Panique à l'informatique - TE...

By MarieDewitte

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A la demande de son école, Candice, dix-sept ans, intègre le service informatique d'une petite entreprise pen... More

Première semaine (1/2)
Première semaine (2/2)
Deuxième semaine
Troisième semaine (1/2)
Troisième semaine (2/2)
Quatrième semaine (1/2)
Quatrième semaine (2/2)
Cinquième semaine (1/2)
Cinquième semaine (2/2)
Sixième semaine
Huitième semaine (1/3)
Huitième semaine (2/3)
Huitième semaine (3/3)
Neuvième semaine
Quelques semaines plus tard

Septième semaine

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By MarieDewitte

La canicule s'est abattue sur le pays cette semaine. Mes parents sont quand même partis en vacances samedi en me confiant la maison. Le WI-FI est toujours sous contrôle mais j'ai récupéré mon téléphone.

J'ai eu droit à mille recommandations. Je dois les appeler tous les soirs de la ligne fixe, pour qu'ils soient sûrs de ma présence à la maison. Et Mme Tamaris, la vieille voisine toujours à sa fenêtre a été prévenue. Elle ne manquera pas de leur signaler toute sortie ou arrivée suspecte.

Les consignes sont strictes mais je ne suis pas mécontente de me retrouver toute seule. Le dimanche après-midi, je me suis empressée d'inviter Séverine à la maison lui raconter mes dernières aventures. Elle a adoré. Je le savais. Elle est même déçue qu'il ne se passe rien d'aussi palpitant à son stage. Même avec Gilles. Toujours aussi gentil et prévenant mais ça piétine. Je ne lui répète pas ce que m'a dit Clément. Après tout, Gilles peut avoir un pote homo sans l'être lui-même.

Dans le bus ce matin, il fait déjà chaud. Toutes les fenêtres sont ouvertes car la climatisation, ça ne marche jamais très bien. Je m'évente mollement sur mon siège, redoutant déjà le retour. Demain je m'habillerai plus léger.

Au travail, c'est encore plus calme que d'habitude. Il n'y a plus de chef cette semaine. Antoine et Lucien sont partis aussi, laissant Gérard et Amaury veiller sur le réseau. Il y a peu de boulot. Toutes les opérations de maintenance ont été reportées à la rentrée.

Simone assure le secrétariat de Patrice, qui est parti depuis deux semaines déjà. Elle passe son temps à décrocher le téléphone et dire que Patrice rappellera à son retour. Puis elle note scrupuleusement chaque appel. Mais il y en a peu, tout le pays est en vacances.

Sauf Charles et moi. Nous continuons sur notre lancée. Nous avons décidé de présenter au retour de Michaël un petit projet viable. Il ne pourra pas englober la totalité du périmètre prévu, mais Charles espère que la partie qu'on rajeunit sera préservée. J'ai fini par le mettre au courant du destin annoncé du site internet. J'ai eu peur que ça le décourage, mais au contraire, il n'en est que plus déterminé à montrer de quoi nous sommes capables.

Malheureusement, les dieux du stage sont contre moi. Le mardi après-midi, alors que nous passons en revue la page de présentation, Charles se lève brusquement pour illustrer une idée sur le tableau blanc. Il fait un faux mouvement et se bloque le dos. C'est tout tordu qu'il regagne en clopinant son fauteuil pendant que j'appelle Simone.

Nous voilà toutes les deux devant lui, l'air embêté.

— Ça va, Charles, tu arrives à bouger ?

Un signe de dénégation nous répond. Il est trop occupé à serrer les dents sous la douleur pour parler.

— Tu veux qu'on appelle une ambulance ?

Cette fois-ci, il approuve.

Simone appelle les urgences. En attendant leur arrivée, nous restons tous les trois silencieux. Mon projet est en train de tomber à l'eau. Vu l'état de mon maître de stage, il ne risque pas de revenir dès le lendemain. Simone n'en mène pas large non plus. Sans chef pour décider, elle ne sait pas ce qu'elle va faire de moi. Quant à Charles, il souffre beaucoup trop pour ce genre de considération.

