La théorie des cactus

By Imaxgine

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Logan, c'est le grand brun aux yeux bridés qui aime les drames, ceux qui se terminent par de longs dialogues... More

Avant-propos.
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Épilogue.
Mot de la fin.

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By Imaxgine


Mes parents étaient tous les deux attablés dans la salle à manger. Ils lisaient le journal et sirotaient leur café comme ils avaient l'habitude de le faire le samedi matin. Parfois, ils se lançaient de petits regards et souriaient, mais ça n'allait pas plus loin. C'était ce qu'il y avait de bien avec les samedis. Personne n'était pressé d'aller au boulot et tout le monde profitait à fond de la journée. Le samedi matin avait quelque chose de bien singulier qu'on ne retrouvait pas dans les autres jours de la semaine. Que ce soit pour le silence qui régnait dans la maison ou pour le calme qui emplissait l'atmosphère, il y avait quelque chose de bon en cette journée de la semaine. Le reste du temps, nous n'avions plus une seconde à nous, entre les études et le travail. Et puis, le dimanche, le quotidien reprenait le dessus. Autant dire que seul le samedi se trouvait reposant.

Je suis entré dans la cuisine vêtu d'une vieille paire de short et d'un tee-shirt. Ma mère a levé les yeux dans ma direction, au moment où j'ai ouvert la porte du réfrigérateur.

— Bon matin, a-t-elle dit.

J'ai marmonné un semblant de phrase, trop occupé à trouver quelque chose à manger. Habituellement, ma mère aurait simplement abandonné tout espoir d'avoir une conversation convenable avec son fils, mais il y avait quelque chose dans son regard qui me laissait croire que je n'allais pas m'en sortir aussi facilement. C'est seulement lorsque j'ai vu les dépliants des universités que j'ai compris. Et celui qui était mis en avant était à l'effigie de l'Université de Toronto, où mes parents avaient fait leurs études et où ils me voyaient déjà diplômé.

J'ai poussé un soupir d'exaspération.

— Il est trop tôt pour ça, ai-je dit.

— Il est toujours trop tôt pour toi, Logan.

J'ai levé les yeux au ciel. Ma mère était une femme charmante, croyez-moi, mais lorsque le sujet des universités se présentait, elle était une toute autre personne. À croire qu'elle avait attendu toute sa vie pour me parler de l'Université de Toronto.

— Je me fais du soucis, a dit ma génitrice.

— À propos de quoi ?

— La moitié de l'année scolaire s'est déjà écoulée et tu n'as toujours pas fait ta demande.

— Je ne devrais pas avoir trop de difficulté à y entrer, ai-je rétorqué. J'ai des notes dans la moyenne et puis, je suis quasiment un élève modèle.

— Quasiment ? s'est étonné mon père, se joignant à la conversation.

— Logan, je sais que tu es bon à l'école, a repris ma mère sans se soucier de mon père.

— Mais ?

— Mais ce n'est pas assez. Il faut que tu prennes de l'avance. L'université n'acceptera pas ta demande en juin.

— Tu en es certaine ?

Ma mère m'a lancé un regard réprobateur. Quand elle me lançait ce genre de regard, je savais  alors qu'il était inutile d'insister. Les mères ont toujours raison. Point final.

— Je ferai ma demande cet après-midi, ai-je capitulé.

Mes parents ont échangé un regard qui en disait long.

— C'est promis. Je peux déjeuner tranquillement et profiter du peu de jeunesse qu'il me reste ?

Ça a fait rire ma mère.

— Tu es si dramatique, Logan.

— On me l'a déjà dit.

Elle a souri, avant de poser de nouveau les yeux sur son journal. Elle s'est remise à lire et le quotidien a repris tranquillement. Mon père a pris une gorgée de son café et j'ai agrippé une boîte de céréales à l'allure chimique. Je n'avais pas envie de me pencher sur les brochures d'université, surtout pas un samedi. J'avais d'autres projets en tête en me levant ce matin. Par exemple, j'aurais très bien pu passer la journée à flâner avec Lawrence. Nous pouvions passer des après-midi complets dans son sous-sol, à discuter et à jouer aux jeux vidéo.

