Le 9 décembre
J'ai passé une partie de la fin de la semaine à courir partout et à me faire réprimander par ma cheffe qui, comme souvent, me trouvait tous les défauts du monde. Puis devant me préparer pour l'approche du rendez-vous avec Nash et continuer mes recherches de plus en plus intensives concernant les blinds dates, je n'ai pas vu le temps passer.
J'ai l'impression qu'en un clignement d'œil, je viens de sauter deux jours. Voilà que de mon jour de repos, je suis déjà à celui de ma séance cinéma avec mon cousin. D'ailleurs, en parlant du loup... J'entends sa voiture-poubelle, signe qu'il vient de s'engager dans le quartier.
Quand il entre dans la maison, c'est avec deux bonnes grosses pizzas pleines d'huile qui vont certainement me faire prendre un bon kilo. Mon cousin sourit en voyant les guirlandes dans le salon. Je me suis donné beaucoup de mal pour les accrocher et j'ai même failli finir estropiée à cause de mon chien. Ce dernier a bousculé l'escabeau pour rattraper son hochet qu'il avait fait voler dans la pièce et dans ma chute, j'ai pratiquement fait le grand écart en plus de m'être cogné le coude contre le meuble.
Seulement le plus important est que personne n'a été blessé. Certes, j'ai un hématome sur le coude, mais ce n'est qu'un détail. Puis désormais, ma maison est colorée ! Les poutres du salon sont recouvertes de guirlandes et de boules scintillantes. Quant à mes meubles, ils sont remplis de rênes en bois et de petits Père Noël rigolos. J'ai même mis des petites bougies rouges au bord afin de pouvoir illuminer le salon lors du réveillon. Ce sera superbe !
Un sourire me gagne en regardant le petit train que j'ai acheté la veille après le boulot. Oui, la figure en ville m'a vraiment inspirée. Puis il faut dire que j'ai toujours rêvé d'en avoir un. Après la crèche, le village, le carrousel et le Père Noël qui chante, il était temps d'avoir le petit train. Puis de toute façon, il était trop mignon pour que je continue dans le rayon sans le prendre. Eh oui, je me fais avoir chaque année.
Dire que j'étais allée au supermarché pour acheter du shampoing !
— Me serais-je trompé de destination ? Suis-je dans la maison du Père Noël ? plaisante Max avant de me serrer dans les bras. Comment ça va ? demande-t-il ensuite doucement.
— Ça va et toi ?
À l'aise comme s'il se trouvait dans son propre salon, Maxime se laisse tomber sur mon canapé et regarde la pile de DVD que j'ai sortie.
Je le laisse quelques instants pour aller chercher de quoi couper les pizzas. À peine suis-je assise qu'il étend ses bras le long de mon dossier.
— Alors, ton opération Alexander avance ?
Je regarde Maxime, attrape mon repas du soir hypercalorique puis soupire.
— Eh bien, la soirée avec Nash approche. Je n'ai pas eu de nouvelles de sa part, mais je suppose que c'est toujours d'actualité. De mon côté, je me suis inscrite à un groupe de blind dates. Normalement, ma première séance aura lieu la semaine prochaine.
— Bien sûr que ça tient toujours.
Max n'est pas Nash, mais je sais qu'il dit ça pour me rassurer.
— En tout cas, je suis fier de toi. Tu penses à un plan de secours et c'est très réfléchi.
— Merci, soupiré-je. C'est que j'ai tellement eu d'histoires bizarres jusqu'à maintenant que je préfère me préparer à toute éventualité.
Et quand je parle d'histoires bizarres, je ne fais pas seulement référence à mon opération Alexander, mais plutôt à l'ensemble de mes ex (même s'il n'y en a pas eu tant que ça).
— Je sais bien, compatit mon cousin.
Nous sommes tout de même le 9 décembre, ce qui veut dire qu'il ne me reste plus ou moins qu'une semaine pour trouver Alexander, alors si Nash ne prend pas ses jambes à son cou lorsque je lui ferais part de ma situation, je ne le lâcherais pas. Sinon, eh bien il ne me reste plus qu'à espérer tomber sur une bonne séance de blind dates.
— Tu veux bien m'expliquer comment tu as fait pour transporter ce sapin dans ta petite voiture ? remarque soudainement Max.
Ah, c'est vrai que je ne lui ai pas dit.
— C'est mon nouveau voisin, tu sais, celui devant lequel je me suis ridiculisée deux fois. Il était à la jardinerie en même temps que moi et Lucy a jugé bon de décider qu'il serait le taxi du sapin.
