L'amour selon Alice

By Ellexa

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Alice est une jeune femme de vingt-quatre ans, libre, indépendante, irresponsable, à tendance libertine et fa... More

1 : Une sale journée, un Cosmo et un café
2 : Des lasagnes, mon frère et une cigarette
3 : Une obsédée, Lavande et du saumon poché
4 : De la glace, encore une fois mon frère et un deuxième café
5 : Un papillon, Gretchen et l'histoire de ma mort
7 : Une coupe menstruelle, une adolescente et un pack de bières
8 : Un cookie, une cougar et une invitation
9 : Une salle de sport, Kevin et un sandwich chaud
10 : Des pâtes froides, un homme marié et un baiser
11 : Une chemise, mon faux petit ami et de la sangria
12 : Ma vraie nature selon Eliott, une promotion et un match de foot
13 : La friendzone, une manager et David
14 : Un quart de siècle, un porno et ma mère
15 : Mon anniversaire, une robe et l'histoire avec Jeremy
16 : Justin, des céréales et une application
17 : Une tâche de ketchup, un adultère et un accord
18 : Trop d'alcool, du vomi et des sentiments
19 : Un deuil, des carottes râpées et un tajine
20 : Un appel, des mensonges et une scène
21 : Une tasse de thé, un appartement et un fils-à-papa
22 : Un PQR, des sushis et une course-poursuite
23 : Du sang, une omelette et un « je t'aime »
24 : Un brunch, Vincent et des excuses
25 : Encore une désertion, un appel vidéo et nous
NDA : La note d'Alice

6 : Des pleurs, un smoothie et mes parents

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By Ellexa

- Ça va ?

J'ai sursauté et me suis retournée vers la voix. J'ai plissé les yeux.

- Alice ? C'est toi ?

La silhouette s'est rapprochée et Nathan est apparu devant moi, cigarette à la main.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Je l'ai regardé encore quelques secondes, puis j'ai enfin décidé de lui répondre, sortant de mon moment d'absence.

- Rien, rien. Je médite.

- Tu médites ? Ici, à deux heures du matin ?

- Quoi ? Il est déjà deux heures ?

Il a ri, puis est venu s'asseoir à côté de moi. J'ai vite passé mes mains sous mes yeux, mais il s'en est rendu compte.

- Tu pleures ?

- Non, ai-je - très mal - menti.

Je l'ai vu esquisser un sourire, à la lumière du lampadaire juste devant nous. Puis il a continué de me regarder, et ça m'a forcée à lui parler.

- Personne ne viendra à mes funérailles, ai-je lâché avant de repartir dans un sanglot.

- Mais enfin, pourquoi tu dis ça ?

- Parce que j'ai pas d'amis, et ma famille sera morte avant moi. Je l'espère en tout cas, je les aime pas. De toute façon, ils ne viendraient pas, même mon frère s'en fout de moi.

- Ne dis pas n'importe quoi, tu as des amis, Alice.

- Non ! Non, je n'en ai aucun. Tu te rends compte, la fête pourrie ? Personne ne sera là lors de mon incinération, j'ai choisi une chanson super pour l'occasion mais il n'y aura personne pour l'entendre.

Nathan a passé une main sur mon dos. Ça a eu l'effet de m'apaiser, bizarrement.

- C'est quelle chanson ? m'a-t-il demandé.

- Allumez le feu, de Johnny Halliday.

- C'est glauque, a-t-il commenté en riant.

- Tu vas dire que ça aussi, ça te plait ?

Il n'a rien ajouté. J'ai soupiré, et lui ai pris sa cigarette des mains. J'ai fumé la fin en silence, tandis qu'il en rallumait une autre. Puis il a annoncé, après avoir entamé sa deuxième cigarette :

- Moi, j'irai à tes funérailles.

Je me suis tournée vers lui. Il regardait devant lui, une expression sincère sur le visage. Il l'a tourné vers moi, et m'a souri.

- Tu es sérieux ?

- Évidement. Et je mettrai l'ambiance, je peux te l'assurer.

- Merci.

- Y a pas de quoi.