Ennuyé, j'ai pris une bouchée de mes céréales. Mes parents se sont regardés, souriant l'un à l'autre, main dans la main. Ils m'ont toujours semblé être l'exception à la règle. Alors que nous vivions dans une société où les divorces étaient aussi fréquents que les mariages, mes parents étaient toujours ensemble, après trente ans d'union. Ils étaient encore du genre à se tenir la main, à se sourire et à s'embrasser.  On aurait presque dit un jeune couple nouvellement marié, qui faisait preuve d'insouciance dans la vie. Il m'arrivait souvent de me demander comment on pouvait supporter la même personne aussi longtemps, sans lâcher prise. Comment mes parents avaient-ils fait ? N'avaient-ils jamais été épuisés l'un de l'autre au point de vouloir rompre ? C'était difficile d'imaginer que cela pourrait être également mon cas. Ça me semblait impossible de vivre avec la même personne aussi longtemps, sans s'en lasser.

— Au fait, tes sœurs ont appelé, m'a informé ma mère. Elles comptent venir souper samedi prochain.

— Chouette.

— Tu seras là, n'est-ce-pas ?

— Je ne compte pas manquer l'occasion de voir Harper grosse comme une baleine, me suis-je moqué.

Ma mère m'a fait les gros yeux.

— Un conseil : si tu tiens à la vie, évite de dire ça à ta soeur.

— D'accord, d'accord. Les femmes enceintes sont des femmes dangereuses.

— Je le confirme ! a déclaré mon père.

— Tu exagères, Adriel. Je n'étais pas si terrible que ça.

Mon géniteur lui a lancé un regard lourd de sous-entendu. Je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire, alors que mes deux parents se fixaient en chien de faïence. C'était perdu d'avance pour mon père. C'était toujours ma mère qui remportait ce genre de dispute silencieuse. J'ai toujours mis ça sur le dos de l'instinct maternel. Selon moi, les mères ont ce pouvoir en elles qui fait en sorte qu'elles ont toujours le mot de la fin, même lorsqu'elles ont tort.

J'ai terminé mon bol de céréales et ai déposé ma vaisselle sale dans l'évier. Mes parents se lançaient toujours de drôles de regard et j'en suis venu à la conclusion que ce n'était pas prêt de se terminer.

— Te souviens-tu de la fois où tu m'as menacé avec un couteau à beurre parce que tu tenais absolument à ce que j'aille te chercher des fraises à l'épicerie du coin ?

— J'étais à huit mois de grossesse !

— C'est ce que je disais : tu étais une femme enceinte extrêmement dangereuse.

Ma mère a levé les yeux au ciel. Mes géniteurs ont continué de débattre pendant un bon moment. Au bout de quelques minutes, je me suis lassé. Même si mes parents agissaient comme un couple nouvellement marié, ils leur arrivaient de se disputer comme de vieilles personnes sur des sujets assez futiles.

— En tout cas, si vous avez besoin de moi, je serai dans ma chambre en train de me noyer dans les brochures d'université.

Mes parents n'ont pas réagi.

— Si je n'en ressors pas d'ici trois heures, c'est sûrement parce que j'ai sombré dans le désespoir et que je compte me faire sauter la cervelle.

Ils n'ont toujours pas réagi. J'ai levé les yeux au ciel, découragé.

— Moi aussi, je vous aime !

J'ai agrippé une brochure de l'Université de Toronto et me suis engagé dans le corridor qui menait à ma chambre.



Je pourrais vous mentir et vous dire que j'avais passé l'après-midi à bosser sur ma demande pour l'université. Le truc c'est que je suis un piètre menteur. En vérité, j'avais passé la majeure partie de la journée à regarder des vidéos qui ne m'apporteraient probablement pas grand chose dans la vie. Regarder un couteau brûlant couper des trucs en deux ou bosser sur ma demande d'université ? Allez savoir pourquoi, les couteaux brûlants m'attiraient davantage que la paperasse. Ma mère appelait ça « perdre son temps ». Moi, j'avais toujours vu cela comme un moyen plus facile de s'ouvrir au monde. J'étais peut-être un piètre menteur, mais je savais dire un nombre incalculable de conneries.

