La théorie des cactus

By Imaxgine

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Logan, c'est le grand brun aux yeux bridés qui aime les drames, ceux qui se terminent par de longs dialogues... More

Avant-propos.
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Épilogue.
Mot de la fin.

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By Imaxgine


Le jour de la Saint-Valentin, Sacha était introuvable. Je l'avais cherché un peu partout durant la matinée, sans succès. Je l'avais appelée de nombreuses fois sur son portable, mais à chaque fois, je tombais sur sa boîte vocale. Plus les minutes passaient, plus je m'inquiétais. J'avais le sentiment que quelque chose clochait, que si elle était absente c'était parce que quelque chose n'allait pas. Pas plus tard que la veille, Sacha m'avait promis d'être là pour célébrer cette journée. Elle avait même suggéré qu'on se glisse en douce sur le toit de l'école et qu'on discute. C'était ce qu'on faisait le plus, elle et moi : discuter. Même si je doutais avoir le courage de grimper sur le toit de l'école, cette idée m'avait plu.

Mes soucis ne m'avaient toujours pas quitté lorsque, entre les deux cours de l'après-midi, mes amis et moi nous étions réunis près de l'entrée principale.

Seules Olivia et Alison semblaient vraiment profiter de cette journée. Mon amie d'enfance avait beau dire que la Saint-Valentin n'était rien de moins qu'une fête ringarde et commerciale, son regard affichait tout de même une lueur différente. Elle semblait plus proche d'Alison, comme si cette journée lui donnait le prétexte qu'elle attendait. Lawrence s'acharnait à les embêter, mais tous savaient que c'était uniquement parce qu'il se sentait affreusement seul au sein de cette marée de couples. En temps normal, j'aurais tenté de le réconforter, mais ce jour-là, j'avais trop la tête ailleurs pour en faire quoi que ce soit. Je ne pouvais m'empêcher de penser à Sacha. Où était-elle ? Pourquoi était-elle absente ? Ce genre de questions hantaient mon esprit.

Les corridors de l'école étaient décorés par d'énormes coeurs en carton que le comité étudiant réutilisait à chaque année depuis près d'une décennie. Les coeurs rouges étaient donc devenus roses et les coeurs blancs, jaunes. À chaque fois que je détournais le regard, je tombais sur un couple en train de s'embrasser. Les surveillants les laissaient faire, probablement parce qu'ils se trouvaient d'humeur festive.

Mes beaux discours sur l'amour me semblaient lointains. Maintenant, je réprimais simplement l'envie de massacrer chaque couple qui osait se câliner devant moi.

— Quelle journée de merde, a grommelé Lawrence.

— Tu dis ça parce que t'es célibataire.

— Merci d'enfoncer le couteau dans la plaie, Olivia ! Ça me remonte beaucoup le moral.

Olivia a souri.

— Regarde Logan. Il est célibataire et il semble bien le prendre.

— Avec la tête d'enterrement qu'il fait, j'en doute.

Mes amis se sont tous tournés dans ma direction. J'étais tellement préoccupé que je n'ai pas immédiatement remarqué que quatre paires d'yeux étaient rivés sur moi. J'ai soupiré.

— Je suis d'accord avec Lawrence, c'est une journée de merde.

— Qu'est-ce que je disais ?

Mon amie d'enfance et sa copine ont échangé un drôle de regard. Alison s'est penchée dans ma direction, une mèche rebelle lui tombant devant les yeux. J'avais déjà une idée de ce qu'elle allait me dire et je n'avais pas la patience suffisante pour l'écouter.

— Oui, je vais bien, l'ai-je devancé. J'ai simplement pas la tête à célébrer l'amour. Ça vous pose un problème ?

— Tu viens de décrire toute ma vie, a lancé Carter.

Je lui ai décroché un regard en biais. Avant même que je puisse répondre, on a scandé mon nom à l'autre bout de la pièce.

— Hé, Campbell !

