Rimbaud et Lolita

By OhMyLonelyMonster

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La disparition de la jeune Nola Kellergan, tout le monde l'a oubliée, à Aurora. Ça se comprend, l'affaire rem... More

blurb
disclaimer
prologue
un // mouettes
deux // carottes
trois // cafés
quatre // équation
cinq // pluie
six // boîte
sept // monstre
huit // amertume
neuf // photographie
petit mot de l'auteure
dix // médisances
onze // vérité
douze // vengeance
treize // maison
quatorze // millard
quinze // lâche
seize // bébé
dix-sept // point de non-retour
dix-neuf // fantôme
vingt // corps
vingt-et-un // inopiné
vingt-deux // parias
vingt-trois // mère
bonus // océan mer
vingt-quatre // colère
vingt-cinq // winston
vingt-six // manuscrit
vingt-sept // sweet sixteen
vingt-huit // pénultième (1)
vingt-huit // pénultième (2)
vingt-neuf // glas
trente // rideau
trente-et-un // calamité
trente-deux // adieux
trente-trois // magouilles
trente-quatre // canada
trente-cinq // déchéance
trente-six // twitter
trente-sept // alma
trente-huit // retrouvailles
bonus // montages photos
trente-neuf // règle d'or
quarante // dorian gray (1)
quarante // dorian gray (2)
épilogue
the end...or is it?
des mouettes et des hommes

dix-huit // embarras

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By OhMyLonelyMonster

A Message, Coldplay

Ils ne se reparlèrent pas de la matinée. En rentrant, Marcus avala un bol de céréales, rien de plus. Quand Harry lui proposa du café, il secoua la tête et déclara, avant de s'enfermer dans le bureau :

— Il faut que je m'y mette, je n'ai pas écrit depuis des jours!

Évidemment, ce n'était qu'un prétexte pour échapper à Harry. Il se doutait que la chose à faire, dans de telles circonstances, était de s'asseoir avec lui et d'entamer une longue discussion sur ce qui s'était passé sur la plage, mais c'était au-delà de ses forces. La lâcheté l'emportait sur la politesse : il ne voulait pas se retrouver seul à seul, dans la même pièce, avec son ami. Enfin, s'il était toujours son ami. Était-ce seulement possible? Il ne le savait même plus.

Après plusieurs heures à se torturer le cerveau de la sorte, il finit par se désintéresser de son manuscrit. La main sous la joue, il lâcha un bruyant soupir quand il se surprit à relire la même phrase pour la troisième fois d'affilée. Ça ne servait à rien de s'entêter. Il avait besoin de faire une pause. Ça tombait bien, midi approchait.

Il s'était entendu avec Douglas pour se rencontrer en début de soirée seulement, mais comme ça lui prendrait au moins quatre heures pour se rendre à New York, bouchon de circulation oblige, il ferait mieux de partir tout de suite, juste au cas où. Maintenant, il devait en informer Harry. Il n'allait tout de même pas s'enfuir comme un voleur.

Par chance, il n'eut pas à le chercher bien longtemps : il se trouvait dans la cuisine devant un bol de riz blanc, des feuilles makis et tout un tas de légumes. Marcus s'adossa contre le cadre de porte. Il n'osait pas s'approcher davantage de lui.

— Bonjour, lança-t-il enfin d'une voix peu assurée.

Harry, les doigts collants de riz, leva les yeux de ses sushis. Il l'observa un moment avant de le saluer d'un signe de tête.

— Si vous avez faim, ne vous inquiétez pas, ce sera bientôt prêt. Enfin, si j'arrive à les couper sans les détruire.

Il désignait de la main les rouleaux devant lui.

— Je suis certain que ce sera délicieux, répondit Marcus. Dommage que je ne puisse pas rester pour y goûter, Douglas m'a invité à aller boire un verre ce soir. Si je veux arriver à temps, je devrais partir tout de suite.

Harry se figea un instant avant de lui sourire.

— Oh. Bien sûr.

Il lui souriait, mais ce n'était pas sincère. C'était le sourire poli qu'il réservait à ses étudiants lorsqu'ils répondaient n'importe comment à une question posée. Ils se regardèrent sans mot dire pendant un moment.