Alors que j'avais enfin retrouvé la motivation nécessaire pour bosser sur ma demande, Lawrence a appelé.

— T'es sérieux, Lawrence ? me suis-je exclamé.

— Euh... Je te dérange ?

— J'essaie de bosser sur ma demande d'université.

— Ah, rien que ça, a-t-il dit. Faut pas se mentir, on sait tous les deux que tu as passé l'après-midi sur Youtube.

Je suis resté silencieux pendant un moment.

— Comment le sais-tu ? ai-je demandé, suspicieux.

— Je t'ai espionné depuis ta fenêtre.

Je suis de nouveau resté muet. Ça pouvait paraître stupide, mais je n'ai pas pu m'empêcher de jeter un coup d'oeil à ma fenêtre. Ça ne m'aurait même pas étonné de retrouver mon meilleur ami appuyé à cet endroit, un sourire espiègle sur les lèvres.

— Là, je parie que tu regardes à ta fenêtre en te demandant où je suis passé. Comme tu peux être naïf, mon pote !

— Ta gueule, Lawrence, ai-je marmonné.

Mon ami a ricané.

— Quoi de neuf ? lui ai-je demandé.

— Drew vient de m'appeler.

— Et ?

— Et on a parlé.

— Ça, je m'en doute, ai-je dit. Alors, c'est réglé ?

Lawrence est resté silencieux un moment, comme s'il réfléchissait à la question.

— Pas vraiment, non.

— Comment ça ?

C'était un nouveau record. Ils ne s'étaient toujours pas remis ensemble et ce, même après deux semaines de séparation.

— Je lui ai dit d'aller se faire foutre, m'a avoué Lawrence.

— Tu n'aurais pas dû.

— Je sais.

— Alors... Pourquoi l'as-tu fait ?

— Parce que je suis un mec et que je suis terriblement con.

J'ai souri.

— J'ai vraiment cru que Drew était la bonne, tu sais.

— Tu n'as que dix-huit ans, lui ai-je rappelé. Tu as tout le temps qu'il te faut pour trouver la copine idéale.

Je l'ai entendu soupirer à l'autre bout du fil.

— Les filles sont tellement compliquées.

— C'est ce que je m'acharne à dire ! me suis-je exclamé.

— Réjouis-toi, j'ai rejoint ton club de célibataire endurci.

— Pas pour bien longtemps.

— Ouais, je suis tellement beau qu'aucune fille ne me résistera, a plaisanté Lawrence. Je n'ai qu'à me faire tatouer ici et là et toutes les filles seront à mes pieds.

— Tu voles la technique de Carter.

— Il n'en fait pas bon usage ! Je peux bien lui emprunter, il ne m'en voudra pas.

— Si tu le dis.

— Je devrais peut-être me faire tatouer un lion sur le bras.

— Un lion ? ai-je demandé, sceptique.

— Ouais, un lion. Ça fait... euh, sauvage.

— En quoi c'est une bonne chose ?

Je l'ai entendu soupirer à l'autre bout du fils.

— D'accord, le lion c'est une mauvaise idée. Un serpent, peut-être ?

Quelqu'un a frappé à ma porte. Je me suis excusé auprès de Lawrence, alors qu'il s'apprêtait à m'énumérer tous les tatouages qu'il pourrait se faire pour séduire les filles. J'ai posé le téléphone et ma mère est entrée dans ma chambre. Elle a jeté un regard circulaire à ma chambre, comme si elle craignait de tomber sur un vieux tas de vêtements sales. Il n'y avait rien de plus désagréable pour ma génitrice que de tomber sur une chambre en désordre. Le ménage était son obsession. Quand j'étais plus jeune, ma mère nous obligeait, mes soeurs et moi, à faire le ménage de notre chambre au moins une fois par semaine. En grandissant, j'avais appris qu'il valait mieux ranger sa chambre que d'avoir une mère en colère. Maintenant, ma piaule était toujours propre et bien rangée. Elle n'avait rien à voir avec celle de Lawrence où des croûtes de pizza traînaient entourées de vieux vêtements sales.