Il a porté sa cigarette à ses lèvres puis est retourné dans sa contemplation du vague infini. Je continuais de le regarder. Sous ses airs hautains de snob à lunettes, il avait un certain charme, accentué par la lumière orangée du lampadaire et perdu dans ses pensées. Ses cheveux châtains révélaient, eux, avoir des reflets blonds, et étaient tout aplatis à cause de sa casquette, qu'il avait ôtée et attachée à sa ceinture.

Il a soudainement froncé les sourcils, sûrement perturbé par un élément de sa réflexion.

- Deux secondes, tu parles de ton incinération : tu vas mourir ?

- Comme tout le monde, ai-je répondu en haussant les épaules.

- Non, je veux dire : bientôt ?

- Quoi ? Non ! me suis-je exclamée. T'es con, non, bien sûr que non.

- Mais... pourquoi ça te rend triste que personne n'ira... enfin pourquoi tu y penses ?

J'ai soupiré en repensant à tout ce que m'avait dit Gretchen. C'était elle qui m'en avait parlé, mais je n'avais fait que nourrir le mauvais loup et avait ressassé par ma propre initiative.

- Parce que ma vie est pourrie, alors j'ai pensé que j'allais avoir des funérailles encore plus pourries et c'est ça le plus triste, alors j'ai commencé à pleurer et ça n'en finissait pas.

- Pourquoi ? a-t-il simplement dit en papillonnant des yeux.

- J'en sais rien ! Je suis méchante et irresponsable, je déteste les enfants, j'ai un boulot minable et un patron odieux, mon frère et celle qui est censée être ma meilleure amie ne m'aiment pas, je couche avec n'importe qui et je n'ai pas d'amis.

J'ai pris la deuxième cigarette de Nathan et ai tiré une taffe avant de la jeter sur le sol.

- Ma vie est nulle, ai-je conclu.

Cette fois-ci, je n'ai pas pleuré. J'avais dit ça plus en colère que vraiment triste. Car oui, je me plaignais, mais est-ce que je faisais quelque chose pour que ça change ? Combien de fois Cécile m'avait suppliée que je change de boulot pour ne plus avoir affaire au comportement de Lavande ? Combien de fois Eliott m'avait demandé de l'aider dans les tâches ménagères ? Combien de fois mes parents et Gretchen m'avaient traitée d'immature et d'irresponsable ? J'étais la seule fautive dans l'histoire, et je ne faisais rien pour y remédier. Tout ce que je méritais, c'était de passer sous un train ou de me jeter d'un pont.

- Il est quelle heure ? ai-je demandé à Nathan.

Je m'étais tournée vers lui pour poser ma question. J'ai remarqué qu'il me regardait avec un drôle d'air, et alors j'ai senti des larmes rouler sur mes joues.

- Deux heures huit.

- OK, je vais rentrer chez moi.

Je me suis levée, mais il m'a rattrapée.

- Non Alice, tu n'es pas en état de conduire.

- C'est bon, je suis triste, pas ivre, ai-je dit en riant malgré moi.

- Non. Tu restes là, je dirai à mon patron que j'ai eu une urgence. Tu ne bouges pas.

Alors, je l'ai attendu. Cinq minutes plus tard, je l'ai vu sortir du fast-food et venir jusqu'à moi. Il avait un sac en toile et une veste sur le dos, ainsi qu'un autre sac en papier dans la main, qui provenait du restaurant.

- J'ai pensé que tu devais avoir faim, m'a-t-il lancé alors qu'il était à quelques mètres de moi.

- Tu penses bien.

Je lui ai donné les clefs de ma voiture contre le sachet, et nous sommes rentrés dedans. Il allumait le contact lorsqu'une question essentielle a traversé mon esprit.

- Eh, tu sais conduire au moins ?

Il a tourné la tête vers moi et m'a regardée, l'air de dire « tu plaisantes, là ? ». Mais je n'ai pas bougé, et il a soupiré avant de lâcher :

- Oui, oui Alice, je sais conduire.

• • •

Des secouements m'ont sortie de mon sommeil paradoxal. J'ai grogné et ai enfoui ma tête dans mon oreiller, tout en ressentant une étrange sensation, comme si des milliers de marteaux-piqueurs avaient décidé simultanément de s'actionner à l'intérieur de mon crâne.

- Alice ! Alice, réveille-toi !

