-Très bien, si c'est comme ça, tout le monde sort une feuille double! Interrogation surprise! S'énerve M. Allen, notre professeur de science.
Les élèves s'arrêtent aussitôt de parler, laissant un inhabituel silence dans la classe. Moi aussi, je détourne mon regard de la fenêtre. C'est tellement rare de voir M. Allen dans cet état! D'ailleurs, certains élèves en rigolent. Vexé, il me jette un regard noir et s'exclame:
-Edvin Keffer! Si vous avez envie de rire, vous irez le faire en retenue !
-Qu... Quoi? Je bredouille.
-Vous répondez en plus?!
A ses mots, M. Allen sort le fameux bulletin de colle, et le remplit. Je souffle d'agacement. Au bout de quelques secondes, le papier est sur mon bureau. Je suis retenue demain soir pendant 2 heures. Génial.
Enfin, la sonnerie retentit, marquant la fin de ce dernier cours. Dehors, le soleil commence déjà à se coucher. Les élèves s'empressent de rejoindre leur bus. Moi, je rentre à pieds ; j'habite à quelques maisons du lycée.
Dans la rue, les voitures passent et repassent, dans un vacarme incessant. Une odeur de fast-food remplit l'atmosphère, mélangé à celle des pots d'échappements. Dire que je me suis habitué à ça... Alors que je marche tranquillement, repensant à mon heure de colle, mon regard tombe sur une affiche publicitaire, au slogan accrocheur : "Vous êtes oniraunote? Rejoignez l'Argus Lucidity!" Je m'arrête devant la propagande. Ce n'est pas la première fois que j'en vois une, mais celle-ci retient mon attention. Au premier plan, un soldat armé se tient face à l'objectif, désignant le spectateur du doigt. Sur son cou dégagé, on remarque "le triangle blanc" ; le tatouage que porte les membres de cette section de l'armée. En arrière plan, une ville futuriste attire l'œil. Je lis la seconde et dernière phrase, plus petite ; " Aucun danger : la mort dans l'Argus n'est qu'un doux réveil dans notre monde !"
Je sourie, dégouté par ce mensonge. Perdre la vie dans l'autre monde ne provoque pas un "doux" réveil. Au contraire, on se réveil en nage, bouillant, et parfois même, on perds la mémoire pendant quelques instants. Enfin... Tout ça, c'est du marketing pour grossir les rangs de l'Argus Lucidity, cette société qui traque les criminels enfuient dans ce monde parallèle. Ces soldats sont vus comme de véritables héros, autant par les personnes oniraunotes que par les citoyens normaux.
Arrivé chez moi, je trouve ma grand-mère, Rosalie, en train de préparer le diner. Pendant que je retire mes baskets, elle me sourie :
-Edvin! T'as journée s'est bien passée?
-Super... Je soupire, en m'efforçant de paraître content.
Elle fait mine de me croire, et rajoute du sel dans la casserole. Ses cheveux gris sont attachées en un chignon ébouriffé, coiffure qu'elle s'entête à faire tout les matins. Autour de sa taille est noué le tablier bleu ciel que je lui avais offert pour son anniversaire, l'automne dernier. Je me souviens qu'elle m'avait passé un savon, disant qu'elle ne voulait pas que je "gaspille mon argent pour elle". Ce qu'elle ne comprend pas, c'est que je l'aime plus que tout au monde...
Une heure après, nous voilà en train de diner devant la télé. Nous le faisons une fois par semaine; grand-mère déteste ça, contrairement à moi, qui adore. Habile avec mes baguettes, j'attrape une grosse bouchée de nouilles. Alors que je galère à mâcher, Rosalie coupe le son du show télévisé et se tourne vers moi. La bouche pleine, je l'interroge du regard. Elle dit, tristement :
-Ecoutes Ed... Tu m'avais dis que tu prenais tes médicaments pour ne pas aller dans l'Argus quand tu dors...
J'avale d'une traite, manquant de m'étouffer:
-Oui, je les prends chaque soir.
