Rimbaud et Lolita

By OhMyLonelyMonster

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La disparition de la jeune Nola Kellergan, tout le monde l'a oubliée, à Aurora. Ça se comprend, l'affaire rem... More

blurb
disclaimer
prologue
un // mouettes
deux // carottes
trois // cafés
quatre // équation
cinq // pluie
six // boîte
sept // monstre
huit // amertume
neuf // photographie
petit mot de l'auteure
dix // médisances
onze // vérité
douze // vengeance
treize // maison
quatorze // millard
quinze // lâche
seize // bébé
dix-sept // point de non-retour
dix-huit // embarras
dix-neuf // fantôme
vingt // corps
vingt-et-un // inopiné
vingt-deux // parias
vingt-trois // mère
bonus // océan mer
vingt-quatre // colère
vingt-cinq // winston
vingt-six // manuscrit
vingt-sept // sweet sixteen
vingt-huit // pénultième (1)
vingt-huit // pénultième (2)
trente // rideau
trente-et-un // calamité
trente-deux // adieux
trente-trois // magouilles
trente-quatre // canada
trente-cinq // déchéance
trente-six // twitter
trente-sept // alma
trente-huit // retrouvailles
bonus // montages photos
trente-neuf // règle d'or
quarante // dorian gray (1)
quarante // dorian gray (2)
épilogue
the end...or is it?
des mouettes et des hommes

vingt-neuf // glas

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By OhMyLonelyMonster

Second Chances, Imagine Dragons

Marcus fit une petite révérence devant la trentaine de personnes qui l'applaudissaient toutes en chœur. Il reconnut quelques visages dans l'assemblée : Travis, qui sifflait avec son index et son pouce; Jenny, qui lui envoyait la main, un gigantesque sourire aux lèvres; Dolores, derrière le « bar », qui levait un verre en son honneur; Daisy, au premier rang, qui sautillait sur place d'enthousiasme; et même Aldous qui, un peu en retrait de la foule, approuvait de la tête ce qu'il venait d'entendre, les bras croisés.

Marcus sourit. Lorsqu'il avait commencé à lire son chapitre à voix haute, il ne s'attendait pas à ce qu'ils réagissent tous de façon aussi chaleureuse. Bien sûr, il se doutait que plus de la moitié de son public l'avait méprisé au cours des mois où sa tête avait fait la une des magazines people, mais son orgueil était chatouillé par tous ces applaudissements, tous ces sourires rivés vers lui — lui, l'enfant prodige des lettres américaines — qu'il se permit d'oublier l'espace d'un instant les médisances sur le Goldbert.

— Si vous êtes curieux de connaître la suite de l'histoire, vous pouvez vous procurer mon livre auprès de monsieur Barnaski, que voici. Sinon, il sera en vente à la première heure demain dans toutes les bonnes librairies du pays. Mesdames, messieurs, merci de vous être déplacés en si grand nombre, passez une bonne fin de soirée!

Il les salua tous de la main et se tourna vers Barnaski qui rayonnait non loin de lui.

— C'est génial, Goldman, génial! Ou plutôt, vous êtes génial! hurla-t-il par-dessus le brouhaha des conversations qui reprenaient peu à peu.

Marcus ne put cependant pas discuter avec lui, car déjà une bonne dizaine de personnes se pressaient autour de lui pour acheter leur exemplaire.

— Ne partez pas trop loin, Goldman, vos lecteurs désirent sans doute des dédicaces!

Aussitôt, des cris d'approbation s'élevèrent parmi les rangs des fidèles lecteurs. Marcus leur sourit.

— Je reviens, ce ne sera pas long, leur promit-il.

Sans s'expliquer davantage, il disparut dans la mer de gens. Sa discussion avec Daisy, tout à l'heure, l'avait convaincu de confronter Harry sans plus attendre au sujet de son comportement étrange des derniers mois. La rouquine avait raison : s'il insistait, il finirait tôt ou tard par comprendre ce qu'il avait bien pu dire ou faire pour embraser le courroux de l'homme qu'il aimait.