— Comment va-t-elle ?
Il fut un temps où Max aimait bien Lucy. Enfin, quand je dis « aimait bien », c'est plutôt qu'il craquait pour elle. C'était avant qu'il ne rencontre Alice. Mais il a toujours gardé un intérêt pour elle, détaché amoureusement ou sexuellement parlant bien sûr.
— Elle avait l'air en forme.
— Ça fait combien de temps que je ne l'ai pas vue ? songe-t-il.
— Au moins deux ans.
Alice ne l'aime pas. Car évidemment, elle a compris que son mari avait eu des sentiments pour elle à un certain moment.
— Et Andrew ?
— Il a grandi. Il se porte bien.
Max ne demande pas de nouvelles de Charles, car ils ne se sont jamais entendus. Il faut dire que l'homme à un petit côté provocateur qui ne passe pas avec tout le monde.
— Et ce Jales, il ne pourrait pas faire l'affaire pour Alexander ?
Je manque de m'étouffer avec mon morceau de pizza. Je n'y avais même pas pensé. Quoique, peut-être durant deux secondes si je dois être honnête. Il faut dire que le regard chocolat du prince des glaces ne laisse pas de marbre.
— Non, il est trop...
Max attend que je finisse ma phrase, mais je ne trouve pas le mot.
— Bref, c'est impossible. Puis tu imagines l'ambiance entre voisins après une telle scène ? Non, non. Je vais voir Nash demain soir et si jamais ça plante, j'ai le plan de secours.
— C'est vrai. J'avais oublié que tu étais devenue la reine de l'organisation, se moque mon ami et je rigole avec lui.
***
Ce n'est que vers les coups des vingt-trois heures que Maxime s'en va. Nous nous sommes goinfrés comme si nous n'avions pas mangé depuis une éternité. Nous avons encore discuté de l'opération Alexander, puis d'Alice et le temps est passé trop vite pour que l'on regarde un film.
Les bras croisés sur ma poitrine, j'accompagne désormais mon cousin dehors.
Comme souvent, j'ai laissé ma voiture sur le bord du trottoir pour que Max puisse se garer dans mon garage. Son auto est si capricieuse et vieille qu'il faut qu'elle soit au chaud pour redémarrer. Malgré son petit séjour douillet, elle met bien quinze minutes avant de se mettre en route.
Happy se colle à ma jambe tandis que je regarde la poubelle de mon cousin s'éloigner, le pot d'échappement crachant un ouragan de fumée. Je me mords les lèvres pour ne pas rire de l'épave qui sert de véhicule à Maxime. Avec ce qu'il gagne, il pourrait s'en acheter un autre, mais je crois qu'il y est vraiment attaché.
Un coup de vent frais me saisit le visage. Tout en frissonnant, je me dirige vers ma maison pour me couvrir un peu plus. Une fois ceci fait, j'attrape les clés de ma voiture. Désormais que Maxime est parti, je peux la rentrer dans mon garage. Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas vieille comme celle de mon cousin qu'elle n'a pas le droit d'être bichonnée. Elle permet de me rendre à mon boulot, d'aller voir mes parents ou d'aller faire les courses, ce n'est pas rien !
Je laisse Happy dans la maison et puisqu'il ne s'agit que d'une rapide sortie, décide de la faire en chaussons. Pas de chance, à mi-chemin entre mon pas de porte et le trottoir, je glisse sur l'herbe humide. Même si j'ai évité la chute en me rattrapant avec la main, je vérifie tout de même que personne ne m'ait vue.
Je me dirige ensuite vers l'asphalte quand des phares m'aveuglent. Instinctivement, je recule pour me mettre à couvert. On ne sait jamais de nos jours quel risque l'on peut courir en étant une femme, seule, la nuit. Pas besoin que le soleil se couche pour être en danger d'ailleurs.
Accroupie derrière un de mes arbustes, je me penche sur le côté pour tenter de reconnaître l'identité de la personne qui vient de me brûler la rétine. Je ne tarde pas à mettre un nom dessus puisqu'il s'agit de Jales. Ce dernier se gare devant mon véhicule d'une façon assez brusque et je m'apprête à sortir calmement de ma cachette improvisée lorsque je comprends ce qui va se passer. Mes mains se plaquent sur mes joues tandis que je me redresse complètement alerte.
— Attention ma voiture ! crié-je en traversant ma pelouse en glissant une nouvelle fois.