Les urgentistes arrivent enfin et embarquent le blessé sur une civière sous le regard de la foule de curieux qui a émergé du bâtiment. Au premier rang, nous les quatre rescapés d'Ergolax. Cela me fait de la peine pour Charles, même s'il a l'air de souffrir un peu moins avec la piqûre que les secours lui ont administrée.

Les portes vont se refermer. Je lui fais un dernier signe de la main.

— Bon courage, Charles. Et soigne-toi bien.

Mes derniers espoirs d'un projet de stage réussi se brisent dans un claquement de portières.

Le lendemain, c'est tout timidement que Simone me demande si je veux bien lui donner un coup de main. En plus des appels téléphoniques, Patrice l'a chargée de faire du rangement dans les dossiers. Mais aujourd'hui, elle est sans cesse dérangée par le téléphone. A croire que tout le pays veut joindre son patron.

J'accepte bien volontiers, même si cela ne m'emballe pas. Je n'ai de toute façon rien de mieux à faire. Je la suis dans son bureau, que je ne connais pas encore. Il est vaste... et très rempli. En voyant le nombre d'armoires qui tapissent les murs, je me demande pourquoi j'ai dit oui.

Nous travaillons dans le silence, seulement rompu par mes différentes questions sur le classement. Je me tâte à lui proposer un peu de musique. Cela serait plus gai. Je suis sûre qu'Amaury pourrait exceptionnellement nous débloquer l'accès au site de la radio. Mais là le téléphone sonne, et en la voyant répondre, je me dis que cela ferait désordre d'avoir de la variété en bruit de fond.

Une fois qu'elle a raccroché, j'essaie d'engager la conversation.

— Il t'en demande beaucoup quand même Patrice. Ranger tous ces dossiers toute seule. C'est au moins le boulot de trois personnes, non ?

— C'est sûr. Mais il faut bien que quelqu'un s'en charge. Comment Patrice pourrait-il s'en sortir sans moi ? Heureusement que tu me donnes un coup de main, ça me permettra sûrement de partir avant 20h.

Je suis horrifiée, mais je ne sais pas quoi dire de plus. Simone a l'air d'assumer pleinement son rôle de victime plus que consentante. Je ne peux quand même pas critiquer ouvertement le grand patron devant elle.

A midi, Gérard et Amaury viennent nous chercher, obligeant Simone à faire une vraie pause. Ils décident de braver mon interdiction de sortie en nous emmenant toutes les deux au restaurant chinois. Je dois dire que je suis soulagée. La cantine commence à me sortir par les yeux. Avec le peu d'effectif dans le bâtiment, il y a encore moins de choix que d'habitude.

Le garage lui ayant enfin rendu sa voiture, c'est tout fier qu'Amaury la prend pour nous conduire tous. C'est vrai qu'elle est belle. Un modèle pas trop coûteux mais une couleur incroyable qui brille au soleil, dévoilant des reflets d'une couleur opposée sur le cercle chromatique. J'ai peur de la salir en montant dedans. Et il y a la climatisation. Je suis presque tentée de lui demander de me ramener chez moi ce soir. Seule la pensée de ce que Mme Tamaris pourrait raconter à mes parents me fait préférer me taire. Tant pis, j'aurai chaud dans le bus.

Pendant le repas, c'est surtout Amaury qui parle, racontant à qui veut l'entendre (y compris nos voisins de table) ses projets de vacances pour la semaine prochaine. Avec des potes, ils ont prévu de descendre dans le sud, mais ils ne savent pas trop où encore. Ils verront sur place où planter leur tente. Partir à l'aventure, c'est leur truc. Cela finit toujours par des vacances démentes.

Tous ces projets de vacances me donnent le vague à l'âme. Même mes parents sont partis. Je n'en aurai pas cette année, et je n'aurai même pas la satisfaction d'un rapport de stage réussi. Je n'ai pas le moral aujourd'hui. Mais trier des vieux dossiers toute la journée avec un soleil aussi radieux donnerait le cafard à n'importe qui.

