Heureusement pour moi le bus s'arrêta à l'arrêt à peine 2 minutes après mon arrivée fracassante. Je laissais passer les autres élèves et grimpais dans le bus en dernière. Il y avait déjà pas mal de monde à l'intérieur et je pris place à côté d'une jeune fille d'à peu près mon âge, avec des écouteurs vissés sur les oreilles. Elle avait les cheveux roux coupés assez courts, un peu à la manière d'un homme.
Elle regardait par la fenêtre et je décidais de ne pas essayer d'engager la conversation, vu le fiasco que j'avais fait quelques minutes plus tôt. Le trajet sembla durer une éternité, pourtant quand je pris mon téléphone pour regarder l'heure cela ne faisait que 10 minutes que nous étions partis de l'arrêt. Nous avions traversé la moitié de la ville quand le bus s'arrêta enfin prêt d'un grand bâtiment en briques rouges, entouré par de hautes grilles noires. Je pris une longue inspiration, mes jambes tremblaient un peu, j'étais stressée par ce nouvel environnement.
- Bon tu te décides à bouger ou je te fais descendre moi-même ?
C'était la fille assise à côté de moi. Elle avait rangé ses écouteurs et me fixait droit dans les yeux de ses prunelles vertes. Elle avait dit ça d'un ton las et monocorde, sûrement pour bien me faire comprendre que je la saoulais vraiment.
Je ne répondis rien et me contentais de descendre, mon sac sur l'épaule. Même si, je dois bien l'avouer, elle ne s'était pas adressée à moi de la manière la plus agréable qui soit, elle avait tout de même été la seule à me parler et comme j'étais complètement perdue, je me suis retournée en vitesse en espérant qu'elle n'avait pas déjà filé.
- Excuse-moi, je suis nouvelle, tu pourrais m'indiquer où se trouve le bureau de la directrice ?
J'avais essayé de prendre une voix la plus naturelle possible, mais je pense que je suis montée un peu trop dans les aigus pour paraître crédible. Elle me jaugea un instant avant de répondre.
- Tu vas tout droit, tu vois les grandes portes bleues ? Le bureau de la directrice c'est la troisième porte à droite tu peux pas la louper.
- Ok merci, moi c'est Cassiopée, lui dis-je en tendant la main.
A mon grand étonnement elle me serra la main en retour.
- Si je peux te donner un conseil, arrête tout de suite et prend des cours par correspondance. Mieux, quitte tout de suite la ville avec ta petite famille, ça t'évitera des ennuis. Je dis ça c'est pour toi, t'as l'air plutôt sympa comme fille.
Elle avait pris un regard presque désolé avant de tourner les talons et de suivre un groupe de filles un peu plus loin. Je m'étais attendue à ce que mon arrivée dans ce nouveau lycée ne soit pas facile mais là c'était carrément la catastrophe ! Soit on m'ignorait totalement, soit on me demandait de rentrer chez moi. Je marchais vers ces fameuses portes bleues tout en prenant conscience que tout le monde me dévisageait. Les discussions s'arrêtaient une nouvelle fois quand j'arrivais à proximité. Là c'était trop, je veux bien, je suis nouvelle mais il y a des limites quand même, je ne suis pas une bête de foire non plus !
- Vous regardez quoi là ?? hurlais-je tout en tournant sur moi-même.
Pour le coup j'avais vraiment l'impression d'être une hystérique. Il y eut un moment de gêne avant que plusieurs garçons n'explosent de rire.
- Elle a du caractère celle-là ! S'exclama l'un d'entre eux.
- Ouais peut être qu'elle durera plus longtemps que l'autre mec ! S'esclaffa un autre.
S'en était trop, tout le stress que j'avais ressenti un peu plus tôt c'était entièrement évaporé. Pourtant j'étais de nature assez timide, mais la méchanceté gratuite me mettait hors de moi et je perdais tous mes moyens. Je devais tenir ça de mon père, et je détestais cette sensation de « perte de contrôle ». Dans ces moments-là j'avais l'impression de devenir une autre personne, agressive, méchante et cruelle. J'allais m'avancer vers ces imbéciles hilares quand une main se referma sur mon bras. C'était la fille rousse de tout à l'heure et je peux vous dire qu'elle avait une sacrée poigne !