Il l'avait aperçu parmi l'auditoire, juste avant qu'il ne commence à lire à voix haute, alors il ne pouvait pas être bien loin. Tandis qu'il tournait la tête dans toutes les directions au point de risquer de choper un torticolis le lendemain, il bouscula sans le faire exprès un jeune homme qu'il reconnut sans peine : Douglas.

— Doug', tu as vu Harry? cria-t-il sans préambule.

Son ami se gratta la nuque.

— Euh, je crois l'avoir partir vers la cuisine pendant que tu lisais tes chapitres...

— Merci.

Marcus mit le cap sur la cuisine et dut jouer à nouveau des coudes pour se créer un chemin jusqu'à destination. Avec tous ces gens massés les uns contre les autres, il avait l'impression que la température dans le salon avait augmenté de dix bons degrés, c'était insupportable. Il épongea son front humide du revers de sa main.

Tandis qu'il se frayait un chemin entre une grosse dame au parfum atrocement sucré et un homme au rire gras, son pied écrasa malencontreusement un verre de plastique vide qui traînait par terre. Il jura dans sa barbe; il n'osait imaginer à quoi ressemblerait la maison une fois tous leurs invités partis.

Une fois parvenu sain et sauf dans la cuisine, il tomba sur Dolores Harrison, occupée à ouvrir une nouvelle bouteille de champagne. Avait-elle, par un bienheureux hasard, aperçu Harry? À son grand dam, elle secoua la tête.

— Je croyais qu'il était avec vous?

Marcus leva les bras en l'air et fit mine de chercher autour de lui.

— Eh bien, comme vous pouvez le constater, il n'est pas là, ironisa-t-il.

Dolores fronça les sourcils et le dévisagea sans gêne aucune.

— Vous avez l'air tendu, Marcus. Vous avez pensé à consulter quelqu'un pendant l'été?

Voilà qu'elle remettait ce satané sujet sur le tapis!

— Non, j'ai été trop occupé, avec mon livre, marmonna-t-il.

Elle hocha la tête, comme si elle s'y attendait. Elle finit par ouvrir sa bouteille.

— Vous voulez boire quelque chose, peut-être, pour vous détendre? reprit-elle. Si vous n'aimez pas le champagne, il y a aussi du vin et de la bière.

— Non, merci. Je suis très détendu, rétorqua-t-il d'une voix pourtant crispée.

Elle arqua un sourcil sceptique en sa direction, mais n'insista pas. Soudain, des cris enjoués et des bruits de pas précipités éclatèrent dans leurs dos et elle faillit en faire tomber sa bouteille fraîchement débouchée. Marcus tourna la tête en direction de ce tintamarre. C'était trois adolescentes, un peu plus jeunes que Daisy à voir leurs bouilles juvéniles; elles tenaient contre leurs seins plats le nouveau livre de Marcus.

— Mon dieu, mais calmez-vous! leur intima Dolores, comme si elle se trouvait dans sa propre maison. À cause de vous, j'ai failli échapper cette bouteille. Vous savez que par les temps qui courent, ça coûte un bras, le champagne?

— Désolée m'dame, cria l'une des jeunes filles, une grande blonde aux dents croches. M'sieur Goldman, vous pourriez venir nous dédicacer votre livre, dites? S'il vous plaît?

— Oh oui, m'sieur Goldman!

— Venez!

Les gamines sautillaient presque sur place. Dolores soupira sans même tenter de cacher son mécontentement.

— Allez-y donc, Marcus, ou elles vont finir par casser quelque chose.

— J'arrive, les filles, leur lança Marcus, plus amusé qu'agacé. Laissez-moi aller chercher un stylo dans mon bureau, d'accord?

Elles piaillèrent, des étoiles dans les yeux :

— Oh oui, m'sieur Goldman!

— On vous attend, m'sieur Goldman!

— On bouge pas, promis!

Il se dirigea donc vers le bureau, avec dans son dos les « calmez-vous, les filles » et les « c'est un être humain comme vous et moi, bon sang » de Dolores. De nouveau, il affronta la cinquantaine de personnes rassemblées dans le salon, qu'il devait traverser pour atteindre le bureau. Il se força à sourire aux quelques invités qui l'abordèrent et leur promit qu'il s'occuperait de leurs dédicaces dans peu de temps.

