J'ouvris les yeux le lendemain, à peine reposée, ma nuit ayant été très agitée. Je m'étais réveillée plusieurs fois en pleurs et à chaque fois Maya me consolait, la pauvre je l'avais empêché de dormir une bonne partie de la nuit elle aussi. Cependant j'avais appris à mieux la connaitre, elle me racontait des anecdotes de sa vie d'avant pour m'aider à m'apaiser. Maintenant je savais qu'elle venait d'une petite meute, à peine composée de vingt loups ce qui était nettement moins que la meute de Glasby. Elle avait un grand frère et une petite sœur. Sa meute n'avait pas de territoire fixe, ils aimaient voyager, découvrir les pays. Cela devait vraiment être sympa comme mode de vie.
On avait conclu un marché. Si nous nous en sortions, Maya devait m'emmener découvrir le monde. En contre-partie elle aurait le droit d'intégrer la meute de Glasby, la sienne ayant été rayée de la carte. J'avais beaucoup de peine pour elle, ça devait être horrible d'être la dernière survivante de sa famille. Pourtant elle ne montrait pas de signe de faiblesse. Quand elle en parlait je ne voyais aucune émotion filtrer de son visage, elle était juste stoïque, sa voix ne tremblait pas, elle énumérait juste des faits qu'elle avait fini par accepter. Sa famille était partie pour un monde meilleur et elle les rejoindrait un jour.
- Ils ne vont pas tarder à nous apporter le repas de la journée, me dit Maya.
- Comment le sais-tu ?
J'étais surprise, je ne voyais pas comment elle pouvait savoir, il n'y avait rien qui laissait deviner quelle heure il était, pas de lumière, encore moins d'horloge. Juste le clapotis des gouttes d'eau tombant du plafond et la noirceur de la grotte.
- C'est facile, je sens ma louve se réveiller. Ils sont toujours à l'heure pour nous injecter le produit qui maintient les loups endormis. Quand tu sens ta louve revenir, ils arrivent généralement dans les cinq minutes qui suivent. Ils sont réglés comme des horloges ces vampires.
- Ah !
C'est vrai que je sentais Davana remuer. C'était très lointain et très faible mais je sentais tout de même sa présence au fond de moi. Et je dois avouer qu'après la petite scène d'hier j'avais une peur bleue de la laisser ressortir, elle s'était montrée si agressive...
- Dit Maya je peux te poser une question ?
- Hum ?
- Combien de loups as-tu tué ?
Elle sembla hésiter l'espace d'un instant. Son visage se ferma et elle prit une grande inspiration avant de répondre.
- Au moins quatorze.
J'étais sous le choc. Quatorze loups... elle avait tué quatorze loups et avait survécu à quatorze combats. J'en restais bouche bée. Elle était forte, beaucoup plus forte que moi. Peut-être que physiquement j'arriverais à suivre, enfin Davana, parce que c'est elle qui combattait, mais psychologiquement... avoir tué un loup c'était déjà beaucoup trop. Mes yeux commencèrent à me piquer et à s'humidifier.
- Ma louve me fait peur, avouais-je, elle était si violente et si agressive...
- C'est normal, elle cherche à vous protéger. La mienne aussi ne réagis pas comme à son habitude. Avant, elle n'aurait jamais fait de mal à une mouche, c'était une louve plutôt soumise. Alors toi avec une dominante je n'imagine même pas. Mais tu sais tu n'as pas à la craindre, elle reste ta louve.
Je ne répondis rien. J'aurais voulu réussir à faire comme si de rien était mais j'auvais besoin de temps pour digérer tout ça. Ce qui me faisait le plus peur c'était ce qu'elle avait ressenti en s'attaquant au loup, ou plutôt ce qu'elle n'avait pas ressenti. Elle n'avait eu aucun regret, pas de trace de la moindre culpabilité, rien. Le grincement de la porte en bois me sortit de ma rêverie. La femme en blouse blanche de la veille entra accompagnée d'un vampire que je n'avais pas encore vu. Il avait des cheveux châtains ainsi que des yeux verts. Il paraissait vraiment banal avec son jean bleu et son T-shirt noir, on aurait presque pu croire qu'il était humain... Si deux longues canines ne lui sortaient pas de la bouche. La femme s'approcha à grands pas de nous tandis que l'homme posa par terre un plateau avec deux bols remplis d'une sorte de bouillie immonde et deux verres d'eau.
Le « docteur vampire » m'agrippa par la nuque avant de me planter une aiguille dans l'avant-bras. Je grognais face à son manque flagrant de délicatesse ce qui sembla l'amuser. Elle s'approcha ensuite de Maya et lui réserva le même sort. La présence de Davana venait à nouveau de s'effacer, je me retrouvais une nouvelle fois seule.
Les deux vampires n'avaient pipé mots et étaient sortis sans se retourner. Une fois la porte refermée à clef maya se jeta littéralement sur l'un des bols rempli de bouillie. Je la regardais perplexe, ça sentait vraiment très mauvais et en plus l'aspect était assez... écœurant. Entre deux bouchées elle releva la tête vers moi.
