Travailler la pâte jusqu'à qu'elle soit suffisamment ferme.
Un homme en costard aux traits fermes et accompagné d'une coiffure impeccablement peigné en arrière s'approcha du comptoir de la boulangerie, prêt à commander deux pains aux chocolats. Il s'inclina en signe de salut à l'encontre des deux personnes déjà à l'intérieur à savoir le boulanger et Namjoon.
Namjoon, vêtu d'un col roulé gris et d'un jean, interrompit temporairement sa discussion avec le boulanger à la vue de cet inconnu. Il se décala vers sa gauche pour permettre au client de faire part de sa requête. Ce dernier s'exécuta bien vite. Le gérant ne tarda pas à mettre dans un sac en papier la commande, le dû passa d'une main à l'autre, tout comme la monnaie. Le client partit, d'un pas assuré, vers l'extérieur quand les au revoir ont été faits.
En constatant qu'aucun client n'était dans les parages, Namjoon se remit en face du boulanger, accoudé au comptoir qui les séparait et continua à conter sa journée.
Depuis ses huit ans, Namjoon avait pris l'habitude de s'arrêter dans cette boulangerie pour diverses raisons. Le plus souvent, quand cela n'était pas pour acheter un petit quelque chose, il venait pour converser avec le gérant, Monsieur Park. Il le considérait un peu comme son deuxième père, ou son oncle ou bien son ami. Il pouvait tout lui confier, que ce soit ses coups de blues, des moments dont il souhaitait se vanter, se plaindre, sa vision du monde. Tout sans aucun tabou. Le gérant lui était toujours d'une oreille attentive et essayait au mieux, quand cela était nécessaire, de le conseiller.
Chaque année, le jour de Noël, il avait l'occasion de recevoir un éclair au chocolat gratuit. C'était devenu comme une sorte de tradition depuis qu'il était enfant. Une tradition qu'il refusait de louper peu importe la raison.
« Ah et j'ai eu vingt à un contrôle de physique-chimie aujourd'hui ! Alors que je hais cette matière, surtout cette année en seconde. Ça ne mérite pas une récompense ça, monsieur Park... ? »
Rien qu'à la vue des iris brillants de l'adolescent sur sa personne à l'attente d'une réponse, Monsieur Park sut immédiatement ce que Namjoon sous-entendait par récompense. Il soupira, ce qui amplifia le regard de chien battu de Namjoon, et rappela d'une faible voix :
« On est pas le vingt-cinq décembre pour que tu aies un éclair gratuit, Namjoon.
- Mais on est le vingt-cinq novembre ? On a qu'à le décaler ? Et puis l'année dernière, j'ai pas eu l'occasion d'en avoir comme la boutique était fermé.
- Je t'en ai passé un gratuit, le jour d'après.
- Mais c'était plus le vingt-cinq ! Fit remarquer le plus jeune. »
À cette conclusion, les sourcils du gérant se froncèrent, affichant les petites rides sur son front pendant que Namjoon maintenait un sourcil levé, plus troublé de ses paroles qu'autre chose.
Lui-même se douter que ce qu'il avançait n'avait aucun sens. Ils s'étaient toujours mis d'accord qu'en signe de cadeau, le jour de Noël, un éclair au chocolat lui serait offert. Mais jamais le jour même de cet événement leur était essentiel dans cette tradition. C'est aujourd'hui que Namjoon mit en avant le fait que cela se produise chaque année, un vingt-cinq.
« C'est vrai, affirma le boulanger, des plus neutres.
- Ma tentative d'avoir un éclair gratuit ne fonctionnera pas, n'est-ce pas ?
- Si. Juste aujourd'hui, grâce à ta bonne note au lycée, et non à ta logique. Mais c'est la dernière fois, je te préviens ! Avertit le gérant.
- Merci beaucoup monsieur Park ! Vous êtes vraiment le meilleur des boulangers !
- Étrangement, tu me dis ça juste quand je suis sur le point de te donner quelque chose de gratuit... »
Namjoon rit à la réplique qu'il savait juste, avant de doucement s'excuser. Le boulanger fit glisser la petite vitre du comptoir, celle qui donnait l'accès aux desserts. Parmi les multiples exposés, il prit entre ses doigts l'éclair dorée à point, nappée d'un chocolat lisse et brillant.
Namjoon ne quitta pas la gourmandise des yeux, même quand le boulanger le lui tendit. Il la dévorait du regard. Il l'avait beau l'avoir vu et revu, l'éclair de cette boulangerie lui était toujours un délice oculaire. Il l'a pris d'un geste qui se voulait délicat, ça serait si regrettable si elle advenait à tomber au sol de par sa maladresse.