Je me suis brusquement retourné, imité par mes amis. Un colosse aux cheveux châtains fonçait dans ma direction. Je n'ai pas pu cacher mon étonnement, alors que Cole Stevens venait à ma rencontre. Il s'est assis entre Carter et moi, comme si sa place s'y trouvait. L'espace d'une seconde je l'ai envié pour son étonnante capacité d'adaptation, puis je me suis souvenu du type qu'il était. À quoi bon envier un gars comme lui ? Il n'avait rien, mis à part des talents de sportif et une certaine notoriété. Oh, et il avait aussi Sacha. Sacha, la fille fascinée par les cactus qui disparaissait mystérieusement le jour de la Saint-Valentin. Son absence créait un manque autour de moi, comme si je m'étais secrètement habitué à sa présence. Pourquoi n'était-elle pas là ?

À l'arrivée de Cole, l'incompréhension déformait le visage d'Olivia. Carter dévisageait le jeune homme avec une lueur indescriptible dans le regard tandis que Lawrence crispait les mâchoires. Tous avaient leur attention rivée sur Cole Stevens, tous sauf Alison qui avait les yeux braqués sur moi. En croisant son regard, j'ai su qu'elle savait. Mon amie était une fille réfléchie pour qui les secrets étaient de simples énigmes qu'ils suffisaient de résoudre pour en connaître le contenu. Rien ne lui échappait. Pas étonnant que dans ces circonstances, elle savait pour Sacha et moi.

Cole a posé une main sur mon épaule et s'est tourné dans ma direction, un sourire aux lèvres.

— J'organise une fête ce soir et t'es invité.

Je me suis retenu de lui demander s'il était sérieux. J'avais parlé avec ce type quelques minutes seulement et voilà qu'il m'invitait à sa soirée. Qui aurait cru que c'était aussi facile d'être convié à une fête ?

Olivia a croisé les bras, fulminante.

— Sommes-nous également invités, Cole ? a-t-elle demandé.

Le jeune homme a hésité, observant mon amie comme si son visage lui disait quelque chose, mais qu'il était incapable de l'associer avec un prénom. Je savais bien que Olivia le testait et qu'elle posait uniquement la question pour que Cole culpabilise. Elle n'avait aucunement l'intention de se pointer à ce genre de fête, principalement parce qu'elle avait déjà des plans avec sa copine. Et puis, ça allait à l'encontre de ses principes. Olivia, la fille qui pestait contre tout ce qui avait la moindre notoriété, se serait gravement contredit en assistant à une soirée organisée par Cole Stevens. Je n'irais pas jusqu'à appeler cela de la compassion, mais je ne pouvais m'empêcher de prendre en pitié le jeune homme.

— Bien entendu, a-t-il déclaré. Vous êtes tous invités ! Personne n'est mis de côté.

— Ah bon ? a fait mon amie d'enfance.

Elle lui a lancé un regard de défi. Cole l'a dévisagé, se demandant probablement ce que cette fille avait bien à lui reprocher. Connaissant Olivia Flores, je savais bien que la situation allait rapidement dégénérée si je n'intervenais pas. Je me suis raclé la gorge et me suis tourné vers Cole, mal à l'aise.

— Je ne peux pas ce soir, désolé, lui ai-je dit. J'ai d'autres plans.

— Avec ta copine ?

— Non, pas exactement.

— En tout cas, si tu changes d'avis, mon invitation tient toujours.

Il m'a pressé l'épaule, puis il s'est levé. Le sportif s'apprêtait à partir, lorsque je me suis souvenu de quelque chose qui me tracassait l'esprit depuis un bon moment déjà.

— Euh, Cole, est-ce que t'as vu Sacha ?

Il a haussé les épaules.

— Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis hier, m'a-t-il avoué.

J'ai hoché la tête, perplexe. Cole m'a salué, puis il est reparti en direction de sa bande de potes. Que manigançait Sacha ? Il y avait quelque chose qui m'inquiétait dans sa subite disparition. Personne ne semblait savoir où elle se trouvait, mais nul ne semblait sans soucier. Étais-je le seul à m'inquiéter ? Sacha ne disparaissait pas ainsi, sans prévenir. Certes, elle était excentrique, mais certainement pas au point de disparaître du jour au lendemain.

— Logan ? T'as quelque chose à nous dire ?