Et comme mon frère n'arrêtait pas de me secouer comme l'ours secouait un bananier dans un vieux dessin animé de Disney, j'ai tourné la tête vers lui et ai tendu mes mains vers son visage. J'ai agrippé ce dernier, l'ai rapproché jusqu'au mien et j'ai expiré devant son nez.

- Putain, Alice !

Ma mauvaise haleine matinale avait encore frappé.

- Je suis sérieux, réveille-toi, y a un mec dans le canapé.

- Y a un quoi dans le quoi ?

- Mec, canapé. Alice, t'es bourrée ?

J'ai essayé de me redresser sur mes coudes, mais ça devait donner le même résultat que la posture d'un pingouin à un cours de yoga.

- J'ai bu une ou deux verres... bouteilles, avec un ami.

- Le mec dans le canapé ?

- Ça se pourrait bien, ouais.

J'ai entendu mon frère soupirer. Mes yeux se refermaient d'eux-mêmes et ma conscience me hurlait de prendre une aspirine et de me rendormir. J'ai jeté un coup d'œil à ma table de chevet, et ai attrapé des cachets et une bouteille de whisky.

- Pourquoi tu as de l'alcool dans ta chambre ? m'a demandé Eliott.

J'ai haussé les épaules.

- Au cas où si j'ai soif.

J'ai avalé le cachet avec une gorgée de whisky. J'ai grimacé, ai remonté la couverture jusqu'à mon nez et me suis laissée tomber dans mon lit.

- Et maintenant, dodo.

- Non, non Alice, pas dodo ! Il y a un mec dans le salon à moitié en train de dormir et de manger le coussin du fauteuil, et les parents rappliquent dans une heure !

Ça a eu l'effet d'un sceau d'eau glacé.

- Tu peux répéter ? ai-je dit en me redressant d'un coup - ce qui a eu pour effet de me faire tourner la tête.

- Alice, je t'en parle depuis quinze jours : les parents sont de passage en ville et ils ont décidé de manger ici, et il est préférable, comme tu t'en doutes, qu'ils ne découvrent pas par la même occasion que leur fille aînée squatte chez moi.

- OK, OK, je vais réveiller Nathan. Toi, tu me prépares un petit dej' anti-gueule de bois.

- Alice, je suis pas ta bonne.

- C'est ça ou les parents découvrent que tu leur caches que j'habite chez toi.

Il est resté muet pendant cinq secondes, et m'a demandé dans un sourire :

- Tu les veux comment, tes œufs ?

J'ai jeté ma couette sur le côté et me suis levée non sans mal de mon lit. J'ai commencé à rassembler mes affaires dans un grand sac, que j'ai ensuite planqué dans une armoire.

- Oublie les œufs, fais-moi plutôt un smoothie à emporter. Un truc avec des cramberies, j'ai envie de cramberies.

- Je n'ai pas de cramberies.

- Non, mais tu as deux jambes, une carte de crédit et une épicerie à moins de cent mètres de chez toi.

Je pense qu'il avait voulu répliquer mais j'étais déjà partie dans la salle de bain. J'ai pris une douche rapide, ai enfilé des vêtements propres, ai caché mes cernes sous des tonnes de fond de teint et suis sortie de la salle de bain dans une meilleure posture. Il ne restait plus que vingt-cinq minutes pour ranger ma chambre, cacher mes effets personnels dispersés un peu partout dans la maison et partir avant que les parents n'arrivent. Un jeu d'enfant.

Sauf que j'avais oublié un détail.

En arrivant dans le salon, j'ai trouvé un énorme effet personnel qui ne rentrerait pas dans le fond d'un tiroir : Nathan était toujours là, en train de baver sur le canapé. Il dormait profondément, ses lunettes à moitié tombées de son visage, un bras calé sous sa joue et l'autre qui tombait sur le sol, ses doigts effleurant le tapis à poils longs du salon. Je me suis approchée de son visage, rien n'avait l'air de pouvoir le réveiller.

- Nathan ! ai-je hurlé.

Il s'est réveillé en sursaut, faillant me donner une droite en plein milieu du visage et en criant :

- Les femmes et les enfants d'abord !

J'ai arqué un sourcil. Il m'a dévisagée, tout d'abord d'un air absent et blasé, puis avec intérêt.

- On a un peu déconner hier soir, a-t-il déclaré.