Cette fois-ci, je finis par terre en même temps que le bruit du derrière de son auto accrochant mon pare-chocs retentit. J'ai la poisse et même si je le savais déjà, je ne peux pas m'empêcher de me sentir mal.
— Ma pauvre voiture ! me plains-je en me relevant tout en époussetant mon vêtement.
Mes mains sont trempées et mon pantalon est taché.
À peine son véhicule est-il immobilisé que Jales sort de ce dernier et quand il me voit dans ma pelouse, son visage le trahit. Je devine sans mal que si je n'avais pas vu la scène, il serait probablement parti comme un voleur. Non, mais quel saligaud !
Pas le temps de penser au comportement de mon voisin, ma belle voiture estropiée me rappelle à l'ordre. Je porte la main à ma tête et m'approche de mon auto.
— Oh, la, la ! ne puis-je m'empêcher de souffler en regardant les dégâts.
Sa grosse voiture n'a pratiquement rien, elle.
Ah, Seigneur... Après la bonne soirée passée avec Maxime, voilà que les ennuis arrivent ! Franchement, comment a-t-il fait pour reculer dans mon véhicule ? Ne se voyait-il pas ? Certes, il est bien petit à côté du sien, mais tout de même ! Ce n'est pas un jouet, il prend sa place. En plus, j'étais sur ma partie de trottoir. Bon, peut-être était-ce la limite entre les deux maisons. Mais bon c'est tout de même lui qui a empiété sur mon territoire ! Où avait-il la tête bon sang ?
Je donne un coup d'œil à mon voisin et comprends en voyant l'expression collée sur son visage. Il n'était pas attentif et la contrariété que je remarque sur sa face ne doit certainement pas être causée seulement par l'accident. Soucis de boulot ? Peu importe, cela ne me concerne pas, je n'ai pas l'intention de jouer à la psychologue avec lui juste parce que pour une fois il dégage autre chose que de l'agacement.
Les mains sur les hanches, je retourne à mon observation de mon bien. Je n'arrive pas à y croire. Ma pauvre voiture. Dire que si Max était parti cinq minutes plus tôt, j'aurais pu éviter la catastrophe !
— Elle est bien abîmée, lancé-je en regardant le pare-chocs avant.
Mon voisin ne répond rien mais je remarque qu'il est, lui aussi, embêté.
— Je dois... enfin il me faut... Où est-ce que j'ai mis les papiers de constat déjà ? murmuré-je en fouillant les poches de mon manteau. Bah mes clés, où est-ce que je les ai mises ? Je les avais dans la main tout à l'heure pourtant ! C'est dingue ça. Qu'est-ce que j'en ai fait ?
Je fronce les sourcils et Jales porte la main à son front avant de soupirer, le regard posé sur mon véhicule accidenté. Il n'y a pas besoin d'être mécanicien pour deviner que les réparations ne seront pas données parce qu'il n'y est pas allé de mains mortes ! Comme si remplir un constat faisait partie de mon passe-temps préféré, tiens.
— Vous avez conscience que c'est vous qui êtes en tort au moins ? demandé-je en me tournant vers lui.
— Je sais.
On dirait que ça lui a coûté un bras de le dire.
— Je vous transmettrai les papiers du constat demain, continue-t-il avant de me tourner le dos pour rejoindre sa maison.
Est-ce une plaisanterie ? Je le regarde s'éloigner et fronce les sourcils. Vient-il de m'arnaquer là ? Parfaitement oui !
Les mains dans les poches de mon manteau, je marmonne toute seule en me retournant. Il n'a même pas attendu que j'essaie d'allumer ma voiture. Et si cette dernière ne démarre plus, comment vais-je faire moi ? Il accidente mon véhicule et s'en fout royalement que je me retrouve à pied à cause de lui.
Après un soupir, j'éclaire le sol avec la lumière de mon portable pour voir où je marche et je m'exclame en retrouvant mes clés par terre, à quelques mètres de moi. J'ai dû les faire tomber tandis que je partais me cacher derrière mon buisson.
— Ah, satanées clés ! râlé-je en me baissant pour attraper ces dernières.
Quel beau bilan de fin de journée : un bon kilo de gagné à cause des pizzas et une voiture pétée !
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NOTE AUTEUR
Est-ce que vous aussi, vous aimez bien les soirées cinéma avec Maxime ?
Jales qui recule dans la voiture d'Annabelle... Pas de bol, n'est-ce pas ? Pire encore, voilà qu'il s'en va sans même remplir les papiers et tout ça, parce la boulette sur pattes n'a pas retrouvé ses clés ! Pas de chance un jour, pas de chance toujours haha