J'ai levé les yeux en direction de mes amis. Olivia me toisait froidement, comme si j'avais enfreint une règle. Enfin, c'était un peu ce que j'avais fait à ses yeux. Pris sous l'impulsion du moment, j'avais complètement oublié la présence de mes amis.

— Depuis quand est-ce que t'es pote avec Cole Stevens ? m'a interrogé Olivia.

— Ce n'est pas mon ami, d'accord ? Je connais à peine ce mec.

— C'est Sacha, pas vrai ?

Je suis resté silencieux. La tension a alors monté d'un cran. Carter et Lawrence gardait les yeux rivés au sol, ne souhaitant pas se joindre à cette conversation désastreuse. Quant à Alison, elle me regardait, l'air inquiète. À l'expression qu'elle affichait, je devinais qu'elle ressentait de la pitié à mon égard. Je détestais qu'on aille pitié de moi ! Comme si j'étais incapable de me défendre contre les jolies filles et que de ce fait, j'avais sans cesse besoin d'être protégé. J'avais presque dix-huit ans, bon sang ! J'étais suffisamment responsable pour pouvoir me débrouiller seul.

— Logan, t'es con ou quoi ? Cette fille se fiche de ta gueule et t'es pile en train de tomber dans le panneau.

— Tu ne la connais pas ! ai-je protesté.

— Ah bon ? Pénélope non plus, je ne la connaissais pas. Devine quoi ? J'ai eu raison à son sujet.

— Sacha n'est pas comme Pénélope, Olivia !

Olivia a plissé les yeux, suspectant quelque chose.

— T'es amoureux d'elle, a-t-elle deviné.

— Quoi ?

— Oh, bon sang ! Logan, t'es amoureux de Sacha.

— Je ne... Je ne...

— Laisse-le tranquille, Oli, est intervenue Alison.

Mon amie d'enfance a fait la sourde oreille.

— Sacha joue avec toi, merde ! Lorsqu'elle en aura marre, elle te jettera.

— Arrête de te mêler de ma vie, Olivia.

— Je suis ton amie ! Je m'inquiète pour toi.

— Non, t'en as rien à foutre de moi. La vérité c'est que tu détestes Sacha Macleod parce que tu ne te fis qu'aux apparences. T'auras beau prétendre le contraire, tout le monde sait que t'es une fille superficielle.

Voyant que la situation commençait à dégénérer, Lawrence a senti le besoin d'intervenir.

— Logan, arrête.

— Non ! me suis-je exclamé. Je n'arrêterai pas. Vous ressentez tous le besoin de me protéger, mais je ne suis plus le même gars que j'étais il y a deux ans. Je suis suffisamment grand pour me défendre, alors foutez-moi la paix !

Je me suis levé d'un bond. Je me suis éloigné, incapable de rester plus longtemps en compagnie d'Olivia. J'avais besoin de souffler un peu. Si j'avais eu la moindre pulsion rebelle, j'aurais décidé de sécher le dernier cours de la journée, mais comme j'étais loin de vouloir m'attirer des ennuis, je suis resté dans le hall d'entrée de l'école devant la vitrine des récompenses sportives. J'ai pris une profonde respiration, les poings serrés, cherchant ainsi à me calmer. Ça a fonctionné au bout d'un moment et j'ai senti la colère que je ressentais se dissiper.

Au bout de quelques minutes, Alison est venue me rejoindre, les lèvres pincées. S'il y avait une personne que j'acceptais de voir en ce moment, c'était bien elle. Alison avait le don de calmer les choses et de rester neutre lors d'un conflit, même si ça impliquait sa petite amie.

— J'y ai été un peu fort, pas vrai ? ai-je demandé.

Elle a hoché la tête.

— Logan, t'as le droit de fréquenter Sacha.

— Mais ?

— Mais n'en veux pas à Olivia. Elle s'inquiète vraiment pour toi.

J'ai ricané.

— Elle veut contrôler ma vie, Alison !

— Elle ne veut pas que tu sois blessé, c'est tout.

Un silence s'est installé. J'avais conscience d'avoir un peu exagéré les choses, mais c'était plus fort que moi. J'en avais gros sur le coeur et le fait que Sacha ait disparu n'aidait en rien. J'étais un tantinet sensible ce jour-là. Décidément, il s'agissait d'une mauvaise journée. Si seulement la jolie blonde pouvait apaiser les inquiétudes que j'avais à son sujet...

