De manière précipitée, on dégage promptement la table de la cuisine, on étale une nappe propre par-dessus. Le corps de Liam y est placé. Logan et moi étions seuls, il n'y avait que nous deux dans la maison, seuls lui et moi pouvons le sauver, à savoir qu'elle est la gravité de la lésion. J'aperçois Logan se retourner rapidement et saisir des ciseaux avant de déchirer précipitamment le T-shirt en deux et d'enlever les lambeaux restants pour dégager son anatomie meurtrie.
Mes mains et ma lèvre inférieure tremblent par la monté de l'adrénaline. Je ne sais pas quoi faire à cet instant. Je zieute Liam pour apercevoir ses traits tirés par la douleur, sa mâchoire contractée et les poings serrés. En relevant les yeux vers Logan, je le vois se secouer les mains trempées.
— Tiens-le, dicte-il.
J'exécute l'action alors que le brun saisit une bouteille d'alcool qui traînait non-loin du plan de travail transformée en table d'opération. Il imbibe un tissu propre, préalablement sorti du placard, situé juste en dessous de levier. Sans attendre une seconde de plus, il applique une pression directe sur le bras, comprimé par un garrot que j'avais moi-même lié, pour contrôler le saignement prolongé. Un hurlement déchirant sort des lèvres de Liam, alors qu'il se tord pour contracter la souffrance qu'il endure. Je me sens inutile et au bord de la nausée.
— Bascule-le sur ton côté, poursuit-il.
Je saisis le corps ferme de Liam pour faire ce qu'il me dit. Il continue de maintenir la pression alors qu'il détermine s'il y a une plaie de sortie. Il m'aide à repositionner le blessé.
— La balle est restée dans l'organisme, ça a dû créer une perforation artérielle, envisage-t-il avec son vocabulaire avancé. Il va falloir l'enlever si on ne veut pas provoquer des lésions supplémentaires, déclare Logan. Va me chercher de la morphine, impose-t-il rapidement.
Je reste statique. Le saignement ne cesse pas malgré l'effort de Logan devenu chirurgien. Il vérifie rigoureusement le pouls de la victime à la gorge alors que l'on entend de moins en moins les plaintes du tueur. Dans la panique, j'interviens distinctement sans réellement prendre en compte le sens de mes paroles :
— Pourquoi ne pas l'emmener à l'hôpital ? Il sera pris en charge correctement là-bas Logan, invité-je à agir.
Logan essaie de contrôler le saignement majeur tandis que Liam se crispe sous la douleur. Sa tête tombe. Sa main droite se ferme en un poing. Il doit avoir trop mal pour parler et répliquer à quel point ce que je viens de proposer était de la pure débilité. Sa mâchoire se crispe.
— Ils peuvent le sauver et...
Il lève les yeux, son regard est sombre, une veine pulse dans son cou. Ses gestes ne stoppent, alors que je remarque enfin ses mains imbibées de sangs.
— Et quoi ?! Hurle-t-il. Putain Aurélie, toi-même tu le dis, c'est un criminel merde, s'il va là-bas, c'est la prison assurée merde !
Il essuie son visage de manière brusque et soudaine à l'aide de son biceps droit. Il poursuit avec âpreté et amertume :
— Et même si, par un miracle quelconque, il n'y est pas envoyé, n'oublie pas que tu es gardé de force ici... Un rire tout sauf communicatif s'échappe du fond de sa gorge irritée. Ne me fais pas croire qu'arriver à l'hôpital, tu resteras sage, assise à attendre que Liam soit soigné et dès qu'il sortira tu ne prononceras aucun mot contre lui lorsqu'il te kidnappera encore, suggère-t-il d'une voix cassante.
Je me fige. Les petits poils habillant ma nuque se dressent. Son ton me fait froid dans le dos. Aie. Je regarde ailleurs, honteuse d'avoir évoqué cette stupide idée, car je sais qu'il a raison et je ne trouve pas de mot pour contrer ses dires – il ne vaut d'ailleurs mieux pas que j'ajoute quoi que ce soit.
— Va me chercher de la morphine et une mallette, troisième placard en haut à gauche dans la salle de bains, m'informe-t-il d'une voix froide. Tu sais où elle se trouve, ajoute-t-il en reprenant ses affaires.
