La théorie des cactus

By Imaxgine

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Logan, c'est le grand brun aux yeux bridés qui aime les drames, ceux qui se terminent par de longs dialogues... More

Avant-propos.
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Épilogue.
Mot de la fin.

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By Imaxgine


— Logan, réveille-toi.

J'ai grogné contre l'oreiller. Sacha m'a secoué de nouveau.

— Espèce de paresseux, a-t-elle murmuré. Ne m'oblige pas à utiliser la force.

— C'est déjà fait, je crois.

— C'est une journée spéciale aujourd'hui.

— Elle pourra commencer un peu plus tard, je t'assure.

Sacha m'a embrassé la joue.

— Ça devient une habitude, comme ça ? ai-je demandé.

— Tu te plains ?

— Pas du tout. Continue, continue, je t'en prie.

— Idiot.

Mon amie s'est extirpée hors du lit, un sourire aux lèvres. Je l'ai observée, la tête à moitié enfoncée dans l'oreiller.

— Allez, hop ! Lève-toi !

— Non, il est encore trop tôt.

— C'est mon anniversaire.

Je me suis immédiatement redressé. Sacha affichait un sourire en coin.

— Tu as dix-huit ans aujourd'hui.

— Oui.

— Tu es majeure.

— Oui.

— C'est ton anniversaire.

— Exactement ! Allez, lève-toi maintenant.

Je me suis levé péniblement, encore un peu dans les vapes. Je devais toujours avoir une tête à faire peur et ce, malgré le fait que j'avais dormi dans un lit bien confortable. Le manque de sommeil était en cause, cette fois. Mon reflet dans le miroir m'a confirmé ce que je craignais le plus : j'avais payé de mon peu d'heures de sommeil. En effet, deux boutons s'étaient glissés sur ma mâchoire et sur l'arête de mon nez. J'avais d'énormes cernes noires qui pesaient sous mes yeux. Sacha a souri en me voyant me détailler dans le miroir. J'ai soupiré.

— Alors c'est quoi le plan pour aujourd'hui ?

— Tu sais ce qui me ferait le plus plaisir ? a-t-elle demandé.

— Vas-y, dis-le moi. C'est ta journée, après tout.

— J'aimerais que tous les deux, on reste confortablement à l'appart et qu'on se tape un marathon de mes séries préférées.

— Je suis pour, ai-je dit. Et pour ce soir ?

— Mon père nous invite au resto.

J'ai haussé les sourcils.

— C'est dans ses moyens ?

Sacha a grimacé.

— Il m'a assuré que si, mais j'ai bien du mal à le croire.

— Je payerai nos deux repas.

— Je doute qu'il accepte ça. Mon père déteste être pris en pitié.

J'ai souri.

— Sans blague, ai-je dit. La pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre.

— Tu sonnes comme mon grand-père avec tes proverbes vieux de cent mille ans.

— Dit la fille qui lit des classiques de la littérature anglaise.

— Tu aimé Les Hauts de Hurlevent, pas vrai ?

— Pas vraiment, ai-je répondu. C'était beaucoup trop lugubre.

Elle a ri.

— Tu as oublié quelque chose, Logan.

Sacha s'est postée face à moi, un sourire malicieux sur les lèvres.

— Quoi ? me suis-je inquiété.

— Tu ne m'as pas souhaité un joyeux anniversaire.

— C'est vrai, ça.

Je l'ai serrée contre moi. Elle sentait la pêche.

— Bon anniversaire, Sacha, ai-je murmuré.

— Merci.

Elle m'a serré plus fort contre elle.



Nous avons bel et bien passé l'après-midi allongés sur le canapé, à regarder une dizaine d'épisodes d'une série que je ne connaissais pas encore jusque là. Sacha était vraiment à fond dedans. Même s'il devait s'agir de scènes qu'elle avait déjà vues des millions de fois, elle réagissait comme si elle en était à son premier visionnement. Ses yeux s'écarquillaient, son nez se plissait, ses sourcils se fronçaient... Elle réagissait à tout, absolument tout. J'en étais venu à me dire qu'elle était beaucoup plus intéressante que l'émission qui jouait à la télévision.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? m'a demandé Sacha, entre deux épisodes de Stranger Things.