- Qu'est-ce que tu attends pour manger ? Le plateau ne va pas rester là indéfiniment, c'est le seul repas de la journée alors un conseil : Avale cette nourriture tout de suite.
Je m'avançais vers le bol restant. Je faillis tout recracher dès la première bouchée, ça avait vraiment un goût affreux.
- Force-toi, ordonna Maya, si tu veux survivre dans l'arène il faut manger.
- Ok, fis-je dans une grimace.
Je mangeais avec lenteur, ordonnant à mon estomac de tout garder à l'intérieur. Une fois le bol fini je m'empressais de boire mon verre d'eau, espérant faire passer le goût. Maya se contenta de me sourire et de repartit s'assoir dans son coin. Moi je n'arrivais pas à rester aussi calme. Je faisais les cents pas, traversant la cellule de long en large. Ma tête était en effervescence, essayant de trouver une solution pour sortir d'ici.
Une idée me vint alors à l'esprit. J'étais liée à Cally, peut-être que je pourrais essayer de me servir du lien pour le prévenir, pour lui montrer ou je suis ? Je m'installais en tailleur au milieu de la grotte, il fallait que je me concentre. Je fermais mes yeux essayant de mettre la main sur le lien que je partageais avec Cally. Je pensais de toute mes forces à lui mais impossible de communiquer. Nous étions peut-être trop loin l'un de l'autre ? Ou peut-être était-il déjà passé à autre chose ? Cette simple pensée me comprima la poitrine.
Mon esprit commençait à divaguer çà et là. Je me remémorais un sourire aux lèvres mon arrivée à Glasby. Qu'est-ce que j'avais pu détester cette ville, et pourtant elle était devenue mon chez moi, plus encore que Carleroy ou j'avais vécu durant 17ans. Les habitants qui étaient pourtant hostiles étaient devenus ma deuxième famille, ma famille de cœur, celle que j'avais choisi et qui m'avais choisi. J'y avais rencontré des personnes formidables et le fait de penser qu'ils pouvaient être en danger, leurs ennemis à leur porte me donnait la nausée. Ils ne méritaient pas ça, ils n'ennuyaient personne. Ils se contentaient de vivre leur vie tranquillement. Tout ça à cause de leur ancien Alpha... Heureusement ils avaient Cally, j'étais certaine qu'il était apte à les défendre... Et Cléo... Ma petite Cléo me manquait aussi. Elle était devenue ma meilleure amie, toujours là pour moi. Sans elle je ne sais pas ce que je serais devenue. Elle m'avait toujours épaulée et répondu présente quand j'en avais besoin. C'était une fille en or et j'espérais qu'elle serait heureuse avec Ethan, comme j'aurais peut-être pu l'être avec Callypsow si je n'avais pas atterri dans cet endroit sordide.
- A quoi tu penses?
Je me retournais vers Maya, un peu surprise par son intervention.
- A Callypsow, avouais-je les joues rosies.
- Ton âme-sœur c'est ça ?
- Je ne sais pas si on peut vraiment parler d'âme -sœur, rétorquais-je.
- Il t'a marqué non ?
- Oui, mais à la base je n'étais pas d'accord. Davana a pris la décision toute seule.
- Oh je vois, ça doit être un peu tendu alors.
- Ça l'a été... mais je n'ai pas réussi à lui faire la tête longtemps, avouais-je un sourire aux lèvres en me remémorant ces souvenirs.
Le silence s'installa avant que maya ne le brise à nouveau.
- Si tu devais lui dire une chose, ça serais quoi ?
- Probablement que je l'aime...
J'avais dit ça sans vraiment réfléchir et je fus moi-même surprise par ma réponse. Je l'aime... Les larmes me montèrent aux yeux, je m'étais voilée la face tout ce temps. Je ne voulais pas éprouver ce genre de sentiments et pourtant, malgré moi, c'est ce qui était arrivé. J'aimais Cally, à un point que je ne n'aurais même pas imaginé et c'est son absence qui me fit l'admettre. Jamais personne ne m'avais autant manqué, j'étais vide à l'intérieur et pas seulement parce que Davana était endormie, non. J'étais vide par ce qu'il manquait la personne essentielle à ma vie, il me manquait mon âme-sœur, il me manquait Cally. J'allais probablement mourir sans jamais lui avoir révélé mes sentiments, c'était vraiment injuste. Il allait peut-être croire que je l'avais simplement abandonné ? Peut-être allait-il me haïr ? J'oscillais entre garder espoir et abandonner, m'avouer vaincue. J'espérais dur comme fer que Cally me retrouverais et la seconde d'après je perdais tout espoir. C'était vraiment frustrant. Il fallait que je me ressaisisse, pour moi, pour lui, pour nous. Je voulais un avenir, pas mourir ici alors j'allais me battre. Quoi qu'il m'en coûterait je sortirais d'ici vivante, plus de Cassy faible, juste une Cassy pleine d'espoir prête à tout abattre pour y arriver.