-Non, ne me ment pas. Ne ment surtout pas à propos de ça, Edvin. Reprend t'elle, d'un ton plus sévère. J'ai trouvé le paquet dans ta chambre, et il est encore plein.
Je pose mon bol sur la table basse, et ferme les yeux. Là, j'en ai pour un moment.
-Tu m'avais juré que tu n'y retournerais plus! Lâche t'elle. Depuis la mort de tes parents, tu y allais chaque nuit... Et suite à ce qu'il s'est passé il y a trois mois, tu m'as juré d'arrêter!
La lumière bleuté de l'écran télé se reflètent dans ses yeux, humides. La voir inquiète comme ça me fend le cœur. Je m'approche d'elle et la prends dans mes bras. Sa tête blottit contre moi, je sens ses larmes couler. Elle bredouille:
-Tu as tellement grandit Edvin... Tu es un vrai jeune homme maintenant... Et je t'aimes si fort... Tu comprends que je suis inquiète, quand tu vas dans cet endroit... Parce que quand tu y es, moi je n'y suis pas, et je ne sais pas ce que tu y fais...
Je caresse son crâne, sans rien dire.
Assis au bord de mon lit, je sors un comprimé de la boite. Puis, le jette à la poubelle. Comme ça, grand-mère croira que je l'ai pris... Comme d'habitude, j'avale un somnifère, qui m'assures de ne pas me réveiller une fois dans l'Argus. On se sait jamais, si je venais à trouver celui que je cherche depuis 11 ans... Finalement, j'éteins ma lampe de chevet, et m'enfonce sous la couette. J'entends encore la télévision, Rosalie à dû s'endormir devant...
Petit à petit, le son se fait de plus en plus bas, jusqu'à ne devenir qu'un long sifflement. Je sens mon corps devenir léger, mon esprit se vider... Je suis comme transporté....
Un instant après, je rouvre doucement les yeux. Me voilà dans l'Argus.
Cette ville futuriste, complètement incroyable, aux tours immensément élevées, abrite les oniraunotes. Je suis au milieu d'un carrefour, remplit de passants. Je sourie à l'idée de me dire qu'eux aussi, on une vie dans ce monde... Sur leurs visages se reflètent les lumières colorés des écran publicitaires plantés un peu partout.
Je me dirige rapidement vers le trottoir, voyant le feu devenir vert. Les automobiles passent aussitôt, volant à quelques dizaines de centimètres du sol. Les néons fluorescents de celle-ci m'éblouissent. Malgré tout, je commence à marcher, regardant bien tout le monde autour de moi. J'ai passé 11 ans à chercher une certaine personne dans cette ville, sans jamais la trouver... Mais, je sais qu'un jour j'y arriverais !
J'aperçois au coin du boulevard deux soldats d'Argus Lucidity, portant le triangle blanc au cou. Ils se pavanent dans la rues, assurant la l'ordre et la sécurité des oniraunotes.
Soudain, alors que je me trouves dans une sombre ruelle, quelqu'un passe en courant à côté de moi, me bousculant violemment. L'homme tombe au sol, jurant. Au même moment, j'entends une voie s'écrier :
-Arrêtez le !!!
Sans comprendre ce qu'il se passe, je me jette sur le fugitif, bloquant ses bras derrière son dos. Celui-ci se débat, m'insultant de tout les noms. Je sens alors une main se poser sur mon épaule;
-Merci bien.
Je tourne la tête. Une jeune fille, d'environ mon âge, se tient devant moi, ses yeux couleurs prunes plongés dans les miens ses cheveux d'un bleu foncé flottant autour d'elle. Elle répète, voyant que je ne réagis pas rapidement :
-Merci bien! Je m'en occupes maintenant.
Elle me pousse un peu, et passe des menottes électriques aux poignets de l'homme. Je demande alors, reprenant mes esprits:
-Euh... Qui est tu?
Elle se retourne, me toisant de haut en bas. Sa bouche s'ouvre pour me répondre...
Je me réveil. OH NON ! Je n'ai même pas eus le temps d'entendre son nom ! Je suis maudit ! En plus, je ne la reverrai sans doute jamais...