Le lendemain, nous continuons le tri avec Simone. Je suis impressionnée de tout ce qu'elle a fait après mon départ. Elle me confie, mais sous le sceau du secret, qu'elle ne décroche plus le téléphone passé 17h30, ce qui lui permet d'avancer beaucoup plus vite. Ouf, tout n'est pas perdu pour elle, une étincelle de rébellion brille encore quelque part dans son esprit.

Je me dirige vers une nouvelle armoire pour m'attaquer à son contenu. Quand j'ouvre les portes, un document s'en échappe et plane jusqu'à mes pieds. Je le ramasse et demande à Simone.

— Il y a un papier qui a volé quand j'ai ouvert l'armoire, j'en fais quoi ?

Simone est perdue dans son propre tri de l'autre côté du bureau. Elle se contente de me demander.

— C'est quoi comme document ?

Je me penche dessus et déchiffre l'entête.

— C'est un certificat médical d'aptitude vieux de quatre ans, au nom de... Amaury Mollignon.

— Tu peux le mettre dans le dossier jaune sur la troisième étagère, avec les autres certificats.

Je repère le dossier qu'elle m'a indiqué et m'exécute. Mais je ne peux pas m'empêcher d'ajouter.

— C'est marrant qu'il y ait eu plusieurs Amaury ici, ce n'est quand même pas un prénom très courant.

Mais Simone me corrige.

— Non, c'est toujours le même, le seul et l'unique. Mais il a pris le nom de sa mère quelque temps après son arrivée ici.

Je m'arrête net, foudroyée par la révélation. Amaury a changé de nom. Voilà pourquoi je n'ai jamais rien trouvé avec Amaury Courrère sur Internet. Et s'il a été jusqu'à changer de nom, c'est que le scandale a dû être énorme.

Je meurs d'envie de tout planter là pour me ruer sur le premier ordinateur venu mais je me raisonne. Il ne faut pas que Simone se doute de quelque chose.

Oui, je sais, j'ai promis de ne plus me mêler des affaires de mes collègues, mais les bonnes résolutions sont faites pour être transgressées, non ? Je verrais presque un signe du destin dans l'accident de Charles mardi. C'est grâce à lui que je travaille avec Simone aujourd'hui et que je suis tombée sur ce certificat. Ne pas chercher à en savoir plus serait criminel. Oui parfaitement.

A peine arrivée chez moi le soir, je me jette sur mon ordinateur, sans même prendre le temps de passer sous la douche après mon passage dans le sauna ambulant qu'est devenu le bus. Mais qu'est-ce qu'il est lent à s'allumer aujourd'hui. J'espère qu'il ne va pas se mettre à faire des mises à jour intempestives. Ce n'est vraiment pas le moment.

Enfin j'ouvre une page internet et tape dans le moteur de recherche "Amaury Mollignon procès". Les résultats s'affichent. Des liens vers de vieux articles sur des sites d'information. Je clique sur le premier.

"Grâce à son comité de soutien, Amaury Mollignon échappe de peu à la prison ferme".

Le titre ne m'apprend rien. Je parcours l'article rapidement, essayant de chercher le chef d'inculpation. Blablabla... le jeune homme de vingt-deux ans... blablabla... une peine de quatre ans de prison avec sursis... blablabla... sa victime Laurine n'a pas souhaité laisser de commentaire.

Je relève la tête soulagée. Déjà il n'y a pas de mort. Mais cet article ne me semble pas très intéressant, je clique sur un autre un peu plus vieux.

"Scandale au palais de justice, un informaticien accusé de détournement de mineure sur la fille d'un juge"

Détournement de mineur ? Ca existe encore ce genre de délit ? Je ne sais même pas ce que ça recouvre exactement. Je me dépêche de parcourir l'article. Blablabla... Laurine Motrisse, seize ans, fille unique du juge Motrisse... Blablabla...a quitté le domicile familial... Blablabla... Les deux jeunes gens entretenaient une relation depuis quelques mois...

