre son visage fin. Pourtant, ses traits exprime la fermeté d'un caractère bien trempé. Je relève la tête, et m'aperçoit que la jeune fille est toujours là, au milieu des livres. Je lui demande:
-Tu viens savoir si j'accepte de rejoindre ta section?
-Et bien... Répond t-elle, les yeux au plafond. Je me suis un peu emballée. Tu dois d'abord passer des tests.
-Quels genres de tests ?
-Oh, la routine! S'exclame Andréanne. Combat au corps à corps, puis avec des armes à feu, et aussi des tests psychologiques. D'ailleurs, si tu n'as rien prévus aujourd'hui, j'aimerais que tu viennes les passer.
Stupéfait par sa demande inattendue, je manque de lâcher le livre que je tient entre mes mains. Le reposant alors, je dit :
-C'est... C'est d'accord.
Voilà maintenant dix minutes que je suis Andréanne dans les rues bondés de la ville. Elle ne veut pas me dire où nous allons...De plus, je ne connais pas du tout ce quartier. Il semble regroupés un bon nombre de voyous, à en croire le verres brisés sur le sol! Enfin, nous débouchons dans une ruelle encore plus sale, semblant être abandonnés. Deux éboueurs s'affairent à remettre les poubelles en ordre.
Andréanne sort un petit trousseau de clé de la poche de son k-way, et ouvre la porte encrassée d'un vieille immeuble. Elle rentre d'abord, puis me fait signe de la suivre à l'intérieur. La désagréable sensation que dégage le bâtiment m'envahit. Sa sent le pourri et les déchets à plein nez! Ma guide, elle, ne semble même pas y faire attention. Nous montons des escaliers, et nous arrêtons à la résidence du premier étage. Andréanne passe une nouvelle clé dans la serrure, pousse la porte, un peu trop lourde pour elle.
A l'intérieur, une pièce de vie en désordre nous accueille. Les stores sont fermés, mais j'arrive à distinguer tout les papiers et les déchets alimentaires éparpillés un peu partout. Je demande alors :
-Qu'est ce qu'on fou ici? Qui vit dans ce trou?
-C'est moi, espèce de con. Me répond t-elle, d'un regard furieux.
Gêné, je m'excuse de ma maladresse. N'y faisant pas attention, Andréanne tire les stores, laissant rentrer la lumière du jour. Puis, elle s'installe derrière le comptoir de la cuisine, et se met à préparer quelques chose. Je la regarde faire, curieux.
-Bois. Dit-elle, en me tendant un breuvage verdâtre. Mais pas tout.
Je prends le verre, et questionne :
-Euh... C'est quoi ça?
-Du Desshire. Une boisson que l'Argus Lucidity a mis au point afin de transporter le rêveur dans un point bien précis de l'Argus. Me répond t-elle, posant son visage sur sa main.
-C'est possible, une telle chose ?! Je m'exclame.
-Bah oui, si je te le dis, crétin.
Exalté, j'en bois quelques gorgées. Bizaremment, ça n'a aucun goût. Je m'essuie la bouche du revers de la main et tends le récipient à Andréanne, qui en fait de même. Aussitôt, je me sens fatigué. Mon esprit est confus, ma vision flou. La silhouette de la jeune fille s'approche de moi, et je la sens me guider sur le canapé, où je m'allonge. Sa voie s'élève, lointaine :
-Dis donc, ça marche drôlement bien avec toi. Allez, dors, je te rejoins.
Je rouvre les yeux. Me voilà dans une immense pièce sombre, dépourvus d'ouvertures. Je suis seul. Soudain, en face de moi, apparaît un homme. Il me tourne le dos, me laissant juste voir sa chevelure blanchâtre. Elle me rappelle celle de...Non... Impossible...
J'avance vers l'individu. Chaque pas que je fais vers lui semble m'en éloigner. L'homme porte un costume blanc, maculé de sang. N'arrivant pas à le rejoindre, j'hurle :
-EH TOI ! RETOURNES TOI !
Aussitôt, il fait volte face dans ma direction.
Mon sang ne fait qu'un tour. Je reconnais ce visage. Ces traits grossiers, ce regard d'aigle, cette peau terne... C'est l'homme qui a assassiné mes parents! Dans un crie de rage, je me rue sur lui. Le poussant par terre, je commence à le frapper de toutes mes forces. Etrangement, il ne se défend pas. Ses yeux se perdent dans le vide, et il encaisse les coups comme une poupée. Exténué, les mains en sang à force de le rouer de coups, je me stoppe. C'est alors qu'un doute me parcours. Pourquoi ne s'est t-il pas défendu?
D'un geste tremblant, je passe mes doigts sur son cou, et y trouve un pli étrange. Fiévreux, je soulève sa peau, qui se retire comme un masque. En dessous, je trouve le visage de ma mère, ensanglantée.
-Ce... C'est pas possible... Je bredouille, les larmes me montant aux yeux. Maman...
J'éclate en sanglots, brisant le lourd silence qui nous entoure. Je viens de battre ma mère?! Pourquoi?! Encore désemparé, je sens une main se poser sur mon crâne :
-T'es recalé.
Andréanne se tient derrière moi. Elle continue:
-Je t'ai menti. Il n'y a qu'un test pour rentrer dans l'Argus Lucidity, et c'est celui-ci. La confrontation face à ton plus grand ennemie. Tu n'as pas gardé ton sang-froid, et voilà ce qui se passe, quand on ne maîtrise pas ses sentiments. On blesse ses proches...
Confus, je ne trouve pas les mots pour lui répondre. Je viens d'échouer lamentablement... De mes yeux encore humides, je vois Andréanne sortir une lame de sa poche. Elle s'avance un peu plus vers moi et soupire:
-On se réveil maintenant.
D'un coup, elle plante son poignard dans ma poitrine...