J'ai jeté un œil aux cadavres de bouteilles de vin sur la table de la salle à manger.

- Tu penses ? ai-je fait ironiquement. Lève-toi Cendrillon, on doit bouger. Et vite.

- Je peux pas manger quelque chose avant ? Ou boire un cocktail de doliprane ?

- Bouge ton cul, on doit quitter cette maison dans moins d'un quart d'heure.

Il s'est levé difficilement du canapé (on aurait dit un bébé girafe qui venait de naître, j'étais tombée sur une vidéo un jour et c'était l'analogie la plus décente à faire) tandis que je me hâtais pour faire disparaitre les bouteilles de vin. Eliott est apparu, un sachet en plastique à la main.

- Mais qu'est-ce que tu fous ? me suis insurgée. Ce n'est pas l'heure d'aller faire du shopping ! Aide-moi bon sang !

- J'étais parti chercher des cramberies, a soufflé Eliott d'un air las.

- Mais t'as que ça à faire ? Prépare-moi un smoothie au lieu de faire de la pub pour manger-bouger. J'en veux un avec des fraises et des bananes.

Je me suis tournée vers Nathan, qui assistait à la scène depuis le salon, complètement ailleurs.

- Nathan, qu'est-ce que tu comprends pas dans « bouge ton cul » ?

- Pourquoi tu es si pressée ?

- C'est une question de vie ou de mort, Nathan, alors par pitié : sors de cet appartement.

Il a hoché la tête et est sorti de cet appartement.

J'ai récupéré le nécessaire de survie pour passer un samedi loin de ma chambre - téléphone, chargeur, barres protéinées et capotes - et y ai ajouté le verre de smoothie que mon frère me tendait. Il m'a accompagnée jusqu'à la porte où il m'a lâché :

- Ne reviens pas avant dix-sept heures.

J'ai quitté l'appartement et ai rejoint l'ascenseur. Puis, en attendant qu'il monte les trois étages qui séparaient le rez-de-chaussée à l'appartement de mon frère, j'ai eu une sorte de pressentiment qui m'a poussée à aller me cacher dans la cage d'escalier. J'y ai couru alors que les portes s'ouvraient sur mes parents. Je n'ai pas bougé jusqu'à ce que mon frère leur ouvre, assistant alors à une discussion déjà entamée dans l'ascenseur.

- C'est vrai qu'il n'avait pas l'air très net, ce garçon, disait ma mère.

- Tu sais chérie, c'est normal, à leurs âges, de vouloir s'amuser.

- Mais enfin, tu as vu dans quel état il était ? Il me faisait penser à Alice, tiens. Toujours en train de faire la fête, cette fille ne prendra jamais ses responsabilités.

- Cesse de la rabaisser, tu veux...

Puis j'ai entendu mon frère leur ouvrir et leurs voix se sont interrompues dans un claquement de porte.

Je me suis rendue dans l'ascenseur et ai entamé mon smoothie. Mon père avait toujours pris ma défense, dès qu'il trouvait ça juste - son passé d'avocat parlait pour lui, sûrement. Ma mère, elle, ne m'avait jamais aimée. Pas dans le sens où il fallait me plaindre parce qu'elle était une mère indigne, non ; parce qu'elle n'aimait personne, tout simplement. Même pas mon père, elle ne restait avec lui que pour l'argent.

Je suis sortie de l'immeuble et ai rejoint ma voiture. En la déverrouillant, j'ai aperçu le garçon pas très net dont ma mère parlait : Nathan, debout au milieu de l'entrée des garages. J'ai soupiré, puis l'ai appelé et lui ai fait signe de me rejoindre.

- Je vais me cloitrer dans un Starbucks pour le reste de l'après-midi, tu m'accompagnes, lui ai-je dit quand il eut monté dans la voiture.

- C'est sympa de proposer, mais je préférerais renter chez moi et dormir un peu, je travaille jusqu'à cinq heures ce soir et...

- Je suis pas un taxi, Nathan. Alors c'est le Starbucks ou tu rentres chez toi à pied et à moitié bourré.

- Je vais t'accompagner alors.

- Très bon choix.

J'ai bu une dernière gorgée de smoothie puis ai passé le reste du verre à Nathan, et j'ai démarré la voiture.

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