— T'as une drôle de tête quand tu regardes cette série, ai-je admis.

— J'ai une drôle de tête ?

— Ouais, t'es bizarre, tu réagis à tout.

— J'aime cette série.

— Je sais.

Elle a souri. J'ai souri. Puis, elle a fait joué un autre épisode de sa série préférée.

Vers dix-huit heures trente, le père de Sacha est revenu de son boulot et a proposé de nous amené dans une rôtisserie pour souper. Sacha et moi avons échangé un coup d'oeil. Finalement, c'est Sacha qui a décidé de prendre la parole la première.

— Écoute, papa, je n'ai pas envie d'aller au restaurant.

— Si c'est une question d'argent, je peux payer, tu sais. Je te l'ai déjà dit, Sacha.

— Non, ce n'est pas ça.

Mon amie m'a regardé pour obtenir un coup de main de ma part.

— Et si on commandait une pizza ? ai-je suggéré. J'ai envie d'une pizza ce soir. Pas toi, Sacha ?

— Oui, une pizza ce serait parfait.

Son père nous a longuement regardé avant de trancher.

— Vous êtes certains que ce n'est pas une question d'argent ? Parce que ça me ferait plaisir de vous invitez au restaurant.

— Vous en avez déjà suffisamment fait pour nous ce week-end, ai-je dit.

— Et puis, j'ai envie d'une soirée tranquille à la maison. Tu sais, confortable dans mon pyjama, en famille.

C'était l'argument de taille.

— S'il-te-plaît. Il n'y a rien qui me ferait plus plaisir.

Le géniteur de mon amie a soupiré.

— Vous avez gagné. Je commande une pizza.

— Pepperoni fromage !

— Non, hawaïennne.

Sacha m'a fusillé du regard.

— Pepperoni fromage.

— Hawaïenne.

— Pepperoni fromage.

— Hawa...

— Vous savez quoi ? a déclaré le père de Sacha. Elle sera moitié pepperoni, moitié hawaïenne. Ça vous va ?

J'ai souri à Sacha. Celle-ci m'a frappé le bras amicalement.

— C'est mon anniversaire.

— Et alors ? Ce sera le mien dans trois mois. Aussi bien en profiter maintenant.

— Attends ton tour.

J'ai levé les yeux au ciel, amusé.

En attendant que la pizza arrive, Sacha et moi sommes allés au balcon. Nous nous sommes installés sur des chaises pliantes. Il pleuvait un peu depuis ce matin, si bien que l'air était humide. Sacha a ramené ses genoux contre sa poitrine et m'a regardé.

— Demain, on repart, a-t-elle murmuré.

— Je sais et j'en ai pas envie.

— À cause de tes amis ?

— À cause de mes amis et de nos deux derniers mois d'école.

— Ça te fait peur ?

J'ai ricané.

— Tu sais bien que graduer, c'est ce qui me fait le plus peur.

— Pourtant, t'as rien à craindre.

— Je sais bien, ai-je dit. Je ferai des erreurs, mais c'est ainsi que va la vie. Tu me l'as déjà dit, ça. Seulement, je sais pas... Je continue d'avoir peur d'être adulte.

Elle a souri.

— C'est vrai que ça fait peur.

— J'ai peur d'être indépendant, Sacha.

Son sourire s'est effacé.

— Toi, tu y arrives très bien.

— Pour le moment.

— Sacha...

— C'est la vérité, a-t-elle dit. Toi, tu as peur d'être indépendant, moi j'ai peur d'être dépendante.

— Ça peut-être pour ça qu'on s'entend aussi bien toi et moi.

Elle a ri.

— Pourquoi est-ce qu'on parle de ça, au juste ? a-t-elle demandé. On n'est pas encore rentré à Toronto tous les deux. C'est déprimant.

— Tu as raison. Il faut profiter du moment présent.

J'ai souri.