- Le bureau est par là. Me dit-elle froidement, je te déconseille d'aller te frotter à ces loulous, juste ignore-les.
Elle me tira avec une certaine détermination. Les traits de son visage étaient tendus et elle semblait assez stressée. Nous entrâmes dans l'établissement, l'intérieur était assez simple, juste des rangées de casiers bleus de chaque côté du couloir. Elle me tira encore sur quelques mètres avant de s'arrêter devant une porte ou il était inscrit : madame Hoya – Directrice.
Elle frappa à la porte avant de se tourner vers moi.
- Bon je te laisse, mon cours va commencer.
- Hé attend ! je la rattrapais par la manche. Tu ne m'as pas dit comment tu t'appelais.
Elle poussa un soupir avant de répondre.
- Cléo, Cléo Vilkanais.
- Merci Cléo !
Je lui souris et elle me fit un petit signe de la main avant de s'en aller. Finalement elle était plus sympathique qu'elle en avait l'air. Au même moment la porte du bureau s'ouvrit, me laissant, au grand damne de ma rétine, observer une grosse dame aux cheveux grisonnants et au regard sévère. Elle portait une veste cintrée jaune canari, ainsi qu'une jupe qui lui arrivait au niveau des chevilles, exactement de la même couleur que le haut. C'était affreux et pour le coup j'étais gentille. Comment pouvait-on porter une chose pareille et se sentir bien dans ses baskets ? Euh... ballerines ...
- Vous devez être Cassiopée je suppose ? entrez et installez-vous je vous prie.
Elle avait pris un ton plutôt sympathique, ce qui me rassura un peu. L'intérieur du bureau était aussi coloré que le personnage. Les murs étaient rose pastel, les différentes lampes et autres accessoires bleu ciel et vert, et le mobilier dans des tons blancs. Je dois bien avouer que tout s'harmonisait plutôt bien mais cela faisait tout de même un mélange un peu trop coloré à mon goût si on prenait en plus compte les vêtements de la directrice. Un téléphone sonna me faisant sursauter.
- Oui allo ?
- ...
- Oui ?
- ...
- Oui je comprends tout à fait
- ...
- Il n'en sera bien entendu pas tenu pour responsable.
- ...
- Je chargerai Cléo de lui transmettre les cours de la semaine...
- ...
- Merci beaucoup monsieur, et surtout prenait soin de transmettre à Callypsow toute ma gratitude, je vous souhaite une bonne journée, au revoir.
Elle avait pris une voix mielleuse, comme si elle était en train de parler au président de la république en personne. Lèche botte ! Sa conversation m'avait tout de même intriguée, parlait-elle de la Cléo qui m'avait aidée ? Et qui était ce ou cette Callypsow ? La curiosité est un vilain défaut Cassy ! C'est à coup sur ce que m'aurait dit Lily. Cette pensé me fit sourire avant que je ne me souvienne d'une chose. Je ne l'avais pas appelée ! Mon dieu Lily allait me trucider.
- Mademoiselle Laukera êtes-vous parmi nous ? Demanda la directrice un air réprobateur sur le visage
- Oui désolée madame.
Premier jour et je me faisais déjà réprimander, ça commençait bien.
- Comme je vous le disais, notre établissement se situe en bordure de forêt. Il vous est formellement interdit de vous y rendre. Les autres règles sont les mêmes que dans tous les établissements, pas de téléphone portable durant les cours, une tenue vestimentaire correcte, interdiction de fumer... Tenez tout est noté dans ce document. Elle me tendit un petit papier avec noté en grand « règlement ».Vous serez dans la classe TSB, voici votre emploi du temps. Les cours commencent tous les jours à 8h45 précise et finissent à 18h00 sauf le mercredi et le vendredi où ils finissent à 12h30. Avez-vous des questions ?