— C'est ce que vous nous avez dit tout à l'heure, lui reprocha une vieille dame.

Des murmures d'approbation s'élevèrent des invités. Par miracle, Dolores Harrison sortit de la cuisine avec de nouvelles bouteilles et lui sauva la mise.

— Bon, qui m'avait demandé du champagne, déjà? cria-t-elle à la ronde.

Aussitôt, tous les invités s'avancèrent vers elle, attirés par l'alcool comme des chatons au lait maternel. Marcus la remercia du regard. Quand il gagna le bureau, il posa ses paumes sur le large bureau d'acajou, le menton collé contre son cou, et poussa un profond soupir de soulagement. Ça faisait du bien d'être loin des festivités, n'était-ce que pendant quelques minutes.

Il secoua la tête et se reprit. Il ne pouvait pas se permettre de jouer l'ermite à cet instant précis; ses lecteurs l'attendaient toujours dans le salon. Il se força à oublier Harry et sa mauvaise humeur des derniers mois et se mit à la recherche de son stylo préféré, qui devait traîner sous la pile de feuilles devant lui.

Il poussa un juron quand il ne le trouva pas. Il s'avança dans la pièce pour chercher dans les tiroirs. Et poussa un cri d'effroi : il venait de remarquer de l'autre côté du bureau un homme recroquevillé à même le sol. Les avant-bras posés sur ses genoux, la tête basse, il ne bougeait pas. À ses pieds trônait une boîte en carton bien familière, ouverte, qu'il contemplait d'un air lugubre.

Marcus, la main posée contre son cœur affolé, reprit sa respiration et laissa échapper un petit rire nerveux.

— Oh Harry, tu m'as fait peur!

— Ferme la porte, Marcus.

Sans trop savoir pourquoi, cette réponse polie et impersonnelle le glaça plus que toutes les réponses maussades et désagréables des derniers mois.

— Pourquoi? demanda-t-il, incertain.

— Fais ce que je te dis, c'est tout.

Marcus obéit. La porte se referma. Il s'avança ensuite vers lui et s'agenouilla à ses côtés. Il posa une main rassurante sur son épaule; l'homme avait une sale mine, de profonds cernes soulignaient ses yeux clairs et de nouvelles rides semblaient avoir creusé son front depuis la veille.

— Ça ne va pas? Tu te sens malade?

Harry grimaça et se dégagea d'un geste brusque de l'épaule.

— Ne me touche pas.

L'ordre gifla Marcus. Il balbutia :

— Mais qu'est-ce qui te prend?

— Il faut qu'on parle.

Il hocha la tête. Enfin quelque chose sur laquelle ils étaient d'accord.

— Tu comptes m'expliquer pourquoi tu es si distant avec moi?

Harry se crispa, le regard fuyant. Il murmura :

— Entre autres choses. Tu t'assieds?

Marcus tourna la tête vers la porte close du bureau, derrière laquelle s'impatientaient ses invités, en attente d'une dédicace. Pouvait-il les laisser poireauter encore quelques minutes, le temps qu'il règle ses problèmes de couple? Il se pencha de nouveau vers Harry et eut la très forte impression qu'ils ne sauveraient pas leur couple en seulement quelques minutes; l'homme le défiait du regard, sa bouche tordue en un rictus fielleux.

— Tu réalises que mes lecteurs m'attendent? rétorqua-t-il d'un ton léger. Ils veulent que je leur dédicace mon nouveau livre. Il n'y a pas que toi dans ma vie, figure-toi.

Il avait simplement voulu alléger l'atmosphère, mais Harry roula les yeux.

— Eh bien, va les rejoindre, dans ce cas! Je t'attendrai ici. De toute façon, depuis le temps, je suis habitué d'attendre après les gens.

Et c'était lui que Daisy accusait d'être susceptible? Marcus soupira; il sentait l'impatience le gagner. L'inquiétude, aussi.

— Ce n'est quand même pas de ma faute si Nola a disparu du jour au lendemain.