Cela me semble délirant.

D'article en article, je finis par reconstituer toute l'histoire : Amaury et Laurine sortaient ensemble depuis quelques mois quand elle a brusquement quitté son domicile pour s'installer avec lui. Puis elle a changé d'avis et a porté plainte, soutenue par son père. Il avait alors vingt-deux ans et elle seize.

Je m'interromps un instant. L'âge n'a rien de choquant, j'en connais d'autres dans ce cas qui passent tous leurs week-end ensemble.

Amaury a été condamné à une peine de prison avec sursis. Et il s'est vu obligé de démissionner de son poste d'informaticien au palais de justice.

Je suis consternée. J'imagine le calvaire qu'il a vécu pendant tous ces mois. Voilà pourquoi il a changé de nom. Je suis sûre que cette affaire aurait probablement pu s'arranger à l'aimable, si ce n'avait pas été la fille d'un juge.

Je sais maintenant pourquoi il m'a fuie comme la peste quand il a su mon âge. Et puis tous ces atermoiements entre notre sympathie spontanée et les traumatismes de son passé, cela ne devait pas être évident pour lui.

J'aimerais l'assurer de mon soutien mais je ne pense pas qu'il ait envie d'entendre à nouveau parler de cette histoire. Il vaut mieux que je fasse semblant de rien.

Mais je n'en reviens toujours pas du comportement de Louise. Elle connaît les détails et malgré cela, elle m'a mise en garde contre lui comme si c'était un individu dangereux. Sa paranoïa en est presque risible. Sauf pour Amaury, sans cesse en butte à ses regards en coin et moues désapprobatrices.

Prise par mes recherches, je n'ai pas regardé l'heure. Il est déjà 20h. J'ai la flemme de me faire à manger. Je passe un appel rapide aux parents. Je prends une douche express et je finis avec un bol de céréales devant la télévision.

Une mauvaise surprise nous attend le vendredi. La climatisation du bâtiment est en panne. Il n'est que 9h et c'est déjà le four dans les locaux. Il faut dire que la température extérieure n'est pas descendue sous les 25°C cette nuit. Le système a surchauffé et claqué.

Simone appelle en urgence les réparateurs pour une intervention dans la journée. Mais à l'autre bout du fil, on lui rit presque au nez. Avec la canicule généralisée, les quelques techniciens qui ne sont pas en vacances sont débordés. Il ne faut pas espérer d'intervention avant lundi au mieux.

Gérard bougonne. Tous ces jeunes, ça pleurniche pour des détails. A l'époque, on travaillait qu'importe la température, et sans se plaindre encore. Mais la jeunesse maintenant, c'est fort pour s'amuser, mais quand il faut bosser, il n'y a plus personne.

Je le regarde étonnée. C'est bien la première fois que je le vois si critique. C'est vrai qu'il a mauvaise mine. Peut-être qu'il a des soucis. Mais il n'a pas l'air de vouloir les partager.

En arrivant ce matin, j'ai fait un grand sourire à Amaury. Il n'a sûrement pas compris pourquoi, mais c'était une façon pour moi de lui exprimer toute ma sympathie. Un peu étonné, il m'a juste répondu.

— Et bien tu as l'air en forme ce matin.

Toute la matinée, Simone et moi travaillons au ralenti. Même elle, d'habitude si dynamique, peine par cette chaleur. A midi nous décidons d'aller chercher les hommes pour aller manger tous ensemble mais nous ne trouvons que Gérard. Amaury est déjà parti faire quelques courses de dernière minute pour ses vacances.

Il revient en début d'après-midi les bras chargés alors que nous sommes tous au café, malgré la chaleur.

— Mais qu'est-ce que c'est tout ça ? s'étonne Simone.

— J'avais quelques achats à faire pour mes potes. Alors, vous en pensez quoi ?

Et il sort d'un sac un pistolet à eau à trois jets. Avant que nous puissions répondre, il en sort d'autres et enchaîne.