— Vous ne connaissez pas Sacha, ai-je murmuré.

— Non, mais on te connaît toi.

— Qu'est-ce que c'est supposé vouloir dire ?

— Ne le prends pas mal, mais...

Alison a poussé un soupir, cherchant les bons mots pour exprimer le fond de sa pensée.

— Tu aimes trop.

— Comment peut-on trop aimer quelqu'un, Alison ?

— T'as un grand coeur, Logan, a-t-elle dit. Et puis, l'amour c'est compliqué. Certaines personnes ne méritent pas de recevoir tout l'amour que tu as à donner. D'autres ne croient pas le mériter. Au final, c'est toujours toi qui se retrouve blessé.

Je n'ai rien trouvé à répondre ça. Alison a posé sa main sur mon épaule, un sourire compatissant sur les lèvres.

— Tu veux que je reste avec toi ?

— Non, ça va. J'ai envie d'être seul un instant.

Elle s'est mise sur la pointe de ses pieds pour poser un baiser sur ma joue.

— Fais attention à toi, Logan.

Alison s'est écartée et m'a observé. Elle a pressé ma main, avant de tourner les talons. Je l'ai observée s'éloigner, de nouveau plongé dans le silence. Je me suis adossé contre la vitrine, faisant ainsi dos aux trophées. J'ai jeté un coup d'oeil à mon portable. Pas de nouveaux messages, pas de Sacha à l'horizon. Sacha, Sacha, toujours Sacha. Étais-je vraiment en train de commettre une erreur ?

Seul le silence m'a répondu.



Par simple curiosité, ce vendredi soir-là, je regardais le prix d'un billet d'avion pour certaines destinations de mess rêves. Entre deux devoirs de mathématiques, je m'étais donné le droit de rêver un peu.  Pourquoi calculer la tangente d'un angle alors je pouvais calculer le coût d'un voyage autour du globe ? Les mathématiques se basaient sur la logique, mais pourtant on nous apprenait des trucs aussi futiles que la trigo et l'algèbre, sans passer par ce qui nous attendait dans la vraie vie. Où reposait la logique ? Je doutais faire face à des problèmes tel que calculer le sinus d'un angle de trente-cinq degrés dans la vie courante. C'était à se demander pourquoi Sacha aimait autant les mathématiques.

Alors que je considérais le coût d'un billet pour Amsterdam, mon téléphone portable a sonné. J'ai décroché sans même regarder l'afficheur.

— Oui ?

— Logan ?

J'ai manqué de sauter au plafond en reconnaissant la voix.

— Sacha ?

— C'est moi, a-t-elle murmuré.

— Ça va ? Tu n'as rien ? Je t'ai laissé une dizaine de messages sur ta boîte vocale. Où étais-tu, bon sang ? J'étais mort d'inquiétude.

— Du calme ! Je disparais une journée et c'est l'affolement. Un peu plus et tu faisais débarquer le SWAT chez moi.

— J'y ai songé.

Elle a ri.

— Est-ce que tu vas bien ? ai-je demandé.

— Oui, Logan, je vais bien.

J'ai entendu de la musique résonner à l'autre bout du fil.

— Où est-ce que t'es, Sacha ?

— Je suis à la fête de Cole.

Je n'ai rien dit pendant un moment.

— Pourquoi étais-tu absente ?

— J'avais besoin d'être seule.

— Tu veux en parler ?

Sacha a soupiré.

— Non, pas vraiment, m'a-t-elle avoué.

— D'accord.

— D'accord.

J'ai souri.

— Est-ce qu'il y a la moindre chance que tu te pointes chez moi demain matin ?

— C'est très possible, en effet, a admis Sacha. Au risque de décevoir tes parents, je ne peux m'empêcher de venir chez toi le samedi matin.

— Si tu pouvais être plus discrète, ça aiderait.

— Logan, je croyais que tu avais compris que j'étais tout sauf une personne discrète.

— On a le droit de rêver un peu, non ?

Elle n'a pas répondu.