Une pensée le frappa soudain : Harry pensait-il qu'il venait d'inventer cette sortie au bar rien que pour prendre la fuite, après ce qui s'était passé ce matin? Il faillit dégainer son portable pour lui montrer le sms de Douglas en guise de preuve irréfutable.

À force de garder le silence, il commençait à se sentir nerveux. Il se gratta la nuque d'une main avec un sourire stupide collé sur le visage, pendant que Harry était retourné à ses sushis comme si de rien n'était.

— Bon, eh bien à plus tard, lâcha-t-il presque joyeusement.

Il s'apprêtait à tourner les talons quand Harry le retint.

— Marcus, vous n'avez donc rien à me dire?

Il avait son couteau de cuisine à la main, et Marcus craignit de le recevoir au milieu du front s'il donnait la mauvaise réponse. Il secoua doucement la tête.

— Non, je ne crois pas.

Il traversa le long couloir menant à la porte d'entrée. Dans son dos retentissait le bruit sourd du couteau contre la planche de bois. À ses oreilles, ça sonnait comme un glas.

//

Il n'arrivait pas à croire qu'il était déjà de retour à New York, un peu moins de douze heures après en être parti. Sa dispute avec Alice lui paraissait si loin, maintenant, comme dans un rêve... ou plutôt comme dans un cauchemar.

Il venait de se garer devant son appartement, dans lequel il n'était pas entré depuis des mois. La poussière devait s'être accumulée, quelle horreur. Enfin, pour le moment, c'était le cadet de ses soucis. Pendant tout le trajet d'Aurora à New York, il avait rejoué en boucle sa connerie de ce matin dans sa tête. Il fallait croire qu'il aimait se torturer l'esprit, un vrai masochiste.

Douglas lui avait donné rendez-vous dans un petit bar tranquille où il avait ses habitudes. Marcus y était déjà allé une ou deux fois, il se souvenait que ce n'était pas très loin de son appartement, alors il décida de s'y rendre à pied. Ça lui ferait du bien de se dégourdir les jambes.

En ce début de soirée, les trottoirs recouverts d'une fine couche de neige étaient peuplés de jeunes gens qui riaient fort et mal et de touristes qui s'amusaient à tout photographier. Sans surprise, il croisa beaucoup de couples qui se tenaient par la main ou qui s'embrassaient devant tout le monde, comme dans les films. Il leur en voulut tout de suite d'être si heureux.

Il croisa aussi des gens qui crurent le reconnaître et qui lui jetèrent des regards de travers. Des fans de Lydia Gloor, peut-être, ou des puritains homophobes. Ou les deux. Les mains dans les poches, il tâchait de les ignorer, même si ça lui pinçait le cœur chaque fois. Il relevait la tête de temps à temps pour ne pas louper le bar où l'attendait Douglas.

Bientôt, il reconnut son enseigne invitante de néons bleus criards et s'engouffra à l'intérieur. Les lumières tamisées de l'endroit ainsi que la balade rock qui jouait à l'arrière parvinrent à le faire sourire un peu. Il passa près du comptoir et des sièges en bois derrière lesquels s'affairait le barman, qui lui sourit au passage.

— Eh, Marcus, par ici! s'écria une voix bien connue.

Il tourna la tête vers le fond du bar : Douglas, assis seul à une table, lui faisait de grands signes de la main, de l'autre il tenait son portable. Il avait déjà une bière devant lui et s'empressa d'en commander une deuxième pour Marcus.

— Fais pas cette tête, c'est moi qui invite!

Marcus haussa les épaules.

— Comme tu veux.

Il se laissa tomber sur la chaise à côté de son ami. Douglas n'avait pas changé depuis la dernière fois qu'il l'avait vu cet été : les mêmes cheveux châtains pêle-mêle, le même sourire de gamin et le même geste nerveux de la main, répété au moins cinquante fois par jour, pour replacer ses lunettes carrées devant ses yeux.

Il gérait sa carrière d'écrivain depuis plus d'un an et agissait souvent comme intermédiaire entre lui et Roy Barnaski, son éditeur. Même s'il travaillait pour lui à la base, cela ne l'avait pas empêché de devenir son ami et de prendre régulièrement de ses nouvelles, et vice-versa.