Il entendit le boulanger rire à son soin puis les pas de ce dernier se firent de plus en plus lointaines jusqu'à disparaître. Il était sûrement parti dans l'arrière-boutique, Namjoon n'en savait rien. Il n'avait de yeux que pour cet éclair si parfait, qui un peu plus tard, se verrait mourir de ces coups de molaires.
« Namjoon... Tu fais flipper à regarder un dessert comme ça... »
Chauffer pour faire partir l'humidité.
Namjoon ne dédaigna pas jeter, ne serait-ce qu'un coup d'oeil, pour apercevoir le propriétaire de cette voix. Rien qu'à ce timbre qui tendait un peu vers les aiguës, se faisait douce et délicat à l'oreille, et inspirait toutes les merveilles du monde ne pouvait qu'être assimilé à une seule personne, Park Jimin.
Les tintements de pièces entre elles tout comme des pas sur le carrelage lui signala l'approche de son cadet. Mais il resta tout autant insignifiant, yeux rivés sur l'éclair. Ses paupières se fermèrent peu à peu, déjà impatient, alors qu'il approchait le dessert d'entre ses lèvres. Il croqua un bout, mâcha deux fois et déjà, il s'exalta du goût divin que cela apportait à ses papilles gustatives.
« T'es réellement flippant. C'est qu'un éclair au chocolat Namjoon.
- C'est mon dessert favori, petit accro aux fossettes, j'y peux rien, dit-t-il après avoir mâché. »
Il posa enfin ses iris bruns sur la personne qu'était Jimin. Son cadet portait un haut blanc où sur son torse résidait une phrase en une langue qui lui était inconnue, ainsi qu'un pantacourt noir. Ses mèches de jais avaient une fente au milieu, permettant la distinction d'un bout de son front. De ses yeux félins, son visage fermé, Jimin le fixait, lassé ou bien un peu énervé. Cette appellation, il la détestait.
L'accro des fossettes. C'était un petit surnom que Namjoon lui avait donné il y a peu en se souvenant de leur première rencontre. Jimin était, jadis, hypnotisé par ses fossettes. Il les touchait tout le temps, que cela soit avec ses doigts ou plus régulièrement avec ses lèvres. Cette période avait duré plus de deux mois avant qu'il ne se décide à arrêter.
Namjoon rit rien qu'en n'y pensant, ou peut être que Jimin en était la cause. Même en l'observant ainsi, d'un regard meurtrier, Jimin n'était pas des plus effrayant. Il était comparable à une peluche qui semblait énervée. Et sa petite taille lui désavantageait assez. Il devait bien faire une tête de moins que lui. Il était bien plus mignon qu'autre chose. Il voulut lui ébouriffer les cheveux que Jimin en sentant cela allait arriver fit un pas, puis deux en arrière.
Jimin jura dans sa barbe à sa tentative d'être menaçant, sans succès, et alla vers le comptoir qu'il contourna bien vite. Derrière ce dernier se trouvait de nombreuses gourmandises résidant dans de bacs sur les étagères. Il y en avait pour tous les goûts. Sucettes, têtes brûlées, langues, chewing-gums et pleins de sucreries en tout genre. En bref, le paradis d'un bambin. Jimin n'en était plus un, maintenant âgé de treize ans, mais l'envie d'en s'y procurer l'une d'elle était encore présente.
Il piocha dans les chewing-gums et en attrapa trois, goût fraise. Namjoon l'avait regardé faire sans un mot, tout en dégustant son dessert favori. Il était déjà à la troisième bouchée de ce délice.
« C'est pour moi les chewing-gums ? Questionna Namjoon, la bouche pleine. Malgré cela, Jimin comprit la question puisqu'il rit comme si on venait de lui rapportait une blague.
- Toi ? Rêve. C'est pour mes amis. Et moi, au moins, je paye pour ça malgré que mon papa soit le gérant. »
Il troqua les chewing-gum de ses poches pour les pièces dans sa poche. Puis, il les posa, une par une sur le comptoir, près de la caisse, sans pour autant détourner son regard presque de défi lancé à Namjoon.
« Tu vois ? Là, je suis en train de payer, Namjoon.
- T'insinues quoi, exactement ?
- Que cet éclair, tu l'as eu gratuit.
- Comment tu le sais ça, Jimin ? »
Le cadet se rapprocha du plus grand, jusqu'à le faire face. Il alterna son regard entre l'éclair et son aîné et commença à débiter tout ce qu'il avait pu constater quand Namjoon se voyait recevoir un éclair gratuit.