— À demain, alors.

— À demain.

— Oh, et Sacha ?

— Oui ?

— J'ai commencé à lire Des souris et des hommes.

— Et ?

— C'est mortellement ennuyeux.

Je l'ai senti sourire à l'autre bout du fil.

— Logan Campbell, tu es un cas désespéré.

Je l'ai salué, puis elle a raccroché. J'ai souri comme un idiot jusqu'à ce que mon père se pointe dans ma chambre. Il m'a dévisagé un instant, alors que je tentais de dissimuler mon sourire.

— C'était qui ?

— Sacha, ai-je répondu. Pas de chance, elle risque de se pointer demain matin.

Mon géniteur a ri.

— C'est ta mère qui va être contente.

Il s'apprêtait à repartir, lorsque je l'ai interpellé.

— Papa, est-ce que tu crois que c'est possible de trop aimer ?

Il s'est retourné dans ma direction, les sourcils froncés.

— C'est en lien avec Sacha ?

— Non, c'est par simple curiosité.

Mon père n'a pas semblé me croire.

— C'est une question rhétorique, Logan.

— Je veux te l'entendre dire.

— Tu veux que je te réponde non ?

— Je veux que tu sois honnête, ai-je dit.

— Alors, oui, je crois que c'est possible. Mais est-ce forcément une mauvaise chose ? Ça, il n'y a que toi qui peut le savoir.

Un silence s'est installé. J'ai cru qu'il allait finir par quitter ma chambre, lorsqu'il a lancé :

— C'est une chouette place, Amsterdam. J'ai toujours rêvé d'y aller.

J'ai écarquillé les yeux, avant de brusquement abaisser l'écran de mon ordinateur. Mon géniteur a pointé l'objet, un faible sourire sur les lèvres.

— Pourquoi regardes-tu le coût d'un billet d'avion pour les Pays-Bas ? J'espère que tu ne songes pas à fuguer.

Il plaisantait, mais j'étais incapable d'esquisser le moindre sourire.

— C'est pour un projet d'école, ai-je menti.

— Ah, d'accord.

Encore là, mon père n'a pas semblé me croire.

— Si j'étais toi, je jetterais un coup d'oeil du côté de l'Islande. Il paraît que c'est magnifique là-bas.

Sur ce, mon géniteur m'a souri d'un sourire qui en disait long. Peu de temps après, il quittait ma chambre. J'étais trop sonné pour dire quoi que ce soit. Savait-il ? M'avait-il entendu discuter avec Sacha ? Je n'en avais aucune idée.

Lorsque j'ai finalement récupéré mes esprits, j'ai agrippé mon téléphone portable et ai composé un numéro que je connaissais par coeur. On a décroché à la troisième sonnerie.

— Lawrence à l'appareil. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

— T'as envie d'aller à une fête ? ai-je demandé.

— Logan ! Ça, c'est une surprise. Je croyais que t'avais pas envie de voir ma gueule. Ah non, c'est celle d'Olivia que t'as pas envie de voir.

— Joue pas à ça, Lawrence.

— Je plaisante, bon sang ! Tu nous as fait un sacré numéro cet après-midi.

— Je sais et je suis désolé.

— Excuse acceptée !

Je me suis appuyé contre le dossier de ma chaise, soulagé de ne pas être en froid avec mon meilleur ami.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je joue aux jeux vidéos et j'espionne Drew sur les réseaux sociaux.

— Tu ne changeras donc jamais, ai-je blagué.

— Hé ! C'est la Saint-Valentin. Je noie mon chagrin comme je le veux, d'accord ?

— D'accord, d'accord. Qu'est-ce que tu dirais d'aller à une fête ?

— Celle de Cole ?

— Ouais.

Lawrence a semblé réfléchir un instant.

— Ça m'a tout l'air d'être un plan foireux, a-t-il lancé.

— T'es mon meilleur pote, ai-je rétorqué. C'est toi qui disait que les amis ça servaient à embarquer dans les plans foireux.

— Ah oui, j'ai dit ça moi ?

— Lawrence !

— C'est bon, je viens. De toute manière, ce sera toujours mieux que de regarder en boucle la story de Drew sur Snapchat.