Sans rien ajouter de plus, je bouge et vais chercher ce qu'il me demande. Ce n'était pas difficile de trouver tout ce que Logan m'a demandé d'aller chercher. Dans la salle de bain, je me suis arrêtée, me demandant réellement pourquoi je faisais ça – et pourquoi je l'aidais à sauver Liam. Après tout, il était entre la vie et la mort ; il me suffirait juste d'en profiter et de partir à cet instant précis. Logan est trop préoccupé à le soigner pour s'occuper de moi et si Liam ne s'en sort pas, je n'aurais plus àm'inquiéter d'être poursuivie.
Mais lorsque je suis redescendue avec tout le bazar qu'il se passait, je me suis remémorée de l'aide que Christina allait me fournir – ou du moins ce qu'elle m'avait promis. Je ne savais pas exactement ce qu'elle attendait de moi et si ce qu'elle me disait était vrai – après tout, cela peut être un simple coup tordu de Liam ? Avec toutes les idées sordides qui lui passent par la tête et avec tout ce que j'ai vécu jusque-là, je ne sais plus qui et quoi croire.
Je ne pouvais pas partir maintenant dans tous les cas – beaucoup trop de choses m'y en empêchent, que ce soit le tueur... Ou ce qu'il m'attend à l'extérieur. Je sais ce qu'il me restait à faire : il fallait que je gagne la confiance de Liam.
Jusqu'à l'écraser.
Jusqu'à l'anéantir.
Jusqu'à le tuer.
***
J'inspire beaucoup en appréciant le calme qui se pose enfin dans la maison. De retour dans l'étrange pièce que j'avais déjà fouiné il y a plusieurs jours, je me concentre à nouveau sur les objets – désormais déplacés sur le côté. Les photos et les fils rouges ont disparu. Quelqu'un, probablement Liam, est passé par là et a fait le grand ménage.
Ce n'est qu'en fouillant dans les tiroirs que je trouve une photo. Une ancienne photo qui doit dater de très longtemps, la preuve avec cette poussière qui la tâche et les contours cramés qui l'abîment. En regardant de plus près, j'arrive à apercevoir plusieurs personnes. Trois enfants et deux parents, c'est assez difficile de repérer le détail de leurs visages. Le manque de lumière n'aide pas.
— Liam ne t'a pas déjà dit qu'il ne fallait pas fouiller dans ses affaires ?
Je repose la photographie et remarque Logan se tenir non loin de moi. Il saisit l'ancienne photographie entre ses doigts. Il la scrute puis la remet dans le tiroir que je venais de fouiller.
— Liam a tué cette famille ? Demandé-je d'une voix tendue.
— Tu penses qu'il les a tués ?
Il ricane mais reprend vite son sérieux. Il tousse assez vite avant de me rétorquer : Son ton est moins hargneux que tout à l'heure et semble plus préoccupé.
— Liam est stable, il dort pour l'instant, décrit-il d'un ton modulé. Je vais partir quelques heures pour faire mes affaires, murmure-t-il. Oh et les portes seront fermés. Je te fais confiance pour ne pas te casser ?
Très mauvais choix.
*
Arrivée au niveau d'une route, j'essaye de reprendre ma respiration. Je me suis perdue.
Où suis-je ?
Certainement pas à Portland. Je marche d'un pas vite le long de la route et puis tout d'un coup, un bruit de feuilles écrasées se fait entendre. Quand je me retourne, je le vois regarder autour de lui pour finalement s'arrêter sur moi.
Je n'attends pas une seconde de plus pour reprendre ma course. Mais je l'entends, il s'approche. Je saute pour éviter les obstacles, je contourne les arbres.
— Aurélie !
J'accélère encore plus et traverse la forêt en pensant désormais que je l'ai semé. Je souffle de soulagement, quand je remarque enfin que je retourne au même endroit où je suis partie pour me sauver de mon agresseur de l'autre fois. Je marche plus doucement vers ma maison, tout en vérifiant bien que l'assassin ne soit plus derrière moi.
— Enfin de retour, je dis dans un souffle.
Lorsque j'ouvre la porte, il n'y a personne, mais un air sombre régnait ici. Je hausse les épaules, pour me dire que ce n'est rien et que ça doit être juste mon imagination. Je marche le long des couloirs, avec le bruit incessant de ce parquet qui grince, me faisant penser que je suis dans un film d'horreur.