— Au fait, tu ne m'as jamais dit ce que tu voulais faire plus tard. Tu veux aller étudier à McGill, mais pourquoi faire ?

— Je croyais qu'on venait de dire qu'on profitait de l'instant présent.

— Je suis simplement curieux. Après cette question, j'arrête.

Sacha a semblé réfléchir.

— Professeure de littérature, a-t-elle dit. Je veux devenir professeure de littérature.

Ça ne m'a même pas surpris.

La pizza est arrivée vers dix-neuf heures. Sacha, son père et moi nous sommes installés à la table de la salle à manger. Avec nos assiettes de carton et nos verres en plastique, je trouvais que nous avions vraiment une drôle de manière de célébrer. Pourtant, c'était une manière simpliste qui me plaisait bien. Il y avait quelque chose de chaleureux dans cette façon de fêter. Niveau écologie, c'était une toute autre histoire.

Au beau milieu du repas, je me suis mis à piqué des frites dans l'assiette de Sacha. Elle m'a tapé la main, les sourcils froncés.

— Hé ! Bas les pattes, s'est-elle défendue. N'oublie pas, c'est un truc de couple ça.

Mes yeux rivés dans les siens, j'ai porté les frittes à ma bouche, provocateur. Sacha a levé les yeux au ciel.

— Tu es désespérant, Logan.

Je me suis mis à rire. Son père nous a jeté un petit coup d'oeil, un immense sourire aux lèvres.

Nous avons mangé en échangeant des anecdotes amusantes, en se racontant des histoires de toute sorte, les rires et les sourires aux bords des lèvres. Il ne fallait pas grand chose de plus pour rendre heureux trois Canadiens. Vers la fin du repas, Sacha a reçu un appel. Elle est allée s'enfermer dans la chambre d'ami pour y répondre, me laissant seul avec son père. Tous les deux nous avons terminé notre pizza en discutant de tout et de rien, jusqu'à ce que Sacha revienne quelques minutes plus tard.

— C'était maman, a-t-elle expliqué. Elle voulait me souhaiter un joyeux anniversaire et me demander si tout se passait bien.

— Et elle va bien ?

— Elle en avait tout l'air au téléphone.

Sacha a mangé sa croûte de pizza, alors que son père disparaissait dans la cuisine. Il est revenu quelques secondes plus tard avec un énorme gâteau au chocolat. Mon amie a éclaté de rire, tandis que son géniteur et moi entamions la traditionnelle chanson d'anniversaire. Sacha s'est penchée pour souffler les bougies.

— C'est quoi ton voeu ?

— Si je te le dis, il ne se réalisera pas.

— Superstitieuse.

Elle a ri.

Le père de Sacha a coupé trois morceaux de gâteau qu'il nous a servi un à un. Il a de nouveau disparu, mais cette fois avec un cadeau entre les mains. Il l'a tendu à Sacha.

— Bon anniversaire.

La blonde a déchiré le papier d'emballage, puis a ouvert la boîte en carton qui contenait le cadeau. C'était un livre, sans surprise. Mais lequel ? Je n'en avais aucune idée. En tout cas, il semblait comblé de bonheur Sacha qui a écarquillé les yeux en le voyant.

— Comment as-tu su ? a-t-elle demandé.

— Ta mère m'en a parlé au téléphone.

Cette idée ne devait pas plaire à Sacha, mais elle n'a rien dit.

— C'est quoi ?

Sacha m'a tendu le bouquin qu'elle avait dans les mains.

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee. Un classique.

— Le contraire m'aurait étonné.

— Tu en as déjà entendu parler ?

— Ouais, je crois bien que oui.

Elle a souri. Son regard s'est posé sur son père.

— Merci beaucoup.

— Il n'y a pas de quoi.

Il y a eu un silence.

— Quand tu auras fini celui-ci, tu me le diras. Je t'enverrai le deuxième par la poste.

— Pourquoi ne me le donnerais-tu pas en personne ?

— Tu aimerais ça ?

— Oui, a-t-elle murmuré. J'aimerais vraiment ça.