— Je n'ai jamais dit que c'était de ta faute.

Ils se défièrent du regard un moment : Marcus, debout, les bras croisés, et Harry, toujours recroquevillé contre le mur et le bureau. Finalement, Marcus prit place à côté de lui, sur le plancher dur et froid. Il prit soin de ne pas effleurer son épaule ou sa main au passage; il avait retenu la leçon.

— Tu sais quoi? soupira-t-il. Je ne partirai pas de ce bureau tant que tu ne m'auras pas expliqué ce que j'ai bien pu faire pour que tout change entre nous du jour au lendemain. Je pensais qu'avec du temps, tu redeviendrais le Harry que je connais. Je pensais que peut-être, ce n'était qu'une mauvaise passe pour toi. C'est pour cela que j'ai été patient avec toi. Mais là, ça suffit. Je commence à en avoir ma claque de tes sautes d'humeur. Qu'est-ce qu'il se passe, bon sang?

Il lui crachait à la figure tous les mots qu'il refoulait à son égard depuis le mois de juin, il n'en pouvait plus de faire semblant que tout allait bien. De l'autre côté de la porte fermée leur parvenaient les bruits assourdis de la fête : des éclats de rire, des verres qui s'entrechoquaient. Leurs invités s'amusaient. Eux, ils longeaient le précipice qu'ils avaient l'un comme l'autre évité pendant toutes ces semaines — un précipice de secrets et de non-dits.

— Tu n'aurais pas dû inviter tous ces gens pour ton lancement, murmura Harry. Tu sais parfaitement que je ne suis pas friand des bains de foule.

Marcus serra les dents devant l'accusation.

— Il me semble que tu étais d'accord pour cette fête, l'autre jour. Et tu n'as pas répondu à ma question.

Harry baissa les yeux sur la boîte en carton posée devant lui. Lentement, il y plongea une main et en retira trois, quatre photographies qu'il contempla, immobile. En s'étirant le cou, Marcus s'aperçut qu'il s'agissait de clichés d'une blondinette au sourire éclatant.

— Tu n'as jamais pu te résoudre à vraiment l'oublier, hein?

— On n'oublie jamais vraiment son premier amour.

Il se sentit soudainement trahi. C'était absurde, Nola n'était plus dans le tableau depuis plus de trente ans; pourtant, son fantôme hantait encore cette maison. Marcus aurait pu être le petit ami parfait, il ne faisait pas le poids contre cette gamine.

Harry renversa la tête en arrière, les yeux à demi clos.

— Ni toutes nos erreurs, murmura-t-il.

Les sourcils froncés, Marcus se tourna vers lui. Ses yeux cherchèrent les siens pour comprendre, pour deviner tout au plus ce qui se tramait dans le cerveau de cet homme brillant mais ô combien taciturne, par moments. Hélas, en vain. Harry s'obstinait à regarder la fichue boîte en carton restée ouverte, à leurs pieds. Soudain, il la poussa vers lui.

— Il n'y a pas que des photos et des articles de journal à l'intérieur. Fouille un peu. Dans le fond, il y a un paquet de feuilles. Lis la première page.

— Mais pourquoi? le brava Marcus. Avec toi, rien n'est clair, ça m'énerve!

Au même moment, quelqu'un hurla de rire dans le salon. Ni l'un ni l'autre n'y prêta attention. Harry secoua la tête.

— Fais ce que je te dis. Je t'en prie.

Marcus leva les yeux au ciel. Il ne comprenait rien et, en toute honnêteté, il n'était pas certain de vouloir comprendre. Il jeta un regard à la boîte, toujours devant eux, et eut envie de la brûler, là, sur-le-champ. Ils pourraient allumer un grand feu dans la cour arrière et regarder tous ensemble, Harry et lui au premier rang, leurs invités derrière, les souvenirs de ce maudit été 1975 se consumer devant leurs yeux. Ainsi, peut-être tout redeviendrait-il comme avant?

Mais il ne devait pas se bercer d'illusions : ça ne se passerait pas comme ça. 

Rendez-vous vendredi pour la suite...  

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