Je lève les yeux au ciel à cette idée. Je ne suis pas ce genre de fille, non, je suis plutôt cette héroïne qui est poursuivie par des personnes qui veulent sa mort.
Quand j'arrive dans la dernière pièce. Au fin fond du couloir, aucune lumière ne l'éclaire. Je ne me rappelle pas avoir fermé les rideaux. Puis avant d'avoir pu allumer la lumière, j'ai entendu un chuchotement disant clairement, « je t'attendais ».
Une fille a la tête baissée, ses mains sont attachées, tout comme ses pieds à la chaise. J'ouvre ma bouche lorsque je vois cette Afra à côté d'elle. Allongée, les cuisses percées et gorgées de sang. Pleines de coupures recouvrent son corps. Les yeux grands ouverts qui donnent l'impression que quelqu'un a voulu les lui arracher.
Le bruit d'une porte retentit. En me retournant, Liam est là, une capuche sombre se trouve sur sa tête. L'ensemble l'est tout autant. Il s'approche de la fille. Il passe devant moi comme s'il ne m'avait pas vu.
Le visage de la fille se lève pour l'observer. Je me vois, remplie de cicatrices, des cernes sous les yeux, la lèvre fendue. Liam attrape mon menton pour que je le regarde. En les regardant plus attentivement, je vois les lèvres de l'assassin bouger, mais aucun son ne sort. Je me regarde anéantie, sans comprendre ce qu'il se passe.
Je sors de la pièce quand la porte s'ouvre tout seule. Je dois partir d'ici. C'est un rêve. Un simple rêve. Je cherche une sortie avec précipitation. Je regarde chaque pièce en espérant trouver une route derrière une d'entre elles.
Puis, je tombe au sol lorsque j'en ouvre une délabrée. Je m'écorche le coude. En levant les yeux, j'aperçois un lit, rempli de deux personnes. Le cœur battant je me relève avec l'aide de mes mains. Je hausse les sourcils en les voyant se dévorer littéralement, puis cache mes yeux par réflexe ne désirant pas voir ce genre de détail.
En enlevant ma main, je vois la lumière traverser la pièce désormais plus rangée et plus propre qu'il y a quelques secondes. En regardant à nouveau le lit, je me vois. Sous le drap. Les yeux fermés et la main sous l'oreiller.
La porte s'ouvre. La personne dont je ne veux pas voir le visage s'approche vers moi doucement avec attention. Il s'accroupit. J'aperçois qu'une serviette recouvrir sa taille. La paume de sa main caresse ma joue délicatement.
Je reste statique en continuant de regarder la scène. Je n'en crois pas mes yeux ! La voix de Liam parvient à mes oreilles. Il embrasse mon crâne et chuchote les mêmes mots à mon oreille.
— Réveille-toi.
Je reprends connaissance, avachie dans le fauteuil.
De retour à la réalité.
Liam est toujours allongé sur le lit en face de moi. Il n'a pas bougé depuis maintenant deux heures. Liam est synonyme de peur. Excepté lorsqu'il dort, comme maintenant. Il semble presque vulnérable.
Je détourne le regard et décide de me lever. Après que Logan m'a gentiment laissé dans cette grande maison délabrée, seule.
Mon instinct me souffle que je ne découvrirais rien même si je fouillais toute la maison. Cependant, sa chambre est la seule pièce que je n'ai pas encore totalement fouillée. Banal et les volets fermés, on ne perçoit pas tous les détails des meubles. En fouillant dans sa commode, j'aperçois mon ticket de sortie. Un Colt Pocket Hammerless.
Je le regarde attentivement tandis que ma respiration augmentait. Je jauge derrière moi pour m'assurer que Liam dorme toujours. Je tremble et commence à marcher rapidement vers la porte.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine quand je pose la main sur la poignée. Je prie pour ne pas qu'il se réveille ou que Logan ne soit pas de retour. L'escalier est vide à ma plus grande joie et aussi à ma plus grande surprise. Quand j'arrive dans le hall d'entrée, un courant d'air frais me fait frissonner. Je bloque sur la porte d'entrée. Elle est ouverte. Est-ce un signe ou alors un piège ? Je pourrais partir parce que j'ai beau regarder à droite et à gauche, il n'y a personne pour m'arrêter. Mais une fois que j'aurais franchi le seuil, que ferai-je ?