Frederick a souri, un regain d'espoir se lisant dans ses yeux. Je me suis dit que ce moment serait idéal pour un câlin père-fille, mais il m'est venu à l'esprit qu'ils n'en étaient peut-être pas rendu là.

Après avoir dévoré le gâteau au chocolat, nous avons jouer à des jeux de société. Sacha me battait à chaque fois au Monopoly, preuve qu'elle savait mieux gérer l'argent que moi. Les lumières étaient toutes allumées, malgré l'heure tardive et ce, pour permettre à Sacha de bien voir. Cependant, elle n'avait pas d'autres choix que de porter ses lunettes de soleil, sinon elle souffrait de migraines. Nous avons joué plusieurs parties, puis lorsque vingt-trois heures a sonné, Frederick est allé se coucher. Il nous a salué et a de nouveau souhaité un joyeux anniversaire à Sacha.

— On joue toujours ? a demandé Sacha.

— J'en ai pas trop envie.

— Mauvais perdant.

— Non, je suis tout simplement fatigué.

Sacha ne m'a pas cru une seule seconde.

— Allez, une dernière partie.

J'ai soupiré.

— C'est bien parce que c'est ton anniversaire.

Elle a ri. Ainsi, nous avons joué une dernière partie. Évidemment, la défaite me suivait de près. Sacha était trop forte en ce qui concernait les jeux de société. Au beau milieu de notre partie, j'ai reçu un message. Je me suis empressé de déverrouiller mon téléphone pour voir de qui il s'agissait. Ça ne m'aurait même pas étonné de tomber sur dix millions de messages venant de ma mère qui voudrait savoir si j'étais toujours en vie. Seulement, j'ai bien vu que ce n'était pas elle.

— C'est qui ? m'a interrogé Sacha.

— Gina.

— Qu'est-ce qu'elle te veut ?

Je n'ai pas répondu. Sacha s'est rembruni.

— Oh, je vois.

Elle s'est levé.

— Où tu vas ?

— Prendre ma douche, a-t-elle répondu.

— Mais... On n'a même pas fini la partie.

— Je gagnais de toute façon.

Elle est partie sans ajouter un mot de plus. Je l'ai regardée disparaître dans la salle de bain, complètement démuni. Qu'est-ce qu'il lui prenait d'agir ainsi ? Je n'avais fait que mentionner Gina. Depuis quand ne l'aimait-elle pas ? Parfois, j'avais bien du mal à saisir les agissements de mon amie. Sacha était compliquée et extrêmement contradictoire.

J'ai rangé le Monopoly, confus. Puis, je suis retourné à la chambre. J'ai enfilé mon pyjama et je me suis glissé sur un côté du lit. J'ai relu et relu le message de Gina. Elle voulait savoir si ça me disait de faire quelque chose prochainement. Un deuxième rendez-vous. Je me souvenais encore de notre premier, où elle s'était mise sur la pointe de ses pieds pour m'embrasser. Gina était petite, beaucoup plus petite que moi. J'avais répondu à son baiser, plus par réflexe que parce que je le souhaitais. Je devais bien lui plaire pour qu'elle prenne la peine de m'inviter à un second rendez-vous. Cependant, je n'étais pas certain de vouloir accepter.

Je fixais le plafond, lorsque Sacha est entré dans la chambre. Cette fois, elle était vêtue de son pyjama. Elle a défait sa tresse, puis elle s'est allongée sur le lit sans dire un mot. Nous sommes tous les deux restés allongés sur le dos, sans se regarder et sans se dire un mot. Puis, Sacha a poussé son corps vers la droite et m'a effleuré. Elle a sursauté.

— Logan ! s'est exclamée Sacha. Pourquoi ne m'as-tu pas prévenu que tu étais là ?

Elle ne savait pas que j'étais là.

— Désolé, désolé ! me suis-je excusé. J'avais complètement oublié.

— Je ne vois pas !

— Je sais, je sais. Je suis désolé.

Sacha s'est peu à peu calmée. Je me suis aussitôt senti mal.

— Tu m'en veux ? ai-je demandé.

— Non.