Je fermais les yeux quelques secondes pour imprimer ces paroles dans mon crâne. Je m'en sortirais. Et maya aussi, nous nous en sortirons toutes les deux.
A ce moment précis j'eu une sensation bizarre dans la poitrine. Mon cœur se comprima et je senti une douce chaleur m'envelopper, j'étais comme transportée par un flot d'émotions, émotions qui n'étaient pas les miennes.
« J'arrive ». Ces mots résonnèrent dans ma tête encore et encore. Ce n'était pas ma voix, c'était une voix masculine, celle de Cally. Je ne savais pas si je rêvais, si mon subconscient me jouait des tours mais je voulais y croire. Il arrivait, il venait me sauver j'en étais sûre. Mon Cally allait me sauver. Je me mis à sourire de toutes mes dents alors que mon visage était encore souillé de larmes. Maya devait me prendre pour une vraie folle mais je m'en fichais. Il allait venir et botter les fesses à tous ces vampires qui nous voulaient tant de mal. Je me tournais alors vers Maya, la joie émanant de mon corps entier.
- Il va venir nous sauver, lui dis-je.
Elle me regarda un instant comme si j'étais devenue complètement dingue.
- Qui ça ?
- Callypsow.
Elle éclata de rire ce qui me fit froncer les sourcils.
- Tu crois franchement que ton loup fait le poids contre une armée de vampire ? ria-t-elle.
- Ce n'est pas un simple loup, fis-je vexée.
- Ah non ? Alors qu'est-ce que c'est ? Un super loup ?
- Tu connais la légende sur les Mayor ? demandais-je sérieusement.
- Ouais, se sont les dieux qui nous auraient soi-disant créé, pourquoi ?
- Il s'appelle Callypsow Mayor.
Elle resta interdite face à ce que je venais de lui dire, son visage c'était fermé et elle semblait réfléchir, essayant de deviner si j'étais devenue complètement folle ou non. Elle allait ouvrir la bouche quand la porte en bois s'ouvrit dans un grand fracas.
La mère de Cléo entra, suivi du même vampire que la veille, celui qui avait bu mon sang. La rousse arborait un sourire radieux et je la dévisageais avec hargne.
- Bon les petits choux c'est parti ! Cassiopée c'est ça ? tu seras la première à divertir la foule, Maya tu passeras en deuxième.
Elle nous observa un instant avant d'ajouter :
- Allez du nerf on se dépêche Cassiopée, ton adversaire t'attend déjà dans l'arène !
Elle m'attrapa par le bras et me traîna à l'extérieur. Mon cœur battait à s'en décrocher de ma poitrine, j'allais devoir combattre, j'allais devoir tuer et surtout j'allais devoir affronter la fureur de Davana une fois de plus. Nous nous traînâmes encore dans les couloirs. Plus nous approchions de l'arène plus nous entendions les cris de la foule. Je commençais à trembler, je ne voulais pas y retourner, on ne peut pas s'amuser de la mort de quelqu'un c'est affreux. Obliger des gens à s'entre-tuer pour le plaisir... Il faut être fou ou simplement être des monstres. Je penchais pour la deuxième option.
Nous venions d'arriver face à l'arène. Antoine était toujours assis sur son trône un air supérieur scotché sur son visage. On m'emmena au centre, un garçon était déjà placé, entouré par plusieurs hommes en blouse blanche. Il me regardait, pétrifié, le regard brillant de larme. La femme en blouse blanche s'approcha de moi comme la veille avec une seringue et me la planta dans le bras sans plus de cérémonie. Au moins hier je n'avais pas vu mon adversaire dans les yeux avant de le tuer, là il était devant moi et me suppliait de ne pas lui faire de mal. Des larmes roulèrent sur mes joues quand je vis les barrières se refermer derrière les blouses blanches. Quand je sentis Davana revenir. Je ne pus murmurer qu'un petit « désolée » en direction du garçon. Je ne connais même pas son nom et je m'apprête à tuer son loup, à lui ruiner sa vie. Je savais que j'allais gagner, il était beaucoup trop faible, je le sentais au plus profond de moi.
Son loup était petit, gris avec des yeux bruns. Comme je m'y attendais il était chétif et totalement soumis. Davana le dépassait d'au moins vingt centimètres et le dominait de toute sa hauteur, sa rage encore plus cuisante qu'hier. Il allait mourir et il le savait, cela se voyais dans ses yeux. Il n'osait même pas bouger alors c'est Davana qui attaqua en première. Ce n'était qu'une poupée de chiffon face à sa rage et moi j'étais spectatrice de ce carnage, sans rien pouvoir faire. J'avais totalement perdu le contrôle sur ma louve. Le sang coula, l'odeur âcre emplissait mes narines, je voulais vivre mais d'autres personnes innocentes allaient devoir payer de leur vie mon égoïsme.
Je t'en supplie Cally dépêche-toi.