— Je me suis dit qu'on pourra les essayer. Il fait si chaud, ce n'est pas un temps à travailler.

Je manque de m'étrangler tandis que Gérard lève les yeux au ciel. Une bataille d'eau dans les locaux, il est dingue. Même si j'avoue que par cette chaleur, je suis tentée.

Amaury semble peiné de notre manque d'enthousiasme. Je prends l'air de rien un pistolet pour l'examiner.

— Et bien il a l'air pas mal. Mais un tir à dix mètres, je suis sûre que c'est exagéré.

— On parie ?

Il ne lui faut pas plus pour l'encourager. Avant que Simone puisse protester, il se met à remplir les réservoirs à la fontaine à eau. Puis il tend un pistolet à chacun.

— Gérard avec Candice et Simone avec moi. Le plus mouillé a perdu. Allez, c'est parti.

Il est déjà en train de s'éloigner pour prendre une position plus stratégique.

— Mais les machines ?

— On n'a qu'à fermer les portes et se cantonner au couloir.

Et il conclut ses paroles en m'arrosant. Je ne peux pas laisser passer ça. Je cours à sa suite pour l'asperger à mon tour. Derrière moi, j'entends Gérard se prendre au jeu et attaquer Simone qui crie. Et puis qui riposte.

Mais où est passé Amaury ? Je parcours le couloir désert. Tout à coup il surgit des toilettes derrière moi et m'arrose. Je proteste.

— C'est de la triche, on n'avait dit que les couloirs.

Pour toute réponse, je reçois une nouvelle salve d'eau. Je tire à mon tour, puis m'enfuis en courant. Mais il me talonne. Toujours poursuivie, je m'élance dans la cage d'escalier. Nous croisons deux collaborateurs d'une autre société qui nous regardent passer complètement éberlués. Nous investissons le deuxième étage et continuons la bataille. Je me suis retranchée derrière une armoire. Amaury est quelques mètres plus loin derrière une plante verte. J'ai l'avantage. J'en profite pour l'arroser copieusement. Les jets d'eau laissent des traces plus foncées sur les murs et la moquette. Mais avec cette chaleur, tout aura disparu d'ici quelques heures.

J'ai vidé tout mon réservoir. Je cours vers les toilettes les plus proches pour le remplir. Ce sont les toilettes pour hommes mais je ne m'arrête pas à ce détail. Alors que j'ouvre la porte, je sens de l'eau me mouiller le dos. Mon fourbe collègue a profité de mon absence de munition pour m'attaquer. Je m'engouffre dans les toilettes. Normalement, il n'a pas le droit de m'y suivre.

Mon réservoir enfin rempli, je souffle deux minutes avant de repartir. En levant les yeux, je croise mon reflet dans la glace. Mes cheveux mouillés pendent tristement le long de mon visage. Mon mascara a laissé quelques traînées sous mes yeux, me donnant un air de panda malheureux. Quand à mon top, il est plaqué par l'eau sur ma poitrine et menace de devenir prochainement transparent. J'ai l'air à moitié noyée mais mon adversaire n'est pas en meilleur état. Je repousse mes cheveux dans mon dos et repars à la bataille.

En ouvrant la porte je suis copieusement arrosée. Amaury en a profité pour refaire le plein aussi mais lui n'a pas perdu de temps à se contempler. Je crie de surprise et cours en louvoyant vers mon armoire qui m'a si bien protégée jusqu'à présent. Enfin planquée, je riposte à mon tour, mais au lieu de s'abriter, Amaury fonce au contraire droit vers moi. Quand il arrive à mon niveau, je lui fais un croche pied. Ma tactique fonctionne à merveille, il perd l'équilibre et bascule en avant. Il lâche son pistolet et m'agrippe le bras pour se rattraper. Prise par l'élan, je tombe à mon tour en avant et nous nous retrouvons au sol tous les deux, morts de rire.

— Une tactique intéressante mais un peu ratée, commence-t-il en reprenant son sérieux.