J'ai ri.

— Je t'attends dans cinq minutes, ai-je dit.

— Pourquoi c'est moi qui doit être le chauffeur ?

— Crois-moi, si je pouvais éviter d'embarquer dans ta bagnole toute puante, je le ferais. Seulement, je doute que de se faire reconduire par sa mère dans une mini-fourgonnette aide à notre vie sociale.

— T'as pas tort.

Il a raccroché. Je me suis levé, sans même jeter un coup d'oeil à mon devoir de mathématiques qui m'attendait sagement sur le coin de mon bureau. J'ai rangé mon portable dans la poche de mon pantalon, puis je suis sorti de ma chambre. Mes parents étaient tous les deux assis devant la télévision, l'air peu préoccupés. D'aussi loin que je me souvienne, je n'avais jamais vu mes parents célébrer la Saint-Valentin. Pour eux, c'était une journée comme toutes les autres à la différence près que mon père offrait des fleurs à ma mère. Jamais ils ne sortaient ou ne s'organisaient de petits soupers romantiques. À vrai dire, une soirée ciné leur suffisait grandement, surtout quand ma génitrice travaillait le lendemain.

— Je sors, les ai-je informés.

Mes parents se sont regardés.

— Ah bon ? Où est-ce que tu vas ? m'a interrogé ma mère.

— Je vais à une fête.

— Avec tes amis ?

— Lawrence sera là, ai-je dit. Il vient me chercher.

— Il y aura de l'alcool à cette fête ?

— Sûrement.

— Sûrement ?

— Maman, c'est une fête ! C'est sûr qu'il y aura de l'alcool. Et puis, on a dix-huit ans, on a l'âge légal pour boire.

— Toi, tu as dix-sept ans.

— Dit celle qui me considérait suffisamment âgé pour boire du vin à l'anniversaire de grand-maman, alors que je n'avais que douze ans, ai-je ironisé.

Ma mère a souri.

— Tu marques un point, a-t-elle dit.

J'ai souri, victorieux. Ma génitrice a levé les yeux au ciel, n'ayant visiblement pas la force d'argumenter davantage avec moi.

— D'accord va à cette fête, mais si tu reviens complètement soûl, tu t'arranges avec ta gueule de bois.

— Ça n'arrivera pas, c'est promis.

— Le couvre-feu est à vingt-trois heures, m'a-t-elle rappelé.

— Minuit ?

— Vingt-trois heures trente.

— Minuit et demi ?

— Minuit moins le quart.

— Une heure du matin ?

— Bon, t'as gagné ! a-t-elle déclaré. Le couvre-feu est à minuit, mais si tu reviens une seule minute après ça, tu risques de passer un sale quart d'heure. Est-ce que c'est bien compris ?

J'ai hoché la tête. Ma mère a souri, satisfaite d'avoir eu le dernier mot. Mes géniteurs m'ont souhaité une bonne soirée, alors que je disparaissais dans le vestibule. J'ai enfilé un manteau et je suis sorti pour affronter le froid glacial de cette saison hivernale. Lawrence s'est pointé chez moi deux minutes plus tard avec sa vieille bagnole toute crasseuse. Je me suis immédiatement glissé sur le siège passager, de peur de me retrouver en hypothermie.

— T'as déjà été à une fête organisée par Cole ? m'a demandé mon ami, alors que je bouclais ma ceinture de sécurité.

J'ai secoué la tête à la négative.

— Comment on doit se comporter ?

— J'en sais rien. On doit être socialement à l'aise, j'imagine.

Ça l'a fait rire.

— Logan, on est socialement mal à l'aise. Ça va chier, ce truc !

— Et comment ! me suis-je exclamé.

— On y va ?

— Bien sûr qu'on y va, Lawrence. On va leur montrer de quoi on est capable !

— On dirait que t'es déjà soûl.

J'ai souri.

— Allez, démarre.

Son moteur s'est subitement mis à ronronner. Je me suis appuyé contre la vitre et j'ai observé les maisons de banlieue se plonger tranquillement dans l'obscurité. Dans le silence le plus total, nous nous sommes enfoncés dans la nuit étoilée.

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