Il y a eu un silence.

— Pourquoi tu es fâchée, Sacha ?

Elle n'a pas répondu. Mais je doutais qu'elle dormait.

— J'ai oublié de te donner mon cadeau.

— Tu as un cadeau pour moi ?

— C'est ton anniversaire, non ? ai-je lancé.

— Oui, mais tu n'étais pas obligé.

Je me suis levé hors du lit pour aller chercher le cadeau que j'avais soigneusement glissé dans mon sac avant de partir. Sacha s'est redressée sur le lit. Elle a tapoté la table de chevet à la recherche de la prise qui servait à allumer la lampe de bureau. Je me suis empressé d'aller l'aider.

— Est-ce que tu vois quelque chose ? ai-je demandé.

— Pas vraiment.

— Tu voudrais que j'allume la lumière de la chambre ?

— Non, la source lumineuse est trop forte, a-t-elle dit. Je n'ai pas envie d'avoir mal aux yeux et à la tête.

J'ai acquiescé.

— De toute manière, tu n'as pas besoin de voir pour apprécier.

Sacha a froncé les sourcils.

— De quoi s'agit-il ?

— Tu verras.

J'ai aussitôt réalisé ma gaffe, mais heureusement Sacha l'a pris d'une bonne manière. Elle s'est mise à rire.

— Très mauvaise blague, a-t-elle dit.

— Pardonne-moi.

J'ai mis mon cadeau dans les mains de Sacha. Elle a haussé les sourcils, reconnaissant aussitôt le type d'objet que je lui tendait.

— C'est un livre.

— Pas n'importe quel livre.

— C'est-à-dire ?

— Promène tes doigts sur la couverture.

Sacha s'est exécutée. Lorsque ses doigts ont glissé sur le titre du livre, elle a écarquillé les yeux. J'ai souri, fier de moi. C'était exactement le genre de réaction auquel je m'attendais. Sacha m'a regardé, sans vraiment me voir.

— C'est du braille, a-t-elle murmuré. Tu m'as acheté un livre en braille.

— Oui. J'ai hésité à l'acheter parce que je me disais que ça ne ferait que te rappeler ta condition, mais...

— Logan, tu es génial. Vraiment.

Mon sourire s'est agrandi.

— Je sais que tu n'as pas appris le braille, mais je me suis dit que tu voudrais bien l'apprendre un jour ou l'autre.

— Merci. Sincèrement, merci.

Elle m'a serré contre elle.

— C'est quoi le bouquin ?

— Ton préféré, ai-je dit. Des souris et des hommes.

Sacha a souri.

— Tu penses vraiment à tout.

— Enfin, sauf à te rappeler que je suis dans la même pièce que toi.

Elle a ri.

— Ça va, a-t-elle dit. Tu as oublié, c'est tout.

Elle m'a embrassé la joue.

— Merci, Logan.

Je me suis allongé dans le lit avec elle, nos corps collés l'un contre l'autre. Sacha est parvenu à éteindre la lampe, après plusieurs tentatives. En l'observant, je me suis dit que ça ne devait vraiment pas être facile de vivre avec la cécité. Un geste aussi simple et quotidien qu'éteindre une lampe devenait tout un défi. À sa place, j'aurais eu bien du mal à endurer ce qu'elle vivait. Je me suis souvenu de ce que le père de Sacha avait dit l'autre soir : il ne fallait pas qu'être fort mentalement, il fallait être bien entouré. Et je me suis demandé s'il avait raison. Si, en quelque sorte, j'avais aidé Sacha à mieux porter ce poids sur ses épaules. J'aimerais bien le croire.

Nous sommes restés longtemps dans le silence total. Mes yeux étaient rivés sur le plafond. J'ai bien cru que Sacha dormait, jusqu'à ce que je l'entende parler.

— Je n'ai pas envie que tu fréquentes, Gina.

Je me suis retourné pour lui faire face.

— Quoi ?

— Je ne veux pas qu'il y ait quoi que ce soit entre Gina et toi.

— Pourquoi ? ai-je demandé, perplexe. Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?