Je tourne la tête vers lui, étonnée de le découvrir si proche de moi. Je n'avais jamais remarqué les paillettes vertes dans ses yeux. Ni la petite cicatrice au coin de son nez.

Lui aussi me détaille. Je vais bientôt l'entendre se moquer de mes yeux de panda mais il garde son sérieux. C'est quoi cet air qu'il prend tout à coup ? J'ai l'impression qu'il se rapproche de moi. Il ne va quand même pas m'embrasser ?

Je lâche dans un souffle.

— Non ce n'est pas une bonne idée.

— Hein ?

— Après ce qu'il t'est arrivé, il ne vaut mieux pas.

Je le vois intégrer progressivement mes paroles. Il se redresse subitement.

— Qui t'a raconté ?

Je suis surprise par la véhémence de son ton.

— Personne, je l'ai découvert toute seule.

— Espèce de sale petite fouineuse.

Il se relève, furieux, et abandonnant son pistolet dans le couloir, il s'éloigne à grands pas. A cet instant, Simone et Gérard débarquent à leur tour. Ils sont aussi trempés que nous et viennent voir qui a gagné de notre côté. Gérard embrasse la scène d'un coup d'œil : moi à terre et Amaury l'air en colère.

— Mais que se passe-t-il ici ?

Mais Amaury ne lui répond pas, il passe devant eux et s'engage dans les escaliers. Je me décide à répondre.

— C'est de ma faute, j'ai été blessante.

Gérard me regarde comme si je l'avais déçu. Il n'aurait jamais pensé ça de moi.

Je me relève à mon tour, ramasse les pistolets et me dirige vers le bureau des anciens. Je dépose mon chargement près du poste de travail déserté de mon collègue et me rend dans les toilettes éponger le plus gros des dégâts avec le papier essuie-main.

Je m'en veux. Je me demande pourquoi je n'ai pas fermé ma gueule pour une fois. Un petit bisou n'aurait pas tiré à conséquence. Il partait en vacances ce soir et serait rentré après mon départ. En plus l'expérience ne m'aurait pas déplu. J'ai vraiment réagi comme une idiote.

Un coup d'œil dans le miroir me montre que j'ai retrouvé figure humaine. Par cette chaleur, mon top n'est plus que légèrement humide. Et mes cheveux commencent à frisotter. Un coup de brosse s'impose pour discipliner tout ça.

Je me dirige vers mon bureau. Dans les couloirs, je ne croise personne. Chacun a dû regagner son domaine. Je n'ai pas envie de refaire du classement. Si Simone a besoin de moi, qu'elle vienne me chercher. J'ouvre mon portable et décide d'avancer mon projet, encore délaissé.

A 17h, je passe dans le bureau des anciens avant de partir. Je veux saluer Amaury que je ne reverrai plus. Ils sont là tous les deux. Gérard relève la tête à mon arrivée mais son collègue m'ignore. Qu'importe je me lance quand même.

— Bon ben voilà, c'est l'heure de partir...

Mes mots sont hésitants. J'ai horreur des adieux, alors si mon interlocuteur n'y met même pas du sien...

Je reprends courageusement.

— Amaury, je te souhaite de bonnes vacances. J'ai vraiment apprécié de travailler avec toi...

Toujours aucune réaction de sa part. J'ai une boule dans la gorge, je crois qu'il vaut mieux directement conclure.

— J'espère que je n'ai pas été un trop gros boulet. La situation n'a été évidente pour personne avec les absences de Charles...

Je m'enferre là. Pas vraiment la direction que je voulais donner à mon monologue, je ne peux guère l'appeler autrement. Je décide de limiter les dégâts.

— Bon. Bonnes vacances en tout cas. Et toi Gérard, passe un bon week-end. On se retrouve lundi.

J'ai les yeux qui piquent un peu. Il ne m'a pas regardée une seule fois. On s'est quand même bien marré ensemble ces dernières semaines. J'aurais aimé une autre fin.

Je quitte brusquement le bureau. Va au diable Amaury Courrère !

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