Lorsque ma mère a compris qu'elle ne risquait rien, elle s'est avancée. J'ai levé un sourcil dans sa direction, surpris par sa venue. Ma génitrice a jeté un coup d'oeil attentif au dépliant de l'Université de Toronto, puis s'est assise sur le bord de mon lit. Elle tenait quelque chose dans ses mains. On aurait dit une boîte à chaussure recouverte de papier d'emballage festif. Serait-ce un cadeau ?

— Qu'est-ce qui t'amène ? lui ai-je demandé, intrigué.

— Je viens m'assurer que tu ne ne comptes pas te faire éclater la cervelle.

J'ai souri.

— Ça va. Je n'ai pas encore sombré dans le désespoir.

— Tu m'en vois ravie, a dit ma mère. Oh, et je voulais t'informer qu'une fille est passée.

— Une fille ?

— Une très jolie fille. Sarah ? Samirah ? Enfin, quelque chose comme ça.

— Sacha.

— Oui, c'est ça. C'est une amie à toi ?

J'ai bougé inconfortablement sur mon lit. Sacha, une amie à moi ? Je l'aurais plutôt considéré comme une vague connaissance, voire comme une étrangère. Nous nous étions parlés quelques fois, tout au plus. Ça ne faisait pas pour autant de nous des amis. Il y avait tout de même quelque chose de curieux au fait que Sacha connaisse mon adresse. C'était à se demander comment elle l'avait obtenue.

Évidement, ma mère avait déjà commencé à se faire des illusions. Selon elle, j'étais quelqu'un pour qui il n'était pas bien difficile de se faire des amis. Elle avait tendance à surestimer la valeur de mon existence, au point de croire que j'avais plein de potes à l'école. Elle ne m'aurait probablement pas cru si je lui avais confier qu'en vérité, la majorité de mes camarades de classe ignoraient toujours mon existence, même si cela faisait des années que je les côtoyais. J'ai convenu qu'il valait mieux que je laisse ma mère se bercer dans l'illusion que sa progéniture était  bien réussie.

— C'est juste une fille avec qui je vais à l'école, ai-je dit.

— C'est une jolie fille.

J'ai levé les yeux au ciel.

— Tu l'as déjà dit.

— Est-ce qu'elle te plaît ?

— Maman ! ai-je protesté.

— Je suis curieuse, c'est tout. Ta vie m'intéresse, Logan.

— Je n'ai pas... Je n'ai pas envie de parler de ça avec toi.

Heureusement, ma mère n'a pas paru vexé. En fait, elle a plutôt eu l'air de comprendre ma requête.

— Alors, que me voulait Sacha ?

— Elle m'a demandé de te donner ça, m'a dit ma génitrice en me donnant le paquet qu'elle avait entre les mains. J'ignore ce que sais.

— C'est probablement ma livraison de drogue quotidienne, ai-je plaisanté.

— Si c'est le cas, je te renie.

— Tu n'es pas sérieuse ?

— Tu veux parier ?

Ma mère a haussé un sourcil, me mettant au défi de la contredire. J'ai décidé de ne pas répondre, sachant que peut importe ce que je dirais, je serais foutu. Quand ma génitrice me lançait ce genre de regard, je savais instinctivement que la meilleur solution qui s'offrait à moi était de changer de sujet. J'ai donc baissé la tête, mon attention rivée sur le colis que j'avais entre les mains. Il y avait une petite carte sur l'emballage. Je l'ai prise et l'ai soigneusement ouverte.

Ça ne sert à rien de mentir. - S

J'ai froncé les sourcils, intrigué. Sans plus attendre, j'ai arraché l'emballage du paquet et l'ai ouvert avec précaution. J'ai éclaté de rire en découvrant ce qu'il y avait à l'intérieur. Ma mère m'a alors lancé un drôle de regard, curieuse de savoir ce qu'il pouvait bien y avoir à l'intérieur de la boîte.

C'était un exemplaire de Gatsby le magnifique.

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