Sacha n'a pas répondu. Je me suis redressé sur le lit.

— Écoute, Sacha, tu es mon amie, mais qui je fréquente ne te regarde pas. J'essaie de tourner la page ! J'essaie de passer à autre chose, comme tu m'as dit de faire.

— Tu n'es pas obligé de prendre la première venue pour ça.

— Ce n'est pas... Mais pourquoi je me justifie ? Je fréquente qui je veux après tout.

— Je crois que je suis amoureuse.

Mon coeur a arrêté de battre un instant.

— Tu crois ?

Une pensée m'a traversé l'esprit et m'a happé de plein fouet. J'ai songé à tout ce qu'on m'avait dit au sujet de Sacha, à quel point elle aimait jouer avec les gens. Je croyais que c'était du passé, mais voilà que j'avais de nouveau l'impression d'y être confronté.

— Pourquoi tu fais ça ?

— Faire quoi ? a-t-elle demandé.

— Pourquoi tu joues avec moi comme ça ? La seule raison qui te pousse à ne pas vouloir que je fréquente Gina c'est parce que tu veux que mon attention ne soit rien que pour toi. Tu te souviens de notre premier baiser ? Tu m'as embrassé juste après que Gina m'ait donné son numéro. T'étais jalouse, en fait. Tu voulais que toute mon attention soit sur toi. Tu veux que je tourne la page, mais en même temps, si je commence à m'intéresser à quelqu'un d'autre, tu deviens possessive. Pourtant, il ne se passera jamais rien entre nous. Je le sais bien, ça. Mais tu préfères me laisser croire qu'il pourrait y avoir quelque chose à chaque fois, comme ça je suis carrément à tes pieds. C'est égoïste, ça ! Explique-moi comment je suis supposé passer à autre chose maintenant ?

— Je suis vraiment amoureuse de toi, Logan.

Mes épaules se sont effondrés, en même temps que mon visage s'est affaissé.

— Quoi ?

— Je suis amoureuse de toi.

— De moi ?

— Oui, de toi.

J'ai inspiré profondément, sentant une vague de panique s'emparer de mon corps.

— Non, ce n'est pas vrai, ai-je dit.

J'ai fondu en larmes.

— Tu te fiches de moi. Encore.

— C'est vrai, je t'assure.

La voix de Sacha s'est brisée et elle a fondu en larmes, à son tour. Elle a pris mon visage entre ses mains et a appuyé son front contre le mien.

— Je suis amoureuse de toi.

J'ai secoué la tête.

— Non, non, tu mens.

— Je suis amoureuse de toi.

— Arrête.

— C'est la vérité, Logan. C'est la vérité.

Elle a inspiré profondément.

— Les papillons dans le ventre, le sourire niais aux lèvres dès que je t'aperçois... N'est-ce pas les symptômes de l'amour dont tu m'as parlés ?

J'ai ouvert les yeux.

— Tu es amoureuse de moi.

— Oui.

— Tu es amoureuse de moi.

Elle a hoché la tête. Un rire s'est échappée de ses lèvres, au même moment où quelques larmes se frayaient un passage sur ses joues.

— Moi aussi, je suis amoureux de toi, ai-je dit.

— Je sais.

Sacha a déposé un baiser sur chacune de mes joues.

— Qu'est-ce que tu attends pour embrasser ?

— Ça ne va pas se passer comme la dernière fois ? Tu ne vas pas me fuir, puis me balancer des méchancetés, pas vrai ?

Elle a ri.

— Non, pas cette fois.

Elle a inspiré profondément, refoulant quelques larmes.

— C'est promis.

J'ai posé ses lèvres sur les miennes et pressé son corps contre le mien. Je n'avais jamais autant ressenti le besoin d'embrasser quelqu'un, de ressentir cette proximité. Je me suis bien vite perdu dans notre baiser désespéré et à la limite de l'hystérie. Je ne pouvais pas être plus heureux qu'à ce moment-là, lorsque j'ai compris que mon amour était partagé.

— C'est promis, a répété Sacha entre deux baisers. C'est promis.

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