— Wow, tu fais une de ces têtes, si tu te voyais..., s'étonna-t-il.

— Quel sens de l'observation, Doug, répliqua-t-il, sarcastique.

Il avala quelques gorgées de sa bière, puis observa le groupe de musique qui jouait ce soir. Quand le chanteur ne beuglait pas, il faussait, mais ça avait l'air de plaire à un groupe de filles qui leur bavaient presque dessus, non loin d'eux.

Trois mois plus tôt, il serait sans doute allé leur parler juste pour conserver sa couverture du parfait hétérosexuel, mais maintenant, ça ne servait plus à rien. C'était peut-être l'unique point positif de tout ce bourbier : il n'avait plus à faire semblant, avec personne.

— On dirait qu'ils jouent la même chanson depuis tout à l'heure, c'est aberrant, renifla Douglas.

Il regardait toujours le groupe de musique.

— T'es juste jaloux parce que ces filles ne t'accordent pas la moindre attention, s'amusa Marcus.

— N'importe quoi.

Son ami avait beau le nier, Marcus comprit qu'il avait visé dans le mille quand il se récolta un regard noir de sa part. Sacré Douglas... Il adorait le taquiner et ne s'en priva pas :

— Pas sûr que Kelly apprécierait, t'en penses quoi?

Douglas et elle étaient ensemble depuis quelques années et même s'ils n'en parlaient pas encore, Marcus était certain qu'ils finiraient par se marier et par fonder une famille. Il n'était pas difficile de les imaginer comme jeunes parents, ils étaient si irréprochables, si conventionnels. Pas comme lui.

— Toi, je t'emmerde, soupira Douglas. Je ne suis pas en train de tromper Kelly.

Marcus partit d'un grand rire.

— Remarque, t'es mal placé pour me reprocher ma soi-disant infidélité, toi.

Il perdit aussitôt son sourire. C'était au tour de Douglas de le regarder, narquois, au-dessus de son verre levé. Marcus baissa les yeux vers son propre verre. Il n'avait pas l'impression que son ami agissait de manière différente avec lui maintenant qu'il était au courant de son homosexualité; la preuve, il ne lui en avait même pas glissé un mot. Cela dit, il ne semblait pas approuver sa malhonnêteté par rapport à Lydia et Alice. Qui pourrait lui en vouloir?

— Je n'aurais pas dû faire ça, c'est vrai, concéda-t-il au bout d'un moment. Il y a des tas de trucs que je regrette, tu sais.

Douglas arqua un sourcil.

— C'est pour ça, le sms?

En guise d'explication, il alluma son portable et lui montra le dernier sms qu'il avait reçu de sa part. Merci, c'est en plein ce dont j'ai besoin. Je te raconte ça ce soir.

— Oui, c'est pour ça.

Avec un long soupir, Marcus enfouit son visage dans ses mains. Il n'avait pas le choix de tout lui raconter, maintenant. Il connaissait Douglas : il parviendrait tôt ou tard par tout comprendre, alors autant tout lui avouer maintenant.

— Si je te confie quelque chose, tu me promets que ça restera entre nous?

Douglas hocha la tête, mais ce n'était pas suffisant.

— Je suis sérieux, Doug. Oui ou non?

— Bah oui, je te le promets. Il se passe quoi, enfin?

Marcus but le reste de sa bière d'une traite, pour se donner du courage. Maintenant, Douglas le regardait non plus avec curiosité mais avec impatience.

— Tu es au courant des rumeurs à mon sujet? commença-t-il. Celles comme quoi il y aurait un truc entre Harry et moi?

— Harry comme dans Harry Quebert?

— Non, comme dans Harry Potter, répliqua Marcus en roulant les yeux.

Douglas leva les bras en l'air pour le calmer.

— Barnaski m'en a glissé un mot, l'autre jour. Il trouvait ça bien drôle. À l'entendre, ça ferait une sacrée bonne publicité pour ton prochain roman.

Bien sûr. Il n'y avait que lui pour imaginer pareille campagne publicitaire. Marcus se croisa les bras, le regard fixé sur son verre, vide.

— Et si je te disais qu'il a vraiment failli se passer un truc entre nous?