Je change de direction. À peine, ai-je posé un pied dans la cuisine que le silence se fait et plusieurs paires d'yeux se posent sur moi. Logan, qui est assis sur un tabouret, non loin, fronce des sourcils en me jaugeant.
— Qu'est-ce que tu fais là, Aurélie ? m'interroge-t-il.
Sous son air sceptique, je me pince les lèvres.
— Restée en haut ne me plaisait pas, je réponds. Je croyais que tu n'étais pas encore rentré... ajouté-je d'une petite voix.
— Eh bien, comme tu le vois je suis ici, fait-il remarquer.
Il croise ses bras et me défie du regard et ne baisse pas les yeux.
— Je me demandais combien de temps il te faudrait pour descendre et être tentée de t'enfuir au vu de la porte ouverte.
Nous restions silencieux pendant près d'une minute avant que le silence ne soit rompu :
— Eh bien, comme tu le vois, je suis ici, rétorqué-je en reprenant ses mots.
Les mots franchissent mes lèvres avant que je les arrête. Il hausse les sourcils, surpris. Il lâche un petit rire moqueur avant de se lever et d'avaler la distance qui nous sépare.
— Comment va-t-il ? s'informe-t-il d'une voix paisible.
La question de Logan me déstabilise. Je hausse les épaules.
— Il dort toujours.
— Et toi ?
J'hésite une seconde à répondre. Je me mords la lèvre inférieure et la relâche avant de prendre la parole :
— Ça va.
Ses doigts se dirigent vers ma gorge. Je me dégage alors que sa peau touche la mienne, comme si c'était un virus qu'il ne fallait pas toucher. Logan me regarde avec des yeux doux, pour ne pas me faire peur.
— Ton cou n'a pas de marque. Noah n'a pas laissé de séquelles. Tu as de la chance qu'il n'ait pas garder plus longtemps ses doigts autour de ta gorge..
Ses yeux me fouillent, cherchant à appuyer la sincérité de ses propos. Sa voix se veut sincère et calme. Ses billes aciers reflètent la même chose. Logan semble le plus calme de tous ces tarés, néanmoins, j'ai du mal à lui faire confiance. Il me fixe d'un regard entendu, comme s'il voulait dire quelque chose, mais il n'y a rien à ajouter.
Je hoche la tête, parce que je ne sais pas quoi dire. Il s'éloigne vers le congélateur et me lance un sac de petits pois surgelés. Je l'attrape maladroitement.
— Liam ne va pas tarder à se réveiller, tu ferais mieux d'être là-haut avant qu'il ne remarque ton absence.
Alors que je regarde ce qu'il vient de me lancer, il s'explique :
— Je me suis dit qu'il aurait besoin de glaçons et de comprimés pour sa plaie, se justifie-t-il.
Dans un dernier coup d'œil, je quitte la cuisine et monte les marches en direction de la chambre. Juste avant de rentrer dans l'air de repos, je m'arrête net. J'inspire un bon coup et ouvre la porte dans un silence inouïe. Je m'approche du lit où Liam est encore allongé et endormi.
Il suffirait simplement d'encercler mes mains autour de son cou pour l'étrangler....
Je lève les yeux au ciel et expire bruyamment. Je place la glace sur le long pansement qui encercle la plaie.
Réflexion faite, même avec un bras en moins il serait capable de me plaquer au sol s'il s'avérait qu'il se réveille.
A/N_
BON. Il fallait bien que le moment "infirmier" sorte. N'étant pas très experte sur ça, je ne me suis pas attardée, j'ai cependant laissé le début pour que le petit échange entre Logan et Aurélie fasse son effet, et on ne peut pas ce le cacher... Il n'a pas tord.
Christina n'est pas là, mais apparemment, le fait qu'elle veuille l'aider n'échappe pas à l'héroïne. "Gagner sa confiance" suffira-t-il pour qu'elle puisse un jour espérer s'enfuir?
Ce rêve qu'Aurélie a fait au début est assez suspicieux et on se demande s'ils s'arrêteront un jour.
Ne vous en faites pas... Les choses vont s'accélérer....
Love.