- Non aucune, répondis-je
- Très bien dans ce cas je vous laisse rejoindre votre salle de cour, la porte se situe juste en face de mon bureau. Pour le reste, un élève se chargera bien de vous faire la visite.
Sur ces derniers mots elle me fit sortir du bureau, me claquant presque la porte au nez. Je détestais vraiment cette ville. Et tous ceux qui y habitaient par la même occasion. Je me dirigeais vers ma salle de cours avant de toquer plusieurs fois contre la porte.
- Entrez ! me cria une voix masculine.
Quand j'ouvris la porte tous se retournèrent, une fois de plus, sur moi. J'allais commencer à avoir l'habitude. Le professeur, âgé d'une trentaine d'année, me fit signe d'avancer vers lui.
- Bien, vous êtes la nouvelle je suppose.
Quelle perspicacité !
- Votre nom ?
- Laukera Cassiopée.
- Allez-vous asseoir auprès de mademoiselle Vilkanais je vous prie. Clèo, levez la main s'il vous plait.
Cette dernière leva les yeux en l'air avant de s'exécuter. Elle n'avait pas franchement l'air ravie, mais moi j'étais rassurée de la savoir dans ma classe. Je me dirigeais d'un pas rapide vers elle et m'installais à ses côtés.
La cour passa lentement. Vraiment très lentement. Tout comme le reste de la journée dans ce merveilleux lycée, notez bien la touche sarcastique de la phrase. Je n'avais plus quitté Cléo d'une semelle, elle devait me prendre pour un vrai pot de colle, mais avec elle les autres ne levaient même plus les yeux sur moi. Dès que nous arrivions, ils détournaient le regard et plus aucune remarque ne m'avait été lancée. Quand les autres élèves regardaient Cléo, ils avaient comme une pointe de peur et de respect dans les yeux, ce qui me parut un peu étrange.
Enfin la délivrance, ou presque. La cloche venait de sonner et tout le monde se dirigeait vers les bus avec enthousiasme. Je pris la même place que le matin c'est-à-dire à côté de Cléo. Elle n'avait pas ouvert la bouche depuis un moment quand j'essayais d'engager la conversation.
- Dit Cléo, tu connais quelqu'un qui s'appelle Callypsow ? demandais-je le plus innocemment possible.
Sa tête, qui était posée contre la vitre du bus, se retourna vivement vers moi, elle faisait des yeux ronds et faillit s'étouffer. Bah quoi qu'est-ce que j'avais dit ? C'était une simple question. Se rendant surement compte qu'elle faisait une tête pas possible elle se passa une main sur le visage et reprit avec son habituel air blasé.
- Ou t'as entendu ce prénom toi ? elle avait essayé de prendre une voix « neutre » mais je voyais bien que quelque chose n'allait pas.
- Dans le bureau de la directrice ce matin. Elle était au téléphone.
- C'est personne oublie-le.
- Le ? donc c'est un homme c'est ça ?
- Mais t'es pire qu'une fouine toi ! je t'ai dit de laisser tomber.
Elle avait pris un ton cassant mais j'étais bien trop curieuse pour laisser tomber maintenant. Elle avait eu une réaction tellement bizarre que je ne pus m'empêcher d'insister. Oui je sais, c'est pas bien, mais c'est plus fort que moi.
- La directrice a aussi parlé de toi, elle a dit un truc du genre « elle lui amènera ses cours » donc tu le connais ? Pourquoi tu ne veux pas me dire de qui il s'agit ?
Pour seule réponse elle fouilla dans son sac et enfonça ses écouteurs dans ses oreilles si violemment que je cru un instant qu'elle allait se percer les tympans !
Bon tant pis, mais je ne lâcherai pas l'affaire pour autant je suis têtue Cléo si tu savais. Je n'aime pas qu'on me cache des choses. Et puis après tout j'avais bien le droit de m'amuser un peu non ?