Les yeux de Douglas s'écarquillèrent à un point tel que ça le rendait ridicule. Lui qui était calé contre le dossier de sa chaise se redressa d'un seul coup, les deux mains à plat sur la table.

— Attends, tu déconnes, là?

Marcus secoua la tête.

— Mais je croyais que ce n'était que des rumeurs?

— Oui, je le croyais aussi.

Les yeux toujours baissés, il lui raconta toute l'histoire. Que Harry était pratiquement le seul à ne pas lui avoir tourné le dos en apprenant la vérité sur son orientation sexuelle, qu'il l'avait soutenu contre vents et marées.

Qu'il se sentait agacé quand Harry se confiait à lui sur Nola (il ne précisa pas qu'à l'époque, elle n'était qu'une adolescente de quinze ans, juste que c'était une fille qui avait aimé Harry avant de le quitter dans d'étranges circonstances).

Que pour une raison qui le dépassait, il avait failli l'embrasser ce matin.

Au fur et à mesure qu'il se vidait le cœur, il sentait ses joues chauffer et sentait qu'il étriperait Douglas s'il osait se moquer de lui. Heureusement pour lui, il agit comme un vrai ami : à la fin de son récit, il lui offrit une nouvelle bière. Reconnaissant, Marcus lui sourit avant d'en prendre une grande lampée.

— Wow, souffla enfin Douglas.

— Wow, en effet.

— Tu comptes faire quoi?

Marcus haussa les épaules et lui jeta un regard abattu.

— Franchement, je n'en sais rien. C'est peut-être moi qui, ironiquement, me laisse influencer par les médias?

— Pas forcément, tenta de le rassurer son ami. Si tu l'aimes, tu l'aimes, un point c'est tout.

— Justement, je n'en suis même pas sûr. Et puis, c'est pas un peu ridicule? Il doit bien avoir l'âge de mes parents.

Déjà que sa mère voyait son homosexualité d'un mauvais œil, comment réagirait-elle en apprenant qu'il éprouvait plus que de l'amitié pour Harry Quebert? Douglas lui sourit.

— Et alors? T'es majeur et vacciné, Marcus. C'est peut-être étonnant comme attirance, d'accord, mais ça n'a rien d'illégal.

Il n'avait pas tort, mais c'était facile pour lui de dire ça. Il avait une copine de son âge, personne ne lui jetait des regards de travers dans la rue. Mais à voir son regard brillant, il comprit que son ami n'essayait pas que de le réconforter. Il essayait de le pousser dans la bonne direction.

— Doug, j'ai peur.

— Peur? répéta son ami. Mais de quoi?

Marcus se frotta les yeux.

— Tu ne comprends pas? Je ne peux pas perdre Harry, murmura-t-il. C'est juste impensable.

Rien que cette idée lui tordait les entrailles.

— Ça n'arrivera pas. En tout cas, pas comme ça, lui assura Douglas.

— Comment tu peux en être sûr?

— Parce que s'il ne voulait pas de toi, Marcus, tu crois vraiment qu'il se serait laissé faire quand tu as essayé de l'embrasser?

Marcus cligna des yeux.

— Ce n'est pas une raison, enfin... Peut-être qu'il était sous le choc, tout simplement.

Douglas s'esclaffa.

— Mais non, abruti. De toute ma vie, je n'ai embrassé que des femmes, mais je pense que si l'autre se laisse faire, ça veut tout dire. C'est un signe universel, si tu veux.

Marcus sourit sans pouvoir s'en empêcher. C'était peut-être les sages paroles de Douglas ou bien l'alcool qui commençait à faire son effet, mais il se sentait déjà beaucoup mieux.

— Je fais quoi, Douglas? demanda-t-il enfin.

— Tu retournes à Aurora et tu t'expliques avec Harry. Je pense qu'il mérite de savoir la vérité. Et puis, tu ne peux pas le fuir éternellement.

Marcus prit une grande respiration. Il regarda son ami avec reconnaissance, il avait trouvé les bons mots. Douglas éclata de rire.

— Oh, arrête de me regarder avec tes yeux de merlan frit. Garde ça pour Harry, tu veux!

Roooh, Marcus est trop bête, mais je l'aime quand même 😂 J'espère que le chapitre vous a plu! 

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