« Quand c'est gratuit, tu admires cet éclair comme une œuvre d'art vivante. Comme si cela était la plus belle que tu aies eu l'occasion de voir. Ça en devient carrément glauque. Tes fossettes ressortent à force que tu souris, aussi. Tes pupilles brillent carrément, à un point où je crois que tes iris sont plus dilatés que la normale. Tu deviens soudainement plus heureux, et tu me taquines beaucoup plus quand j'ai le malheur de te voir, ce jour. »
Namjoon sourit déjà, sans en prendre conscience.
« Si tu ne l'avais pas eu gratuit, tu aurais eu un faible sourire, les fossettes pas autant marquées. Tu te serais gratté la nuque, toujours en deuil pour tes sous dépensés. Mais tes pupilles brilleraient toujours autant. Tu m'aurais demandé comment se passerait mes cours, si j'aurais besoin de ton aide pour une matière. Mais tu me taquinerais tout de même à la fin. Donc, cet éclair, tu l'as eu gratuit Namjoon, ne me dit pas le contraire. »
Une fois fait, laisser reposer jusqu'à qu'elle soit tiède au toucher.
Entendre de tels mots lui réchauffait en quelque sorte le coeur, lui donnait des frissons. Jimin avait su énoncer ces faits si facilement et avec une telle précision que ça ne pouvait que l'émouvoir. Il n'était pas si insignifiant, comme il le pensait, aux yeux du petit Jimin. Son sourire redoubla alors, ses fossettes firent surface sur ses joues. Son cadet avait fixé cet endroit quelques secondes, s'empêchant d'y y mettre son doigt, comme plus jeune, avant de détourner le regard.
« Bon, je suis pas venu pour discuter... Papa !, s'écria-t-il soudain, Je pars ! Je vais au centre commercial avec TaeTae et Jungkook !
- Ne rentre pas trop tard ! Répondit le boulanger, toujours à l'arrière-boutique.
- Oui ! T'inquiète pas ! »
Après un bref coup d'oeil sur Namjoon, il se dirigea vers la porte d'entrée. Il s'arrêta dans sa marche en sentant des bras glisser sur son torse jusqu'à qu'elles s'entourent autour de sa taille. Il se retrouva bien vite le dos collé à un torse, un menton sur son épaule et des mèches de jais caressait son visage. Ce comportement, il avait fini par en avoir l'habitude avec Namjoon.
« Tu me dis pas au revoir, à moi ? Susurra-t-on à son oreille.
- Lâche-moi...
- Dis-moi au revoir, d'abord.
- Au revoir, le fana des éclairs.
- Remplace ce surnom débile par mon prénom, espèce de stalkeur. »
Jimin resta silencieux des plus surpris. Stalkeur ? Juste, car il savait deviner quand l'éclair de Namjoon était acheté ou non ? Cela coulait de source pourtant, la différence était évidente. Il n'était pas un stalkeur.
Il essaya de se défaire de l'étreinte qu'il subissait. Il refusait de se soumettre ainsi, à lui obéir pour un simple '' au revoir ''. Il bougea dans tous les sens, pinça la peau du bras à découvert de Namjoon pour se libérer. Et rien ne marchait, Namjoon resta de marbre, il rit même, amusé sur les efforts vains.
« Je peux rester comme ça pendant des heures, tu sais ? C'est agréable...
- Namjoon... Mes amis m'attendent. »
Namjoon n'avait pas bougé pour autant. Il se mettait même à chantonner une petite mélodie à l'oreille du plus jeune. Jimin soupira, lassé. Il n'y avait qu'une solution s'il voulait partir sans faire attendre ses amis. Et avec les joues rougie d'embarras, il susurra :
« Au revoir Namjoon...
- Au revoir Jiminnie. Souffla l'aîné, bien heureux. C'était pas si difficile, n'est-ce pas ? Maintenant, va, petite chose. »
Il fit glisser ses mains jusqu'aux hanches du plus jeune avant de le pousser en avant. Ce fut si soudain pour Jimin qu'il faillit trébucher au sol. Le cadet bouillonna sur place, les poings serrés et une multitude d'homicides à l'égard de Namjoon en tête. Il n'osa pas pour autant le regarder une dernière fois, de peur que ce cirque se produise à nouveau.
À la place, les joues un peu rosées de gêne, il poussa la porte d'entrée et alla rejoindre ses deux amis qui l'attendait bras autour de la nuque de l'autre.
Placer la pâte dans un récipient.
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Bonsoir, huhu. Ça fait un peu longtemps.